N° 129

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale
en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour
2024,

TOME V

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Par Mme Amel GACQUERRE,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; M. Jean-Pierre Bansard, Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Mme Evelyne Corbière Naminzo, MM. Pierre Cuypers, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Stéphane Fouassin, Mmes Amel Gacquerre, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Mme Sophie Primas, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 22 novembre 2023, la commission des affaires économiques a adopté les crédits de la mission « Recherche ». Pour sa quatrième année de mise en oeuvre, la trajectoire de la loi de programmation pour la recherche est respectée. Cette trajectoire a toutefois été fixée en euros courants, c'est-à-dire sans tenir compte de l'inflation.

Aujourd'hui, les budgets des établissements de recherche demeurent significativement impactés par la hausse des coûts de l'énergie, non compensée pour 2024, et les mesures successives de revalorisation salariale, désormais seulement partiellement compensées.

Malgré une tendance toujours marquée à la dispersion des crédits, la rapporteure salue le renforcement des politiques spatiale et nucléaire, indispensable à notre compétitivité, à notre souveraineté et à notre réindustrialisation. Ainsi, ce projet de loi de finances est marqué par le renforcement du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, dans un contexte de renouveau de la filière nucléaire civile française.

Alors qu'une première actualisation de la loi de programmation de la recherche aurait pu intervenir dès 2023, cette actualisation n'a pas eu lieu, ne permettant pas d'ajuster la trajectoire prévue, ni de mener les réformes d'ampleur - en premier lieu l'évolution du crédit d'impôt recherche - nécessaires pour soutenir plus efficacement la recherche.

I. LOI DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE : UNE TRAJECTOIRE RESPECTÉE POUR LA QUATRIÈME ANNÉE

A. LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2024 DEMEURE FIDÈLE À LA TRAJECTOIRE DE LA LOI DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE

1. Une trajectoire budgétaire fidèle à celle prévue par la loi de programmation

Au total, pour 2024, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (Mires) devraient être de 32,3 Md€ en autorisations d'engagement et de 31,8 Md€ en crédits de paiement, soit une hausse respective de 3,5 % et 3,3 % par rapport à l'an dernier.

Les mesures découlant de la mise en oeuvre, pour la quatrième année, des engagements de la loi de programmation de la recherche (LPR) demeurent fidèles à la trajectoire prévue. Budgétairement, cela se traduit notamment par une hausse de 528 M€ en autorisations d'engagement et de 324 M€ en crédits de paiement pour le seul programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » auquel sont rattachés de nombreux et grands établissements de recherche.

2. Une trajectoire d'emplois fidèle à celle prévue par la loi de programmation

Le plafond d'emplois demeure presque stable par rapport à l'an dernier, les opérateurs de recherche ayant encore suffisamment de vacance pour des recrutements supplémentaires. La croissance prévisionnelle des emplois est de 198 ETPT pour l'année 2024, ce qui représenterait, par rapport aux effectifs de l'année 2020, une croissance cumulée des emplois de 1 105 ETPT.

Cette année, la hausse des emplois s'effectue principalement au bénéfice du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), à hauteur de 204 ETPT, ce qui s'explique par le renouveau actuel de la filière nucléaire civile française.

B. LE RESPECT DE CETTE TRAJECTOIRE SE TRADUIT NOTAMMENT PAR UN RENFORCEMENT CONTINU DES OPÉRATEURS DE RECHERCHE

1. La montée en puissance continue de l'Agence nationale pour la recherche permet de soutenir l'ensemble de l'écosystème de recherche

Depuis la mise en oeuvre de la LPR, l'Agence nationale pour la recherche (ANR) est l'opérateur qui bénéficie le plus de la LPR. Son renforcement, continu depuis 2021, est d'autant plus important que l'ANR est désormais l'un des principaux opérateurs de la mise en oeuvre du PIA 4 et de France 2030, gérant 11,5 Md€ de crédits à ce titre. Ce renforcement se traduit notamment par l'évolution favorable des indicateurs suivants :

· pour 2024, les moyens alloués à l'ANR sont en hausse d'environ 120 M€, ses crédits d'intervention atteignant ainsi 1,31 Md€ en autorisations d'engagement et 1,046 Md€ en crédits de paiement ;

· pour 2024, le plafond d'emplois de l'ANR est augmenté de 17 ETPT, dont 7 ETPT directement liés à l'augmentation de l'activité induite par la LPR ;

· le taux de succès de l'appel à projets générique est passé de 17 % en 2020 à 23 % en 2022 et devrait atteindre 24 % en 2023, l'objectif étant de 30 % d'ici 2027, ce qui représente 500 projets de recherche supplémentaires avec un financement moyen de 441 000 € par projet ;

· le taux de préciput, soit l'abondement financier versé par l'ANR aux établissements participant au service public de la recherche, est passé de 19 % en 2019 à 30 % en 2023, la cible étant de 40 % d'ici 2027 ;

· les financements des instituts Carnot sont, à périmètre constant, en hausse de 16 M€ par rapport à l'an dernier.

