TRAVAUX EN COMMISSION

Audition de M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances
et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique
(Mercredi 5 novembre 2025)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - C'est avec plaisir que nous retrouvons Roland Lescure, ancien président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, avec qui nous avons examiné, dans un esprit constructif, nombre de textes lors du quinquennat précédent. Nous vous auditionnons dans vos nouvelles fonctions de ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.

Cependant, ce plaisir est tempéré par le contenu du projet de loi de finances présenté par le Gouvernement, voire mêlé d'une franche inquiétude au vu de la tournure des débats à l'Assemblée. Comme notre rapporteur général, Jean-François Husson, je suis attachée à la vérité des chiffres dans leur simplicité, même si elle est difficile, voire brutale. On présente aux Français des données compliquées, avec des efforts structurels ou tendanciels importants et bien difficiles à matérialiser.

Pourtant, au regard des chiffres clés diffusés par votre propre ministère, je constate que les dépenses nettes sont prévues en augmentation de 22,7 milliards d'euros, quand les recettes nettes progressent plus rapidement encore, à hauteur de 24,6 milliards d'euros, ce qui permet d'améliorer de seulement 6,1 milliards d'euros le solde général. La charge de la dette augmente et atteint 59,3 milliards d'euros, tandis que l'État crée 8 459 nouveaux postes de fonctionnaires.

S'agit-il donc vraiment d'un budget d'économies et de rigueur visant à retrouver un solde primaire positif pour réduire notre dette et restaurer une crédibilité internationale abîmée, qu'illustre la dégradation de la notation de notre dette, ou, au contraire, n'est-il qu'un écran de fumée masquant l'impuissance et l'indécision ? En effet, la situation budgétaire n'est pas grave par principe ou par idéologie, mais bien parce que les renoncements - particulièrement la suspension de la réforme des retraites, qui coûtera au moins 1,5 milliard d'euros d'ici à 2027 et bien plus au-delà - portent atteinte à notre souveraineté et à l'avenir de notre pays.

Je prends l'exemple du secteur spatial. Lors de la prochaine réunion au niveau ministériel du Conseil de l'Agence spatiale européenne (ESA), qui se tiendra à Brême les 26 et 27 novembre prochain, devrait être actée une forte hausse du budget pour la période 2026-2028. Alors que notre pays était au premier rang en Europe depuis le général de Gaulle, notre participation se limiterait à 3,5 milliards d'euros, voire à 2,5 milliards d'euros, là où les Allemands devraient contribuer à hauteur de 5 à 6 milliards d'euros et les Italiens pour 4 milliards d'euros ! Sommes-nous à la veille d'un déclassement brutal de la France en Europe, susceptible d'entraîner des milliers de suppressions d'emplois chez nos fabricants de satellites Airbus Defense and Space et Thales Alenia Space en raison d'un moindre retour sur investissement pour nos industriels ?

Un autre sujet de préoccupation majeure est la pression fiscale. Philippe Aghion, nouveaux prix Nobel d'économie, a marqué les esprits en disant préférer la croissance à l'impôt. Mais, visiblement, nul n'est prophète en son pays... Pourtant, la seule richesse qui puisse être redistribuée est celle qui est créée et qui augmente le pouvoir d'achat. Aujourd'hui notre pays a un immense besoin de réindustrialisation et de conserver ses champions mondiaux, mais aussi de faire émerger des start-ups et des licornes. Souhaite-t-on vraiment le départ de France des centres de décision ou de recherche, la cotation à l'étranger de nos grands groupes ou le passage à Londres ou Palo Alto de notre trentaine de licornes ? Quelle stabilité fiscale et réglementaire offrons-nous aux investisseurs ?

Enfin, monsieur le ministre, vous êtes également chargé des questions énergétiques. Nous sommes attachés au fait que le Parlement en fixe les grandes orientations. Voilà pourquoi Daniel Gremillet et notre commission ont défendu la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie, qui a franchi le cap de la deuxième lecture au Sénat et devait être examinée à l'Assemblée fin septembre avant une commission mixte paritaire (CMP) mi-octobre, calendrier fixé avant la chute du gouvernement Bayrou. Les circonstances en ont décidé autrement, mais il reste urgent d'avancer, alors que reprendre le processus de zéro ferait perdre un temps précieux. Peut-on vraiment se permettre de ne pas voir ce texte aboutir avant l'élection présidentielle, au regard des enjeux de transition énergétique, d'électrification des usages et de coût de l'énergie ? Bien sûr que non ! Monsieur le ministre, ne soyez pas la Pénélope de la programmation énergétique en attente d'un Ulysse providentiel. Passons aux actes, notre pays et ses industriels en ont besoin.

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique. - Je suis moi aussi très heureux de retrouver la commission des affaires économiques du Sénat. Lorsque je présidais celle de l'Assemblée nationale, nous étions en cinq ans parvenus à onze commissions mixtes paritaires conclusives. Depuis, le Sénat a un peu changé, l'Assemblée nationale beaucoup. Par conséquent, notre capacité à faire aboutir des textes s'en trouve compliquée.

Pendant l'examen du budget, l'économie française continue de tourner, et elle tourne plutôt bien. Nous avons eu une croissance de 0,5 % au troisième trimestre et la production industrielle a fortement rebondi en septembre : pour cette année, nous serons donc en ligne avec les prévisions de croissance qui ont sous-tendu le budget, comme j'espère que nous le serons avec l'objectif d'un déficit public à 5,4 % du PIB. Surtout, les entreprises françaises sont au rendez-vous, elles qui ont continué à investir et à exporter.

Comme vous le savez, les incertitudes politiques accroissent les inquiétudes économiques et suscitent de l'attentisme ; il est donc essentiel que les travaux budgétaires à l'Assemblée nationale et au Sénat les lèvent au plus vite.

J'entends vos interrogations, madame la présidente, mais la stabilité politique a un prix. Nous sommes entrés dans un « 110 mètres haies », de la nomination du deuxième gouvernement Sébastien Lecornu à l'adoption éventuelle d'un budget avant Noël. Chaque semaine est une nouvelle haie. La première a consisté à échapper à une motion de censure, qui nous aurait ramenés à la case départ. Or, si la motion n'a pas été votée, s'il existe une majorité de députés qui souhaitent que la France ait un budget, c'est parce que le Premier ministre a annoncé la suspension de la réforme des retraites.

Le terme de suspension est important, madame la présidente. En effet, le crayon n'est levé que jusqu'à l'élection présidentielle, qui sera l'occasion de reprendre le travail sur des modes alternatifs d'organisation et de financement. Ainsi, quand le Président - ou la Présidente - de la République aura été élu en 2027, la réforme des retraites s'appliquera, sauf si une solution alternative était votée.

Le ministre de l'économie et des finances présent devant vous a soutenu cette réforme alors qu'il était membre d'un groupe dont les parlementaires ont vu leurs permanences dégradées, qui étaient insultés sur les réseaux sociaux, etc. Cette suspension n'a pas été facile, mais elle était le coût de la stabilité politique. Vous avez sans doute vu la réaction des marchés financiers : les taux d'intérêt français ont baissé. Les investisseurs internationaux que j'ai rencontrés se sont dits rassurés, alors même qu'ils ne sont pas nécessairement partisans de la suspension, parce que ce qu'ils attendent, c'est la stabilité. Tous souhaitent que la France ait un budget, mais aussi qu'elle poursuive les politiques qui, selon eux, ont permis à la France de prendre une part importante dans le développement de l'Europe.

Si nous ne devons pas céder à la fatalité, il est vrai que la discussion est difficile, à l'Assemblée comme au Sénat. Cependant, elle va, je l'espère, nous amener à la dixième haie de cette course. Le budget, s'il est adopté, par construction, ne contentera personne puisqu'il sera de compromis. Seuls celles et ceux qui souhaitent que la France ait un budget en seront satisfaits - et la France en aura un.

Ensuite, il faudra continuer le travail, et même l'amplifier l'année prochaine, pour continuer à développer l'économie française. Nous en avons besoin pour les territoires, pour l'emploi, mais aussi pour assurer la pérennité de notre système social, auquel chacun ici est attaché, mais qui doit tenir compte des enjeux démographiques indéniables auxquels nous faisons face.

