- L'ESSENTIEL
- EXAMEN DES ARTICLES
- ARTICLE 1er
Approbation du rapport annexé relatif à la refondation de Mayotte
- ARTICLE 9
Conditionner les flux financiers depuis le département de Mayotte
à la vérification préalable de la régularité du séjour du client
- ARTICLE 22
Création d'une zone franche globale par adaptation du régime
de la zone franche d'activité nouvelle génération (ZFANG) existant
- ARTICLE 23
Prévoir le zonage de tout le territoire en quartiers prioritaires
de la politique de la ville à Mayotte
- ARTICLE 26
Ouverture du passeport pour la mobilité des études aux lycéens de Mayotte, dès lors que la filière d'enseignement qu'ils ont choisie est indisponible dans leur territoire
- ARTICLE 27
Création d'un fonds de soutien au développement
des activités périscolaires à Mayotte
- ARTICLE 1er
- EXAMEN EN COMMISSION
- RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU
SÉNAT
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 610
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 mai 2025
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi de programmation
pour la
refondation de Mayotte
(procédure accélérée),
Par MM. Georges PATIENT et Stéphane FOUASSIN,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, rapporteur général
; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel
Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de
Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli,
vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu,
Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé
Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin,
Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet,
M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée,
MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent
Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin,
Mme Nathalie Goulet,
MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric
Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine
Lefèvre,
Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon,
Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges
Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée,
MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek,
Mme Sylvie Vermeillet,
M. Jean Pierre Vogel.
Voir les numéros :
Sénat : |
544 et 609 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
La commission des finances a examiné le 13 mai 2025 le rapport pour avis de MM. Georges Patient et Stéphane Fouassin sur le projet de loi n° 544 (2024-2025) de programmation pour la refondation de Mayotte.
Le texte a été envoyé à la commission des lois du Sénat, qui a délégué à la commission des finances l'examen au fond de l'article 22. La commission des finances s'est également saisie pour avis des articles 1er, 9, 23, 26 et 27.
La commission des finances a adopté l'article 22, modifié par un amendement rédactionnel COM-11.
La commission des finances a émis un avis favorable sur les articles 1er, 9, 23, 26 et 27.
La commission considère toutefois que la programmation des investissements, prévue dans le rapport annexé dont l'approbation est prévue à l'article 1er du projet de loi, devrait être davantage précisée par le Gouvernement au cours de la navette.
I. DÉPARTEMENT DÉJÀ TRÈS EN DIFFICULTÉ, MAYOTTE RENCONTRE DES BESOINS CONSIDÉRABLES EN INVESTISSEMENTS APRÈS LES RÉCENTS PHÉNOMÈNES MÉTÉOROLOGIQUES
Le département de Mayotte est déjà le département le plus pauvre de France, puisque 77 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Le taux de chômage s'élève à 42 % de la population. Par ailleurs, l'extrême jeunesse de la population (53,8 % des habitants de Mayotte ont moins de 20 ans) implique des besoins forts en termes de formation et d'infrastructures scolaires.
Les dégâts considérables causés par le passage du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi en décembre 2024 ont renforcé les difficultés subies par le territoire mahorais.
Une mission inter-inspection estime à |
et à |
Seuls |
le coût des dégâts causés par les catastrophes de décembre 2024, |
la perte d'activité économique. |
des logements n'ont pas été endommagés, alors que 33 % ont été totalement détruits. |
Après le projet de loi d'urgence adopté le 24 février 2025 pour Mayotte, des mesures structurelles permettant la refondation du territoire mahorais sont proposées par le présent projet de loi.
II. UNE INFORMATION INSUFFISANTE DU PARLEMENT SUR LES INVESTISSEMENTS PROGRAMMÉS PAR L'ÉTAT
L'article 1er prévoit l'approbation du rapport annexé, qui programme des investissements à Mayotte pour la période 2025-2031 à hauteur de 3,176 milliards d'euros.
Typologie des investissements prévus à Mayotte entre 2025 et 2031
(en pourcentage)
Source : commission des finances d'après le rapport annexé
Ainsi, près de 1,2 milliard d'euros seront consacrés à la construction d'un nouvel aéroport à Grande-Terre, soit 37 % des investissements prévus. Le site de Bouyouni a été préféré à l'allongement de la piste existante à l'aéroport de Petite-Terre, en raison des contraintes sismiques et des risques d'élévation du niveau de l'eau. La construction du nouvel aéroport ne serait toutefois achevée qu'en 2036.
La gestion de l'eau et de l'assainissement mobilisera 730 millions d'euros, en vue de la construction notamment d'une deuxième usine de dessalement et d'une troisième retenue collinaire. Aujourd'hui, près de 30 % de la population mahoraise n'a pas accès à l'eau potable, justifiant la pertinence de ces investissements1(*).
Les investissements dans le système judiciaire représentent un montant total de 430 millions d'euros. La construction d'un deuxième hôpital, ainsi que la modernisation de l'hôpital existant à Mamoudzou, sont budgétisées à hauteur de 407 millions d'euros.
Le déploiement de la fibre (50 millions d'euros), le renforcement du dispositif de surveillance et d'interception aérien (52 millions d'euros), le développement du traitement des déchets (27 millions d'euros) constituent les autres axes de la programmation budgétaire de Mayotte.
Toutefois, comme le relève le Haut Conseil des finances publiques dans son avis sur le projet de loi de programmation, certains dispositifs ne sont pas explicitement budgétisés. En particulier, la convergence des droits sociaux, prévue à l'article 15 du présent projet de loi, représentera un coût significatif pour les finances publiques.
La prise en charge des dégâts causés spécifiquement par les catastrophes naturelles de décembre 2024 n'est pas non plus traitée dans le rapport annexé.
Les investissements présentés dans le rapport annexé étaient pour l'essentiel déjà prévus avant la survenance des événements météorologiques.
Ainsi, le plan eau-Mayotte comprenait déjà les financements prévus pour le système de gestion de l'eau, les subventions de l'aéroport ont déjà fait l'objet d'annonces en 2019 et le déploiement de la fibre optique est en cours sur le territoire mahorais.
Enfin, aucune programmation annuelle des investissements n'est présentée, alors qu'il s'agit d'un élément important pour éclairer le vote des Parlementaires.
Les rapporteurs appellent le Gouvernement à présenter devant le Parlement la consommation annuelle envisagée des investissements programmés.
L'article 26 étend le bénéfice du passeport pour la mobilité des études (PME) aux lycéens de Mayotte, lorsque la filière d'enseignement souhaitée est indisponible localement. Cette mesure est profitable pour les élèves mahorais, qui n'ont pas accès à la même offre de formation notamment en lycée professionnel que les hexagonaux. La commission des finances appelle toutefois le Gouvernement à véritablement mettre en oeuvre ces dispositifs, tout comme les nouveaux « passeports pour la mobilité » votés en 2024 et dont le décret d'application n'a toujours pas été pris.
L'article 27 prévoit la création d'un fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP) spécifique à Mayotte, en remplacement du fonds en vigueur, supprimé à l'échelle nationale à compter de la rentrée 2025. Au vu de la jeunesse de la population mahoraise et du manque d'infrastructures scolaires pour les accueillir, quand plus de la moitié des enfants mahorais n'a accès à l'école que par demi-journées, un soutien à leurs activités périscolaires paraît indispensable.
III. DES MESURES DE SOUTIEN FISCAL À L'ÉCONOMIE MAHORAISE PERTINENTES
A. L'EXTENSION DE LA ZONE FRANCHE GLOBALE, UN DISPOSITIF QUI A FAIT SES PREUVES
L'article 22 étend le dispositif de zone franche globale pour une durée de cinq ans à Mayotte, portant à 100 % les taux d'abattement de l'impôt sur les sociétés (IS) ou de l'impôt sur le revenu (IR) payé par les entreprises et de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), sachant que le taux d'abattement pour la cotisation foncière des entreprises (CFE) est déjà de 100 %. Ce régime fiscal très favorable serait applicable à pratiquement l'ensemble des secteurs d'activité, incluant notamment les activités libérales, le secteur du commerce, de l'éducation et de la santé.
Nombre de PME, TPE et grandes entreprises
et
chiffre d'affaires à Mayotte en 2022
Note : TPE signifie « très petites entreprises », PME « petites et moyennes entreprises » et ETI « entreprises de taille intermédiaire ».
Source : commission des finances du Sénat d'après les données de la direction de la législation fiscale
Cette réduction d'impôt s'applique aux TPE et aux PME, soit 99,7 % des entreprises présentes sur le territoire.
Cette révision de la zone franche globale, bien ciblée, permet d'exonérer les entreprises mahoraises de 18 millions d'euros d'impôts.
B. LE ZONAGE DE TOUTES LES COMMUNES DE MAYOTTE EN QUARTIERS PRIORITAIRES DE LA POLITIQUE DE LA VILLE (QPV), UN DISPOSITIF À LA PORTÉE LIMITÉE
L'article 23 prévoit le zonage de toutes les communes de Mayotte en QPV, pour une durée de cinq ans, alors que le zonage des QPV en outre-mer a été actualisé au 1er janvier 2025. Près de 75 % de la population mahoraise habite déjà dans un QPV. Par ailleurs, l'essentiel des aides fiscales associées au zonage en QPV est compris dans le dispositif de la zone franche d'activité globale à Mayotte.
Toutefois, le zonage d'un territoire en QPV permet de dégager des crédits budgétaires associés à la politique de la ville et de faciliter la mise en oeuvre de certaines politiques, comme les cités éducatives. Si un tel dispositif se justifie, il a néanmoins une portée limitée.
IV. LE CONDITIONNEMENT DE LA TRANSMISSION DE FONDS À LA VÉRIFICATION DE LA RÉGULARITÉ DU TITRE DE SÉJOUR, UNE MESURE DE LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION ILLÉGALE
L'article 9 conditionne les transmissions de fonds, soit les transferts d'argent liquide vers l'étranger, émis depuis le département de Mayotte, à la vérification préalable de la régularité du titre de séjour du client par les établissements financiers.
L'un des objectifs de cette mesure est de lutter contre le blanchiment de capitaux, et notamment contre le financement des filières illégales de passeurs en provenance des Comores. Si les risques de blanchiment sont en effet élevés avec des espèces, l'efficience de ce dispositif n'est pas avérée compte tenu de la difficulté à identifier les flux de capitaux.
Par ailleurs, cette mesure relève essentiellement d'un objectif de lutte contre l'immigration illégale et le rôle des banques n'est pas de suppléer l'État dans ses missions régaliennes.
La situation spécifique à Mayotte justifie l'adoption de l'article 9, dont les dispositions doivent rester circonscrites à ce territoire.
EXAMEN DES ARTICLES
ARTICLE
1er
Approbation du rapport annexé relatif à la refondation
de Mayotte
Le présent article prévoit d'approuver le rapport annexé au projet de loi de programmation. Le rapport a pour objet de présenter un programme d'investissements dans les infrastructures essentielles aux Mahorais. Il indique que l'État investira 3,18 milliards d'euros à Mayotte entre 2025 et 2031, dont 1,2 milliard d'euros dans la sécurisation de la desserte aérienne, 730 millions d'euros dans le financement des infrastructures nécessaires pour la gestion de l'eau et de l'assainissement et 407 millions d'euros dans la construction de sites hospitaliers. Ces investissements sont essentiels pour permettre une véritable refondation de Mayotte, territoire déjà en grande difficulté avant même le passage du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi en décembre 2024.
À noter, toutefois, que la plupart de ces investissements résultent d'engagements antérieurs de l'État.
Par ailleurs, aucune programmation annuelle des investissements n'est présentée. L'absence de budgétisation annuelle proposée au Parlement est très regrettable.
Enfin, le coût des dispositions prévues dans le présent projet de loi semble sous-estimé, faute de tenir compte de l'ensemble des dépenses attendues, en particulier celles associées à la mise en oeuvre de la convergence sociale pour laquelle le Gouvernement demande une ordonnance à l'article 15.
Malgré ces réserves, la commission émet un avis favorable à l'adoption du présent article.
I. MAYOTTE, UN TERRITOIRE EN BESOIN D'INVESTISSEMENTS STRUCTURELS
A. MAYOTTE, UN TERRITOIRE CONCENTRANT LES DIFFICULTÉS SOCIO-ÉCONOMIQUES
1. Un territoire défavorisé
Mayotte est un territoire qui subit un très important retard structurel de développement économique par rapport à l'hexagone. Il s'agissait déjà du département le plus défavorisé de France, avant même la survenue des phénomènes météorologiques de décembre 2024. Ainsi, la richesse produite par habitant, représentée par le produit intérieur brut (PIB) par habitant, était déjà plus faible à Mayotte, que dans toutes les autres régions de France, hors collectivités d'outre-mer. Le PIB par habitant de Mayotte s'élevait ainsi à 11 579 euros par habitant en 2022, contre 39 323 euros par habitant pour la France hexagonale.
Classement des PIB par habitant des
régions, de l'hexagone
et des DROM en 2022
(en euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après l'INSEE
Le PIB par habitant mahorais représente seulement 29,4 % du PIB par habitant hexagonal. La Martinique, La Réunion et la Guadeloupe sont moins désavantagées, avec un PIB par habitant représentant respectivement 69 %, 62,7 % et 66 % de la valeur hexagonale. La Guyane en revanche a une situation comparable à celle de Mayotte, avec un PIB par habitant représentant 39,8 % du PIB hexagonal.
Part du PIB par habitant des DROM
par rapport
au PIB par habitant métropolitain
Source : commission des finances du Sénat d'après l'INSEE
Les inégalités de richesse sont particulièrement marquées à Mayotte. L'indice de Gini, d'autant plus élevé que les inégalités sont importantes, a une valeur supérieure dans les territoires d'outre-mer que dans l'hexagone. Il est plus élevé de 41 % à Mayotte que l'indicateur hexagonal. Le taux de pauvreté est très élevé à Mayotte : en 2023, près de 42 % des Mahorais vivent sous le taux de pauvreté, défini à 60 % du revenu médian, tandis qu'en France hexagonale, la proportion atteint 14,5 % des habitants. Début 2025, ce sont près de 77 % des Mahorais qui vivent sous le seuil de pauvreté.
Indice de Gini dans les territoires d'outre-mer
L'indice de Gini est un indicateur représentant les inégalités de revenu, 0 représentant une situation parfaitement égalitaire et 1 une situation parfaitement inégalitaire, où tous les revenus seraient aux mains d'une seule personne.
Source : commission des finances à partir des données de l'INSEE, ISPF, ISEE et STSEE
Même s'il est particulièrement difficile à mesurer, le taux de chômage est cinq fois plus élevé à Mayotte qu'en France métropolitaine et représente en 2023, 34 % de la population mahoraise, contre 7,1 % de la population de la France hexagonale. Début 2025, le taux de chômage à Mayotte a atteint 37 % de la population.
Une partie de ces difficultés est empirée par la forte croissance démographique à Mayotte, correspondant à une hausse de 42,7 % entre 2013 et 2023. Les moins de 20 ans représentent 53,8 % de la population, alors qu'en France hexagonale, ils ne représentent que 23 % de la population. L'activité économique existant à Mayotte se révèle insuffisante pour offrir un emploi à tous ces jeunes.
Mayotte est ainsi le département de France concentrant le plus de difficultés socio-économiques, et qui à ce titre a un besoin fort d'investissements pour rattraper économiquement le reste de la France.
2. Une succession de crises ayant déjà fragilisé le territoire
De nombreuses crises récentes ont contribué à fragiliser encore davantage le territoire, avant même le passage du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi en décembre 2024.
L'année 2023 a ainsi été marquée par une crise sécuritaire forte, et par l'opération Wuambushu. Les difficultés liées au climat sécuritaire dégradé de l'île ont engendré des blocages ayant duré plus de deux mois début 2024, les manifestants exigeant des mesures fortes en vue d'un apaisement des tensions.
Mayotte a également connu une forte sécheresse en 2023, qui a entrainé une crise importante de l'accès à l'eau. En réponse, des bouteilles d'eau ont été fournies, à hauteur de 3 500 litres d'eau par jour, des bornes fontaines monétiques et des rampes à eau ont été mises en oeuvre et l'eau a été rendue gratuite. Toutefois, cette crise a illustré l'insuffisance des investissements dans le réseau d'eau mahorais, alors que près de 30 % de la population n'a pas d'accès à l'eau potable.
Mayotte subit également des tensions liées au coût de la vie, particulièrement élevé, comme les autres territoires ultra-marins, notamment en comparaison avec l'hexagone. Ainsi, selon l'INSEE2(*), les prix sont plus hauts de 10,3 % à Mayotte par rapport à l'hexagone.
Écarts de prix entre les DROM et la France
hexagonale
en 2010, 2015 et 2022
(en %)
Nd : non déterminé. Les données sont exprimées en pourcentage par rapport aux prix constatés en France métropolitaine.
Source : commission des finances du Sénat à partir des données Insee
La succession des crises dans les années récentes rend d'autant plus difficile pour Mayotte de faire face aux dégâts causés par les catastrophes naturelles de décembre 2024.
B. UNE SITUATION, DÉJÀ DRAMATIQUE, DEVENUE CATASTROPHIQUE SUITE AU PASSAGE DU CYCLONE CHIDO ET DE LA TEMPÊTE DIKELEDI EN DÉCEMBRE 2024
1. Des dégâts d'une ampleur considérable
Le passage du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi ont entrainé des dégâts d'une ampleur considérable pour le territoire mahorais. Une mission inter-inspection a été diligentée début 2025 pour évaluer le coût des dégâts causés. Ils s'élèvent à plus de 3,426 milliards d'euros, dont 88 % de destructions d'infrastructures et de biens et 12 % de dégâts portant sur les milieux naturels. La perte d'activité d'économique est évaluée à 500 millions d'euros. La chambre d'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte a estimé les pertes agricoles à 296,3 millions d'euros.