2. Le renforcement continu des moyens alloués aux établissements de recherche

Dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2024, la rapporteure constate que les établissements de recherche relevant du programme 172 bénéficient d'une hausse des moyens qui leur sont alloués, à hauteur d'environ 120 M€, dont au moins 60 M€ pour le Centre national de la recherche scientifique (Cnrs).

Si cette hausse est appréciée par l'ensemble des personnes auditionnées, elle apparaît de plus en plus comme insuffisante au regard de la hausse durable des prix, et donc de la succession des mesures de revalorisation salariale et de la hausse des coûts de l'énergie, ce qui amoindrit la portée et l'ambition de la LPR jusqu'en 2027.

La rapporteure souhaite également saluer les récents efforts de structuration des hausses budgétaires selon des axes de recherche prioritaires, une démarche jugée indispensable pour renforcer la compétitivité et la souveraineté économiques de la France. Ainsi, une attention particulière est accordée aux politiques nucléaire et spatiale.

II. POLITIQUES D'AVENIR : UN RENOUVEAU DES FILIÈRES INDUSTRIELLES DU NUCLÉAIRE ET DU SPATIAL À ACCOMPAGNER

A. UN TOURNANT HISTORIQUE POUR LA FILIÈRE NUCLÉAIRE FRANÇAISE QUI NÉCESSITE UN RENFORCEMENT DE LA RECHERCHE NUCLÉAIRE

1. Un renouveau inédit et attendu de la filière nucléaire française pour soutenir la décarbonation de notre économie

Alors que la filière nucléaire française subissait un regrettable déclin depuis les années 2010 faute d'une stratégie politique, énergétique et industrielle appropriée pour atteindre l'objectif de décarbonation de notre production d'énergie à horizon 2050, le renouveau engagé depuis les deux dernières années trouve enfin ses premières traductions budgétaires significatives dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2024.

En juin dernier, l'adoption de la loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes a permis de concrétiser l'ambition du discours de Belfort prononcé par le Président de la République le 10 février 2022. Au-delà des dispositions prises pour prolonger l'exploitation du parc nucléaire existant, la construction de 6 nouveaux réacteurs de type EPR 2, notamment sur les sites de Penly, de Gravelines et du Bugey, a été actée.

Lors du dernier Conseil de politique nucléaire du 19 juillet 2023, il a également décidé qu'un effort significatif de recherche en faveur des petits réacteurs modulaires (PMR) et innovants (RMA) était indispensable, tout comme le renforcement conséquent des effectifs et des infrastructures de recherche de la branche civile de la filière nucléaire.

2. Un renforcement indispensable des moyens budgétaires et humains du CEA pour soutenir le renouveau de la filière

Dans la continuité des évolutions législatives récentes et des dernières décisions gouvernementales, ce projet de loi de finances pour 2024 est marqué par un renforcement des moyens alloués au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), fer de lance de la recherche nucléaire en France et en Europe. Ainsi, en 2024 :

· les subventions versées par l'État devraient s'élever à 4,17 Md€ contre 3,83 Md€ en 2023, dont 1,36 Md€ pour ses activités civiles et 2,81 Md€ pour ses activités militaires, ces dernières connaissant la plus forte hausse budgétaire ;

Source : commission des affaires économiques, à partir des données budgétaires

· une hausse de 204 ETPT dont 146 ETPT pour ses activités de recherche et de développement (R&D) est prévue, le CEA souhaitant recruter jusqu'à 500 ETP en R&D dans les prochaines années afin d'accompagner la relance de la filière nucléaire, être à la pointe des innovations et demeurer à la frontière technologique.

La hausse des subventions versées au CEA permettra notamment de poursuivre le financement du réacteur de recherche Jules Horowitz dédié principalement à l'étude des matériaux et des combustibles nucléaires sous irradiation, un dernier versement de 26,6 M€ étant prévu en 2024 au titre du PIA 3. Le CEA a également obtenu des financements dédiés à la construction de deux nouvelles infrastructures de recherche dans le domaine des réacteurs à sels fondus.

Tout en souhaitant préserver ses acquis dans le domaine des réacteurs à neutrons rapides (RNR) et des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium (RNR-Na), le CEA accélère désormais ses activités de R&D dans le domaine des réacteurs à neutrons rapides à sels fondus (MSR) et des autres modèles de réacteurs offrant plusieurs avantages potentiels par rapport aux réacteurs traditionnels. En 2024, les moyens budgétaires qui seront mobilisés pour le « Nucléaire de demain » devraient ainsi s'élever à 68 M€.

La rapporteure souhaiterait également rappeler que le renforcement des moyens du CEA est d'autant plus nécessaire que l'établissement est amené à animer encore davantage l'écosystème national de R&D en matière nucléaire, ainsi que d'accompagner les jeunes entreprises innovantes dans la maturation de leurs projets.

3. Une attention particulière à accorder au CEA au regard de son exposition à la hausse des coûts de l'énergie

Si tous les organismes de recherche sont contraints d'adapter leur budget à la hausse générale des prix, et en particulier à la hausse des prix de l'énergie, le CEA, en raison de la nature de ses activités, est particulièrement exposé au contexte inflationniste.