Il s'agit d'un budget d'effort, et non d'un écran de fumée, madame la présidente. Nous prévoyons une hausse des dépenses égale à zéro pour l'État et ses principaux opérateurs, et proposons - le Parlement en décidera - des économies dans tous les secteurs d'activité, hors défense, enseignement supérieur, recherche et régalien, ce que justifie l'environnement géopolitique, extrêmement risqué. En effet, la guerre est aux portes de l'Europe, la situation au Moyen-Orient reste extrêmement tendue, la Chine, extrêmement ambitieuse et puissante, pousse son avantage, et les États-Unis se referment.

Cela rend nos investissements dans la défense et l'innovation cruciaux. Je pense notamment au spatial, madame la présidente. Vous avez mentionné la conférence ministérielle (CMIN) de l'ESA, qui se réunira les 26 et 27 novembre. La France a l'ambition de rester une nation spatiale importante. Il est vrai que les Allemands investissent davantage que par le passé, et tant mieux, car nous nous sentions un peu seuls ! Cela signifie que l'Europe, dans son ensemble, investit davantage. Toutefois, nous ne pouvons ignorer le retour industriel, qui dépend de chaque contribution et a des répercussions sur nos territoires.

En outre, dans le cadre de France 2030, nous avons consacré un milliard d'euros au secteur, ce qui permet de créer des start-ups et de les développer. Ainsi, une start-up développe un cargo spatial qui intéresse le monde entier. Nous devons continuer à accompagner les entreprises françaises qui veulent investir l'espace.

Vous avez parlé des licornes, madame la présidente. Le Président de la République souhaitait que nous en ayons vingt-cinq en 2025 : nous en avons trente, non seulement dans le secteur numérique, mais aussi dans l'industrie. Il faut en être fier.

Vous avez parlé des start-ups : pas moins de 2 500 d'entre elles agissent dans le domaine de la deep tech, c'est-à-dire dans l'industrie et qu'elles créent des produits, de l'emploi et de l'innovation. Alors que nous avons tendance à battre notre coulpe, reconnaissons que nous avons en France des entrepreneurs prêts à conquérir le monde et gardons-le à l'esprit dans le cadre des discussions budgétaires.

En effet, à l'Assemblée nationale, certains amendements, votés par une majorité, sont acceptables et d'autres, sans que je les soutienne, sont compréhensibles. Mais d'autres encore sont tout bonnement inacceptables. Résoudre nos problèmes en taxant le monde entier est tout simplement inconventionnel, inconstitutionnel et pourrait se retourner contre nous, puisque l'État devrait rembourser les personnes concernées si de telles dispositions devaient être adoptées, puis censurées, comme cela est déjà arrivé...

Ma boussole est de garantir les grands équilibres du budget. Il faut réduire les dépenses et éviter de trop taxer, voire diminuer certains prélèvements, comme la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), intégralement compensée depuis des années auprès des collectivités locales. Et il faut tendre vers un déficit public inférieur à 3 % du PIB en 2029, tout en préservant la croissance. À l'inverse, créer 50 milliards d'euros de dépenses et 50 milliards d'euros d'impôts n'affecterait pas le déficit et asphyxierait la croissance française.

Ma feuille de route comporte quatre priorités stratégiques.

La première est de contribuer à doter la France d'un budget pour 2026.

La deuxième est de protéger nos concitoyens et nos entreprises face aux déséquilibres mondiaux. La mondialisation que nous connaissons n'est plus celle d'hier. Le libre-échange n'est pas une religion, même si certains, comme Thomas Piketty, nous qualifient parfois d'idéologues. Le libre-échange est un ensemble de règles économiques qui ne fonctionnent que si tout le monde les suit. Mais les Européens ne peuvent pas être les derniers à suivre le modèle du début des années 2000. Nous avons donc une mission importante de protection et d'adaptation des règles du commerce international à la nouvelle situation géopolitique.

Ainsi, en Europe, des mesures comme la clause de sauvegarde sur l'acier, les droits de douane que nous avons mis en place il y a un an sur l'automobile, ou encore l'attribution du bonus automobile aux véhicules fabriqués en Europe, si elles ne sont pas tout à fait en phase avec l'idéologie du passé, permettent de protéger l'industrie européenne face aux attaques chinoises, principalement, mais aussi américaines.

Nous avons beaucoup parlé de Shein et des autres plateformes capables de changer de collection tous les jours et de vendre des produits à des prix défiant littéralement toute concurrence. Or nous avons changé de dimension depuis quelques jours, une plateforme ayant clairement dépassé les bornes. Le Premier ministre nous a demandé de prendre des décisions très fermes, dans le respect de la loi que vous avez votée. Nous allons plaider pour la préférence européenne dans les marchés publics, comme cela a eu lieu, dans le cadre du soutien à l'Ukraine pour quelques secteurs importants : les éoliennes, les batteries, les pompes à chaleur et l'hydrogène. Nous souhaitons désormais la généraliser.

Concernant l'objectif de ne vendre que des véhicules électriques en 2035, nous sommes prêts à intégrer un peu de la flexibilité demandée par certains partenaires européens, mais à condition que cela profite aux producteurs européens.

La présidence française du G7 commencera au début de l'année prochaine. Dans ce cadre, le Président de la République m'a demandé de traiter des sujets économiques et financiers pour défendre les intérêts de l'Union européenne et lutter contre les déséquilibres énormes qui existent entre les trois grands blocs que sont les États-Unis, la Chine et l'Union européenne. La première étape est de reconnaître ces déséquilibres, même si l'un des blocs, situé à l'est, considère qu'il n'y a pas de problème.

Ma troisième priorité est de renforcer notre souveraineté et notre attractivité industrielles, technologiques et numériques.

Ainsi, la différence entre les usines qui ont fermé et celles qui ont ouvert ou vu leur capacité de production s'accroître approche les 500. C'est bien, comparé aux années précédentes, mais cela reste insuffisant, d'autant que ce mouvement ralentit du fait des incertitudes politiques et économiques. Il faut donc utiliser à fond nos investissements dans la défense, dont nous souhaitons qu'ils fassent également l'objet de la priorité européenne. Comme vous le savez, nous achetons beaucoup français, alors que nos partenaires européens, eux, achètent trop américain. Or, si les Américains font de très bonnes choses, nous aussi, tout comme les Allemands et les Italiens. La base industrielle et technologique de défense (BITD) est donc une priorité absolue. J'échange régulièrement avec Mme la ministre Vautrin pour qu'au-delà de cet écosystème puissant de grandes, de moyennes et de petites entreprises, d'autres sociétés profitent aussi de ces investissements importants. Ce ne sont ni les dividendes de la paix ni les dividendes de la guerre, car si nous ne sommes pas en guerre, nous ne sommes plus tout à fait en paix. Nous devons cependant tirer les dividendes de ces investissements massifs dans notre souveraineté.

La souveraineté, ce n'est pas le repli. Nous avons des filières exportatrices exceptionnelles : l'aéronautique, le vin, le luxe, les technologies environnementales, etc. Nous devons continuer à investir dans ces secteurs, mais aussi rester ouverts à l'importation, sans naïveté, afin de continuer à exporter. Il faut simplifier, investir, accompagner les entreprises à l'export et défendre nos appellations.

Enfin, la quatrième priorité est de construire notre souveraineté énergétique de demain.

L'énergie, c'est le nerf de la guerre. Sans un grand volume d'énergie bon marché et décarbonée, nous n'arriverons à rien. Nous ne pourrons pas concurrencer les pays émergents sur l'industrie à l'ancienne ; nous devons donc investir dans la décarbonation et dans les industries vertes de demain. Pour cela, une grande production d'énergie nucléaire et renouvelable doit s'accompagner d'infrastructures.

J'entends vos interrogations sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Je vous dis, solennellement, que nous allons avancer, avec vous et avec les députés, malgré la complexité des débats à l'Assemblée nationale sur ce sujet. Votre proposition de loi, monsieur le sénateur Gremillet, a été déformée par l'Assemblée. Je reviendrai vers vous prochainement et je m'engage à tenir compte de vos avancées.