D'après l'étude d'impact, seuls 16 % des logements n'ont pas été endommagés, tandis que 50 % des logements l'ont été et 33 % ont été détruits.
2. Les mesures d'urgence déjà mises en oeuvre
L'ampleur des dégâts est donc très élevée, et a entrainé le décaissement en urgence de 493 millions d'euros par les pouvoirs publics, dont 456 millions d'euros en provenance de l'État. Dans le cadre de la loi3(*) de finances pour 2025, 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et 35 millions d'euros en crédits de paiement ont été votés pour permettre la reconstruction des bâtiments publics à Mayotte. Cet amendement a été complété par la prorogation d'une dotation au département de Mayotte, pour un montant de 100 millions d'euros en autorisations d'engagements et de 60 millions d'euros en crédits de paiement. Enfin, le plan eau-Mayotte, qui doit contribuer au financement du système d'assainissement de l'eau, a été financé à hauteur de 20 millions d'euros.
Par ailleurs, une aide financière aux entreprises mahoraises a été prévue par le décret4(*) du 14 janvier 2025. Les entreprises doivent percevoir en effet mensuellement un montant égal à 20 % de leur chiffre d'affaires mensuel de 2022, qui doit être compris entre 1 000 euros et 20 000 euros par mois.
Lors du vote de la loi5(*) d'urgence pour Mayotte, ont été également adoptées la mise en oeuvre d'un prêt à taux zéro pour la reconstruction des logements détruits par la catastrophe de décembre 2024, qui devrait permettre de mobiliser près de 500 millions d'euros, ainsi que la suspension du recouvrement fiscal forcé, représentant un coût de 3,6 millions d'euros, pour soutenir aussi bien les particuliers que les entreprises. La réduction fiscale applicable aux dons à destination à Mayotte et l'exonération de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), également votées dans le cadre de la loi d'urgence pour Mayotte, doivent aussi permettre de soutenir la reconstruction du territoire mahorais.
Si la mise en oeuvre de ces mesures est à saluer, elles ne sont pas suffisantes pour répondre à l'ampleur des besoins du territoire mahorais. Au-delà des mesures d'urgence, le présent projet de loi de programmation, et en particulier son article 1er qui vise à approuver son rapport annexé, tend à donner de la visibilité sur les investissements prévus par l'État pour permettre une véritable refondation de Mayotte au cours des prochaines années.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : DES INVESTISSEMENTS DE 3,18 MILLIARDS D'EUROS ENTRE 2025 ET 2031
L'article 1er prévoit l'approbation du rapport annexé, qui comprend une programmation d'investissements prévus à Mayotte pour la période allant de 2025 à 2031, à hauteur de 3,176 milliards d'euros au total.
L'objectif des investissements programmés est de « donner les moyens aux Mahorais d'exercer leurs droits, de vivre en paix et en sécurité à Mayotte ». Ils répondent à « la triple ambition de la refondation : protéger les Mahorais, garantir l'accès aux biens et ressources essentiels et développer les leviers de la prospérité de Mayotte ». Au total, 7 domaines d'investissements prioritaires ont été identifiés pour permettre la refondation de Mayotte.
Montants des investissements prévus à Mayotte entre 2025 et 2031
(en millions d'euros)
Domaine |
Nature |
Montant des investissements |
Lutte contre l'immigration clandestine et sécurité |
Renforcement du dispositif de surveillance et d'interception aérien et maritime |
52 |
Justice |
Construction d'un deuxième centre pénitentiaire |
292 |
Construction d'une cité judiciaire |
124 |
|
Création d'un centre éducatif fermé |
14 |
|
Santé |
- Construction d'un second centre hospitalier à Combani ; - Extension et modernisation du centre hospitalier de Mamoudzou |
407 |
Eau |
Modernisation de la gestion de l'eau et de l'assainissement dans le cadre du plan eau Mayotte (deuxième usine de dessalement et troisième retenue collinaire) |
730 |
Transports |
Sécurisation de la desserte aérienne (construction d'un aéroport à Grande-Terre) |
1 200 |
Infrastructures routières et transports en commun (réalisation de voies de contournement dans le cadre du projet CARIBUS, pôles d'échanges multimodaux notamment à Mamoudzou) |
280 |
|
Déchets |
Développement de points de collecte et de l'économie circulaire |
27 |
Numérique |
Déploiement de la fibre |
50 |
Total |
3 176 |
Source : commission des finances d'après le rapport annexé
Ainsi, près de 1,2 milliard d'euros sera consacré à la construction d'un nouvel aéroport à Grande-Terre, et 280 millions d'euros à la construction d'infrastructures routières. 46,6 % des investissements prévus seront donc dédiés aux transports.
La gestion de l'eau et de l'assainissement mobilisera 730 millions d'euros, soit 23 % des investissements prévus, en vue de la construction notamment d'une deuxième usine de dessalement et d'une troisième retenue collinaire.
Les investissements dans le système judiciaire (création d'un deuxième centre judiciaire, d'une cité judiciaire et d'un centre éducatif fermé) représentent 13,5 % des investissements prévus, pour un montant total de 430 millions d'euros.
La construction d'un deuxième hôpital, ainsi que la modernisation de l'hôpital existant à Mamoudzou, sont budgétisées à hauteur de 407 millions d'euros, soit 12,8 % des investissements prévus.
Le déploiement de la fibre (1,6 % des investissements, représentant 50 millions d'euros), le renforcement du dispositif de surveillance et d'interception aérien (52 millions d'euros, soit 1,6 % des investissements), le développement du traitement des déchets (27 millions d'euros, soit 0,9 % des investissements) constituent les autres axes de la programmation budgétaire de Mayotte.
Typologie des investissements prévus à Mayotte entre 2025 et 2031
(en pourcentage)
Source : commission des finances d'après le rapport annexé
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN CHIFFRAGE SOUS-ESTIMÉ DES INVESTISSEMENTS PRÉVUS
A. L'AÉROPORT, UNE ÉVALUATION DIFFICILE DES COÛTS
1. La construction d'un nouvel aéroport sur Grande-Terre
La construction d'un nouvel aéroport représente un coût de 1,2 milliard d'euros pour les années 2025 à 2031, soit 38 % des investissements prévus à Mayotte à cette période.
Le nombre de passagers de l'aéroport de Pamandzi-Dzaoudzi a atteint 447 171 personnes en 2023, soit 12,3 % de croissance entre 2022 et 2023 et 37,3 % en 10 ans. L'unique piste de l'aéroport de Pamandzi-Dzaoudzi est trop courte pour que les appareils de type gros porteurs d'une capacité de plus de 350 passagers (Boeing 777-200 et Airbus A330-200) effectuent des liaisons directes Mayotte-Hexagone à pleine charge. Elle mesure effectivement 1930 mètres de long, contre les 2 310 mètres exigés par la réglementation européenne. Ainsi, tous les vols longue-distance au départ de Pamanzi-Dzaoudzi doivent effectuer une escale technique intermédiaire (à La Réunion, Madagascar ou au Kenya).
Au vu de ce constat, et de la nécessité d'améliorer les liaisons entre Mayotte et ses voisins, le Président de la République avait annoncé en 2019 la construction d'une piste longue sur l'aéroport actuel. La direction générale de l'aviation civile (DGAC) a depuis conduit des études préliminaires, pour un montant de près de 10 millions d'euros en six ans.
Le site actuel de Pamandzi-Dzaoudzi présente toutefois des difficultés :
- sa proximité avec un volcan marin augmente l'activité sismique et donc les risques associés ;
- il ne se situe qu'à 2,3 mètres au-dessus du niveau de la mer ; or, avec la montée du niveau des eaux, il est probable que cet écart se réduise avec les années ;
- la liaison entre Grande-Terre et Petite-Terre n'est pas toujours fluide, ce qui oblige parfois les habitants à dormir à Petite-Terre la veille de leur départ en avion.
La DGAC estime que l'exploitation de l'aéroport de Pamandzi-Dzaouzdi posera des difficultés très significatives dès 2035, au vu des contraintes naturelles. En conséquence, il a été décidé de construire un nouvel aéroport sur Grande-Terre, sur le site de Bouyouni, à une trentaine de kilomètres de Mamoudzou.
Le Président de la République a annoncé, le 21 avril 2025 lors d'un déplacement à Mayotte, la fin du projet de construction d'une piste longue à l'aéroport de Petite-Terre, au profit d'une construction d'un nouvel aéroport à Grande-Terre sur le site de Bouyouni.
2. Des travaux achevés au plus tôt en 2036
Le nouveau site de Bouyouni présente plusieurs avantages, notamment son élévation par rapport au niveau de la mer ou encore la possibilité d'une connexion plus facile pour y accéder pour les habitants de Mayotte. Toutefois, ce projet implique de mobiliser 350 hectares de terres agricoles.
Par ailleurs, la DGAC estime que la construction du nouvel aéroport ne sera achevée qu'en 2036. Ils envisagent notamment que les procédures d'expropriation foncière durent deux ans, et que les travaux de terrassement prennent six ans.
Au vu de la durée envisagée des travaux, il est très difficile d'évaluer la pertinence du chiffrage des investissements nécessaires à 1,2 milliard d'euros. Il est possible voire probable que la somme nécessaire soit plus élevée. Toutefois, à titre de comparaison, la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, de taille comparable, devait avoir un coût estimé à 600 millions d'euros.
B. DES INVESTISSEMENTS INDISPENSABLES DANS LE SYSTÈME DE GESTION DE L'EAU ET DE L'ASSAINISSEMENT
Le Gouvernement prévoit de consacrer près de 730 millions d'euros au système de gestion de l'eau et de l'assainissement. Cet objectif est particulièrement justifié, dans la mesure où près de 30 % de la population mahoraise n'a pas d'accès à l'eau potable, comme l'avait montré le rapport6(*) d'information des rapporteurs spéciaux sur la gestion de l'eau et de l'assainissement en outre-mer.
Pour la période 2016 à 2023, les besoins en investissement étaient évalués à 743 millions d'euros à Mayotte, dont 554 millions d'euros pour la gestion de l'eau potable, en raison de la nécessité de créer des réseaux de distribution. Au vu l'ampleur des besoins en investissements actuels, le présent chiffrage d'un besoin en investissement de 730 millions d'euros est justifié.
Besoins en investissement dans les systèmes
de gestion de l'eau
et de l'assainissement entre 2016 et 2023
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après la Cour des comptes
Suite à la crise de l'eau, de nouveaux travaux de sécurisation de l'approvisionnement en eau potable ont d'ailleurs été engagés dans le cadre du « Plan eau-Mayotte 2024-2026 », qui vise par exemple à diversifier les ressources en eau en finançant une deuxième usine de dessalement et une troisième retenue collinaire. Le plan d'investissement ici proposé participera du financement de ce plan par l'État.
C. UN CHIFFRAGE DES DISPOSITIONS DU PRÉSENT PROJET DE LOI INCOMPLET
1. Une budgétisation incomplète des investissements prévus
Si la plupart des investissements proposés par l'État sont pertinents, il est à noter qu'ils font souvent l'objet d'une sous-budgétisation. Comme le relève notamment le Haut Conseil des finances publiques dans son avis sur le projet de loi de programmation7(*), « Les dépenses de fonctionnement, liées par exemple au renforcement des effectifs en matière de lutte contre l'immigration clandestine et de lutte contre l'insécurité, ne sont quantifiées que de façon très partielle, voire ne sont pas chiffrées. Certaines dispositions du projet, comme les mesures destinées à la défense française dans l'océan indien ou le renforcement du fonds interministériel de prévention de la délinquance, ne sont pas quantifiées. De la même façon, certaines dispositions relatives au volet économique et social sont susceptibles d'engendrer des dépenses publiques (par exemple, la convergence de la prime d'activité et d'autres prestations sociales sur le niveau national, l'alignement progressivement du système de protection sociale) sans que leur impact budgétaire ne soit documenté. » En particulier, la convergence des droits sociaux opérée par le Gouvernement via l'habilitation à légiférer par ordonnance demandée à l'article 15 du présent projet de loi, représentera très probablement un coût significatif pour les finances publiques.
De nombreux autres projets font l'objet d'une budgétisation peu fiable, comme le coût envisagé des participations de l'État dans Électricité de Mayotte ou encore du réaménagement du port de Longoni.
Il est regrettable que le chiffrage des dispositions contenues dans le présent projet de loi soit incomplet.
2. Un manque de visibilité sur la prise en compte des dégâts liés au cyclone Chido
À noter, à l'inverse, l'absence de budgétisation du coût des dégâts propres aux cyclones Chido et Dikeledi, qui sont pourtant évalués à près de 3,43 milliards d'euros.
La direction générale des outre-mer a indiqué aux rapporteurs que près de 100 millions d'euros de fonds européens pourraient être mobilisés ici, ainsi que 600 millions de prêts de la Caisse des dépôts. Le prêt à taux zéro devrait permettre de mobiliser 500 millions d'euros pour l'habitat privé. Toutefois, il manquerait toujours au moins 2,8 milliards d'euros pour la reconstruction. Il serait pourtant utile que la représentation nationale puisse se prononcer de manière globale sur l'ensemble des dépenses envisagées par le gouvernement à Mayotte.
3. Des investissements pour l'essentiel déjà prévus
Par ailleurs, comme le relève également le Haut Conseil des finances publiques, ces investissements étaient pour l'essentiel déjà prévus : le plan eau-Mayotte comprenait des financements du système de gestion de l'eau, les subventions de l'aéroport ont déjà fait l'objet d'annonces en 2019, le déploiement de la fibre optique est en cours sur le territoire mahorais.
D. L'ABSENCE DE PROGRAMMATION ANNUELLE DES INVESTISSEMENTS REGRETTABLE
Enfin, comme le relève également le Haut Conseil des finances publiques, « les montants de consommation de crédits de paiement, lorsqu'ils sont disponibles, sont présentés en cumulé sur une période pluriannuelle, sans mention des chroniques de consommations annuelles ».
La programmation annuelle des investissements devrait être validée lors d'un comité interministériel des outre-mer (CIOM) qui est prévu avant la mi-juillet. L'absence de passage devant le Parlement est toutefois particulièrement regrettable, alors que le niveau annuel de consommation des investissements envisagés pour la période constitue une information essentielle pour se prononcer sur la programmation pluriannuelle. Les rapporteurs appellent donc le Gouvernement à présenter devant le Parlement la consommation annuelle envisagée des investissements programmés. Faute d'amendement gouvernemental sur ce point, les rapporteurs se réservent la possibilité de présenter eux-mêmes un amendement de programmation pluriannuelle, sur lequel ils travaillent actuellement.
Décision de la commission : la commission des finances émet un avis favorable à l'adoption du présent article.
ARTICLE
9
Conditionner les flux financiers depuis le département de
Mayotte
à la vérification préalable de la
régularité du séjour du client
Le présent article vise à conditionner les transmissions de fonds émises depuis le département de Mayotte à la vérification préalable de la régularité du titre de séjour du client par les établissements financiers réalisant l'opération. Le présent article crée un article supplémentaire dans le code monétaire et financier à cette fin.
L'un des objectifs est de lutter contre le blanchiment d'argent, et notamment contre le financement des filières illégales de passeurs en provenance des Comores. Toutefois, l'efficience de ce dispositif n'est pas complètement avérée en termes de lutte contre le blanchiment d'argent, dont les flux sont par définition difficiles à établir.
Cette mesure semble relever davantage d'un objectif de lutte contre l'immigration illégale. Le rôle des banques n'est toutefois pas de suppléer l'État dans l'une de ses missions régaliennes, même si la situation spécifique à Mayotte peut justifier l'adoption de mesures aussi exceptionnelles et exclusivement circonscrites à ce territoire.
Malgré ces réserves, la commission des finances émet un avis favorable à l'adoption du présent article.
I. LE DROIT EXISTANT : UN CONTRÔLE DÉJÀ RIGOUREUX DES OPÉRATIONS DE TRANSMISSION DE FONDS
A. UN ENCADREMENT STRICT DES TRANSFERTS D'ARGENT EN ESPÈCES
1. Des transferts de capitaux surveillés
La règlementation en vigueur prévoit des mesures importantes en termes de contrôle des transferts d'argent au titre de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (LCB-FT). En premier lieu, l'arsenal français est assez robuste en la matière grâce au principe de présomption de blanchiment prévu à l'article 324-1-1 du code pénal, qui permet de considérer qu'un bien ou revenu est « le produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l'opération de placement, de dissimulation ou de conversion ne peuvent avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus ».
Les 49 professions les plus exposées au risque de blanchiment de capitaux, définies à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, soit les entités des secteurs bancaire et financier, mais également les intermédiaires immobiliers, les professions du chiffre et du droit, les entités du secteur des jeux d'argent et de hasard, les négociants en biens et services de grande valeur, les agents sportifs et les sociétés de domiciliation sont assujettis à des obligations importantes en termes de contrôle des flux d'argent en provenance de clients. Le titre VI du livre V du code monétaire et financier prévoit les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme pour les prestataires de services.