Alors que les surcoûts énergétiques liés aux activités civiles du CEA sont estimés à 56 M€ pour l'année 2023, ces surcoûts n'ont été que partiellement compensés, à hauteur d'environ 30 M€ pour les activités civiles et les infrastructures de recherche.

Même si les effets de la hausse des prix de l'énergie devraient être moindres que l'année passée, le CEA anticipe tout de même une hausse de 31 M€ en 2024 dont 23 M€ pour sa facture d'électricité et 8 M€ pour sa facture de gaz. La rapporteure constate que ces surcoûts ne sont que partiellement compensés dans le cadre de ce projet de loi de finances, le reste à charge étant évalué à 21 M€. La rapporteure considère que cette compensation partielle des surcoûts énergétiques est incompatible avec l'objectif affiché de relance de la filière nucléaire française, dont le CEA est l'un des fers de lance.

B. UNE FILIÈRE SPATIALE À LA CROISÉE DES CHEMINS POUR GARANTIR À L'EUROPE UN RETOUR DE SON AUTONOMIE D'ACCÈS À L'ESPACE

1. Une hausse significative du budget dédié au financement de la politique spatiale qui se poursuit malgré une dispersion des crédits toujours importante

Lors de l'ouverture du Congrès astronautique international (IAC) en septembre 2022, la Première ministre avait annoncé une mobilisation budgétaire d'environ 9 Md€ pour les trois prochaines années, sur les volets civil et militaire de la politique spatiale.

Pour la période 2023-2025, cela correspond à une hausse de 25 % des dépenses dédiées à la politique spatiale par rapport à la période 2020-2023, même si cette annonce ne se traduit pas systématiquement par une ouverture de nouveaux crédits, car certains étaient déjà engagés dans le cadre de la loi de programmation pour la recherche et de France 2030. Sur la période 2023-2025, la répartition estimée des crédits est la suivante, ce projet de loi de finances étant marqué par la poursuite des engagements budgétaires :

· 400 M€ financés par le programme budgétaire 191 « Recherche duale » dont 130 M€ prévus par le PLF 2024 ;

· 5,7 Md€ financés par le programme budgétaire 193 « Recherche spatiale » dont 1,9 Md€ prévus par le PLF 2024 ;

· 1 Md€ financé par le programme d'investissement France 2030 ;

· 2,2 Md€ prévus par la loi de programmation militaire (LPM).

2. Une hausse bienvenue de la contribution de la France au budget triennal de l'Agence spatiale européenne mais qui relègue la France au deuxième rang

Lors du Conseil ministériel de novembre 2022, les États membres se sont engagés à souscrire au budget de l'Agence spatiale européenne (ESA) pour la période 2023-2025, la France étant désormais le deuxième contributeur national après l'Allemagne, avec des engagements budgétaires qui s'élèvent respectivement à 3,2 et à 3,5 Md€ sur trois ans.

Lors du dernier Conseil ministériel de novembre 2023, la France a engagé 1,108 Md€ pour l'année 2024, un engagement également inférieur à celui de l'Allemagne, dont 1,067 Md€ au titre du programme budgétaire 193 et 41 M€ au titre des investissements France 2030. Même s'il y aura d'autres Conseils ministériels, les contributions annuelles prévisionnelles de la France au budget de l'ESA devraient être fixées aux alentours de 1,1 Md€ jusqu'en 2027.

Source : commission des affaires économiques, à partir des données budgétaires et prévisionnelles

3. En contrepartie, la France doit plaider en faveur d'un juste « retour sur investissement » pour soutenir sa base industrielle et technologique

L'enjeu pour la France est désormais d'assurer un bon « retour sur investissement » en fonction de ses priorités politiques, économiques, industrielles, scientifiques et technologiques. Dans cette perspective, la rapporteure souhaiterait particulièrement attirer l'attention sur :

· l'impérative nécessité de finaliser le développement d'Ariane 6 pour permettre à la France et à l'Europe de retrouver un accès autonome et durable à l'espace dans la mesure où le dernier vol d'Ariane 5 a eu lieu, où les lanceurs Soyouz ne sont plus employés et où les lanceurs Vega-C ont des difficultés techniques en vol ;

· l'exploitation des nouvelles opportunités et des nouveaux besoins grâce à Ariane 6, en particulier pour la mise en orbite des constellations de connectivité, en parallèle des commandes institutionnelles ;

· l'engagement des entreprises françaises dans le déploiement de la constellation européenne de connectivité sécurisée, la France prévoyant une contribution financière de 300 M€ par l'intermédiaire du plan France 2030 ;

· le besoin d'intensifier le niveau de concurrence au sein du secteur industriel spatial, en accompagnant le développement des jeunes entreprises innovantes et des acteurs émergents, en particulier dans le domaine des lanceurs et des micro-lanceurs ;

· le développement des technologies réutilisables et moins consommatrices d'énergie pour préparer l'avenir de l'exploration spatiale.