La finalité est de faire de la décarbonation de l'industrie traditionnelle un levier de réarmement industriel. Nous en avons besoin, comme nous avons besoin de développer les nouvelles industries. Ainsi, les ouvertures et agrandissements d'usines que j'évoquais tout à l'heure concernent essentiellement l'industrie verte. Je suis persuadé que nous pouvons faire de l'écologie un modèle industriel et de l'industrie un modèle écologique. Il faut arrêter d'opposer les uns aux autres. Nous devons travailler tous ensemble pour que l'Europe soit le premier continent décarboné, non pas au travers de la décroissance, de la contrainte ou de la norme, mais bien par un développement et un modèle ambitieux.

Les défis sont considérables, mais je suis persuadé qu'avec vous, nous pouvons trouver des consensus. Nous ne serons pas toujours d'accord sur tout, mais nous pouvons nous retrouver sur la volonté commune de faire de la France et de l'Europe une grande nation et un grand continent industriel.

Pour ce faire, je m'appuierai sur les piliers de mon ministère, dont le numérique et l'intelligence artificielle, essentiels pour assurer notre compétitivité et notre productivité, tout en maintenant notre modèle social. C'est aussi ce qui nous permettra d'être plus efficaces, y compris dans la production énergétique. Je serai à vos côtés et j'espère que vous serez aux miens, pour qu'ensemble nous fassions de la France une grande nation industrielle, souveraine et conquérante.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (volet Énergie). - Le Gouvernement a mis fin au bonus écologique pour l'achat d'un véhicule propre, aide désormais financée par les certificats d'économies d'énergie (CEE). Ne craignez-vous pas que la hausse des obligations d'économies d'énergie imposée aux fournisseurs n'entraîne, dès 2026, une hausse significative des factures ?

Par ailleurs, dans le cadre de la réforme liée à la fin de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), le Gouvernement propose de désigner Réseau de transport d'électricité (RTE) comme affectataire du versement nucléaire universel (VNU), taxe dont le produit est ensuite reversé aux fournisseurs d'électricité pour compenser la minoration du prix appliqué aux consommateurs. Ces derniers seront incités à déplacer leurs consommations des mois de forte tension vers les mois de plus faible tension. En pratique, comment les entreprises pourront-elles déplacer leur production et les particuliers leur consommation de l'hiver vers l'été ? Il serait terrible d'inciter ces derniers à chauffer leur piscine plutôt que leur logement...

M. Christian Redon-Sarrazy, rapporteur pour avis sur la mission « Économie ». - Notre présidente a pris l'exemple du secteur spatial afin de vous interroger sur le risque d'un déclassement brutal de la France, susceptible d'entraîner des milliers de suppressions d'emplois. Je voudrais élargir cette question à toute l'industrie.

En effet, pour la première fois, le projet de loi de finances descend sous le seuil symbolique du milliard d'euros, avec seulement 941 millions d'euros en crédits de paiement (CP) à destination de l'action n° 23 « Industrie et services », qui regroupe des crédits d'intervention pour l'industrie. C'est un très mauvais signal adressé à notre économie.

Vous êtes chargé de la souveraineté industrielle. Mais laquelle entendez-vous défendre exactement ? S'il s'agit de la souveraineté européenne, nous savons ici que l'Union européenne ne sait protéger ni notre agriculture ni notre industrie. S'il s'agit de la souveraineté nationale, les montants que je viens d'évoquer devraient nous plonger dans un abîme de perplexité.

Pour conclure, monsieur le ministre, comment, sans moyens, notre industrie peut-elle survivre dans une économie ouverte, globalisée, mais aussi de plus en plus asymétrique ? Je rappelle que sous la menace américaine de droits de douane, l'Union européenne a conclu le 28 juillet 2025 avec les États-Unis un accord commercial qui nous conduira à ouvrir encore davantage nos marchés.

Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». - Les documents budgétaires prévoient pour 2026 et pour les années suivantes une normalisation du compte d'affectation spéciale (CAS), appelé à être de moins en moins sous perfusion du budget général de l'État. Dans le même temps, les produits des cessions d'actifs ne sont plus fléchés vers le désendettement, ce qui est heureux, car ce sont les efforts structurels qui permettront de réduire la dette. En outre, dans un environnement géopolitique et économique de plus en plus incertain, la prise de participation directe de l'État dans des entreprises stratégiques, notamment de la défense ou du numérique, est une indiscutable garantie qu'elles ne seront pas captées par des acteurs extra-européens.

Quelle est la doctrine d'intervention de l'État en matière d'industries de base, en particulier la chimie et la sidérurgie, dont le maintien en France conditionne la survie de pans entiers de l'industrie française ? Je rappelle l'importance, pour ces entreprises très consommatrices, du coût de l'énergie, et vous rappelle votre déplacement à Saint-Jean-de-Maurienne, pour signer le renouvellement du contrat de Trimet Aluminium avec EDF. Cependant, d'autres attendent toujours : Ferroglobe, MSSA Métaux spéciaux, Tokai Cobex Savoie, Ugitech, rien que pour la Savoie.

Ensuite, à l'heure où l'on parle de plus en plus de souveraineté européenne, notamment en matière de défense, cela a-t-il encore un sens d'intervenir en ordre dispersé, plutôt qu'au niveau européen, a fortiori lorsque nos moyens sont de plus en plus contraints ?

M. Roland Lescure, ministre. - Monsieur Gremillet, le bonus existe encore, comme vous le précisez dans votre question. Cependant, il est désormais recentré sur les véhicules - à une exception près - fabriqués en Europe. Ainsi, la part de marché des véhicules électriques chinois est passée de plus de 60 % à moins de 20 %, et 80 % des véhicules électriques achetés en France sont fabriqués en Europe. Le plus vendu de ces véhicules est la Renault 5, fabriquée à Douai.

En revanche, nous en avons pérennisé le financement, avec le recours aux CEE. En effet, les financements budgétaires vont et viennent, tandis que les CEE resteront. Il s'agit d'un bon outil. Cela étant, vous avez raison : en faisant trop payer des entreprises qui distribuent de l'énergie carbonée, la facture finale pourrait augmenter. Nous sommes donc particulièrement vigilants quant au risque que pose la hausse de 25 % du niveau d'obligation. Il existe aussi de nouveaux gisements de CEE, notamment dans les transports et dans l'industrie, susceptibles d'abaisser sur les prix.

Nous allons renforcer la lutte contre la fraude à la rénovation énergétique, grâce à des moyens techniques et humains supplémentaires. Notre arsenal nous permettra, je l'espère, de continuer à soutenir la transition écologique tout en évitant que ce soient les ménages ou les entreprises le plus en difficulté qui paient.

L'Arenh était critiqué par tout le monde, mais permettait tout de même à de grands industriels de bénéficier d'une énergie décarbonée à un coût raisonnable y compris dans les moments difficiles, comme pendant la guerre en Ukraine. Nous nous étions engagés auprès de la Commission européenne à changer de système, et j'avais signé avec Bruno Le Maire un accord avec EDF sur les contrats d'allocation de production nucléaire (CAPN), à un coût compétitif pour les grands industriels, dont un à Saint-Jean-de-Maurienne, comme vous l'avez rappelé, madame la sénatrice Berthet. Il se trouve, d'ailleurs, qu'EDF détenait une partie du capital de cette entreprise, ce qui explique peut-être l'attribution en priorité de ce CAPN.

Mais nous avons changé de monde, de volume et de dynamique, et EDF a compris qu'être détenue à 100 % par l'État supposait des efforts commerciaux pour aider notre industrie. En effet, sans industrie, pas de revenus, y compris pour EDF. Nous sommes donc dans une phase d'accélération de la signature des CAPN, dont certains sont conçus pour les petites et moyennes entreprises ou celles de taille intermédiaire. J'espère que vous l'entendez sur vos territoires. Si tel n'est pas le cas, faites-le-nous savoir.

La politique industrielle ne se réduit pas à une ligne budgétaire. Ainsi, le crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte (C3IV), peu coûteux, fonctionne. Il aide à installer, par exemple, des usines de panneaux solaires. J'espère que ce dispositif sera maintenu, voire renforcé.

La baisse de la CVAE bénéficie aux 300 000 entreprises qui y sont assujetties, essentiellement des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) industrielles. Il s'agit donc d'un choix stratégique pour soutenir l'industrie. Cependant, si nous devons continuer à « mettre le paquet » sur les industries qui vont bien - innovation, intelligence artificielle, décarbonation, etc. -, il faut aussi aider celles qui sont en difficulté. Cela fait partie de la feuille de route du ministre Sébastien Martin. Ainsi, même si nous ne pouvons sauver tout le monde, lorsque nous avons un business plan correct et un repreneur prêt à investir, nous accompagnons.