Ainsi, conformément à l'article L. 561-5 du code monétaire et financier, la vérification de l'identité du client est obligatoire pour toute transaction effectuée par un établissement mentionné à l'article L. 561-2 du même code, soit l'ensemble des professions citées supra. Le cas échéant, l'établissement effectuant la transaction doit s'assurer de l'identité du bénéficiaire effectif du service rendu, défini par le 2° de l'article L. 561-2-2 comme la personne physique « pour laquelle une opération est exécutée ou une activité exercée ». De plus, avant d'entrer dans une relation d'affaires, les établissements concernés « recueillent les informations relatives à l'objet et à la nature de cette relation et tout autre élément d'information pertinent ».
Conformément à l'article L. 561-4-1 du même code, les personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment d'argent « définissent et mettent en place des dispositifs d'identification et d'évaluation des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (...). Elles élaborent en particulier une classification des risques en question ». L'article L. 561-6 prévoit d'ailleurs que les établissements concernés exercent une « vigilance constante et pratiquent un examen attentif des opérations effectuées ». En particulier, s'ils identifient un risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme élevé, ils mettent en oeuvre des mesures de « vigilance renforcée » (article L. 561-10-1).
Les établissements assujettis sont tenus de déclarer à Tracfin toutes les opérations portant sur des sommes « dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté » ou « d'une fraude fiscale », conformément à l'article L. 561-15. Elles ont de plus l'interdiction d'exécuter ces opérations.
Ce cadre général permet de fournir des outils aux administrations chargées de la lutte contre le blanchiment d'argent, notamment l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) concernant les établissements bancaires et l'Autorité des marchés financiers pour les opérations effectuées sur les marchés financiers.
2. Une vigilance particulière sur les opérations de transmission de fonds
Les opérations de transmission de fonds, c'est-à-dire de transferts d'argent liquide, font déjà l'objet de mesures particulières de vigilance de la part des professionnels assujettis. Les flux d'argent liquides sont en effet considérés comme porteurs de risques importants en termes de lutte contre le blanchiment de capitaux. L'ACPR identifiait dans une étude8(*) de 2023 un risque très élevé associé à la transmission de fonds, notamment en raison :
- du caractère occasionnel de ces transactions ;
- de la large couverture géographique de l'offre de service permettant d'envoyer des fonds dans un grand nombre de pays ;
- de l'instantanéité des opérations ;
- du fait que les opérations de transmission de fonds peuvent en outre être exécutées par des personnes peu formées aux contrôles (buralistes, « taxiphones », etc.) ;
- de la possibilité de fractionner les opérations afin de transférer des montants importants et de courir à des prête-noms.
Ainsi, conformément à l'article R.561-10 du code monétaire et financier, les obligations de vérification de l'identité du client occasionnel s'appliquent quel que soit le montant de la transaction effectuée par le client occasionnel dans le cas de la transmission de fonds.
La transmission de fonds fait l'objet également d'un mécanisme de communication systématique d'informations (COSI), prévues aux articles R.56131-1 et R.561-1-2 du même code, qui concerne :
- la transmission de fonds sur remise d'espèces ou de monnaie électronique supérieure à 1 000 euros par opération ou 2 000 euros par client sur un mois civil ;
- les retraits ou dépôts d'espèces sur compte dont le montant cumulé sur un mois civil dépasse 10 000 euros.
Par ailleurs, concernant les opérations de transmission de fond spécifiquement effectuées à Mayotte, comme le département est particulièrement exposé à des infractions comme le trafic d'êtres humains et le travail dissimulé, des mesures de vigilance particulières sont déjà attendues des professionnels assujettis, conformément aux obligations de l'article L. 561-15-1 du code monétaire et financier.
B. UNE FORTE CIRCULATION DES ESPÈCES À MAYOTTE
La circulation des espèces est particulièrement importante à Mayotte. Ainsi, l'émission nette de billets s'élève en 2022 à 6 900 euros par habitant, en hausse de 24,3 % par rapport à 2019. L'émission nette de billets par habitant pour l'ensemble de la France était de 3 170 euros par habitant, soit moins de la moitié des billets en circulation pour chaque habitant à Mayotte.
Émission nette de billets par habitant à Mayotte, cumulées depuis 2002
(en euros par habitant)
Note : cet indicateur désigne la quantité cumulée de billets émis dans l'île depuis le lancement de l'euro depuis le 1er janvier 2002, nette de la quantité cumulée de billets retirés de la circulation depuis cette même date.
Source : commission des finances d'après l'Institut d'émission outre-mer
D'après l'étude d'impact, la moyenne de compte de dépôts à vue s'élevait en 2019 à 0,31 par habitant à Mayotte, contre 1,26 dépôt à vue par habitant pour l'hexagone.
Comme le mentionne l'IEDOM dans une étude9(*) de 2023, divers facteurs expliquent l'importante circulation d'espèces à Mayotte :
- Un faible taux de bancarisation de la population mahoraise, s'élevant à 66,5 % en 2023, liée à la jeunesse et à la précarité de la population, la précarité et la pauvreté ;
- l'importance de l'économie informelle, les mahorais travaillant illégalement étant souvent rémunérés en espèces ;
- des facteurs socioculturels, le billet demeurant un cadeau traditionnel lors des cérémonies civiles et religieuses ;
- le versement en espèces de certaines prestations sociales, notamment les indemnités journalières liées à l'incapacité temporaire ;
- l'usage de l'euro comme monnaie de référence pour les échanges avec les pays voisins pour des raisons familiales, notamment avec les Comores et Madagascar, et commerciales, comme par exemple avec Dubaï et Chine.
Les espèces sont très utilisées par les habitants de Mayotte, alors qu'elles présentent un risque plus important de blanchiment de capitaux par rapport aux virements entre comptes bancaires.
C. DES FLUX FINANCIERS ÉLEVÉS MAIS DIFFICILES À CHIFFRER DE MAYOTTE VERS L'ÉTRANGER
D'autre part, les flux financiers émis depuis Mayotte vers l'étranger sont considérés comme très élevés.
Trois acteurs principaux réalisent des opérations de transmission de fonds sur le territoire mahorais, et plus largement de transferts d'argent sur le territoire mahorais : Western Union, Moneygram et RIA. Il s'agit d'établissements de paiement exerçant en libre établissement via des agents prestataires de services de paiement enregistrés par des superviseurs étrangers. Western Union en particulier, utilise les services de La Poste pour transmettre des fonds. Par ailleurs, la BNC, un établissement de crédit, opère des services de transmission de fonds à Mayotte sous la marque Global Transfert.
Selon l'étude d'impact, pour l'un des services de transmission de fonds, « les flux depuis Mayotte et la Réunion entre le 1er avril 2019 et le 31 mars 2020 s'élèvent ainsi à 55 millions d'euros de flux sortants, dont 23,5 millions d'euros vers la zone comorienne (Madagascar, île Maurice et les Comores). »
Les transferts d'argent de Mayotte vers l'étranger, et en particulier vers la zone comorienne, sont très probablement importants, du fait de la forte présence comorienne à Mayotte. Des raisons familiales notamment peuvent expliquer ces transferts. Une autre indication de l'importance des liens financiers entre Mayotte et les Comores est le fait que près de 16 % du PIB10(*) comorien reposerait sur les transferts d'argent, soit un montant de transferts d'argent de 115,8 milliards de francs comoriens.
Au vu de l'ampleur de la circulation des espèces à Mayotte, une forte représentativité de la transmission de fonds, donc via des espèces, parmi les transferts d'argent effectués vers l'étranger semble très probable.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE VÉRIFICATION PAR LES BANQUES DE LA RÉGULARITÉ DU SÉJOUR DES CLIENTS EFFECTUANT UNE TRANSMISSION DE FONDS
L'article 9 vise à conditionner les flux financiers depuis le département de Mayotte à la vérification préalable de la régularité du séjour du client par les intermédiaires financiers. Il crée ainsi un article L. 561-10-5 dans le code monétaire et financier qui prévoit une obligation de vérification de la régularité du titre de séjour des personnes souhaitant transférer des fonds. La transmission de fonds est mentionnée au 6° du II de l'article L314-1 du même code et se définit comme un transfert d'argent en espèces à un tiers situé à l'étranger.
L'obligation issue du présent article s'applique aux établissements mentionnés aux 1° à 1° quater de l'article L. 561-2 du même code, c'est-à-dire :
- les prestataires de services bancaires ;
- les établissements de paiement ;
- les établissements de monnaie électronique ;
- l'ensemble des acteurs précédemment mentionnés ayant leur siège social dans un autre État membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen et exerçant une activité sur le territoire national.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE DE LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION ILLÉGALE
A. DES EFFETS INCERTAINS DU PRÉSENT ARTICLE SUR LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX
1. Un lien difficile à mesurer entre l'immigration illégale et le blanchiment de capitaux
Les opérations de transmission de fonds présentent des risques de blanchiment d'argent plus élevés qui peuvent justifier des mesures de contrôle supplémentaires de la part des établissements opérant les transmissions de fonds, comme exposé supra. Par ailleurs, comme indiqué par la direction générale du Trésor, un lien peut être établi entre les étrangers en situation d'immigration irrégulière et certaines activités illégales, telles que :
- le financement des passeurs qui utilisent les embarcations de type kwassa pouvant accueillir une centaine de passagers devant payer chacun entre 500 et 1000 euros, argent que les clandestins peuvent obtenir parfois à l'arrivée à Mayotte. Cette explication n'est toutefois pas totalement convaincante, dans la mesure où il semble crédible qu'une partie des passeurs exige un paiement avant d'effectuer la traversée ;
- le trafic de stupéfiants, qui circulent via les kwassas : l'office anti-stupéfiants (OFAST) a remonté des filières de consommation partant des Comores, transitant par Mayotte puis Marseille.
De façon plus globale, un risque de blanchiment de capitaux propre aux territoires ultramarins a été identifié. Ainsi, des documents d'analyse des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme dans les territoires d'outre-mer ont été produits en 2024 sous l'égide de la direction générale des outre-mer et partagés aux autorités compétentes. Ces documents ont pour objet d'accompagner les autorités compétentes dans leurs actions opérationnelles via une meilleure compréhension des risques spécifiques à chaque territoire pour mieux détecter les flux financiers illicites. Tracfin et l'ACPR ont en outre déployé un réseau de référent en outre-mer, pour renforcer les activités de sensibilisation et de contrôle.
Toutefois, malgré l'existence effective des filières illégales de passeurs et de trafics de stupéfiants, il est également très probable qu'une partie des fonds émis par les étrangers présents en situation irrégulière sur le territoire mahorais soient transmis à leur famille restée à l'étranger. Selon toute probabilité, une partie des transmissions de fonds qui deviendront illégales en raison de la présente disposition n'avaient pas pour but de financer le blanchiment de capitaux.
2. Des flux illégaux de transmissions de fonds très difficiles à évaluer
Il est ainsi très difficile d'évaluer l'ampleur des flux illégaux de transmission de fonds, au vu de la nature même de ces flux. Ainsi, selon la direction générale du Trésor, les services enquêteurs de la police et de la gendarmerie ont identifié près de 3,5 millions d'euros d'avoirs criminels en 2019.
Comme l'indique par ailleurs l'étude d'impact, la direction générale des douanes a identifié pour l'année 2023, 670 déclarations de transferts de capitaux de Mayotte vers les Comores, qui ont représenté 1,4 million d'euros. Parmi ces transferts, ont été détectés 33 manquements à l'obligation déclarative, qui ont porté sur 0,5 millions d'euros, soit 35 % des flux ayant transité. Si ce ratio est exact, les transactions illégales de Mayotte vers l'étranger doivent représenter en effet quelques centaines de millions d'euros.
Une autre manière d'estimer les montants de capitaux blanchis à Mayotte est d'utiliser l'étude11(*) de la Cour des comptes européenne, selon laquelle environ 1,3 % du PIB de l'Union européenne est destiné au blanchiment de capitaux. Comme le PIB de Mayotte est d'environ 3,1 milliards d'euros, en appliquant cette règle, le volume de capitaux blanchis à Mayotte s'élèverait à 40,3 millions d'euros par an. Une telle estimation est à considérer avec précaution mais a le mérite de fournir une idée de l'ampleur des montants considérés.
Toutefois, il n'existe pas d'estimation quantifiée de l'impact des transmissions de fonds des étrangers présents à Mayotte en situation illégale sur le blanchiment de capitaux. En ce sens, l'impact de la mesure sur la lutte contre le blanchiment d'argent est à relativiser et suscite des réserves.
B. UNE MESURE RELEVANT DAVANTAGE DE LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
Les dispositions contenues au présent article paraissent moins relever de la lutte contre le blanchiment d'argent que de l'impératif de limitation de l'immigration illégale. En effet, la perspective de transmettre des fonds vers leur pays d'origine constitue une source d'attractivité du territoire mahorais. Par ailleurs, au vu de l'ampleur probable des flux de transmission de fond, il s'agit d'un manque à gagner important pour l'économie mahoraise, dans laquelle ces fonds ne sont pas réinjectés.
1. Une disposition devant rester spécifique à Mayotte
Cette disposition n'a par ailleurs pas vocation à s'appliquer ailleurs que dans le territoire mahorais. Ainsi selon l'étude d'impact, sur les 321 000 habitants recensés à Mayotte, près de 18 % sont des étrangers en situation irrégulière. Il s'agit très probablement d'une estimation basse du nombre d'étrangers présents en situation irrégulière. La problématique de la transmission de fonds à l'étranger par la population vivant à Mayotte se pose donc avec une acuité particulière.
L'enjeu est encore renforcé par l'ampleur de la circulation des espèces à Mayotte. Les transferts d'argent vers l'étranger se font beaucoup plus fréquemment que dans l'hexagone sous la forme d'espèces.
Il existe donc une différence de situation objective entre les étrangers non ressortissants de l'UE résidant sur l'île de Mayotte et les étrangers en situation irrégulière vivant dans le reste de l'hexagone, ce qui justifie une différence de traitement se matérialisant dans cette nouvelle mesure de vigilance complémentaire, comme le relève le Conseil d'État dans son avis du 22 avril 2025.
Par ailleurs, la disposition parait compatible avec le droit de l'Union européenne, puisqu'elle contribue à la lutte contre l'immigration illégale, et donc à des impératifs d'ordre public. Ainsi, même si l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit la libre circulation des capitaux entre les États membres et les pays tiers, l'article 65 du même traité prévoit que « l'article 63 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres : (...) b) (...) de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique. »
De même, le Conseil constitutionnel12(*) reconnait l'ordre public comme un objectif à valeur constitutionnelle, au nom duquel certaines libertés peuvent être restreintes. La lutte contre l'immigration irrégulière est reconnue13(*) comme l'une des composantes du maintien de l'ordre public.
Il est à noter toutefois qu'une telle disposition constitue une atteinte au droit de propriété des personnes étrangères présentes irrégulièrement sur le territoire mahorais, qui ne sont plus libres de transférer leur argent selon leur volonté. En ce sens, il n'existe aucune jurisprudence récente du Conseil constitutionnel sur ce type d'atteinte à une liberté fondamentale.
2. Une mesure devant rester limitée aux transmissions de fonds
La limitation de la vérification de la régularité du titre de séjour des clients à la transmission de fonds, au lieu de l'étendre à l'ensemble des transferts d'argent, est justifiée. En effet, les autres modes de paiement sont considérés comme moins risqués car ils font l'objet de procédures renforcées par rapport à la transmission de fonds.
Comme mentionné supra, conformément aux articles L. 561-5 et L. 561-6 du code monétaire et financier, dans le cadre de l'ouverture d'un compte bancaire, l'établissement concerné réunit l'ensemble des informations pertinentes quant à l'objet et à la nature de la relation d'affaires. Il exerce en outre une vigilante constante tout au long de la relation d'affaires.
L'utilisation de cartes prépayées implique nécessairement l'identification de leur détenteur quand la valeur stockée sur ces cartes dépasse les 150 euros, conformément à l'article R.561-16-1 du même code. Une plus grande traçabilité des opérations est ainsi garantie.
De plus, une extension du champ de la vérification de la régularité du titre de séjour à l'ensemble des opérations de transferts d'argent impliquerait un risque juridique important. En effet, l'atteinte aux droits des personnes en situation irrégulière est considérée comme proportionnée dans la mesure où les ressortissants étrangers ont toujours la possibilité d'effectuer de telles transmissions de fonds en passant par l'ouverture d'un compte bancaire, le cas échéant après avoir sollicité le droit au compte de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier. Ainsi, comme le note le Conseil d'État dans son avis du 22 avril 2025, du fait de l'existence d'alternatives à la transmission de fonds pour les personnes étrangères résidant à Mayotte irrégulièrement, « le projet de loi n'opère pas, sur ce point, une conciliation manifestement déséquilibrée entre, d'une part, la liberté personnelle et le droit de mener une vie familiale normale, ainsi que le droit de propriété et la liberté contractuelle et, d'autre part, les objectifs de sauvegarde de l'ordre public et de lutte contre la fraude qu'il poursuit ».
Enfin, comme l'a indiqué la Fédération bancaire française lors de son audition avec les rapporteurs pour avis du projet de loi, la vérification de la régularité du titre de séjour du client pour l'ensemble des opérations de transfert d'argent serait particulièrement difficile à mettre en oeuvre.
3. Des réserves quant à la pertinence d'imposer aux banques une mesure de lutte contre l'immigration irrégulière
Il est tout à fait pertinent de demander aux banques et aux établissements prestataires de services de paiement de lutter contre le blanchiment de capitaux, puisque c'est par leur intermédiaire essentiellement que ce type d'opérations est conduit.