III. LE FINANCEMENT DE LA RECHERCHE RISQUE POURTANT D'ÊTRE DURABLEMENT ENTRAVÉ PAR LE CONTEXTE INFLATIONNISTE

A. UNE AMBITION CONTRARIÉE PAR LES COMPENSATIONS PARTIELLES DES SURCOÛTS ÉNERGÉTIQUES ET DES MESURES SALARIALES

1. L'ambition de la LPR, dont la trajectoire demeure incertaine et non contraignante, ne peut être que revue à la baisse à cause de l'inflation

Dans ce contexte de hausse générale des prix et des coûts de l'énergie, la rapporteure rappelle que la trajectoire budgétaire de la loi de programmation de la recherche a été fixée en euros courants et non en euros constants, soit sans tenir compte de l'inflation, ce qui avait déjà été fortement critiqué par le Sénat lors de l'examen de la loi en 2020.

Évolutions prévisionnelles des trajectoires budgétaires de la LPR
en euros courants et en euros constants

 

2023

2024

2025

2026

2027

Trajectoire en € courants

1,25 Md

1,8 Md

2,3 Md

2,8 Md

3,3 Md

Trajectoire en € constants 2022

1,2 Md

1,68 Md

2,1 Md

2,5 Md

2,9 Md

Écart prévisionnel

50 M

120 M

200 M

300 M

400 M

Source : commission des affaires économiques, à partir des données budgétaires

La présentation du projet de loi de finances pour 2024, élaboré sur la base de la nouvelle programmation pluriannuelle des finances publiques pour 2023-2027, aurait pu être l'opportunité d'ajuster la LPR à l'inflation, mais cela n'a pas été le choix du Gouvernement. C'est pourquoi la trajectoire budgétaire continue de se déployer sans réelle prise en compte de la hausse générale des prix, malgré des mesures temporaires de compensation partielle.

2. Les surcoûts énergétiques des établissements de recherche ne sont que partiellement compensés

Aujourd'hui, le budget des établissements de recherche demeure fortement impacté par la hausse des prix de l'énergie, même si cette hausse est moindre que l'an dernier, cette hausse n'étant aujourd'hui que partiellement compensée.

Ainsi, en 2023, 55 M€ ont été versés aux organismes de recherche relevant du programme 172 afin de les aider à faire face à leurs surcoûts énergétiques. Toutefois, pour 2024, il n'est pas prévu de mesures particulières de compensation, même si des mesures en gestion pourront être prises en cours d'année, selon la volatilité des marchés et des prix énergétiques. Pourtant, cet impact ne saurait être négligé. Par exemple, selon les informations transmises à la rapporteure :

· le CEA estime que le surcoût énergétique de ses activités civiles a été de 56 M€ en 2023 et devrait être de 31 M€ pour 2024 ;

· le CNRS estime que son surcoût énergétique a été de 18 M€ en 2023 et devrait être de 15 à 20 M€ pour 2024 ;

· le Cnes estime que son surcoût énergétique a été de 8 M€ en 2023 et devrait être de 3 M€ pour 2024 ;

· l'Inserm estime que son surcoût énergétique a été de 7,5 M€ en 2023 et devrait être de 6,2 M€ en 2024.

Par ailleurs, plusieurs établissements ont indiqué avoir pu bénéficier du fonds d'intervention « amortisseur électricité » de 275 M€ mis en place à l'automne dernier, dans la limite de 2 M€ par établissement, mais ce dispositif n'est pas reconduit en 2024.

3. Les coûts supplémentaires liés aux mesures successives de revalorisation salariale ne sont également que partiellement compensés

Le budget des établissements de recherche demeure également fortement impacté par les différentes mesures successives de revalorisation salariale liées à l'inflation, ces mesures étant partiellement compensées en 2023 et pour 2024.

Ainsi, en 2023, 121 M€ ont été versés aux organismes de recherche relevant du programme 172 afin de compenser les mesures de revalorisation annoncées en juillet 2022. Toutefois, pour 2024, seule une enveloppe de 45 M€ est prévue pour financer les mesures de revalorisation annoncées en 2023, qui ne seront donc compensées que de moitié. Pourtant, cet impact ne saurait être négligé. Par exemple, selon les informations transmises à la rapporteure :

· le CEA estime que le coût des mesures salariales supplémentaires négociées en juillet dernier s'élève à 42 M€ pour l'ensemble de ses activités ;

· le CNRS estime que le coût des mesures de revalorisation salariale annoncées en juillet dernier est de 20,6 M€ en 2023 et de 34,4 M€ en 2024, ce qui devrait représenter un surcoût de plus de 25 M€ qui sera financé sur la trésorerie de l'établissement ;

· le Cnes estime que le coût des mesures de revalorisation salariale annoncées en juillet dernier est de près de 10 M€ en 2023, financé partiellement par des dégels de la réserve de précaution en 2022 et en 2023 ;

· l'Inserm estime que son surcoût énergétique et le coût des mesures de revalorisation salariale annoncées en juillet dernier est de 6,9 M€ en 2023, financé partiellement sur la trésorerie de l'établissement.