Selon notre doctrine, nous avons clairement vocation à investir, via l'Agence des participations de l'État (APE), dans trois types d'entreprises. Les premières sont les entreprises stratégiques, qui contribuent à l'indépendance et la souveraineté, dont notre grand électricien. Les deuxièmes participent à des missions de service public ou d'intérêt général. Enfin, les troisièmes sont les entreprises en difficulté soulevant un risque systémique. Ces décisions doivent s'inscrire dans une stratégie patrimoniale plus large dépassant le cadre budgétaire, qui regroupe les portefeuilles complémentaires de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), de Bpifrance et de l'APE, dont j'ai la tutelle. Le Premier ministre a souhaité engager une réflexion sur la cohérence de l'ensemble. En particulier, la participation de l'État au capital de certaines entreprises devrait conduire celles-ci à modifier leurs relations commerciales avec les fournisseurs.

Dans certains secteurs très cycliques, l'État ne doit intervenir qu'avec une main tremblante. La chimie fait face à des défis incommensurables, en particulier la concurrence déloyale et malsaine d'un certain nombre de pays. Nous devons y travailler avec l'Europe et simplifier les normes, tout en préservant la planète et la santé de nos concitoyens. Attention, toutefois, aux voeux pieux et aux demandes de nationalisation à tout-va !

M. Fabien Gay. - Nous nous connaissons depuis longtemps, monsieur le ministre. Vous appelez à la responsabilité, à trouver un compromis avec les gens raisonnables. Cependant, dans votre récit, vous avez oublié une chose : il y a un an, vous avez perdu les élections. Or je ne connais aucun pays démocratique où, lorsque l'on perd les élections, on continue la même politique !

Je suis prêt à chercher un compromis, mais que soutenez-vous ? Par exemple, M. Jean-Pierre Farandou explique que l'on va retirer la prime de Noël de 150 euros à ceux qui, touchant le RSA - 646 euros par mois -, n'ont pas d'enfants à charge. Mais ces gens-là ont, eux aussi, droit à un petit peu de bonheur en fin d'année ! Peut-être ont-ils des neveux, des nièces, des grands-parents, ou l'envie de faire un bon repas et d'offrir quelques cadeaux... Par ailleurs, je constate votre refus de taxer à hauteur de 2 % le patrimoine de 1 800 milliardaires. Ainsi, votre choix politique est de raboter de 200 millions d'euros la prime de Noël de ceux qui perçoivent 646 euros, tout en écartant l'idée de la taxe Zucman, pourtant défendue par sept prix Nobel. Où est le compromis ? Où allons-nous ?

J'en viens à ma deuxième question. Hier, j'étais à un meeting de soutien aux salariés d'ArcelorMittal. Vous avez dit qu'il n'y aurait pas de nationalisation, sujet qui sera à nouveau évoqué à l'Assemblée nationale, le 27 novembre, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe La France insoumise. Sauf que les pratiques de ce groupe, nous les connaissons depuis Gandrange, puis Florange, tout comme les trahisons qui ont suivi.

Afin de décarboner les deux hauts fourneaux situés près de Gravelines, il faut construire une ligne à haute tension pour les relier à la centrale. Or les salariés de la centrale de Gravelines, des camarades de la CGT, m'ont dit que le projet était à l'arrêt. Il n'y aura pas de ligne à haute tension. Face à cela, le pouvoir politique ne peut fermer les yeux. Mittal ne décarbonera pas. Le laisserons-nous, d'ici à 2030, fermer encore trois hauts fourneaux ? Quelle est l'alternative à la nationalisation ? Si nous ne commençons pas la décarbonation dans les six mois, les deux hauts fourneaux ne seront jamais prêts pour 2030. Les salariés ne demandent pas la lune, ils nous exposent les faits !

M. Philippe Grosvalet. - En tant que ministre de l'industrie, vous êtes venu à Saint-Nazaire, dont vous avez constaté le dynamisme industriel, y compris de la part d'entreprises anciennes qui s'engagent dans des secteurs d'avenir et dans la transition énergétique. Tout cela est évidemment le fruit conjoint de l'action des entreprises elles-mêmes, mais aussi des acteurs locaux, collectivités et chambres consulaires notamment.

Or vous avez déjà ponctionné 100 millions d'euros, l'an dernier, sur la trésorerie des chambres de commerce et d'industrie (CCI). Dans le projet de loi de finances, il est prévu, non pas un nouveau coup de rabot, mais la quasi-décapitation d'un réseau indispensable sur nos territoires, à raison de 175 millions d'euros. Je rappelle que les CCI accompagnent les entreprises, mais définissent aussi, avec nos collectivités, des stratégies locales de très long terme.

M. Henri Cabanel. - Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? J'ai du mal à établir la corrélation entre les dépenses et les recettes...

À titre d'exemple, le 8 octobre dernier, le président de la Fédération française du bâtiment nous a démontré qu'un euro investi par l'État au travers de MaPrimeRénov' rapportait in fine deux ou trois euros de retombées économiques. Est-ce exact ? Pourquoi, en ce cas, en restreindre les critères et se limiter à 13 000 dossiers par an ?

En outre, les élus de territoire que nous sommes savent que c'est non pas l'investissement qui coûte le plus cher, mais bien le fonctionnement. Or notre pays ne compte pas moins de 1 200 agences publiques, dont le fonctionnement coûte plus de 80 milliards d'euros par an. Monsieur le ministre, savez-vous ce qu'est le Céreq ? Il s'agit du Centre d'études et de recherches sur les qualifications... Avons-nous besoin de toutes ces agences ? N'y a-t-il pas là de larges économies à réaliser ?

M. Roland Lescure, ministre. - Monsieur Fabien Gay, nous n'avons pas gagné les élections, même si pour ma part, j'ai été réélu, après avoir adressé à mes électeurs le même message qu'à vous : nous allons devoir travailler avec toutes celles et tous ceux qui souhaitent que la France avance, et dont vous faites partie, monsieur le sénateur. Cependant, votre camp n'a pas gagné non plus...

Aujourd'hui, dans tous les groupes parlementaires à l'exception de La France insoumise et du Rassemblement national, des députés ont décidé de ne pas voter la censure. Cela étant, je sais bien que le député communiste et ses collègues écologistes et socialistes qui sont dans ce cas ne sont pas d'accord avec moi sur grand-chose. Parmi les députés de la droite républicaine, et même en notre sein, il y a des désaccords profonds. Mais vous ne pouvez pas dire que vous n'avez rien obtenu et qu'il n'y a pas eu de compromis. La suspension de la réforme des retraites m'a-t-elle fait plaisir ? Non. Suis-je satisfait que le Premier ministre l'ait acceptée ? Oui, parce que c'est le prix de la stabilité politique.

J'ai défendu un amendement à l'Assemblée nationale, monsieur le sénateur, introduisant une surtaxe exceptionnelle de 2 milliards d'euros, s'ajoutant à celle de 4 milliards d'euros déjà prévue dans le projet de budget. Je ne l'ai pas fait de gaieté de coeur, mais parce que je suis convaincu que, face à des dépenses votées ou susceptibles de l'être, comme sur l'année blanche fiscale ou la forfaitisation de l'abattement fiscal sur les pensions de retraite, il fallait des recettes. J'ai fait de nombreux compromis. Certains ont récemment remporté des victoires, même s'ils ne les revendiquent peut-être pas suffisamment. Mais je ne peux pas vous laisser dire que nous n'avons rien fait.

Quant à la taxe Zucman, ce n'était pas un compromis, mais une proposition à prendre ou à laisser. Parmi les sept prix Nobel qui soutiennent cette proposition, pas un ne paie ses impôts en France, contrairement à Philippe Aghion.