En revanche, la lutte contre l'immigration illégale relève davantage d'une compétence régalienne de l'État, qui n'a pas vocation à être menée par les établissements de paiement. Le fait d'imposer aux banques cette nouvelle exigence de vérification n'apparait donc pas totalement justifié et pertinent aux rapporteurs pour avis. La lutte contre l'immigration illégale relève bien davantage des services de l'État.
Par ailleurs, selon la Fédération bancaire française, ce contrôle de la régularité du titre de séjour du client risque de mettre en difficulté les agents effectuant l'opération. Il s'agit d'une nouvelle vérification, dans un contexte déjà très tendu sur ces questions. De plus, cette vérification n'est pas imposée pour d'autres opérations, telles que l'ouverture de comptes. Elle sera donc plus difficile à justifier au client.
Les rapporteurs émettent donc quelques réserves relativement aux dispositions proposées par le présent article.
Décision de la commission : sous ces réserves, la commission des finances émet un avis favorable à l'adoption de cet article.
ARTICLE
22
Création d'une zone franche globale par adaptation du
régime
de la zone franche d'activité nouvelle
génération (ZFANG) existant
Le présent article étend le dispositif de zone franche globale existant pour une durée de cinq ans à Mayotte, portant à 100 % les taux d'abattement de l'impôt sur les sociétés (IS) ou de l'impôt sur le revenu (IR) payé par les entreprises et de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), alors que ces taux étaient précédemment de 80 %. Cette réduction d'impôt s'applique aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME) avec un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros.
Le présent article étend également le régime de la zone franche globale au titre de l'IR ou de l'IS payé par les sociétés, de la TFPB et de la cotisation foncière des entreprises (CFE, dont le taux d'abattement est déjà de 100 % à Mayotte) à la quasi-totalité des secteurs d'activité, en incluant notamment les activités libérales, le secteur du commerce, de l'éducation et de la santé. Seules certaines activités demeurent exclues, par exemple la banque et l'assurance, en raison de la règlementation européenne.
Ce dispositif, bien ciblé, permettrait d'exonérer les entreprises mahoraises de 18 millions d'euros d'impôts pendant 5 ans. Le soutien apporté par l'État au tissu économique mahorais est donc significatif grâce à ce dispositif.
La commission des finances propose à la commission des lois d'adopter cet article modifié par un amendement rédactionnel.
I. LE DROIT EXISTANT : LA ZONE FRANCHE GLOBAL D'ACTIVITÉ NOUVELLE GÉNÉRATION (ZFANG), UN DISPOSITIF DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES MAHORAISES
A. UN DISPOSITIF CONÇU POUR PERMETTRE LE RATTRAPAGE DES ÉCARTS ÉCONOMIQUES ENTRE MAYOTTE ET L'HEXAGONE
1. Un dispositif régulièrement modifié
Le dispositif des zones franches d'activité a été créé par la LODEOM14(*) en 2009 afin d'apporter une aide fiscale aux entreprises des départements d'outre-mer, y compris à Mayotte. L'objectif en était de réduire les handicaps structurels de ces départements, relatifs notamment au coût du transport occasionné par l'éloignement insulaire ainsi qu'à l'étroitesse des marchés ultramarins. Il permettait ainsi aux entreprises éligibles à la défiscalisation de bénéficier d'un abattement sur le bénéfice taxable à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés, afin de réduire l'écart de compétitivité existant entre elles et leurs concurrentes directes dans leur environnement régional.
Le taux de l'abattement était majoré conformément à des critères géographiques ou sectoriels. La Guyane et Mayotte bénéficiaient de taux majorés sur l'ensemble des entreprises éligibles, tout comme certains secteurs jugés prioritaires à La Réunion, la Guadeloupe et la Martinique.
Le dispositif des ZFA coexistait avec d'autres zonages visant des objectifs différents, notamment les zones de revitalisation rurale (ZRR) et les zones franches uniques territoire entrepreneur (ZFU-TE). Dans ce contexte, la loi15(*) de finances pour 2019 a créé, à la place, un seul zonage, dénommé zone franche d'activité de nouvelle génération (ZFANG), centré sur l'accompagnement prioritaire de secteurs clés pour le développement des territoires, et qui s'est traduit par la suppression des dispositifs relatifs au ZRR et ZFU-TE.
L'article 74 de la loi16(*) de finances pour 2024 a permis l'extension des secteurs d'activités prioritaires pouvant bénéficier d'un abattement majoré à la Réunion, en Guadeloupe et en Martinique en y incluant l'industrie, la réparation et la maintenance navale ainsi que l'édition de jeux électroniques. L'ensemble des secteurs éligibles à Mayotte bénéficient déjà des taux majorés de réduction d'impôt liés à la ZFANG.
L'application de ce dispositif est conditionnée au respect de l'article 15 du règlement17(*) général d'exemption par catégorie (RGEC), qui indique que « dans les régions ultrapériphériques, les régimes d'aides au fonctionnement servent à compenser les surcoûts de fonctionnement (...) qui sont la conséquence directe d'un ou de plusieurs des handicaps permanents (...), lorsque les bénéficiaires exercent leur activité économique dans une région ultrapériphérique, et pour autant que le montant annuel de l'aide par bénéficiaire (...) n'excède pas un des pourcentages suivants :
a) 35 % de la valeur ajoutée brute créée chaque année par le bénéficiaire dans la région ultrapériphérique concernée ;
b) 40 % des coûts annuels du travail supportés par le bénéficiaire dans la région ultrapériphérique concernée ;
c) 30 % du chiffre d'affaires annuel réalisé par le bénéficiaire dans la région ultrapériphérique concernée ».
Conformément à l'article 13 du RGEC, certains secteurs sont exclus du dispositif : la sidérurgie, le charbon, la construction navale, les fibres synthétiques et les activités financières et d'entreprise. Le Gouvernement a informé la Commission européenne de la mise en oeuvre des ZFANG, en dernier lieu le 30 novembre 2023, pour une période allant jusqu'au 31 décembre 2026.
2. Un dispositif limité aux petites entreprises et à certains secteurs d'activité davantage soumis à la concurrence des importations
a) Un taux d'abattement majoré à Mayotte
Le dispositif des ZFANG créé par la loi de finances pour 2019 permet aux entreprises éligibles des départements d'outre-mer de bénéficier :
- d'un abattement temporaire dégressif sur la base imposable à la contribution économique territoriale (CFE). En effet, l'article 1466 F du code général des impôts (CGI) prévoit, sauf délibération contraire de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre, un abattement de CFE pour les établissements situés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion ou à Mayotte ;
- d'un abattement de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). L'article 1388 quinquies du code général des impôts prévoit, sauf délibération contraire de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre, un abattement sur la base d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) des immeubles ou parties d'immeubles rattachés à compter du 1er janvier 2009 à un établissement réunissant certaines conditions et se situant en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte ou à La Réunion ;
- d'un abattement d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés sur le bénéfice taxable prévu à l'article 44 quaterdecies du CGI.
Pour les entreprises éligibles, les bénéfices provenant d'exploitations situées en Guadeloupe en Martinique ou à La Réunion, peuvent faire l'objet d'un abattement de 50 % au titre de chaque exercice ouvert. Cet abattement peut être majoré pour les entreprises exerçant leur activité principale dans l'un des secteurs prioritaires définis au 3° du III de l'article 44 quaterdecies (recherche et développement, technologies de l'information et de la communication, tourisme etc.) ou bénéficiant du régime de perfectionnement actif défini au b du 4° du III du même article.
Un taux d'abattement majoré est appliqué à l'ensemble des entreprises éligibles en Guyane et à Mayotte. Ainsi, à Mayotte, les entreprises éligibles peuvent bénéficier :
- de plein droit, d'un abattement sur les bénéfices imposables à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés majoré à 80 % ;
- sauf délibération contraire de la commune ou de l'établissement de coopération intercommunale concerné (EPCI), d'un abattement de CFE majoré à 100 % ;
- sauf délibération contraire de la commune ou de l'EPCI concerné, d'un abattement de TFPB majoré à 80 %.
L'abattement appliqué est plafonné à 300 000 euros pour un exercice ou une période d'imposition de douze mois.
b) Un bénéfice de l'abattement limité aux TPE et PME de certains secteurs exposés à la concurrence
Les conditions d'éligibilité des entreprises au régime de la ZFANG sont prévues à l'article 44 quaterdecies du CGI et s'appliquent à l'ensemble des abattements prévus (CFE, TFPB, impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés selon le régime choisi par les entreprises).
Le bénéfice des ZFANG est limité aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME) des départements d'outre-mer (Mayotte, Guyane, La Réunion, La Martinique, La Guadeloupe), puisque conformément au 1° du I de l'article 44 quaterdecies du CGI, les entreprises éligibles doivent :
- employer moins de deux cent cinquante salariés ;
- réaliser un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros.
Seules les entreprises qui sont soumises à un régime réel ou à un régime micro d'imposition et dont l'activité principale relève de l'un des secteurs d'activité éligibles à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du CGI sont éligibles au régime des ZFANG.
L'ensemble des activités commerciales, industrielles, artisanales et agricoles sont concernés, à l'exception des secteurs expressément exclus par le I de l'article 199 undecies B :
- commerce ;
- les cafés, débits de tabac et débits de boisson ainsi que la restauration, à l'exception des restaurants dont le dirigeant ou un salarié est titulaire du titre de maître-restaurateur ;
- conseils ou expertise ;
- éducation, santé et action sociale ;
- banque, finance et assurance ;
- toutes activités immobilières et de location ;
- la navigation de croisière, la réparation automobile, les locations sans opérateurs, à l'exception de la location directe de navires de plaisance ou au profit des personnes physiques utilisant pour une durée n'excédant pas deux mois des véhicules de tourisme au sens de l'article L. 421-2 du code des impositions sur les biens et services ;
- les services fournis aux entreprises, à l'exception de la maintenance, des activités de nettoyage et de conditionnement à façon et des centres d'appel ;
- les activités de loisirs, sportives et culturelles, à l'exception, d'une part, de celles qui s'intègrent directement et à titre principal à une activité hôtelière ou touristique et ne consistent pas en l'exploitation de jeux de hasard et d'argent et, d'autre part, de la production et de la diffusion audiovisuelles et cinématographiques ;
- les activités associatives ;
- les activités postales.
Les bénéfices liés à l'exercice d'une profession libérale sont également exclus du dispositif des ZFANG.
L'activité principale est appréciée au niveau de l'exploitation sur les bénéfices de laquelle le contribuable souhaite appliquer l'abattement, et non au niveau de l'entreprise dans son ensemble. Cette condition s'apprécie à la clôture de chaque exercice au titre duquel l'abattement est pratiqué.
La règlementation actuelle est issue de la concertation menée dans le cadre des Assises des outre-mer menées en 2018, qui a donné lieu à la publication du livre bleu outre-mer en juillet 2018. Le livre bleu recommandait notamment de resserrer le régime des zones franches d'activité en outre-mer sur les secteurs les plus exposés à la concurrence : « le dispositif doit permettre d'accompagner prioritairement certains secteurs clefs pour le développement des territoires (...) il visera à encourager les activités d'exportation ».
Ainsi, certains secteurs sont exclus du bénéfice de la ZFANG dans l'ensemble des départements d'outre-mer parce qu'ils sont considérés comme protégés des risques de concurrence liés aux exportations. En particulier, les secteurs de la restauration ou des professions libérales (médicales ou juridiques), sont considérés comme protégés de la concurrence extérieure au département, justifiant ainsi leur exclusion du bénéfice de la ZFANG.
B. UN DISPOSITIF QUI PROFITE À 13 % DES ENTREPRISES MAHORAISES
1. Un dispositif avec un effet significatif sur le tissu économique mahorais
Le tissu18(*) économique mahorais est composé à 99,7 % de TPE et de PME. Mayotte compte ainsi, en 2022, 2035 TPE, représentant un revenu d'activités de 68 millions d'euros, et 326 PME, représentant un revenu d'activité de 100 millions d'euros. Seules cinq entreprises de taille intermédiaire (ETI) sont présentes à Mayotte et représentent 44 millions d'euros. Ces entreprises sont exclues du bénéfice de la ZFANG.
Nombre de PME, TPE et grandes entreprises et
chiffre d'affaires
correspondant à Mayotte en 2022
Note : TPE signifie « très petites entreprises », PME « petites et moyennes entreprises » et ETI « grandes entreprises ».
Source : commission des finances du Sénat d'après les données de la direction de la législation fiscale
Les activités du secteur économique mahorais sont dominées par le secteur du commerce, qui représente 18,8 % des entreprises présentes, les activités immobilières, soit 11 % des entreprises ; l'hébergement et la restauration (9,8 %) et la santé humaine et l'action sociale (9,7 % des entreprises présentes). Ces activités ne sont pas inclues dans le bénéfice des ZFANG.
En revanche, le secteur de la construction (14,1 % des entreprises présentes) et des transports (7,9 % des entreprises) sont bien concernés par le régime ZFANG.
Secteur d'activités des entreprises présentes à Mayotte en 2022
(en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat d'après les données de la direction de la législation fiscale
À Mayotte, 317 entreprises sont éligibles au bénéfice ZFANG, soit 13 %. Parmi celles-ci, 11 entreprises n'ont pas leur siège social à Mayotte mais à La Réunion.
Le dispositif des ZFANG a globalement un impact positif sur le tissu économique des outre-mer. Il a en effet fait l'objet d'une évaluation en 2021, commandée au cabinet KPMG par la direction générale des outre-mer. D'après cette étude, « le dispositif permet de compenser les handicaps structurels et les contraintes des territoires ultramarins ». Toutefois, comme le relève la même étude, il n'existe à ce stade aucune étude relative à la portée quantitative du dispositif, pour en calculer l'efficience. Il n'est pas possible d'évaluer le nombre d'emplois qui ont été conservés grâce au dispositif à ce jour.
Il est particulièrement regrettable qu'un tel dispositif, coûteux pour les finances publiques, n'ait pas été évalué plus précisément. En effet, si l'utilité du dispositif est consensuelle parmi les acteurs locaux, une étude plus approfondie pourrait permettre d'en améliorer le ciblage, afin d'en faire bénéficier les entreprises les plus concernées par la concurrence des importations.
2. Un coût compensé par l'État aux collectivités territoriales
Comme indiqué par les articles 5 et 6 de la LODEOM, le coût de l'exonération de CFE prévue à l'article 1388 quinquies du CGI et celui de l'exonération de TFPB prévue à l'article 1466 F du CGI sont intégralement compensés par l'État aux collectivités.
Le dispositif des ZFANG représente un coût relativement significatif pour l'État. Ainsi, comme l'indique le tome 2 « Voies et moyens » annexé au PLF 2025, l'abattement sur les bénéfices des entreprises au titre des ZFANG représente un coût prévisionnel de 110 millions d'euros, à la fois en 2024 et en 2025, et représente 8 400 entreprises. Le coût de l'abattement sur la CFE s'élève à 21 millions d'euros ; celui de l'abattement de TFPB correspond à une dépense fiscale de 13 millions d'euros pour 2024 et 2025.
Le coût total des ZFANG pour le budget de l'État atteint donc 144 millions d'euros pour les années 2024 et 2025.
En ce qui concerne plus spécifiquement Mayotte, le coût de la ZFANG est de 5,9 millions d'euros en 2024, après avoir représenté un coût de 7,5 millions d'euros en 2023, ce qui représente 4 % du coût total du dispositif ZFANG en outre-mer.
Coût de la ZFANG de Mayotte pour les finances publiques
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les données de la direction de la législation fiscale
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE EXONÉRATION TOTALE D'IMPÔT POUR LA QUASI-TOTALITÉ DES PETITES ENTREPRISES MAHORAISES
A. UN ÉLARGISSEMENT SIGNIFICATIF DU DISPOSITIF DE LA ZFANG À MAYOTTE
1. Une extension des secteurs d'activité concernés par les abattements fiscaux de la ZFANG
Le a du 1° du I modifie l'article 44 quaterdecies du code général des impôts (CGI). Il élargit le dispositif d'exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés aux entreprises situées à Mayotte et exerçant :
- une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens des articles 34 et 35 du code général des impôts. L'article 34 inclut dans cette catégorie les bénéfices réalisés par les concessions minières. L'article 35 définit comme des bénéfices industriels et commerciaux les activités d'achat d'immeubles en vue de revente ; de cession de terrains divisés en lots ; de location d'établissement commercial ou encore les opérations sur les instruments financiers à terme ;
- une activité agricole ;
- une activité de profession libérale, telle qu'elle est définie au 1 de l'article 92 comme des « occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ».
2. Un taux d'abattement porté à 100 % pour l'ensemble des impositions comprises dans le dispositif ZFANG
Le 2° du I porte à 100 % le taux de l'abattement d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les bénéfices des entreprises concernées à Mayotte, pour les impositions dues au titre des années 2025 à 2029.
Le 3° du I porte le taux de l'abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) à 100 % pour les entreprises situées à Mayotte et qui satisfont aux mêmes conditions d'éligibilité que celles définies pour l'abattement prévu à l'article 44 quaterdecies. Le champ de l'abattement de TFPB est donc étendu aux secteurs d'activité décrits par le a du 1° du I du présent article.
L'exonération de cotisation foncière définie à l'article 1466 F du CGI, qui s'élève 100 % pour Mayotte sauf délibération contraire de la commune ou de l'EPCI doté d'une fiscalité propre, est également appliquée pour les entreprises qui satisfont aux conditions définies à l'article 44 quaterdecies. En conséquence, l'abattement de CFE est étendu aux entreprises des secteurs d'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole et libérale.