Si les réserves de trésorerie constituent un « amortisseur » temporaire et utile de l'inflation, l'érosion des réserves des opérateurs dans la durée n'est pas souhaitable. La rapporteure réitère ainsi la position de la commission des affaires économiques du Sénat de voir les règles comptables et prudentielles évoluer afin de « libérer » la trésorerie mobilisable des opérateurs et appelle à trouver des modes de financement plus pérennes dans le cadre d'une hausse durable des prix, des salaires, des consommables et de l'énergie.

B. LA CLAUSE DE REVOYURE DE LA LOI DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE DEVRAIT ÊTRE L'OPPORTUNITÉ D'AGIR SUR LES AUTRES LEVIERS PERMETTANT D'AMÉLIORER LA RECHERCHE EN FRANCE

1. En 2023, l'actualisation de la loi de programmation de la recherche n'a pas été faite

L'article 3 de la loi de programmation de la recherche dispose que cette programmation fait l'objet d'actualisations au moins tous les trois ans, notamment pour vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés et les moyens consacrés, y compris les moyens financiers. Ainsi, la première actualisation de la loi aurait dû intervenir en 2023, mais ce travail n'a jusqu'à présent pas été fait, ne permettant pas au projet de loi de finances pour 2024 de corriger la trajectoire budgétaire prévue en fonction de l'inflation.

La rapporteure insiste ainsi sur la nécessité de mener rapidement, de façon concertée et transparente, à un premier travail d'évaluation de la LPR et d'actualisation de sa trajectoire budgétaire.

2. L'actualisation de la LPR devrait poursuivre un objectif rehaussé d'amélioration de l'attractivité et de la compétitivité de la recherche en France

En plus d'une actualisation de sa trajectoire budgétaire, la rapporteure estime que la clause de revoyure devrait permettre d'avoir une réflexion complémentaire à celle qui a précédé l'élaboration de la programmation de la recherche sur l'attractivité des métiers et les besoins en compétences nécessaires à la France pour demeurer une grande nation scientifique et technologique.

Ainsi, si les mesures salariales de revalorisation liées à l'inflation sont venues compléter le rattrapage salarial amorcé par la loi de programmation de la recherche, le niveau des salaires ne saurait être le seul élément d'attractivité d'une politique efficace de soutien à la recherche. Il est également souhaitable de travailler sur le niveau d'autonomie accordé aux chercheurs dans la conduite de leurs travaux, sur leur capacité à piloter une équipe de recherche et à disposer d'un budget adéquat.

Par ailleurs, la rapporteure souhaiterait également que la clause de revoyure de la LPR soit l'opportunité de définir une trajectoire de revalorisation budgétaire dédiée au financement des infrastructures de recherche, une dimension actuellement moins présente de la LPR.

3. L'actualisation de la LPR devrait également être l'opportunité de réformer le crédit d'impôt recherche, dont l'évolution annoncée l'an dernier n'a pas non plus eu lieu

Au-delà d'un soutien public affirmé, une politique efficace de soutien à la recherche repose indéniablement sur une politique partenariale d'ampleur avec les entreprises innovantes, qui bénéficient aujourd'hui de nombreuses incitations budgétaires et fiscales.

Principal dispositif de soutien à la R&D, le crédit d'impôt recherche (CIR) représente aujourd'hui une créance fiscale de plus de 6 Md€ par an et bénéficie à plus de 20 000 entreprises. Toutefois, son efficacité est aujourd'hui contestée, d'autant plus que l'environnement macro-économique et fiscal a évolué depuis la dernière réforme du CIR qui date de 2008.

Face à la volonté du Parlement de faire évoluer ce dispositif, le Gouvernement s'était engagé l'an dernier à présenter une réforme du CIR dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, en particulier pour modifier l'assiette des dépenses éligibles. Or, force est de constater qu'aucune réforme n'a été proposée et que les modifications suggérées par l'Assemblée nationale n'ont pas été retenues en première lecture.

La rapporteure souhaiterait ainsi rappeler que de récents travaux transpartisans de la mission d'information du Sénat sur l'excellence de la recherche ont proposé une réforme, à moyens constants, du CIR afin que ce dispositif cible davantage les TPE-PME innovantes. Il est notamment proposer :

· de supprimer le taux de 5 % au-delà du plafond de 100 M€ ;

· de calculer le CIR au niveau du groupe et non de chaque filiale pour les entreprises pratiquant l'intégration fiscale ;

· d'augmenter à due concurrence le taux applicable jusqu'à 100 M€ de dépenses afin de compenser l'impact budgétaire de ces deux réformes cumulées.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 novembre 2023, la commission a examiné le rapport pour avis de Mme Amel Gacquerre sur la mission « Recherche » du projet de loi de finances pour 2024.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Bonjour à toutes et à tous. Notre commission examine ce matin trois rapports budgétaires pour avis. L'ordre du jour que vous avez reçu a été modifié afin d'examiner en premier le rapport sur la mission « Recherche et enseignement supérieur », Amel Gacquerre, rapporteure pour avis, devant repartir dans son département. Madame la rapporteure pour avis, je vous laisse la parole pour nous présenter votre rapport. Votre intervention sera suivie d'une prise de parole de Jean-François Rapin, rapporteur spécial sur la mission à la commission des finances.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure pour avis. - Madame la présidente, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission interministérielle pour la recherche et l'enseignement supérieur (Mires), dans le cadre du périmètre suivi par la commission des affaires économiques depuis désormais plusieurs années.