M. Philippe Grosvalet. - Ce n'est pas un argument !

M. Yannick Jadot. - Esther Duflo paye ses impôts en France !

M. Roland Lescure, ministre. - En tout cas, elle enseigne aux États-Unis... Si un impôt sur les grandes fortunes touche l'outil de production, ce dernier sera déplacé ailleurs. Je pense, par exemple, à une entreprise de taille intermédiaire dans l'agroalimentaire, détenue par une famille de génération en génération et dont les dirigeants, sans doute, gagnent bien leur vie. Ces gens-là ont du capital, qui dépasse sans doute les 300 millions d'euros, soit le seuil proposé par Gabriel Zucman. Ainsi, les parts d'entreprise qu'ils devront vendre pour payer la taxe Zucman pourraient aller à l'État, selon l'hypothèse de son instigateur ; mais ce n'est pas le rôle de l'État que de prendre 2 % de l'ensemble du capital des entreprises de taille intermédiaire. L'autre option serait de les vendre à l'international.

J'entends la demande de justice fiscale, mais à ce jour, l'Assemblée nationale a voté pour 5 milliards d'euros d'impôts supplémentaires à destination des plus aisés. Ces « riches » sont ainsi passablement « chargés ». 'Mais telle n'est pas la proposition de M. Zucman. Quoi qu'il en soit, il faut préserver notre modèle social, fondé sur la prospérité et sur la solidarité nationale. Attention, toutefois, à ne pas casser l'outil.

Je suis toujours le dossier d'ArcelorMittal, avec qui nous menons une négociation difficile. Toujours est-il que ce grand champion industriel mondial sait faire tourner des aciéries. Toutefois, la problématique de la subvention de la décarbonation ne se pose pas qu'en France, comme le montre l'exemple de ThyssenKrupp. Nous avons accepté de subventionner la décarbonation à hauteur de 900 millions d'euros. En effet, si nous ne sommes pas capables de fournir de l'énergie décarbonée abondante et peu chère, ils partiront. En revanche, sur la ligne à haute tension, je n'ai pas de réponse. Je vais m'assurer que cette ligne importante figure bien dans le plan de développement de RTE.

J'en arrive à la clause de sauvegarde. La Commission européenne doit tenir son engagement de septembre dernier, afin de protéger les aciéries européennes contre la concurrence déloyale venue d'Asie ; je suis persuadé que nous pouvons y arriver. Des centaines de salariés travaillent chez ArcelorMittal, dans un bassin industriel en pleine renaissance. Nous continuerons à y investir.

Nous avons visité ensemble les chantiers navals de Loire-Atlantique, monsieur le sénateur Grosvalet : ils doivent continuer à se développer, conformément au message formulé il y a quelques jours par le Président de la République, lors des dernières Assises de l'économie de la mer.

Je ne vais pas vous dire que la situation des CCI est facile. Je rencontrerai, demain, les présidents de CCI France et de CMA France, pour les chambres de métiers et de l'artisanat. J'entends la nécessité de baisser les dépenses et tout le monde devra faire des efforts.

Je reconnais volontiers que nous devons travailler sur les agences et lirai en détail le rapport de Christine Lavarde, écrit au nom de la commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État. On ne peut pas dire, cependant, que ces dernières doivent faire encore plus d'efforts, tout en en dispensant les CCI et les CMA. Peut-être certaines agences peuvent-elles se rapprocher dans des territoires, ou développer des activités commerciales ? Mais face au mur, tout le monde doit se retrousser les manches.

Sur MaPrimeRénov', nous avons reçu des plaintes quant à son caractère, parfois, d'« open bar ». Nous avons donc, l'été dernier, recentré le dispositif.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Entretemps, vous avez retiré l'isolation par les murs et les chaudières.

M. Roland Lescure, ministre. - Nous avons recentré ce dispositif pour qu'il soit plus efficace, puisque nous parlons d'argent public. Nous allons concentrer les efforts contre la fraude, et nous avons pérennisé le financement de la prime grâce aux CEE.

Si je suis convaincu de l'utilité de ce dispositif, il faut qu'il soit efficace économiquement et sur le plan environnemental. In fine, il nous faut des maisons bien isolées émettant peu de gaz à effet de serre. En effet, c'est dans le bâtiment que le coût de la tonne de carbone évitée est le plus élevé. La moindre des choses est donc de nous assurer de l'efficacité de ces dépenses.

Mme Antoinette Guhl. - Duralex, La Meusienne, Bergère de France, Scop-TI : voilà quatre entreprises qui ont été rachetées par leurs salariés pour éviter, tout simplement, leur fermeture. Duralex a réalisé, pas plus tard qu'hier, une levée de fonds importante auprès des Français, dans une forme de plébiscite. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour faciliter la reprise d'entreprises par les salariés ? Quels outils Bpifrance peut-elle mettre à leur disposition ?

Sur la lutte contre la fraude, nous avons vu le rôle important de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), par exemple dans l'affaire Nestlé Waters. De quels moyens la doterez-vous pour qu'elle continue à réaliser pleinement ses missions, alors que les modes de commercialisation sont très changeants ?

Enfin, quels sont les secteurs prioritaires d'industrialisation et de réindustrialisation ? Quels outils créez-vous au service de votre politique industrielle, que j'avoue pour l'instant ne pas percevoir ?

Mme Marie-Lise Housseau. - Je voudrais vous parler des plateformes de commerce en ligne, notamment chinoises, comme Shein, Temu et Joybuy, qui comptent 600 millions de clients. Désormais, elles s'attaquent aux marchés physiques, comme le BHV, et passent des accords avec La Poste. Le résultat : des milliers de références qui ne respectent pas la législation et des prix bradés qui tuent tous les commerces.

Comment lutterez-vous contre ce pillage en règle de notre tissu économique ? La taxe de 2 euros sur les petits colis, inscrite dans le projet de loi de finances pour 2026, sera-t-elle suffisante, d'autant que la Commission européenne se montre très critique et suggère d'attendre l'harmonisation en 2028 ? Cela, alors même que Donald Trump multiplie les taxes douanières dissuasives contre les produits chinois, renvoyant ceux-ci vers l'Europe. Aurons-nous le remède avant que le malade ne soit mort ?

M. Patrick Chaize. - Je souhaite notamment vous interroger sur le numérique.

Qu'en est-il de l'équilibre économique des réseaux d'initiative publique (RIP), qui pose une vraie difficulté ?

Par ailleurs, quelle est votre vision pour Mayotte ? En effet, dans le projet de budget, le compte n'y est pas...

Un accord de votre ministère est attendu sur la vente d'Exaion à l'américain Mara. Je souhaite vous entendre sur ce sujet, qui soulève une problématique de souveraineté.

Les conséquences du projet de loi sur les missions de service public et d'aménagement du territoire de La Poste risquent de créer une réelle difficulté de fonctionnement pour les agences postales communales. Qu'en pensez-vous ?

Enfin, qu'allez-vous faire du projet de loi de simplification de la vie économique ?

(M. Daniel Gremillet, vice-président de la commission des affaires économiques, prend la présidence de la réunion en lieu et place de Mme Estrosi Sassone.)

M. Roland Lescure, ministre. - Les sociétés coopératives participatives (Scop) sont une très bonne chose. Je suis favorable à la reprise d'entreprises en difficulté dans le cadre d'un plan d'affaires favorable, surtout si, de surcroît, les salariés peuvent en bénéficier. Je le suis tellement que c'est moi qui ai autorisé le soutien du fonds de développement économique et social (FDES) pour la reprise de Duralex. Je suis donc très heureux que cette entreprise aille mieux, même si l'on ne peut pas encore dire qu'elle va bien. Elle a pu réaliser une augmentation de capital de 5 millions d'euros en quelques heures, au lieu de trois semaines, et nous avons accordé un prêt de 750 000 euros au titre du FDES.

La Scop est un levier de reprise, un modèle que nous soutenons. Le commissariat général aux Scop est très présent et Bpifrance aide à la reprise par les salariés. En outre, nous avons créé des exonérations de plus-value pour la cession par le chef d'entreprise aux salariés et les chambres de commerce et d'industrie assurent un accompagnement. Je suis également très favorable à l'actionnariat salarié.

Sur la répression des fraudes, je transmets votre question à Serge Papin, ministre de plein exercice chargé des questions de consommation et de pouvoir d'achat.

Les secteurs stratégiques prioritaires sont nombreux et comprennent, entre autres, le spatial et l'aéronautique. Le Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac) permet de financer la recherche dans le domaine. N'oublions pas le secteur ferroviaire, avec un champion mondial, Alstom, et celui des médicaments, notamment critiques. J'avais beaucoup travaillé à la relocalisation de la production de ces derniers dans le cadre de mes précédentes fonctions et j'ai demandé à Sébastien Martin de continuer à le faire, car la crise du covid a révélé à quel point notre souveraineté était mise à mal.