B. UN ÉLARGISSEMENT DU DISPOSITIF LIMITÉ À CINQ ANNÉES
Le b du 1° du I limite l'extension de l'abattement d'impôt aux impositions dues au titre des années 2025 à 2029, soit une exonération portant sur les impôts payés par les entreprises entre les années 2026 et 2030.
Le II permet de mettre fin à l'ensemble des dispositions prévues au présent article au 1er janvier 2031 : le 1°, le 2° et le 3° du II suppriment les modifications apportées par le 1° et le 2° du I du présent article. Le 4° enlève la disposition ajoutée par le 3° du I du présent article.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN EFFORT SIGNIFICATIF DE L'ÉTAT EN SOUTIEN AUX ENTREPRISES MAHORAISES
A. UN DISPOSITIF LARGE QUI PERMET DE SOUTENIR LA PLUPART DES ENTREPRISES PRÉSENTES À MAYOTTE
1. Élargir le champ des activités concernées par la ZFANG est justifié face aux conséquences des récents événements météorologiques
La plupart des secteurs d'activité présents à Mayotte seront éligibles au dispositif de ZFANG grâce aux dispositions contenues dans le présent article. Demeurent exclus notamment les secteurs de l'acier, du lignite et du charbon ainsi que les activités financières et d'assurance, conformément à l'article 13 du RGEC mentionné supra. Toutefois, ces secteurs ne représentent qu'une faible part de l'activité économique mahoraise : ainsi, les activités financières et d'assurance comptent pour 2 % des entreprises présentes à Mayotte.
En particulier, les entreprises ayant une activité de commerce, soit 18,4 % des entreprises présentes à Mayotte, ou une activité immobilière par exemple, vont pouvoir bénéficier des abattements d'impôt au titre de la ZFANG. Ainsi, l'extension du dispositif devrait bénéficier à 900 entreprises supplémentaires au total.
Au vu de l'ampleur des dégâts causés par le cyclone Chido, évalués à 3,2 milliards d'euros par la mission inter-inspection conduite au premier semestre de 2025, une telle extension est justifiée. De plus, il est pertinent au regard du principe de l'égalité devant l'impôt d'appliquer le même abattement à l'ensemble des entreprises bénéficiaires, qui si elles ne subissent pas les mêmes contraintes liées à la concurrence extérieure, ont pour autant été touchées de la même manière par le cyclone Chido. En effet, il serait peu logique d'appliquer un abattement plus faible aux professions libérales, par exemple.
Par ailleurs, ne pas inclure les entreprises de taille intermédiaire ainsi que les grandes entreprises est également justifié. Leur nombre reste faible puisque Mayotte ne compte que 4 entreprises de taille intermédiaire et surtout 4 grandes entreprises, avec un chiffre d'affaires supérieur à 1,5 milliard d'euros et dont le siège social se situe dans l'hexagone. Pour ces dernières, il n'est de plus pas possible de connaitre la part d'activité exercée à Mayotte. L'application d'un abattement spécifique aux activités mahoraises serait donc très difficile à mettre en oeuvre pour l'administration fiscale.
La hausse du taux d'abattement des impôts concernés par le dispositif de la ZFANG, ainsi que l'extension des secteurs d'activité éligibles, est justifié au vu de l'ampleur des besoins de la refondation de Mayotte.
2. Une limitation justifiée à 5 ans de la dépense fiscale
Le dispositif d'exonération fiscale prévu par le présent article s'applique pour une durée de cinq ans. Une telle disposition est contraire à l'article 7 de la loi19(*) de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, qui prévoit que les dépenses fiscales sont applicables pour une durée « précisée par la loi les instituant et qui ne peut excéder trois ans. »
Pour autant, au vu des dégâts causés par le cyclone Chido, et de l'ampleur des besoins de la reconstruction, une durée de trois ans pour les abattements fiscaux prévus par le présent article n'aurait probablement pas été suffisante pour permettre à l'activité économique de rebondir avec la création de nouvelles entreprises. Celles-ci ont en effet besoin d'une visibilité sur plusieurs années pour engager les investissements nécessaires à une activité rentable économiquement.
À l'inverse, prolonger un tel dispositif dérogatoire sur une durée supérieure à cinq ans dès 2025 serait peu cohérent au regard de l'objectif d'efficience et de rationalisation des dépenses fiscales. Il serait en effet bienvenu de réévaluer le présent dispositif en 2030, quand il arrivera à échéance, pour en établir l'efficience réelle.
Par ailleurs, le dispositif contenu dans le présent article devra faire l'objet d'une nouvelle information à la Commission européenne, conformément à l'article 11 du RGEC précédemment mentionné, dans les 20 jours suivant l'entrée en vigueur du dispositif. L'avantage de modifier un régime d'exonération fiscale déjà existant est que les dispositions du présent article ne doivent faire l'objet que d'une simple information à la Commission européenne, et non d'une notification qui aurait constitué des procédures administratives plus lourdes et plus complexes.
B. UN COÛT SIGNIFICATIF POUR L'ÉTAT QUI COMPENSE INTÉGRALEMENT LES COÛTS POUR LES COLLECTIVITÉS
Conformément aux articles 5 et 6 de la LODEOM20(*), les coûts pour les collectivités des exonérations de TFPB et de CFE sont intégralement compensés par l'État, y compris dans ce nouveau dispositif.
Le coût pour l'État devrait ainsi s'élever à 18 millions d'euros en 2026, avec 15,5 millions d'euros de coût lié à l'extension des secteurs d'activité bénéficiaires, 1 million d'euros lié à la hausse de l'abattement pour les entreprises déjà bénéficiaires et 1,5 million d'euros pour l'extension à de nouvelles activités éligibles chez les entreprises déjà bénéficiaires.
Coût de l'extension de la ZFANG de Mayotte pour l'État en 2026
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après l'étude d'impact annexée au projet de loi
Il s'agit d'une hausse significative de l'effort de l'État en vue de soutenir le tissu économique mahorais, puisque la dépense fiscale au titre de la ZFANG serait multipliée par 4, passant de 6 millions d'euros en 2024 à un coût total probable d'au moins 24 millions d'euros pour l'année 2026.
D'autres dispositifs fiscaux ont de plus déjà été prévus par la loi21(*) d'urgence de Mayotte. Ainsi, une réduction fiscale aux dons à destination de Mayotte est appliquée, ainsi qu'une exonération de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Le prêt à taux zéro pour les bâtiments reconstruits à Mayotte devrait également contribuer à financer la reconstruction de Mayotte.
Les dispositions fiscales contenues au présent article paraissent donc justifiées à la commission des finances, qui propose simplement d'adopter un amendement rédactionnel COM-11.
Décision de la commission : la commission des finances propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE
23
Prévoir le zonage de tout le territoire en quartiers
prioritaires
de la politique de la ville à Mayotte
Le présent article prévoit le zonage de l'intégralité de Mayotte en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), pour une durée de cinq ans, après que le zonage des QPV a été actualisé au 1er janvier 2025 en outre-mer. Pour rappel, les quartiers zonés en QPV bénéficient d'allègements fiscaux, en termes de cotisation foncière des entreprises (CFE) et de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).
Il est étonnant de zoner tout le territoire de Mayotte en QPV, alors que près de 75 % de la population mahoraise habite déjà dans un tel quartier. Cette disposition peut en outre paraître contraire à la logique de zonage. Par ailleurs, l'essentiel des aides fiscales associées au zonage en QPV est déjà compris dans le dispositif de la zone franche d'activité globale à Mayotte, ce qui réduit l'intérêt de cette extension.
Pour autant, le zonage d'un territoire en QPV permet de bénéficier de crédits budgétaires associés à la politique de la ville et de faciliter la mise en oeuvre de certains dispositifs, comme celui des cités éducatives. Au vu de l'ampleur des dégâts causés par le cyclone Chido, zoner l'intégralité du territoire mahorais en QPV peut se justifier, malgré la portée limitée du dispositif.
La commission des finances émet un avis favorable à l'adoption de cet article.
I. LE DROIT EXISTANT : UNE ACTUALISATION RÉCENTE DE LA GÉOGRAPHIE DES QUARTIERS PRIORITAIRES DE LA POLITIQUE DE LA VILLE (QPV)
A. UNE MÉTHODE DE DÉTERMINATION DES QPV EN OUTRE-MER RÉVISÉE
La géographie prioritaire de la politique de la ville est définie par la loi22(*) du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine qui prévoit à l'article 5 que « les quartiers prioritaires de la politique de la ville sont situés en territoire urbain (...) sont caractérisés dans les départements et collectivités d'outre-mer, par des critères sociaux, démographiques, économiques ou relatifs à l'habitat, tenant compte des spécificités de chacun de ces territoires. »
La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine a également rendu obligatoire l'établissement de contrats de ville, à son article 6, qui définissent les objectifs fixés en termes de politique prioritaire de la ville et les moyens à mettre en oeuvre pour les atteindre. Ils sont signés par l'État et ses groupements publics, les communes et les établissements publics à coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre concernés, le département et la région.
Dans les territoires ultra-marins, la géographie prioritaire de la politique de la ville a été révisée au 1er janvier 2025, par décret23(*) en Conseil d'État du 27 décembre 2024, avec retard par rapport à l'hexagone dont la géographie prioritaire avait été revue24(*) fin 2023.
La méthodologie d'établissement des QPV a été revue par décret25(*) en Conseil d'État pour les départements et régions d'outre-mer, ainsi que pour Saint-Martin et la Polynésie française. L'article 2 du décret définit une méthode harmonisée de définition de la politique de la ville entre les territoires outre-mer, en créant un indicateur synthétique permettant de hiérarchiser l'ensemble des quartiers prioritaires à l'échelle de la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion. L'indicateur prend en compte les paramètres suivants :
- la proportion des chômeurs dans la population active des 15 à 64 ans ;
- la proportion des inactifs dans la population des 15 à 64 ans ;
- la proportion des inactifs dans la population des 15 à 24 ans ;
- la proportion des non-diplômés dans la population des 15 ans et plus ;
- la proportion de la population vivant dans une famille monoparentale dans l'ensemble de la population des ménages ;
- la proportion des logements surpeuplés dans l'ensemble des logements.
Cet indicateur synthétique a été ajusté pour Saint-Martin, Mayotte et la Polynésie française, tout en maintenant les mêmes principes fondamentaux.
Ainsi, dans le cas de Mayotte, un quartier prioritaire est un espace urbain continu, situé dans une commune de Mayotte. L'indicateur synthétique est déterminé grâce à 5 critères, appréciés au niveau du village :
- la proportion de personnes sans emploi dans la population des 15-64 ans ;
- la proportion des non-diplômés dans la population des 15 ans et plus ;
- la proportion des logements à l'intérieur desquels il n'y a pas d'accès à l'eau courante ;
- la proportion des logements non équipés en électricité ;
- la proportion des logements classés dans la catégorie des habitations de fortune.
L'article 171 de la loi26(*) de finances du 14 février 2025 a par ailleurs mis en cohérence le calendrier de renouvellement de la liste des QPV avec celui des contrats de ville, en prévoyant une actualisation de la géographie prioritaire au 1er janvier 2030.
Les travaux d'élaboration des contrats de ville mahorais ont été engagés en avril 2024. La signature des contrats de ville est prévue à Mayotte entre novembre et décembre 2025. La circulaire27(*) du 19 mars 2025 relative à l'élaboration des contrats de ville 2025-2030 dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, à Saint-Martin et à la Polynésie française précise qu'au regard du chantier de reconstruction nécessaire à Mayotte, les contrats de ville mahorais feront l'objet d'une instruction spécifique.
B. LE TERRITOIRE MAHORAIS DÉJÀ GRAND BÉNÉFICIAIRE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE
À Mayotte, au 1er janvier 2025, 42 quartiers situés dans 15 communes sont classés en QPV, soit 75 % de la population mahoraise. Seuls certains territoires localisés principalement à l'ouest et au sud de Grande-Terre ne sont actuellement pas zonés. Mayotte est en effet le département le plus pauvre et le plus densément peuplé de France, ce qui explique qu'il soit très concerné par la politique de la ville. Par rapport au zonage de 2015, seules deux communes ne sont plus classées en QPV. En dix ans, la population résidant dans un QPV à Mayotte a parallèlement augmenté de 13,3 %.
Actualisation de la géographie
prioritaire
de la politique de la ville à Mayotte
Source : étude d'impact annexée au projet de loi
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE EXTENSION DU ZONAGE EN QPV À L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE DE MAYOTTE
Le présent article prévoit qu'à Mayotte, chaque commune est considérée comme un quartier prioritaire de la ville, par dérogation à l'article 5 de la loi28(*) du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine précitée.
Le zonage de chaque commune de Mayotte en QPV s'appliquerait jusqu'à la prochaine actualisation des contrats de ville, qui est prévue 1er janvier 2030 par la LFI pour 2025.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE À PORTÉE LIMITÉE
A. UNE MODIFICATION DU ZONAGE EN QPV JUSTIFIÉE PAR L'AMPLEUR DES DÉGÂTS LIÉS AUX CYCLONES
À première vue, il parait étonnant de zoner tout le territoire en QPV, alors que la carte des quartiers prioritaires a justement été mise à jour en janvier 2025. À ce jour, près de 75 % de la population mahoraise habite déjà dans un QPV. Une telle disposition paraît aussi contraire à la logique de zonage.
Toutefois, comme le rappelle l'étude d'impact, une mission inter-inspection a évalué les dégâts causés à Mayotte à plus de 3 milliards d'euros. Seuls 16 % des logements n'ont pas été endommagés, contre 50 % de logements endommagés et 33 % de logements détruits. Le système de gestion de l'eau et les réseaux d'énergie sont également particulièrement touchés, avec des dégâts estimés respectivement à 42 millions et 75 millions d'euros.
Par ailleurs, le sud de Grande-Terre, territoire actuellement non zoné en politique de la ville, a été le plus touché par la catastrophe liée au passage du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi. En effet, les vents les plus forts et les précipitations les plus importantes associés à la tempête Dikeledi sont passés sur le sud de l'île.
Alors que la méthode de détermination de la géographie prioritaire de la politique de la ville vient d'être revue, il parait compliqué de modifier les critères de définition des QPV à Mayotte. Inclure de façon dérogatoire chaque commune de Mayotte en QPV et limiter la portée du dispositif à la prochaine actualisation des contrats de ville semble plus cohérent.
À noter, toutefois, qu'il est étonnant de fixer comme terme à cette disposition l'actualisation des contrats de ville, et non celles des quartiers prioritaires. En effet, la mise à jour et la signature des contrats de ville nécessitent parfois des délais plus longs par rapport à la détermination des QPV.
B. UN DISPOSITIF AVEC UNE PORTÉE FISCALE LIMITÉE, MAIS PERMETTANT LA MOBILISATION DE CRÉDITS BUDGÉTAIRES
1. Des dispositifs fiscaux déjà compris dans la zone franche globale d'activité
Des mesures fiscales sont associées au zonage en QPV. Ainsi, le dispositif des QPV prévoit une exonération de CFE et de TFPB en faveur des seules activités commerciales qui se créent dans ces zones, sur délibération des communes ou EPCI à fiscalité propres concernés.
Concernant la CFE, conformément à l'article 144 A I du CGI, les entreprises éligibles bénéficient d'une exonération totale pendant 5 ans. Ces entreprises doivent compter moins de 150 salariés, ou dépendre d'une entreprise employant moins de 250 salariés et réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros.
Concernant la TFPB, conformément à l'article 1383 C ter du CGI, les entreprises éligibles bénéficient d'une exonération totale également d'une durée de 5 ans, lorsqu'elles ont été créées ou rattachées à un QPV entre 2017 et 2025, qu'elles comptent moins de 50 salariés et qu'elles réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 10 millions d'euros.
L'ensemble de ces dispositions fiscales sont a priori moins avantageuses que le dispositif prévu par l'article 22 du présent projet de loi, qui prévoit une exonération totale de CFE et de TFPB pour les TPE et les PME réalisant notamment une activité commerciale.
Toutefois, à la différence du dispositif prévu par le projet de loi qui prend fin en 2030, les exonérations en QPV demeurent acquises pour leur durée entière soit 8 ans pour la CFE (5 ans en exonération totale et 3 ans d'exonération dégressive) et 5 ans pour la TFPB. Dès lors, une entreprise qui se crée par exemple en 2029 peut légitimement s'interroger sur ce qui est plus favorable pour elle : bénéficier d'une exonération de tous les impôts pendant 1 an ou bénéficier d'exonérations de CFE et de TFPB pendant 5 ans.
Par ailleurs, l'article 1388 bis du CGI prévoit un abattement de 30 % de la TFPB applicable aux logements locatifs sociaux situés en QPV. L'État compense les communes à hauteur de 40 % de l'abattement de la TFPB. Cet abattement s'applique aux logements dont le propriétaire est signataire, dans les quartiers concernés, d'un contrat de ville et d'une convention, annexée au contrat de ville, conclue avec la commune, l'établissement public de coopération intercommunale et le représentant de l'État dans le département. En contrepartie, le bailleur social en lien avec les signataires de la convention convient d'un programme d'actions visant à renforcer la qualité de service.
La portée fiscale du dispositif reste toutefois très limitée, le coût pour l'État étant évalué à 0,4 million d'euros.