Au total, pour 2024, les crédits de la mission sont en hausse et devraient s'élever à 32,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 31,8 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse respective de 3,5 % et 3,3 % par rapport à l'an dernier. Cette hausse s'explique en grande partie par la quatrième année de mise en oeuvre de la loi de programmation de la recherche (LPR). Cette trajectoire est conforme à la trajectoire budgétaire votée par le Parlement en 2020, avec une hausse prévue de 324 millions d'euros pour le seul programme 172 qui finance entièrement ou en partie les principaux établissements de recherche de notre pays.

Comme les années précédentes, les effets de la LPR sont amplifiés par les moyens alloués aux programmes et aux organismes de recherche par les plans d'investissement d'avenir (PIA) et par France 2030. Si cette dispersion des crédits dédiés à la recherche et à l'innovation ne facilite pas le travail de contrôle parlementaire, nous constatons néanmoins des effets positifs sur le budget, le recrutement et les activités des établissements de recherche. Le renforcement conséquent de l'Agence nationale de la recherche (ANR) se poursuit, ainsi que celui des moyens budgétaires et humains alloués aux établissements de recherche.

Les personnes auditionnées sont globalement satisfaites de ce budget, même si elles demeurent unanimement soucieuses de l'impact de l'inflation sur la feuille de route. En 2020, le Sénat avait pourtant attiré l'attention du Gouvernement sur le fait que la trajectoire budgétaire prévue par la LPR était calculée en euros courants, et non en euros constants, c'est-à-dire sans prise en compte de l'inflation. À l'époque, il nous avait été répondu que l'inflation était une donnée économique qui appartenait au passé. La situation actuelle nous donne raison. Concrètement, si nous comparons les trajectoires budgétaires de la LPR en euros courants et en euros constants pour les années à venir, cela pourrait conduire à un écart prévisionnel de l'ordre de 400 millions d'euros si rien n'est fait d'ici 2027.

Cette situation est d'autant plus dommageable que la LPR aurait pu être actualisée dès cette année. En effet, son article 3 prévoit une clause de revoyure au moins tous les trois ans, mais ce travail n'a pas été réalisé par le Gouvernement. J'espère qu'il le sera, de façon concertée, transparente et en association avec le Parlement, dès l'année prochaine.

Aujourd'hui, le budget des établissements de recherche demeure fortement impacté par la hausse des prix de l'énergie, même si cette hausse est moindre que l'an dernier. Ces surcoûts ne sont que partiellement compensés : à hauteur de 55 millions d'euros en 2023 mais, pour 2024, il n'est pas prévu de compensation, même si des mesures en gestion pourront être prises, selon la volatilité des prix. Par ailleurs, plusieurs établissements ont indiqué avoir pu bénéficier, dans la limite de 2 millions d'euros, du fonds d'intervention « amortisseur électricité » mis en place à l'automne dernier, mais ce dispositif n'est pas reconduit.

Le budget des établissements de recherche demeure également impacté par les mesures successives de revalorisation salariale liées à l'inflation. Ces mesures sont partiellement compensées : à hauteur de 121 millions d'euros en 2023 pour compenser les mesures de revalorisation annoncées en juillet 2022. Mais, pour 2024, seule une enveloppe de 45 millions d'euros est prévue pour financer les mesures de revalorisation annoncées en juillet 2023, obligeant une nouvelle fois les opérateurs à puiser dans leur trésorerie.

Je souhaite donc ici être très claire : les objectifs de la LPR ne doivent pas être détournés pour amortir les surcoûts engendrés par l'inflation et la hausse des coûts de l'énergie. Les hausses budgétaires prévues par la LPR doivent avant tout permettre de soutenir nos activités de recherche et porter notre effort national de recherche à 3 % du PIB alors que nous stagnons depuis plusieurs années à seulement 2,2 % du PIB. Par conséquent, la clause de revoyure de la LPR prévue en 2023 doit être activée au plus vite afin de nous permettre de définir un mode de financement de la recherche plus efficace et plus pérenne dans le contexte économique actuel.

Malgré ces sources d'inquiétude, je souhaiterais saluer aujourd'hui le renforcement de deux politiques indispensables à l'atteinte de notre compétitivité, de notre souveraineté et de notre réindustrialisation : il s'agit des politiques nucléaire et spatiale.

Sur la politique nucléaire d'abord. Alors que la filière française subissait un regrettable déclin depuis les années 2010 faute d'une stratégie politique, énergétique et industrielle appropriée pour atteindre l'objectif de décarbonation de notre production d'énergie à horizon 2050, le renouveau engagé depuis les deux dernières années trouve enfin ses premières traductions budgétaires dans le cadre de ce projet de loi de finances. C'est une cohérence appréciable avec les dispositions votées dans le cadre de l'examen de la loi relative à l'accélération de la construction de nouvelles installations nucléaires et avec les décisions prises lors du dernier Conseil de politique nucléaire.