En fait également partie le secteur énergétique, notamment le nucléaire, l'éolien en mer, les batteries, les pompes à chaleur et les panneaux solaires, éléments très importants de notre souveraineté énergétique future, tout comme le nouveau nucléaire. Des gigafactories de panneaux photovoltaïques sont en cours de construction et un écosystème exemplaire des batteries se développe dans les Hauts-de-France. Il en va de même pour la production de pompes à chaleur, qu'il faut continuer à soutenir.

Madame la sénatrice Housseau, nous n'avons pas de formule magique pour interdire les plateformes de commerce en ligne, d'autant que, paradoxalement, ce dernier fait aussi vivre les territoires au travers de plateformes locales. Il n'en reste pas moins vrai que, face à ces géants capables de changer de collection tous les jours et de proposer des produits à des prix tuant toute concurrence, nous devons agir et ce, comme vous l'avez dit, au niveau européen. Le Premier ministre nous a demandé, à Anne Le Hénanff et à moi-même, d'écrire aujourd'hui à la Commission européenne sur ce point.

Cela arrive maintenant parce que, à deux reprises, en quarante-huit heures, une plateforme a enfreint la loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, dans ses dispositions sur la vente ou la promotion de contenus à caractère terroriste, pédopornographique ou liés au narcotrafic, avec une obligation absolue de retirer les contenus en vingt-quatre heures. Concernant les armes, une autre législation prévoit un délai de quarante-huit heures.

Compte tenu de ces deux délits, le Premier ministre a décidé d'entamer la procédure de suspension, mais celle-ci ne s'improvise pas. Je reçois les fournisseurs d'accès demain, mais, si nous voulons traiter ce sujet de manière durable, nous devons le faire au niveau européen. Afin de renchérir les coûts pour ces plateformes, nous allons, je l'espère, adopter la taxe de 2 euros par colis. Mais nous ne pourrons pas faire plus ; en effet, si nous taxons chaque colis Shein à hauteur de 20 euros, ils passeront par Munich, Francfort, Milan ou ailleurs. Or nous voulons que La Poste continue à gagner de l'argent sur ces colis, afin de ne pas affaiblir son modèle économique.

À celles et ceux qui, lors de son audition du 21 octobre dernier, ont bousculé la patronne de La Poste sur son accord avec Temu, je dis de ne pas tirer sur le postier. Les colis qu'il livre contribuent au chiffre d'affaires de La Poste, ce qui est bienvenu alors que d'autres activités sont en profonde décroissance. En outre, si ce n'est pas lui qui le fait, d'autres s'en occuperont. Il faut donc bien agir à Bruxelles, où nous aurons de forts arguments à présenter compte tenu des évènements de ces derniers jours.

Monsieur Chaize, j'imagine que votre question portait sur le développement de la fibre optique à Mayotte ; je n'ai pas de réponse précise à vous fournir et je vous propose de nous rencontrer pour évoquer ce sujet.

J'en viens à votre question sur Exaion. Il s'agit non pas d'une vente, mais d'une prise de participation envisagée par un acteur américain sur des activités certes importantes, mais non critiques. L'opération porte sur 0,1 % de la capacité de calcul française. Nous ne sommes pas en train de construire les réacteurs nucléaires de demain avec une entreprise que nous vendrions aux Américains. D'aucuns à l'Assemblée nationale ont donné l'impression que nous bradions toutes les technologies françaises. Ce n'est pas le cas : EDF resterait actionnaire de l'entreprise.

Les activités de service public de La Poste décroissent. Le courrier diminue, la livraison des journaux coûte une fortune à l'entreprise, alors même que l'État en compense une bonne partie. La Poste est à peu près parvenue à l'équilibre sur ses activités commerciales, pour lesquelles la concurrence est importante. En tant que parlementaires, vous êtes évidemment très sensibles à la mission d'aménagement du territoire assumée par La Poste. Mais tout le monde doit faire des efforts dans le contexte financier actuel.

L'examen du projet de loi de simplification de la vie économique a été de plus en plus complexe au fil du temps. Nous ne connaissons pas la date de la commission mixte paritaire. Lorsque Bruno Le Maire a présenté ce texte - j'étais à ses côtés à l'époque -, nous envisagions de bâtir la cathédrale de la simplification. Mais la dissolution est passée par là... La version adoptée par l'Assemblée nationale n'est pas la meilleure base de discussion : certaines dispositions sont intéressantes, tandis que d'autres sont très disparates. Nous devons veiller à ce que le projet de loi réponde bien à l'objectif qui lui a été fixé et ne complexifie pas les choses.

M. Yves Bleunven. - Votre discours est clair : nous devons faire montre de responsabilité collective pour affirmer notre souveraineté industrielle.

Je souhaite attirer votre attention sur les conséquences de l'entrée en vigueur du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) le 1er janvier prochain. Si je suis en phase avec le concept à l'origine de ce dispositif, qui vise à ne pas pénaliser les entreprises européennes face à des importations aux conséquences néfastes sur les émissions de carbone, les choses se sont dégradées lors de l'application du principe.

Il faut rappeler le contexte. Notre économie est très résiliente, puisqu'elle a surmonté le covid, la guerre en Ukraine et la flambée des prix de l'énergie. Il lui est plus difficile de surmonter l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, source de grands désordres dans l'ordre économique mondial. Nous peinons à adapter nos codes douaniers à la hauteur de la déstabilisation que connaissent les flux économiques.

C'est dans ce contexte que le MACF s'appliquera à des produits simples, tels que l'acier, l'aluminium, les engrais, l'hydrogène ou l'électricité, et qui comptent pour la moitié de nos émissions de carbone.

Nous nous dirigeons tout droit vers une catastrophe monumentale. En un an, trois usines d'engrais ont fermé dans le Grand Ouest. Alors que nous dépendons désormais de l'étranger pour nos approvisionnements, nous sommes sur le point de doubler, voire de tripler, la valeur des produits à cause du MACF. C'est complètement absurde : nous allons affaiblir notre agriculture à vitesse grand V !

Nous disposons dans notre pays de véritables pépites dans le secteur de la métallurgie, avec de véritables savoir-faire. Je pense notamment à l'entreprise Ferotec, située en Bretagne, qui achète de l'acier chinois pour fabriquer des unités destinées aux usines fabriquant des granulés. Celle-ci paie des taxes lorsqu'elle achète l'acier, alors que les produits élaborés en Chine n'y sont pas soumis. Si vous ajoutez à cela un MACF au taux de 15 %, on ramassera l'entreprise à la petite cuillère dans un an !

Je ne crois guère à un report du dispositif, à deux mois de son entrée en vigueur. En tant que ministre de la souveraineté industrielle, quel dispositif envisagez-vous de mettre en place dans le prochain projet de loi de finances pour éviter que ces entreprises ne meurent ?

M. Daniel Fargeot. - L'article 22 du projet de loi de finances instaure la taxe sur les petits colis livrés depuis l'étranger. Ce dispositif vise à envoyer un signal-prix face aux dérives environnementales et au dumping des plateformes de commerce en ligne étrangères, qui se traduisent par un afflux de biens importés hors de l'Union européenne, notamment d'Asie. Pour la France, cela représente plus de 800 millions de colis. Si ce dispositif répond à un objectif partagé, sa rédaction actuelle soulève des obstacles qui risquent d'en détourner le sens. Trois angles morts menacent son efficacité.

D'abord, qui est le redevable effectif ? Le texte désigne le transporteur - La Poste, FedEx, entre autres -, qui n'a aucun lien contractuel avec l'acheteur final. Le recouvrement ex- post est illusoire et créerait des créances irrecouvrables de plus de 10 millions d'euros par an pour les seuls expressistes implantés à Roissy, qui emploient des milliers de salariés.

Ensuite, comment appréhendez-vous le détournement de trafic ? La Chine, par exemple, passera par l'Allemagne - et DHL - et non par la France, ce qui n'apportera aucun bénéfice, ni pour l'environnement, ni pour nos douanes, ni pour nos opérateurs français. Comment limiter clairement la taxe aux entreprises en B2C (business to consumer) lorsque la frontière opérationnelle avec le B2B (business to business) reste floue ?