2. Quelques impacts budgétaires
Le coût budgétaire envisagé par l'étude d'impact s'élève à seulement 1 million d'euros sur le programme 147 « politique de la ville », pour un total de 6 millions d'euros consacrés à Mayotte par le programme précité (dont 1,1 million d'euros pour les cités éducatives).
Il est à noter toutefois que d'autres mesures sont associées à la politique de la ville, ce qui justifie l'extension du zonage proposée par le présent article. En effet, le zonage QPV a été pensé comme le support de plusieurs politiques publiques et de nombreux dispositifs et mesures y sont adossées.
Ainsi, la dotation politique de la ville (DPV), inscrite dans le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », agit en complément des crédits ouverts sur le programme 147.
La politique intitulée ambition « Quartiers 2030 » qui décline la stratégie de l'État à destination des quartiers prioritaires de la politique de la ville prévoit aussi des engagements forts en matière de développement local, d'éducation, de cadre de vie etc.
Les cités éducatives, qui sont des dispositifs destinés aux jeunes entre 0 et 25 ans et qui permettent des synergies entre l'État, les acteurs locaux et les caisses d'allocations familiales, peuvent être déployées dans les QPV et bénéficient de financements de l'Éducation nationale.
Le « Fonds vert » s'est vu affecter une cible de 15 % d'emploi en QPV.
Ainsi, si la portée globale du dispositif ne doit pas être surestimée, le zonage de toutes les communes de Mayotte en QPV constitue tout de même un outil utile pour les collectivités et bénéficiera au tissu économique et social du territoire.
Décision de la commission : la commission des finances émet un avis favorable à l'adoption de cet article.
ARTICLE
26
Ouverture du passeport pour la mobilité des études aux
lycéens de Mayotte, dès lors que la filière
d'enseignement qu'ils ont choisie est indisponible dans leur territoire
Le présent article étend le bénéfice du passeport pour la mobilité des études (PME) aux lycéens de Mayotte, lorsque la filière d'enseignement souhaitée est indisponible localement. À Mayotte, seuls les étudiants de l'enseignement supérieur sont éligibles au PME.
Cette aide du fonds de continuité territoriale permet, sous certaines conditions, de financer le coût du titre de transport aérien, lié à la mobilité des étudiants de l'enseignement supérieur.
Cette mesure est profitable pour les élèves mahorais, qui n'ont pas accès à la même offre de formation notamment en lycée professionnel que les hexagonaux.
La commission des finances appelle toutefois le Gouvernement à véritablement mettre en oeuvre ces dispositifs, tout comme les nouveaux « passeports pour la mobilité », destinés aux actifs, votés en 2024 et dont le décret d'application n'a toujours pas été pris.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de cet article.
I. LE DROIT EXISTANT : LE PASSEPORT POUR LA MOBILITÉ DES ÉTUDES, UNE AIDE POUR LES ÉTUDIANTS ULTRAMARINS
A. LE FONDS DE CONTINUITÉ TERRITORIALE FINANCE DES AIDES DESTINÉES AUX PERSONNES EN FORMATION INITIALE EN MOBILITÉ
En raison de leur isolement, de leur éloignement et de leur superficie limitée, les collectivités d'outre-mer présentent une configuration géographique et économique distincte de celle des régions métropolitaines. L'insularité et l'éloignement impliquent que toutes les formations ne sont pas disponibles sur chaque collectivité ultramarine, rompant l'égalité des chances entre les élèves d'outre-mer et les hexagonaux.
Ces spécificités justifient la mise en oeuvre d'une politique de continuité territoriale en faveur des résidents ultramarins, en particulier lorsqu'ils poursuivent une formation professionnelle ou des études supérieures en dehors de leur collectivité d'origine.
La politique nationale de continuité territoriale est définie à l'article L. 1803-1 du code des transports comme tendant « à rapprocher les conditions d'accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d'outre-mer ».
Le fonds de continuité territoriale, créé par l'article 50 de la loi29(*) du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et relevant de l'action 3 du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » de la mission Outre-mer, finance des aides dans le cadre de cette politique. L'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) est en charge de la gestion du fonds dans les DROM. Les crédits du fonds de continuité territoriale s'élevaient à 63,8 millions d'euros en AE et 63,4 millions en CP en loi30(*) de finances initiale pour 2025.
Ce fonds de continuité territoriale finance notamment, sous condition de ressources, les aides à la mobilité des personnes en formation initiale résidant outre-mer. L'offre de formation locale ne couvrant pas toujours les besoins en compétences des employeurs, une formation hors du territoire peut s'avérer nécessaire.
Trois dispositifs s'adressent aux étudiants et élèves, notamment mahorais :
- le passeport pour la mobilité des études (PME)31(*) : cette mesure finance une partie du déplacement des lycéens et étudiants de l'enseignement supérieur inscrits en dehors de leur collectivité de résidence, lorsque l'inscription dans cet établissement est justifiée par l'impossibilité de suivre localement un cursus universitaire dans la filière d'étude choisie ;
- le passeport pour la mobilité en stage professionnel (PMSP)32(*) est destiné aux élèves et étudiants inscrits en terminale professionnelle, en institut universitaire de technologie, en licence professionnelle ou en master qui, dans le cadre de leurs études, doivent effectuer un stage pour lequel le référentiel de formation impose une mobilité hors du territoire de la collectivité où l'intéressé réside ou lorsque le tissu économique local n'offre pas le stage recherché dans le champ d'activité et le niveau de responsabilité correspondant à la formation ;
- le dispositif Cadres d'avenir33(*) a pour vocation de former, dans le cadre d'une mobilité, de futurs cadres intermédiaires et supérieurs dont les territoires auront besoin pour assurer leur développement. Pour ce faire, les étudiants bénéficiaires s'engagent à revenir exercer dans leur DROM d'origine leur activité professionnelle, en lien avec la formation suivie. Il a été déployé à Mayotte en 2018 et correspond à une extension du passeport pour la mobilité permettant l'attribution d'une allocation mensuelle forfaitaire pendant une durée maximale de cinq ans, ainsi qu'une allocation d'installation.
Sauf dérogation, il ne peut être accordé qu'une aide au titre du fonds de continuité territoriale par année civile34(*).
B. LES ÉTUDIANTS MAHORAIS SONT ÉLIGIBLES AU PASSEPORT POUR LA MOBILITÉ DES ÉTUDES, MAIS PAS LES LYCÉENS
Le passeport pour la mobilité des études (PME), prévu à l'article L. 1803-5 du code des transports, est « attribué aux étudiants inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur lorsque l'inscription dans cet établissement est justifiée par l'impossibilité de suivre un cursus scolaire ou universitaire, pour la filière d'étude choisie, dans la collectivité de résidence ».
Les lycéens de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Barthélemy ont également accès à cette aide, « lorsque la filière qu'ils ont choisie est inexistante dans leur collectivité de résidence habituelle et que la discontinuité territoriale ou l'éloignement constitue un handicap significatif à la scolarisation ».
À Mayotte, le dispositif n'est donc jusqu'à présent ouvert qu'aux étudiants.
Les autres principales conditions d'éligibilité, précisées à l'article D. 1803-4 du code des transports et par l'arrêté du 18 novembre 2010 modifié, sont les suivantes :
- être âgé de 28 ans maximum au 1er octobre de l'année universitaire au titre de laquelle la demande est formulée ;
- être un résident habituel d'une collectivité territoriale située outre-mer ;
- le lieu de formation est situé sur le territoire français ou, dans le cadre d'un programme européen, dans un État membre de l'Union européenne ou un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ;
- être rattaché à un foyer fiscal dont le niveau de ressources, défini comme étant le rapport entre le revenu fiscal de référence et le nombre de parts, ne dépasse pas 26 631 euros.
Depuis 2024, le PME couvre 100 % du coût du titre de transport aérien aller-retour, également pour les étudiants non-boursiers qui, jusqu'à présent, bénéficiaient d'une prise en charge partielle à hauteur de 50 %35(*).
Depuis 2024 également, la mesure dite « PME + » permet la prise en charge d'un aller-retour supplémentaire alloué la première année, pour les étudiants ultramarins, tenant compte du quotient familial36(*). Cette mesure concernait 426 étudiants à Mayotte selon le rapport annuel de performances 2024.
En 2024, LADOM a ainsi délivré des billets à 11 388 bénéficiaires, pour un total de 22 094 trajets (allers et retours), dont 8 669 réalisés par des étudiants mahorais, dans le cadre du passeport pour la mobilité des études. Ces trajets ont représenté une consommation de crédits de paiement (CP) de 18,6 millions d'euros en 2024.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : OUVERTURE DE L'ÉLIGIBILITÉ AU PASSEPORT POUR LA MOBILITÉ DES ÉTUDES AUX LYCÉENS MAHORAIS
Cet article vise à permettre l'éligibilité au passeport pour la mobilité des études des « élèves relevant du second cycle de l'enseignement secondaire ayant leur résidence habituelle à Mayotte lorsqu'ils justifient de l'impossibilité de suivre la formation qu'ils ont choisie dans cette collectivité » en modifiant l'article L. 1803-5 du code des transports.
Le conditionnement de l'aide aux lycéens mahorais est donc similaire à celui des étudiants. Cette « impossibilité » se traduit par l'inexistence ou la saturation de la filière choisie.
La condition ayant trait à la discontinuité territoriale, à l'éloignement et au handicap significatif à la scolarisation, requise pour les lycéens de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Barthélemy, n'est pas reprise.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE AU PROFIT DES ÉLÈVES AVEC UN COÛT FAIBLE POUR L'ETAT
A. UNE MESURE NÉCESSAIRE POUR LES ÉLÈVES MAHORAIS
L'étude d'impact précise qu'une demande d'aide à la mobilité pour des lycéens est apparue en 2021 alors que la forte croissance des effectifs scolaires met en difficulté les capacités d'accueil locales, une difficulté renforcée suite au passage du cyclone Chido.
Mayotte est confrontée à une saturation de ses filières de formation existantes, ainsi qu'à la difficulté pour le tissu économique local d'offrir des stages professionnels à l'ensemble des lycéens engagés dans un parcours de formation. Les capacités d'accueil en voie professionnelle demeurent structurellement inférieures à la demande : seul un tiers des élèves de troisième peut y être admis. Cette insuffisance conduit à une orientation par défaut vers la voie générale, en décalage avec les aspirations de nombreux élèves.
De plus, si Mayotte dispose d'une offre complète pour les filières de l'enseignement général et technologique, la filière professionnelle est plus limitée avec 31 spécialités de baccalauréat professionnel sur les 94 disponibles sur l'ensemble du territoire national.
Pour pallier les limites du développement de l'offre locale de formation, l'ouverture du PME aux lycéens mahorais permettrait de faciliter une mobilité des études lorsqu'ils ne peuvent pas s'inscrire à Mayotte du fait de l'inexistence ou de la saturation de la filière choisie.
La possibilité du recours au PME serait encadrée, comme pour les étudiants, par la présentation à LADOM d'une attestation d'inexistence ou de saturation de la formation, remise par le rectorat, comme le prévoit l'article D. 1803-5 du code des transports.
La majorité des bénéficiaires potentiels devrait s'orienter vers des établissements situés à La Réunion ou en France métropolitaine. Enfin, bien que l'extension de l'aide aux lycéens de Mayotte soit ouverte à l'ensemble des filières, il est présumé que les demandes concerneront principalement les voies technologique et professionnelle, l'offre de formation relevant de la voie générale étant déjà assurée sur le territoire.
B. UN IMPACT BUDGÉTAIRE LIMITÉ
L'étude d'impact du projet de loi estime qu'une population maximale de 320 lycéens sera bénéficiaire du passeport pour la mobilité des études, sur la base du nombre supposé d'élèves de foyers mahorais inscrits en 2020 dans une filière d'enseignement professionnel d'un lycée de La Réunion ou de l'Hexagone.
En tenant compte du prix moyen d'achat du billet d'avion aller et retour utilisé par les étudiants mahorais bénéficiaires du PME se rendant en France hexagonale ou à La Réunion, l'estimation du coût du dispositif proposé est de 660 000 euros.
Cette dépense, liée à l'ouverture du dispositif aux lycéens mahorais, correspond à une hausse de 7,4 % par rapport au coût du PME de Mayotte en 2023, qui s'élevait à 8,9 millions d'euros.
Elle équivaut également à une hausse de 1,4 % de l'ensemble des crédits du fonds de continuité territoriale consacrés au financement des déplacements en 2023. Cette progression reste toutefois contenue dans la variabilité annuelle de la dépense observée pour ce fonds.
C. UNE SITUATION FINANCIÈRE DE LADOM À SURVEILLER
L'étude d'impact estime que les coûts de LADOM à Mayotte augmenteraient de seulement 5 % avec la création de ce nouveau dispositif.
À noter, toutefois, que le budget présenté en loi de finances initiale ne permet pas à LADOM de couvrir les besoins liés à la continuité territoriale. Les crédits alloués au titre du programme 123 s'élèvent à 47,7 millions d'euros, alors même que de nouvelles charges doivent être intégrées. En 2025, LADOM devra notamment financer la taxe sur les billets d'avion (à hauteur de 0,9 million d'euros), ainsi que de nouveaux dispositifs tels que la mesure « Urgence scolaire ».
Ainsi, selon LADOM, les dépenses prévisionnelles du programme 123 s'élèvent à 54 millions d'euros. Les 6,3 millions d'euros manquants seront donc prélevés sur ses fonds propres. La situation financière de LADOM appelle donc à la vigilance.
Par ailleurs, il faut noter que les décrets d'application des trois passeports pour la mobilité créés par la loi de finances initiale pour 2024 (le passeport pour le retour, le passeport pour la mobilité des actifs salariés et le passeport pour la mobilité des entreprises innovantes37(*)), destinés aux actifs, n'ont toujours pas été pris. Une telle situation n'est pas acceptable et ne doit pas se reproduire lors de l'entrée en vigueur du présent article de loi.
Décision de la commission : la commission des finances émet un avis favorable à l'adoption de cet article.
ARTICLE
27
Création d'un fonds de soutien au développement
des
activités périscolaires à Mayotte
Le présent article prévoit la création d'un fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP) spécifique à Mayotte, en remplacement du fonds en vigueur, supprimé à l'échelle nationale à compter de la rentrée 2025. Ce fonds vise à assurer la continuité du financement des activités périscolaires des communes mahoraises.
Au vu de la jeunesse de la population mahoraise, et du manque d'infrastructures scolaires pour les accueillir, quand plus de la moitié des enfants mahorais n'a accès à l'école qu'en demi-journées, un soutien à leurs activités périscolaires paraît pertinent et bienvenu. Son coût reste par ailleurs modéré pour l'État.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de cet article.
I. LE DROIT EXISTANT : MALGRÉ DES BESOINS CROISSANTS EN OFFRE PÉRISCOLAIRE À MAYOTTE, LE FONDS DE SOUTIEN AUX ACTIVITÉS PÉRISCOLAIRES (FSDAP) DOIT S'ÉTEINDRE À LA RENTRÉE 2025
A. L'ACTUEL FONDS DE SOUTIEN AUX ACTIVITÉS PÉRISCOLAIRES, UN SOUTIEN SIGNIFICATIF À L'OFFRE PÉRISCOLAIRE DES COMMUNES
Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires a été créé par l'article 67 de la loi38(*) du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République (LOPRER). Le décret 39(*)du 17 août 2015 en fixe les modalités d'application. Il a été modifié par la loi40(*) de finances pour 2017 ainsi que par la loi41(*) de finances rectificative pour 2017.
Ce fonds a pour objectif de soutenir le développement d'activités périscolaires destinées aux élèves et s'inscrivant dans le cadre d'un projet éducatif territorial (PEDT), par le versement d'une aide aux communes. Il concerne les enfants scolarisés dans les écoles maternelles et élémentaires, publiques ou privées sous contrat, dont l'emploi du temps est organisé sur neuf demi-journées par semaine, ou sur huit demi-journées incluant cinq matinées.
Les sommes versées sont composées d'un montant forfaitaire par élève éligible scolarisé dans la commune, ainsi que d'une majoration forfaitaire par élève, réservée aux communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale « cible » ou à la dotation de solidarité rurale « cible ».
Depuis 2015, les taux du FSDAP ont été fixés, par arrêté42(*), à 50 euros pour le montant forfaitaire socle et 40 euros pour la majoration forfaitaire complémentaire.
Le montant des aides versées, au titre de l'année scolaire 2023-2024, a représenté 36,6 millions d'euros versés à plus de 1 200 collectivités.
L'article 234 de la loi du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 prévoit la suppression du fonds au 1er septembre 2025. Le Sénat s'était opposé à cette suppression, estimant nécessaire une concertation avec les communes, tandis que l'Assemblée nationale l'avait simplement décalée d'un an, de 2024 à 2025.
Le FSDAP, créé lors de la mise en place de la semaine de 4,5 jours, n'a pas pleinement rempli sa vocation incitative avec le retour d'une majorité de communes à la semaine de 4 jours, cessant donc de bénéficier du fonds. Cependant, il continue de permettre à certaines communes, notamment mahoraises, de maintenir la qualité de leur offre périscolaire.