Ainsi, le projet de loi de finances est marqué par un renforcement du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), fer de lance de la recherche nucléaire en France et en Europe. Les subventions versées par l'État sont donc en augmentation de 340 millions d'euros par rapport à l'an dernier. Par ailleurs, une hausse de 204 postes dont 146 pour ses activités de recherche et de développement (R&D) est prévue, le CEA souhaitant recruter jusqu'à 500 postes en R&D dans les prochaines années afin d'accompagner la relance de la filière nucléaire civile. La hausse des subventions versées au CEA permettra notamment de poursuivre le financement du réacteur de recherche Jules Horowitz sur le site de Cadarache, mais également de financer l'installation de deux nouvelles infrastructures de recherche dans le domaine des réacteurs à sels fondus. Il s'agit d'une priorité de recherche pour l'établissement, comme le développement des autres modèles de réacteurs, des réacteurs modulaires innovants et des petits réacteurs modulaires. En jeu, il y a donc l'avenir de l'indépendance énergétique de notre pays.

Je souhaiterais également évoquer le financement de la politique spatiale qui, comme vous le savez, est aujourd'hui à la croisée des chemins car ni la France ni l'Europe ne dispose, à date, d'un accès autonome et durable à l'Espace. En septembre 2022, lors de l'ouverture du Congrès astronautique international (IAC), la Première ministre avait annoncé une mobilisation budgétaire d'environ 9 milliards d'euros pour les trois prochaines années, sur les volets civil et militaire de la politique spatiale. Cette mobilisation budgétaire se poursuit dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, certains crédits provenant également de France 2030 et de la loi de programmation militaire.

Cette mobilisation renouvelée en faveur de la politique spatiale ne permet toutefois pas à la France d'être le premier contributeur au budget triennal de l'Agence spatiale européenne (ESA). Désormais deuxième contributeur derrière l'Allemagne, l'enjeu pour la France est d'assurer un bon « retour sur investissement » en fonction de ses priorités politiques, industrielles, scientifiques et technologiques. Je pense en particulier à la nécessité de finaliser le développement d'Ariane 6 pour permettre à la France et à l'Europe de retrouver un accès autonome et durable à l'Espace dans la mesure où le dernier vol d'Ariane 5 a eu lieu, où les lanceurs Soyouz ne sont plus employés et où les lanceurs Vega-C ont des difficultés techniques en vol.

Vous l'aurez compris, des progrès indéniables ont été réalisés ces dernières années en matière de financement de la recherche et de l'innovation, avec des priorités sectorielles mieux définies. Toutefois nous ne devons pas pour autant nous reposer sur nos lauriers, car 2023 aurait dû être une année plus propice pour la recherche. En plus d'une actualisation de la trajectoire budgétaire de la LPR, la clause de revoyure devrait nous permettre d'avoir une nouvelle réflexion sur l'attractivité des métiers et les besoins en compétences nécessaires pour permettre de demeurer une grande nation scientifique et technologique.

Je vous soumets donc quelques réflexions. Tout d'abord, le niveau des salaires ne saurait être le seul élément d'attractivité d'une politique efficace de soutien à la recherche. Il serait également souhaitable de travailler sur le niveau d'autonomie accordé aux chercheurs dans la conduite de leurs travaux, sur leur capacité à piloter une équipe, à disposer d'un budget adéquat et des infrastructures de recherche propices à leur permettre de faire de nouvelles découvertes.

Au-delà d'un soutien public affirmé, une politique efficace de soutien à la recherche repose aussi sur une politique partenariale d'ampleur avec les entreprises innovantes, qui bénéficient aujourd'hui de nombreuses incitations budgétaires et fiscales, en premier lieu le crédit d'impôt recherche (CIR). Face à la volonté du Parlement de faire évoluer ce dispositif, le Gouvernement s'était engagé l'an dernier à présenter cette année une réforme du CIR, en particulier pour modifier l'assiette de ses dépenses éligibles. Or, force est de constater qu'aucune réforme n'a été proposée, que les modifications suggérées par l'Assemblée nationale n'ont pas été retenues en première lecture, alors même que le Sénat avait formulé des pistes de réforme très concrètes à ce sujet.

Mes chers collègues, je vous propose donc de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et de se donner rendez-vous en 2024 pour la revoyure de la LPR.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. -  Merci Madame la Présidente. J'adhère pleinement aux propos de Madame la rapporteure pour avis puisque la commission des finances porte une analyse similaire. Mon premier point porte sur la question des euros courants et constants. Dans le cadre de l'examen de la LPR en commission mixte paritaire (CMP), il avait été souligné que la clause de revoyure constituait une question liminaire avant même que la CMP ne donne un avis favorable. Cette position était plutôt partagée par l'ensemble des parlementaires qui étaient présents à la CMP. En conséquence, la mise à l'écart de la clause de revoyure est inquiétante. Est-ce à dire qu'en évitant la clause de revoyure, le Gouvernement souhaite ne pas revenir sur l'ensemble des débats qui s'étaient alors tenus à l'époque, notamment en matière d'inflation ? J'avais dénoncé en séance plénière le fait que l'inflation n'était absolument pas prise en compte et qu'elle reposait sur des bases qui n'étaient pas crédibles.