Enfin, le partenariat entre Temu et La Poste entrera-t-il pleinement dans le champ de la taxe ou constitue-t-il une faille du dispositif ?

En résumé, comment garantir une mise en oeuvre réelle pour éviter qu'une bonne idée ne devienne un dispositif marketing qui resterait dans son emballage ou, pis, qui fragiliserait une filière en France ? Il s'agit d'emplois : vous aurez compris que je défends les expressistes face à ces angles morts.

Mme Amel Gacquerre. - J'aimerais revenir sur l'enjeu de la souveraineté industrielle, et plus précisément sur notre industrie locale et nos petites et moyennes entreprises (PME), qui constituent l'ossature des filières clés que nous voulons défendre : la chimie, l'automobile, l'agroalimentaire ou encore les matériaux. Sans ce tissu industriel local, sans ces fleurons, notre industrie ne serait pas ce qu'elle est.

Ces PME sont les plus exposées aux prix de l'énergie, aux ruptures d'approvisionnement, au déficit d'investissement et aux difficultés de recrutement, sans oublier les lourdeurs administratives et réglementaires inégalées auxquelles elles font face. Tout cela a un coût.

Dans le projet de loi de finances pour 2026, quels dispositifs sont prévus pour renforcer l'amont des chaînes de valeur, pour financer la modernisation des PME et leur transition énergétique et écologique ? Celles-ci souhaitent s'y engager, mais n'en ont pas les moyens aujourd'hui. Il y va de la survie de ces entreprises locales ; sans cela, nous ferions face à la perte irréversible de compétences et de savoir-faire. Lorsque la filière du nucléaire a été relancée, nous avons manqué de compétences.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Ma question portait sur les petits colis ; M. Fargeot m'a devancée. J'attends votre réponse, monsieur le ministre, avant d'intervenir.

M. Daniel Salmon. - J'ai reçu de nombreux acteurs de l'insertion par l'activité économique (IAE) de mon département : tous s'alarment d'une baisse de 200 millions d'euros des crédits du programme 102 « Accès et retour à l'emploi ». C'est catastrophique, tant l'utilité sociale de ces acteurs est reconnue.

De nombreuses personnes éloignées de l'emploi ont absolument besoin de ces activités pour se réinsérer. J'espère que ces crédits pourront être rétablis.

M. Roland Lescure, ministre. - Monsieur Bleunven, le MACF est une bonne idée. Nous devons toutefois veiller à ce que celle-ci ne se transforme pas en cauchemar si le dispositif était mal calibré.

Le MACF vise à taxer à l'entrée les produits fabriqués hors d'Europe de manière plus polluante, pour tenir compte de leurs émissions de carbone. Mais nous ne sommes pas en mesure de tout intégrer, voilà la difficulté. Nous avons commencé par intégrer les produits de base, mais nous nous battons pour élargir le champ d'application du mécanisme. L'exemple que vous avez cité, sur les produits de l'aval, est pertinent : un produit semi-fini fabriqué en Chine et exporté en Europe ne sera pas soumis à la MACF ; en revanche, un produit fabriqué en Europe à partir d'une matière brute importée de Chine le sera, lui. D'où une distorsion de concurrence. Nous faisons pression sur la Commission européenne pour que celle-ci élargisse le mécanisme à d'autres secteurs ; nous attendons également des propositions de sa part sur certains produits de l'aval.

Pour certains secteurs comme la chimie, nous avons prévu des mécanismes de lissage afin d'éviter un « coup de bambou » dès le 1er janvier. Notre objectif est d'éviter les fuites de carbone. Si votre entreprise importe des produits soumis à un MACF cher et exporte, elle sera doublement taxée, ce qui pose des enjeux de compétitivité.

Un autre débat porte sur le calcul de la contribution carbone. Si une usine chinoise est située près d'un barrage produisant de l'hydroélectricité, ses responsables diront qu'elle ne pollue pas. Or la Chine émet globalement beaucoup plus de gaz à effet de serre que nous. Nous nous battons donc pour que l'on intègre les émissions du pays d'origine, et non pas seulement celles du barrage, lequel risque d'être utilisé plusieurs fois dans les déclarations de taxes.

Les sujets de l'aval, de l'exportation et de la mesure de la contribution carbone sont donc très importants. Nous insistons pour que la Commission fasse des propositions concrètes avant le début de l'année 2026, date à laquelle le MACF doit théoriquement entrer en vigueur.

Monsieur Fargeot, madame Renaud-Garabedian, si nous fixions le montant de la taxe sur les petits colis à 50 euros, ceux-ci transiteraient par d'autres pays. C'est pourquoi nous l'avons fixé à 2 euros. Le produit de cette taxe nous permettra de recruter des contrôleurs. Toutefois, celle-ci a vocation à être transitoire : nous souhaitons en effet entamer des négociations au niveau européen pour régler le problème avant l'échéance électorale de 2027.

Cette taxe est collectée par l'administration des douanes lors de la procédure de dédouanement ; elle n'est à la charge ni de La Poste ni du client.

M. Daniel Fargeot. - Cela ne figure pas sur l'imprimé H7.

M. Roland Lescure, ministre. - Non, la taxe n'est pas encore entrée en vigueur.

M. Daniel Fargeot. - Il faudra modifier le formulaire !

M. Vincent Louault. - Quid du principe de libre circulation des marchandises au sein de l'Union européenne ? Le colis peut transiter par l'Italie, par exemple.

M. Roland Lescure, ministre. - Vous avez raison : c'est pourquoi le montant de la taxe ne doit pas être trop élevé.

M. Daniel Fargeot. - Je vous ai préparé une petite note : c'est bien l'imprimé H6 qui fait référence, et non le H7. Il faut régulariser les choses ; il s'agit d'un simple problème technique.

M. Roland Lescure, ministre. - La technique a parfois des effets pervers que nous devons traiter...

Madame Renaud-Garabedian, ai-je répondu à votre question ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Il me semble que la taxe s'applique par catégorie d'articles, et non par colis : est-ce exact ?

M. Yannick Jadot. - Oui, c'est cela. Si le colis comporte par exemple deux tee-shirts et deux paires de chaussettes, la taxe s'élèvera à 4 euros.

M. Roland Lescure, ministre. - Je vérifierai cette information et vous tiendrai informés.

Monsieur Salmon, je ne veux pas vous donner l'impression de botter en touche, mais l'IAE relève de la compétence de mon collègue Jean-Pierre Farandou. Je lui demanderai de vous répondre.

Madame Gacquerre, nous avions déjà fait avancer les choses en matière de stratégie industrielle, mais le rapport Draghi a constitué une sorte de signal d'alarme. Le projet de loi de finances prévoit le financement du nouveau nucléaire, grâce aux contrats d'allocation de production nucléaire, les CAPN. Il prévoit aussi une baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ce qui stimulera la compétitivité des entreprises dans les territoires. J'invite aussi chacun à limiter la sorcellerie fiscale - j'ai utilisé ce terme dimanche dernier à l'Assemblée nationale. Évitons de créer des usines à gaz qui compliquent la vie des entreprises !

L'innovation est la clé de la stratégie industrielle. Un peu plus de la moitié des crédits de France 2030, qui s'élèvent à 54 milliards d'euros, a déjà été engagée. Les crédits restants seront dirigés prioritairement vers l'industrie, secteur dans lequel quelque 60 000 emplois ne sont pas pourvus. Madame la sénatrice, encouragez les jeunes filles à postuler ! Nous avons besoin de soudeurs et de techniciens.

Enfin, les règles du commerce international ont changé. Nous travaillons d'arrache-pied pour introduire la préférence européenne pour les produits européens ; j'espère que nous y parviendrons à l'occasion du prochain Conseil européen.

M. Yannick Jadot. - Les filières économiques, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, ne supportent plus l'instabilité permanente des politiques publiques. Dominique Estrosi Sassone, Amel Gacquerre et moi-même avons reçu les représentants de la Fédération française du bâtiment : ceux-ci estiment que l'effondrement de l'investissement dans le logement a entraîné une perte de recettes fiscales s'élevant à 20 milliards d'euros, puisqu'un euro investi représente deux à trois euros de recettes.