B. UN NOMBRE CROISSANT D'ÉLÈVES À MAYOTTE, MALGRÉ DES INFRASTRUCTURES INADAPTÉES
À Mayotte, la croissance démographique annuelle est de 3,8 %, contre seulement 0,25 % dans l'ensemble de la France en 2024 selon l'Insee. En conséquence, Mayotte constitue le seul territoire français où les effectifs scolaires dans l'enseignement public du premier degré seront en croissance continue jusqu'en 2027. Avec 63 766 jeunes scolarisés dans le premier degré à la rentrée 2024, Mayotte fait déjà face à un manque d'établissements scolaires ainsi que d'enseignants. Pour y faire face, des solutions spécifiques ont dû être développées et l'offre périscolaire des communes permise par le FSDAP constitue un renfort indispensable.
Au total, 50 200 élèves mahorais du premier degré ont pu bénéficier d'activités périscolaires mises en oeuvre dans le cadre du FSDAP sur l'année scolaire 2023-2024.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN FONDS SPÉCIFIQUE À MAYOTTE POUR ASSURER LA CONTINUITÉ DU FINANCEMENT DES ACTIVITÉS PÉRISCOLAIRES.
Le I du présent article vise à créer un fonds pour assurer la continuité du financement des activités périscolaires à Mayotte, alors que le FSDAP actuel doit s'éteindre à la rentrée 2025 à l'échelle nationale. Il en reprend donc largement les modalités de fonctionnement.
Comme le FSDAP, le nouveau fonds est créé au bénéfice des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en cas de transfert de la compétence de gestion des activités périscolaires des écoles. Il vise à « contribuer au développement d'une offre d'activités périscolaires au bénéfice des élèves des écoles publiques ou privées sous contrat du premier degré pour lesquels sont organisées des activités périscolaires » dans le cadre d'un projet éducatif territorial prévu à l'article L. 551-1 du code de l'éducation.
L'aide apportée aux communes est calculée en fonction du nombre d'élèves scolarisés. Chaque commune ou EPCI perçoit :
- un montant forfaitaire par élève scolarisé dans une école développant des activités périscolaires ;
- un montant forfaitaire majoré pour les élèves scolarisés dans des écoles répartissant les enseignements sur neuf demi-journées par semaine ou huit demi-journées par semaine comprenant cinq matinées.
À la différence du FSDAP cependant, le critère de répartition des enseignements sur neuf demi-journées par semaine ou huit demi-journées par semaine comprenant cinq matinées43(*) s'applique uniquement à la majoration forfaitaire, et non plus au montant forfaitaire socle. L'objectif en est en effet moins d'inciter les communes à adopter la semaine de 4 jours, mais plutôt de contribuer au financement de l'offre périscolaire.
Les communes reversent les aides perçues aux EPCI en cas de transfert de compétence, et aux organismes de gestion des écoles privées sous contrat pour la part correspondant aux élèves qui y sont scolarisés.
Le montant versé au titre du FSDAP à Mayotte aux écoles privés sous contrat n'est pas pris en compte dans le calcul des dépenses de fonctionnement mentionnées à l'article L. 442-5 du code de l'éducation.
Le II du présent article prévoit une entrée en vigueur au premier jour de la rentrée scolaire.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE AIDE JUSTIFIÉE AU VU DU MANQUE CRIANT D'INFRASTRUCTURES SCOLAIRES À MAYOTTE
A. UN COÛT BUDGÉTAIRE MESURÉ
Selon l'étude d'impact du projet de loi, le fonds, conçu dans un souci de stabilité et de simplicité, devrait permettre d'assurer une continuité du montant à verser par élève, soit 50 euros pour le montant forfaitaire et 40 euros pour la majoration forfaitaire. Ces taux seront cependant fixés par arrêté.
En tenant compte des évolutions démographiques attendues dans l'enseignement public du premier degré à Mayotte, un versement compris entre 5,3 et 5,9 millions d'euros est anticipé pour l'année scolaire 2025-2026.
Le premier montant correspond à l'hypothèse basse où le périmètre de communes éligibles en 2023-2024 est maintenu, soit 13 communes au taux de 90 euros, et où 4 nouvelles communes seraient intégrées au dispositif au taux de 50 euros car leur organisation du temps scolaire ne répond pas au critère de la majoration. Le second montant correspond à l'hypothèse haute où l'ensemble des 17 communes de Mayotte, représentant près de 64 900 élèves en projection 2025, répondent aux critères du taux cumulé de 90 euros.
Si le modèle de versement des aides, précisé par décret, poursuivait celui du FSDAP, soit le versement d'un acompte avant le 31 décembre puis du solde avant le 30 juin de l'année suivante, l'impact budgétaire serait compris entre 1,77 et 1,95 million d'euros pour l'exercice budgétaire 2025, puis entre 5,35 et 5,87 millions pour 2026.
B. UNE MESURE INDISPENSABLE AU VU DE LA HAUSSE DÉMOGRAPHIQUE DES ÉLÈVES SCOLARISÉS DANS LE PRIMAIRE
Au vu des enjeux démographiques à Mayotte et de la jeunesse de la population, quand plus de la moitié des écoles fonctionnent en rotation, avec des enfants venant à l'école le matin, d'autres l'après-midi, les communes sont confrontées à des besoins forts en termes d'accueil d'enfants, y compris hors du temps scolaire.
Dans cette situation, le développement d'offres d'activités périscolaires constitue un enjeu majeur à Mayotte car elles s'inscrivent dans la continuité du service public de l'éducation et contribuent à un égal accès de tous les enfants aux offres culturelles, sportives, ou de loisirs. Elles répondent à un besoin de compensation des inégalités sociales et territoriales d'accès à l'éducation et aux loisirs. Or, les communes peinent à répondre à la forte demande. Le maintien d'un fonds de soutien aux activités périscolaires à Mayotte est donc justifié.
Décision de la commission : la commission des finances émet un avis favorable à l'adoption de cet article.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 13 mai 2025 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de MM. Stéphane Fouassin et Georges Patient, rapporteurs pour avis, sur le projet de loi n° 544 (2024-2025) de programmation pour la refondation de Mayotte (procédure accélérée).
M. Claude Raynal, président. - Notre commission examine cet après-midi le rapport pour avis de MM. Georges Patient et Stéphane Fouassin sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte. Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Patient, qui ne peut être présent aujourd'hui, étant précisé qu'il a participé aux auditions et réalisé les arbitrages avec M. Fouassin.
M. Stéphane Fouassin, rapporteur pour avis. - Le Gouvernement a déposé au Sénat un projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, qui fait suite à la loi d'urgence pour Mayotte promulguée le 24 février 2025.
Le présent projet de loi, comportant 35 articles, a été renvoyé à la commission des lois, qui a délégué à notre commission l'examen au fond de l'article 22. Notre commission s'est également saisie pour avis des articles 1er, 9, 23, 26 et 27.
L'objet de ce projet de loi est de permettre la refondation du territoire mahorais, en allant au-delà des mesures d'urgence adoptées à la suite du passage du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi en décembre 2024.
En effet, Mayotte constitue le département le plus pauvre de France : le taux de pauvreté y est de 77 % en 2025. Le PIB par habitant représente moins de 30 % de celui de l'Hexagone. Le taux de chômage s'élevait déjà à 34 % de la population en 2023, contre 7,3 % en France hexagonale. La situation mahoraise, bien connue, a été empirée par les crises qui se sont accumulées ces dernières années : la crise sécuritaire de 2023, qui s'est prolongée jusqu'au premier trimestre de 2024, avec des barrages ayant bloqué l'activité économique ; la crise de la vie chère, les prix à Mayotte étant de 10,3 % plus élevés que dans l'Hexagone ; ou encore la crise de l'eau de la fin de 2023, causée par la sécheresse et l'état catastrophique du système de gestion de l'eau et de l'assainissement à Mayotte.
Les événements météorologiques de décembre 2024 empirent encore une situation déjà très tendue. Ainsi, un rapport inter-inspections estime le coût des dégâts à 3,43 milliards d'euros. Seuls 16 % des logements n'ont pas été endommagés, quand 33 % ont été détruits.
Les besoins en investissements structurels de Mayotte sont donc immenses. Le présent projet de loi tente d'apporter une réponse de l'État aux difficultés des Mahorais.
Ainsi, l'article 1er, dont la commission des finances s'est saisie pour avis, porte approbation du rapport annexé au projet de loi. Le rapport en question présente une programmation par l'État des investissements prévus à Mayotte pour la période 2025-2031, qui s'élèvent à 3,176 milliards d'euros.
Près de 38 % de ces investissements sont alloués à la construction d'un aéroport sur Grande-Terre, pour un montant de 1,2 milliard d'euros. L'aéroport actuel de Mayotte, situé à Dzaoudzi-Pamandzi, sur Petite-Terre, a en effet une piste trop courte pour permettre l'atterrissage des plus gros avions capables de transporter du fret, notamment le Boeing 777. Pour soutenir l'activité économique de Mayotte, il est nécessaire de construire une piste plus longue. En raison des contraintes du site actuel et de la montée des eaux, qui rendrait difficile l'exploitation de l'aéroport dès 2035, le Président de la République a annoncé le 21 avril dernier la construction d'un nouvel aéroport sur le site de Bouyouni. Ce chantier, colossal, ne serait achevé qu'en 2036. S'il est assez difficile, au vu de la durée envisagée des travaux, de garantir que le chiffrage sera tenu, l'estimation nous est, en revanche, apparue relativement prudente et nous reconnaissons que le projet est nécessaire.
Près de 730 millions d'euros, soit 23 % des investissements, seront dédiés à la gestion de l'eau et de l'assainissement à Mayotte, notamment au financement d'une troisième retenue collinaire et d'une deuxième usine de dessalement. Comme nous l'avions vu lors de l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes sur la gestion de l'eau potable et de l'assainissement en outre-mer, les besoins à Mayotte sont très importants, puisque près de 30 % de la population n'a pas accès à l'eau potable. Une telle situation n'est pas acceptable dans un département français et appelle à consentir des investissements lourds. Les besoins avaient été évalués, pour la période 2016-2023, à 743 millions d'euros à Mayotte. Au vu des carences qui persistent dans la gestion de l'eau, les investissements prévus par le présent projet de loi paraissent pertinents.
Le rapport annexé prévoit également un financement de 407 millions d'euros pour la justice, avec notamment la construction d'un deuxième centre pénitentiaire et d'une cité judiciaire. Par ailleurs, 407 millions d'euros seront destinés à la construction d'un deuxième hôpital, ainsi qu'à la modernisation du site hospitalier de Mamoudzou. Près de 50 millions d'euros seront consacrés au déploiement de la fibre optique.
La pertinence de ces investissements ne nous paraît pas, à M. Patient et moi-même, faire débat. Nous formulons toutefois trois observations principales.
Premièrement, la plupart de ces investissements proviennent d'engagements passés de l'État, par exemple dans le cadre du plan Eau Mayotte. La construction d'une piste longue est évoquée depuis au moins 2019 par le Président de la République.
Deuxièmement, le chiffrage des dispositions du présent projet de loi n'est pas complet, comme le relève d'ailleurs le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) dans son avis du 16 avril 2025. En particulier, le coût de la convergence des droits sociaux des Mahorais, pour la mise en oeuvre de laquelle le Gouvernement demande une habilitation à légiférer par ordonnance, n'est pas évoqué de manière quantifiée dans le projet de loi. Le coût pour les finances publiques et notamment pour la sécurité sociale pourrait pourtant être très élevé.
Troisièmement et enfin, il est particulièrement regrettable que le Gouvernement ne propose qu'un chiffrage global pour la période 2025-2031, au lieu d'indiquer une programmation annuelle des investissements. Il s'agit pourtant d'un élément important pour permettre aux parlementaires de voter de manière éclairée. Georges Patient et moi-même appelons le Gouvernement à déposer un amendement précisant la programmation annuelle des investissements envisagés dans le rapport annexé, et nous réservons à défaut, si la commission y consent, la possibilité de présenter nous-mêmes un amendement de programmation pluriannuelle, sur lequel nous travaillons.
Sous cette réserve, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'article 1er.
J'en viens maintenant à l'article 22, délégué au fond à notre commission. Celui-ci élargit, pour en faire une zone franche globale, le dispositif des zones franches d'activité nouvelle génération (Zfang) créé par la loi de finances initiale pour 2019. Il fait bénéficier d'une exonération totale d'impôt sur le revenu (IR) ou d'impôt sur les sociétés (IS), de cotisation foncière des entreprises (CFE) et de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) les très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) mahoraises, pour une durée de cinq ans. L'exonération d'IR ou d'IS et de TFPB n'est actuellement que de 80 %. Par ailleurs, cet article étend les secteurs d'activité concernés à pratiquement l'ensemble des secteurs d'activité. Ainsi, les professions libérales et le secteur du commerce pourront bénéficier de cette exonération, alors que ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Ce dispositif, bien ciblé, permettrait d'exonérer les entreprises mahoraises de 18 millions d'euros d'impôts pendant cinq ans. Le soutien apporté par l'État au tissu économique mahorais grâce à ce dispositif est donc significatif.
Georges Patient et moi-même sommes favorables au fait de proposer à la commission des lois d'adopter cet article, modifié par un amendement rédactionnel COM-11.
L'article 23, dont la commission des finances s'est saisie pour avis, prévoit de zoner toutes les communes de Mayotte en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) jusqu'au prochain renouvellement de la signature des contrats de ville, prévu pour 2030. C'est un peu étonnant, car la géographie prioritaire a été revue en outre-mer au 1er janvier 2025. Actuellement, 75 % du territoire mahorais est déjà situé en QPV. Par ailleurs, l'exonération de CFE et de TPFB associée au zonage en QPV est déjà incluse dans le dispositif de l'article 22. Toutefois, ce zonage permet de bénéficier de crédits budgétaires au titre du programme 147 « Politique de la ville ». Il sert de support à certaines politiques publiques, notamment les cités éducatives ou encore le fonds vert, qui a un objectif de 15 % d'emplois supplémentaires en QPV. Par ailleurs, le sud de l'île a été beaucoup touché par les vents forts de la tempête, alors que cette région ne bénéficie pas du zonage actuel en QPV.
Par conséquent, même si la portée réelle du dispositif paraît limitée, Georges Patient et moi-même proposons d'émettre un avis favorable à l'adoption de cet article.
Je veux maintenant évoquer l'article 9, qui conditionne les transmissions de fonds à l'étranger, c'est-à-dire les transferts d'argent effectués grâce à des espèces, à la vérification par les établissements financiers de la régularité du titre de séjour du client souhaitant effectuer la transaction. L'objectif affiché de cet article est la lutte contre le blanchiment de capitaux et notamment le financement des filières de passeurs aux Comores. Toutefois, par nature, les flux illégaux de capitaux sont très difficiles à évaluer. Par ailleurs, ce n'est pas forcément le rôle des banques de suppléer l'État dans une fonction régalienne de contrôle de l'immigration.
Cette mesure relève en tout cas probablement bien plus de la lutte contre l'immigration illégale que contre le blanchiment de capitaux. Si elle peut se justifier au vu de la situation très particulière de Mayotte, il serait souhaitable qu'elle reste à tout le moins circonscrite à ce territoire.
Malgré ces très fortes réserves, nous vous proposons d'émettre un avis favorable à l'adoption de cet article.
J'en viens à l'article 26, qui étend le bénéfice du passeport pour la mobilité des études (PME) aux lycéens de Mayotte lorsque la filière d'enseignement souhaitée est indisponible localement. Seuls les étudiants de l'enseignement supérieur peuvent en bénéficier actuellement.
L'impact budgétaire de cette mesure serait probablement très faible, inférieur à 1 million d'euros, et le bénéfice pour les lycéens concernés serait important. En particulier, les formations des lycées professionnels ne sont pas toutes disponibles à Mayotte.
Georges Patient et moi-même vous proposons donc d'émettre un avis favorable à cet article. Nous relevons toutefois que, bien que des dispositions relatives aux PME en outre-mer, notamment à Mayotte, aient été adoptées en loi de finances initiale pour 2024, les décrets d'application n'ont en revanche toujours pas été pris. Nous appelons le Gouvernement à prendre ces décrets et à éviter de reproduire de tels délais si cet article du projet de loi était adopté.
Enfin, l'article 27 crée un fonds de soutien au développement des activités périscolaires à Mayotte, le fonds actuel devant disparaître au 1er septembre 2025. Il faut souligner que plus de la moitié des élèves mahorais n'ont accès à l'école que par demi-journées, les infrastructures scolaires étant insuffisantes pour tous les accueillir à temps plein. Dans ces conditions, le soutien à une offre périscolaire est pertinent, d'autant qu'il ne coûterait que 6 millions d'euros.
En conséquence, Georges Patient et moi-même vous proposons d'émettre un avis favorable à l'adoption de cet article.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Disposez-vous d'éléments quantifiés d'évaluation de l'efficacité des zones franches d'activité mises en place en outre-mer ? Ce dispositif a-t-il pu soutenir l'activité dans ces territoires et à Mayotte en particulier ?
Quels moyens budgétaires ont déjà été mobilisés par l'État en faveur de Mayotte ? Je pense notamment à un amendement gouvernemental adopté lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025.
M. Marc Laménie. - Merci à nos collègues rapporteurs pour avis. Il est important de faire preuve de solidarité envers Mayotte et les autres territoires ultramarins. On se souvient du travail effectué par la Cour des comptes sur l'eau et l'assainissement en Outre-mer, qui requièrent des investissements majeurs. Quels délais sont prévus pour ces travaux à Mayotte ?
Les dispositions relatives à l'habitat et à sa reconstruction ne semblent pas compter parmi celles dont notre commission s'est saisie pour avis. Dispose-t-on d'éléments de chiffrage et, là encore, d'une temporalité pour les efforts à accomplir en la matière ?