Nonobstant cette remarque, force est de constater que les engagements sont pris et bien maintenus en euros courants, ce dont on peut se féliciter. Les personnes auditionnées ont émis un avis plutôt favorable.

Le deuxième point que je voudrais mettre en exergue a été soulevé par Amel Gacquerre, rapporteure pour avis, à savoir, la recherche spatiale dont une partie substantielle a été transférée de cette mission à la recherche militaire. Néanmoins des enjeux très forts liés à la recherche spatiale demeurent ici, notamment en matière environnementale. Conserver ce volet de la recherche est important. Un groupe de suivi sur l'Espace composé de commissaires de la commission des finances, des affaires économiques, des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et des affaires européennes avait été constitué. Il conviendrait peut-être de le reconstituer.

Mon dernier point concerne le volet européen de la recherche. La France demeure aujourd'hui contributrice nette des programmes européens de recherche avec un delta d'environ 7 points qu'il conviendrait de rattraper. Des actions ont été entreprises à cette fin, notamment par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et les grands opérateurs de la recherche, avec la volonté de mettre en place une ingénierie pour nos opérateurs de recherche de taille plus modeste, leur permettant d'accéder à la recherche européenne et ainsi de compenser ce delta. Il est anormal que la France soit un contributeur net à la recherche européenne avec un taux de retour qui est à mon sens trop faible.

Par ailleurs j'attire votre attention sur deux amendements déposés à l'Assemblée nationale, abondant à hauteur de 20 millions d'euros le programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ». Le premier réduit de 10 millions d'euros les crédits du programme « Recherche spatiale » afin de développer la recherche sur les cancers pédiatriques. Le fonds de roulement de la recherche spatiale devrait permettre d'absorber cette réduction de crédits. Le second amendement tend à accroître les moyens de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dans le domaine de la recherche contre la maladie de Lyme. La commission des finances a donné un avis favorable à ces deux amendements.

Pour conclure, la commission des finances a adopté les crédits de la mission sans réserve car elle a considéré que les efforts requis avaient été globalement effectués. Toutefois, elle demeure particulièrement vigilante à la mise en oeuvre de la clause de revoyure et en matière de recherche européenne.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je vous remercie, Monsieur le rapporteur spécial. En l'absence de questions et d'interventions, je laisse la parole à Mme Amel Gacquerre, pour des observations dans le prolongement de votre intervention ainsi que pour la présentation de son amendement.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure pour avis. - S'agissant de la clause de revoyure, j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, nous aurons l'opportunité de nous saisir de cette question dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances. En effet, c'est un rendez-vous manqué en 2023. Quant à la recherche européenne, je n'ai rien à ajouter. Le rapporteur spécial a été extrêmement précis.

En ce qui concerne l'amendement, j'ai fait le choix de ne vous en proposer qu'un qui rassemble les différentes constatations qui ont été émises dans le cadre de cette présentation, notamment dans la perspective du renouveau de la filière nucléaire française. Cet amendement n°  II-129 vise à pallier les effets de l'inflation, en augmentant de 21 millions d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, le budget de fonctionnement du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Cette augmentation compensera les surcoûts énergétiques auxquels le CEA devra faire face en 2024. Ces surcoûts sont estimés à environ 31 millions d'euros dont 8 millions d'euros pour le gaz et 23 millions d'euros pour l'électricité, le CEA évaluant son reste à charge à hauteur de 21 millions d'euros. C'est pourquoi, je vous propose d'abonder son budget de fonctionnement à hauteur de 21 millions d'euros.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - En l'absence de demandes d'intervention sur la présentation de cet amendement de notre rapporteure pour avis, je vous propose de passer au vote sur cet amendement puis sur les crédits de la mission tels que présentés par Amel Gacquerre avec un avis favorable.

L'amendement n° II-129 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

· Personnes entendues

Lundi 6 novembre 2023

- Agence nationale de la recherche (ANR) : M. Thierry DAMERVAL, président-directeur général, et Mme Cécile SCHOU, conseillère relations institutionnelles.

- Direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI) : Mme Claire GIRY, directrice générale, et M. Maurice CARABONI, chef du département gestion et pilotage budgétaire des programmes.

- Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) : MM. Didier SAMUEL, président-directeur général, et Damien ROUSSET, directeur général délégué à l'administration, et Mme Anne-Sophie ETZOL, responsable des relations institutionnelles.

Mardi 7 novembre 2023

- Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) : Mme Marie-Astrid RAVON-BERENGUER, directrice financière et des programmes.

Mercredi 8 novembre 2023

- Centre national de la recherche scientifique (CNRS) : MM. Antoine PETIT, président-directeur général, et Thomas BOREL, responsable des affaires publiques.

- Direction générale des entreprises (DGE) : M. Colin DUCROTOY, directeur de projet aérospatial, et Mme Fatma MONGE, chargée de mission tutelle.

· Contribution écrite

- Centre national d'études spatiales (Cnes)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2024.html

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