M. Christian Bilhac. - J'aurais souhaité obtenir des précisions sur trois articles, notamment concernant l'opinion qu'en ont les élus mahorais.
Tout d'abord, concernant l'article 1er, près de 40 % des crédits programmés sont affectés à la construction d'un nouvel aéroport. Je n'avais pourtant jamais entendu dire que c'était une priorité pour Mayotte. Est-il judicieux d'y consacrer autant d'argent, alors que je ne vois aucune ligne budgétaire consacrée au logement, en dépit des nombreux bidonvilles de ce territoire ?
Ensuite, je me félicite de l'article 26, qui améliore la mobilité des lycéens de Mayotte au travers du dispositif PME. Existe-t-il un dispositif identique pour les étudiants suivant un cursus universitaire ? Ces dispositions me semblent en porte-à-faux avec les amendements tendant à relever le plafond d'exonération de cotisations salariales de manière à aller chercher de l'ingénierie en métropole : ne faudrait-il pas éviter, comme nous y appelle la jeunesse ultramarine, de réserver les emplois bien rémunérés aux métropolitains ?
Enfin, l'article 9 porte sur un sujet qui m'est cher, les transferts d'argent liquide. Une nouvelle fois, on voit le lobby bancaire s'opposer à ces dispositions au prétexte que les banques ne savent pas d'où vient l'argent. Je n'en reviens pas ! Quand on retire 2 000 euros, il faut remplir deux pages de questionnaire, et elles ignoreraient d'où viennent ces millions ! On doit faire tout ce qu'on peut pour lutter contre la fraude et le blanchiment.
M. Victorin Lurel. - Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est globalement d'accord avec ce texte, qui va dans le bon sens, mais quelques interrogations demeurent. Moyennant quelques amendements que nous déposerons, nous devrions voter ce texte.
Ainsi de l'article 9, dont le groupe SER demande la suppression, estimant que cette disposition susciterait des inégalités de traitement et pourrait porter atteinte à la dignité humaine. Nos collègues mahorais doutent de l'efficacité de cette disposition, à laquelle les banques sont également opposées. Toutefois, à titre personnel, je soutiens l'article, tel que proposent de l'amender les rapporteurs de la commission des lois.
Par ailleurs, il faut compléter le dispositif économique prévu, qui va déjà dans le bon sens. Je demandais déjà, lors de l'élaboration de la loi du 28 février 2017 dite Égalité réelle, que des zones franches d'activité soient mises en place pour vingt ans, mais la création d'une zone franche globale pour cinq ans est déjà une bonne mesure. Il serait par ailleurs utile d'évaluer l'efficacité des Zfang existantes.
En outre, si le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) reste en vigueur à Mayotte, il souffre d'un effet de cliquet : quand le salaire dépasse 2,5 Smic, tout le bénéfice de la mesure est perdu, ce qui crée une trappe à bas salaires. Nous proposons que l'exonération de charges persiste pour la part du salaire inférieure à 2,5 Smic.
Enfin, l'aide financière ouverte au bénéfice des entreprises mahoraises a été limitée à un mois et demi et à 20 000 euros. Le dispositif similaire créé l'an dernier pour la Nouvelle-Calédonie a lui fonctionné quatre mois, avec un plafond bien supérieur, de 500 000 euros. Nous demandons donc que le dispositif à destination de Mayotte soit revu et éventuellement prolongé de deux mois, car les entreprises mahoraises ont toutes été affectées par le cyclone, directement ou indirectement, et n'ont pas retrouvé leur niveau d'activité antérieur.
Mme Christine Lavarde. - Je comprends l'intérêt de déplacer l'aéroport de Mayotte, mais la date prévue d'ouverture de la nouvelle piste, en 2036, est très tardive. Je relève par ailleurs le problème de la concentration de bien des installations publiques sur Petite-Terre, d'autant que la liaison maritime entre les deux îles est très défaillante. La construction d'un pont ne résoudrait-elle pas largement ce problème ? Ce point n'est pas du tout abordé dans ce projet de loi.
M. Victorin Lurel. - Les élus mahorais refusent un autre emplacement pour l'aéroport.
M. Stéphane Fouassin, rapporteur pour avis. - Monsieur le rapporteur général, nous ne disposons pas vraiment d'élément quantifié d'appréciation des ZFANG existantes, en particulier à Mayotte, même si le bilan serait bien positif d'après une étude. Nous savons que les nouvelles exonérations prévues auront un coût de quelque 18 millions d'euros et que près de 493 millions d'euros ont déjà été mobilisés à Mayotte par les pouvoirs publics. Pour davantage d'informations, il faut interroger le Gouvernement.
Sur la gestion de l'eau et de l'assainissement, l'enveloppe prévue de 730 millions d'euros devrait déjà largement régler le problème, avec la construction d'une unité de dessalement et d'une retenue collinaire supplémentaire.
Concernant les crédits destinés au nouvel aéroport, il est vrai que l'estimation faite il y a plusieurs années n'a pas été réactualisée, mais on nous dit qu'elle est crédible pour la construction d'un aéroport disposant d'une piste suffisamment longue pour accueillir des gros porteurs, notamment de fret. Le changement d'emplacement de l'aéroport se justifie notamment par les conséquences de l'apparition d'un nouveau volcan sous-marin à proximité de Mayotte : les séismes afférents ont tassé le sable, provoquant de fréquentes inondations de la piste. Son allongement ne suffirait donc pas. Oui, 2036 est encore loin. Des études doivent encore être menées pendant deux ans, après quoi les travaux commenceraient.
Concernant l'effet cliquet du CICE, de fait, les propositions qui sont faites ont des effets intéressants, mais ce n'est pas une demande forte des élus mahorais. La question mérite d'être posée, mais nous préférons réétudier la question pour la séance.
Je ne dispose pas d'éléments de réponse à vous apporter concernant l'aide financière offerte aux entreprises mahoraises.
Quant à la liaison entre Petite-Terre et Grande-Terre, il nous a été dit qu'une nouvelle liaison maritime, sans doute sous forme de navettes, serait conçue en même temps que le nouvel aéroport.
Enfin, monsieur Bilhac, les étudiants de l'enseignement supérieur profitent déjà du dispositif PME, que le présent texte étend aux lycéens.
M. Claude Raynal, président. - Concernant le périmètre de ce projet de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, les rapporteurs proposent de considérer que, pour l'article 22, dont l'examen a été délégué au fond à notre commission, ce périmètre inclut les dispositions portant adaptation à Mayotte des règles relatives à la zone franche globale adaptant le régime de la zone franche d'activité nouvelle génération et au soutien de la compétitivité des entreprises.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DE L'ARTICLE DÉLÉGUÉ AU FOND
Article 22 (délégué)
L'amendement rédactionnel COM-11 est adopté.
M. Stéphane Fouassin, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-32 exclut du bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés l'exercice des entreprises de l'année 2025, contrairement à ce qui est prévu par l'article dans sa rédaction actuelle. Au vu de l'ampleur de la catastrophe, cela ne nous apparaît pas pertinent.
Par ailleurs, le problème de comptabilité évoqué par les auteurs de l'amendement est satisfait par la rédaction de l'article : l'ensemble des exercices ouverts entre 2025 et 2029 bénéficieront bien de l'exonération d'IS, même si l'exercice comptable est formellement fermé en 2030.
Nous sommes donc défavorables à cet amendement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-32.
La commission propose à la commission des lois d'adopter l'article 22 ainsi modifié.
M. Stéphane Fouassin, rapporteur pour avis. - Les amendements identiques COM-3 rectifié et COM-35 rectifié visent à appliquer le CICE à Mayotte sur les salaires jusqu'à 3,5 Smic, alors qu'actuellement l'exonération ne s'applique que jusqu'à 2,5 Smic, afin de soutenir la compétitivité des entreprises mahoraises.
Le Gouvernement demande à l'article 15 une habilitation à légiférer par ordonnance pour mettre en oeuvre la convergence sociale à Mayotte, ce qui implique d'augmenter les cotisations, notamment patronales, expliquant ainsi la demande d'extension du CICE par les entreprises mahoraises.
Toutefois, si cette demande d'habilitation comprend les dispositifs fiscaux, Mme Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, a déposé un amendement supprimant cette portion de l'habilitation, jugée trop large. S'il est adopté, le Gouvernement devra expliciter ses intentions au travers d'un amendement en séance. Il nous paraît donc préférable de ne pas adopter cet amendement avant de savoir quel dispositif fiscal de compensation de la convergence sociale le Gouvernement entend mettre en oeuvre.
Par ailleurs, la logique globale est de ne pas valoriser les salaires les plus élevés dans les exonérations fiscales et sociales. Un autre dispositif soutenant davantage les bas salaires pourrait être plus adapté, surtout à Mayotte.
En conséquence, nous émettons un avis défavorable à l'adoption de ces deux amendements identiques.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques COM-3 rectifié et COM-35 rectifié.
M. Stéphane Fouassin, rapporteur pour avis. - Les amendements identiques COM-4 rectifié et COM-38 rectifié visent à asseoir le CICE sur les rémunérations jusqu'à 2,5 fois le Smic, y compris pour les rémunérations qui dépassent ce seuil pour la part inférieure à 2,5 SMIC, alors qu'actuellement, si une rémunération dépasse les 2,5 Smic, le CICE n'est pas appliqué du tout. Nous leur sommes défavorables pour les raisons que je viens d'exposer.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques COM-4 rectifié et COM-38 rectifié.
EXAMEN DES ARTICLES POUR AVIS
La commission émet un avis favorable à l'adoption, sans modification, des articles 1er, 9, 23, 26 et 27.
Le sort des amendements sur les articles pour lesquels la commission bénéficie d'une délégation au fond examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
TABLEAU DES AVIS
Article 22 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
M. FOUASSIN, rapporteur pour avis |
COM-11 |
Amendement rédactionnel |
Favorable |
Mme RAMIA |
COM-32 |
Prise en compte du fonctionnement comptable des sociétés dans l'exonération d'impôt sur les sociétés |
Défavorable |
Article additionnel après Article 22 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
Mme MALET |
COM-3 rect. |
Extension du bénéfice du crédit d'impôt compétitivité emploi jusqu'à 3,5 SMIC |
Défavorable |
Mme RAMIA |
COM-35 rect. |
Extension du bénéfice du crédit d'impôt compétitivité emploi jusqu'à 3,5 SMIC |
Défavorable |
Mme MALET |
COM-4 rect. |
Extension du bénéfice du CICE y compris sur les salaires dépassant le seuil d'exonération pour la part inférieure à ce seuil |
Défavorable |
Mme RAMIA |
COM-38 rect. |
Extension du bénéfice du CICE y compris sur les salaires dépassant le seuil d'exonération pour la part inférieure à ce seuil |
Défavorable |
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie »44(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie45(*).
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte46(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial47(*).
En application de l'article 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des finances a arrêté, lors de sa réunion du 13 mai 2025, le périmètre indicatif du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte n° 544 (2024-2025), pour l'article 22 dont l'examen lui a été délégué par la commission des lois.
Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions portant adaptation à Mayotte des règles relatives :
- à la zone franche globale adaptant le régime de la zone franche d'activité nouvelle génération (ZFANG) et au soutien de la compétitivité des entreprises.
LISTE DES
PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Conseil départemental de Mayotte
- M. Ben Issa OUSSENI, président du conseil départemental ;
- Mme Christine AYACHE, directrice générale des services de la collectivité ;
- M. Dominique SORAIN, ancien préfet.
Direction générale des outre-mer
- M. Olivier JACOB, directeur général ;
- M. Etienne GUILLET, sous-directeur de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État ;
- M. Baptiste LE NOCHER, sous-directeur adjoint de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État ;
- Mme Sandrine JAUMIER, sous-directrice adjonte des politiques internationales, sociales et agricoles ;
- M. François LE VERGER, sous-directeur adjoint des politiques économiques, de l'emploi et du développement durable.
Direction générale de l'aviation civile
- M. Marc BOREL, directeur général adjoint ;
- M. Édouard GAUCI, adjoint au directeur du transport aérien ;
- M. Olivier BOULNOIS, adjoint au sous-directeur des aéroports ;
- M. Christophe MASSON, délégué de la direction du transport aérien de la DGAC à la piste longue de l'aéroport de Mayotte.
Direction générale du Trésor
- M. Gabriel CUMENGE, sous-directeur des banques et des financements d'intérêt général au sein du service du financement de l'économie ;
- M. David SABBAN, adjoint au chef de bureau « Services bancaires et moyens de paiement » (Bancfin4) ;
- M. Florent JOILAN, adjoint au chef de bureau « Sanctions et lutte contre la criminalité » (Secfin1).
Direction de la législation fiscale
- Mme Eve PERENNEC-SEGARRA, sous-directrice de la fiscalité locale (sous-direction F.) ;
- Mme Julie DESCHÊNES, cheffe de bureau ;
- M. Damien LAUTH, adjoint à la cheffe de bureau.
Fédération des entreprises d'outre-mer
- M. Laurent RENOUF, délégué général ;
- Mme Mélinda JERCO, responsable des affaires économiques et sociales, référente Bassin Atlantique ;
- M. Samy CHEMELLALI, responsable des affaires économiques, BTP et énergie, référent Océan Indien.
Fédération bancaire française
- M. François LEFEBVRE, directeur général adjoint ;
- M. Dominique ROUQUAYROL, directeur juridique et conformité ;
- M. Jérôme PARDIGON, directeur du département relations institutionnelles France.
*
* *
- Contribution écrite -
L'Agence des Outre-mer pour la mobilité
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl24-544.html
* 1 Voir le rapport d'information n° 440 pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur la gestion de l'eau potable et de l'assainissement en outre-mer, de MM. Georges Patient et Stéphane Fouassin (mars 2025).
* 2 Enquête de comparaison spatiale des prix 2022, INSEE première n° 1958, juillet 2023.
* 3 Loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.
* 4 Décret n° 2025-43 du 14 janvier 2025 portant création d'une aide pour les entreprises touchées par les conséquences économiques résultant du cyclone Chido à Mayotte.
* 5 Loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte.
* 6 Rapport d'information n° 440 pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur la gestion de l'eau potable et de l'assainissement en outre-mer, de MM. Georges Patient et Stéphane Fouassin (mars 2025).
* 7 Avis n° HCFP-2025-4 relatif au projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte.
* 8 Analyse sectorielle des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme en France, juin 2023, ACPR.
* 9 Rapport annuel économique de 2023 - Mayotte, juillet 2024, IEDOM.
* 10 D'après la note de conjoncture de 2023 de la Banque centrale des Comores.
* 11 Rapport spécial 13/2021, l'UE et la lutte contre le blanchiment de capitaux dans le secteur bancaire : des efforts fragmentés et une mise en oeuvre insuffisante, 28 juin 2021, Cour des comptes européenne.
* 12 Décision n° 82-141 DC du 27 juillet 1982.
* 13 Décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024.
* 14 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.
* 15 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.
* 16 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
* 17 Règlement (UE) n° 651/2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.
* 18 Les présentes statistiques ne tiennent pas compte des entreprises ayant des établissements à Mayotte mais dont le siège social est situé hors de Mayotte.
* 19 Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
* 20 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.
* 21 Loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte.
* 22 Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.
* 23 Décret n° 2024-1212 du 27 décembre 2024 modifiant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, à Saint-Martin et en Polynésie française.
* 24 Décret n° 2023-1314 du 28 décembre 2023 modifiant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les départements métropolitains.
* 25 Décret n° 2024-1211 du 27 décembre 2024 relatif aux modalités de détermination des quartiers prioritaires de la politique de la ville particulières aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, à Saint-Martin et à la Polynésie française.
* 26 Loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.
* 27 Circulaire du 19 mars 2025 relative à l'élaboration des contrats de ville 2025-2030 dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, à Saint-Martin et à la Polynésie française.
* 28 Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.
* 29 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.
* 30 Loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.
* 31 Article L. 1803-5 du code des transports.
* 32 Article L. 1803-5-1 du code des transports.
* 33 Articles L. 1803-17 et L. 1803-18 du code des transports en ce qui concerne Mayotte.
* 34 Article D. 1803-12 du code des transports.
* 35 Arrêté du 14 décembre 2023 modifiant l'arrêté du 18 novembre 2010.
* 36 Décret du 18 décembre 2023modifiant l'article D. 1803-12 du code des transports.
* 37 Le passeport pour le retour doit servir à financer le retour des ultramarins dans leur collectivité d'origine dans le cadre d'un projet professionnel. Le passeport pour la mobilité des actifs salariés permet de payer les transports des actifs effectuant une formation professionnelle dans une autre collectivité d'outre-mer ou dans l'hexagone. Le passeport pour la mobilité des entreprises innovantes finance certains coûts de transports pour les salariés d'une entreprise dite innovante.
* 38 Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.
* 39 Décret n° 2015-996 du 17 août 2015 portant application de l'article 67 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République et relatif au fonds de soutien au développement des activités périscolaires.
* 40 Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.
* 41 Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.
* 42 Arrêté du 4 décembre 2024 pour l'année scolaire 2024-2025.
* 43 À condition, pour les écoles les écoles privées sous contrat, que l'organisation de la semaine scolaire dans ces écoles soit identique à celle des écoles publiques situées sur le territoire de la même commune.
* 44 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 45 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 46 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 47 Décision n° 2011-637 DC du 28 juillet 2011 - Loi organique relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, confirmée par les décisions n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016 - Loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, et n° 2017-753 DC du 8 septembre 2017 - Loi organique pour la confiance dans la vie politique.