Dans le secteur de la rénovation, tout le monde est effondré. Dans le secteur des énergies renouvelables, tout le monde est effondré. Nous avons reçu les représentants d'Engie la semaine dernière, qui nous ont dit : « Arrêtez l'instabilité ! ». Nous avons auditionné Carlos Tavares et Jean-Dominique Senard, qui nous ont dit : « Nous serons prêts en 2035 pour la voiture électrique ». Certains groupes politiques s'emparent de cette instabilité. Résultat : les industriels reculent. Descendre du train alors que la Chine a dix ans d'avance est une aberration absolue ! Monsieur le ministre, tenez ferme sur l'échéance de 2035, car nous avons besoin d'une industrie automobile compétitive. Investissez dans le logement et cessez de réduire à peau de chagrin les crédits en faveur de la rénovation énergétique.

J'en viens à Shein. Ne pourrions-nous pas anticiper sur le règlement européen relatif au travail forcé, qui ne doit entrer en vigueur qu'en 2027 ? La Chine pratique le travail forcé d'État. L'Union européenne pourrait sanctionner ces conditions de production qui s'apparentent à du semi-esclavage, notamment dans le Xinjiang.

La quasi-totalité des sénateurs et des députés est opposée à l'adoption de l'accord avec le Mercosur, si bien que le Gouvernement évoque maintenant l'adoption de clauses de sauvegarde. J'ai travaillé quinze ans sur les accords de libre-échange : ceux-ci permettent de communiquer, de rassurer, mais, en réalité, cela ne sert à rien.

Au mois de janvier dernier, à la suite d'un accord transpartisan, le Sénat avait voté en faveur de l'acquisition par l'État d'une action spécifique de TotalEnergies, qui donnerait à l'État les moyens d'agir, notamment pour conserver le siège social du groupe en France.

M. Rémi Cardon. - Alain Cadec, Annick Jacquemet et moi-même avons récemment publié un rapport d'information sur la filière automobile, formulant dix-huit recommandations.

Les discussions avancent sur l'harmonisation au niveau européen des aides à l'achat ; avez-vous des informations à nous communiquer à ce sujet ?

Se pose aussi la question, déjà soulevée, de la stabilité fiscale en France, notamment sur les aides, que ce soit pour les voitures électriques ou pour la rénovation thermique. Pour les voitures électriques, le dispositif a changé dix-sept fois en cinq ans : les consommateurs et les concessionnaires ont du mal à s'y retrouver.

Le leasing social - un outil efficace, préconisé à une époque par les socialistes et repris par Emmanuel Macron - rencontre un grand succès, avec plus de 40 000 foyers modestes qui pourront accéder à la voiture électrique. Le plafond du dispositif, fixé à 50 000 foyers, sera atteint rapidement. Il faudra plus de moyens, notamment pour l'étendre aux classes populaires et moyennes afin d'accélérer le passage vers la voiture électrique.

Pour accéder au leasing social, le plafond du revenu fiscal de référence (RFR) est fixé à 16 300 euros, soit 1 300 euros par mois, le niveau du seuil de pauvreté. Sauf si elle a des enfants, une personne payée au Smic ne peut bénéficier du dispositif. En outre, il faudrait faire un geste en faveur de nos concitoyens dont le niveau de revenus est situé légèrement au-dessus du Smic, car le coût moyen d'une voiture électrique reste élevé.

M. Jean-Jacques Michau. - Monsieur le ministre, vous n'avez pas évoqué l'hydroélectricité, qui est pourtant une énergie décarbonée et durable. Celle-ci représente 13 % de notre mix énergétique, mais son développement est entravé par un long contentieux avec l'Union européenne. La part de l'hydroélectricité progresserait de 10 % si nous parvenions à le surmonter. Daniel Gremillet, Patrick Chauvet, Fabien Gay et moi-même avons rédigé un rapport sur l'avenir des concessions hydroélectriques. Pourrons-nous travailler ensemble sur le sujet, monsieur le ministre ?

M. Bernard Buis. - L'article 5 du projet de loi de finances propose diverses suppressions et rationalisations des dépenses fiscales, notamment la suppression des avantages fiscaux des biocarburants de première génération, l'E85 et le B100. Plusieurs acteurs du secteur agricole, notamment, s'en sont émus. Pouvez-vous revenir sur les motivations qui vous ont conduit à présenter cette mesure ?

M. Roland Lescure, ministre. - Monsieur Jadot, l'instabilité réglementaire ne saurait expliquer à elle seule la crise du logement, qui a traversé une période très difficile, comme partout dans le monde. Les taux d'intérêt ont augmenté et nous avons connu de très fortes incertitudes économiques ; la France n'y a pas échappé.

M. Yannick Jadot. - L'instabilité réglementaire avait commencé avant ces phénomènes conjoncturels.

M. Roland Lescure, ministre. - Je veux bien assumer ma part de responsabilité : les règles applicables au logement ont souvent changé ces dernières années. Les gouvernements précédents n'ont pas dérogé à ces pratiques. Mais vous m'accorderez que l'environnement financier était aussi extrêmement contraint.

Les élus et les parlementaires nous faisaient état de fraudes liées à MaPrimeRénov' qu'il nous fallait traiter.

Nous nous interrogeons sur l'efficacité réelle d'un certain nombre d'aides au logement. Alors que leur montant total s'élève à plus d'un milliard d'euros, nous ne pouvons pas dire que nous ayons le secteur du logement le plus florissant et le plus décarboné au monde.

Nous avons sécurisé le fonctionnement de MaPrimeRénov' lorsque celle-ci a été relancée en septembre. Une partie des crédits de MaPrimeRénov' ne sera plus issue du budget, mais proviendra désormais des certificats d'économies d'énergie, les CEE.

Nous constatons un début de reprise pour le logement. Certes, celle-ci est encore fragile, mais quelques rayons de soleil apparaissent.

Vous avez raison, monsieur Cardon, nous ne devons pas descendre du train de l'automobile ! Il faut que les industriels disposent d'une échéance pour pouvoir s'y préparer.

Il faut reconnaître que la demande n'est pas au rendez-vous. Nous espérions que les véhicules électriques représenteraient plus de 25 % de parts de marché. Or ceux-ci représentent entre 17 et 18 % des ventes. Les constructeurs nous indiquent ne pas gagner d'argent sur les véhicules électriques, faute de volumes suffisants. Il faut donc poursuivre les politiques mentionnées, notamment le leasing social. Je ne savais pas que c'était une idée socialiste, mais tant mieux : nous prenons les idées là où elles sont bonnes.

Le leasing social est une bonne idée, à condition qu'il conserve son caractère social, justement. Nous devons aussi veiller à ce que sa montée en puissance corresponde aux capacités de production. Nous perdrions sur toute la ligne si le leasing social conduisait à importer des voitures chinoises. C'est pourquoi nous avons instauré un éco-score.

Depuis septembre, le leasing social a permis à 43 000 foyers de passer commande, pour 300 millions d'euros d'aides publiques. C'est donc une très belle opération après les 50 000 véhicules de l'année dernière.

Il faut faire feu de tout bois contre les plateformes d'e-commerce qui font n'importe quoi. Veillons toutefois à ne pas nous focaliser sur un seul acteur. Il me semble que les poupées pédopornographiques étaient accessibles à partir de quatre plateformes. Certes, nous ne disposons pas d'arme létale nous permettant d'agir rapidement en cas d'erreur, mais nous pouvons mettre un terme à la concurrence déloyale ; je suis prêt à étudier la possibilité d'utiliser des outils européens, s'ils existent.

La Commission européenne espère avancer sur le traité avec le Mercosur lors du prochain Conseil européen ; c'est un débat difficile.

Monsieur Jadot, je ne suis pas d'accord avec vous : les clauses de sauvegarde ne sont pas inutiles. Elles permettent de sauvegarder certains secteurs. Demandez à ArcelorMittal s'il ne veut pas de la clause de sauvegarde pour sauver son site de Dunkerque. Demandez aux constructeurs automobiles s'ils ne sont pas satisfaits des droits de douane que nous avons mis en place sur les véhicules importés de Chine. Si l'on ne se bat pas pour les clauses de sauvegarde, autant démissionner tout de suite : nous n'avons plus qu'à produire entre nous et ne plus commercer avec personne !

Si le traité avec le Mercosur était signé, de nombreux secteurs français en bénéficieraient, notamment le secteur agroalimentaire. Je connais bien le Canada. Je me suis fait expulser manu militari du sommet agricole de Cournon, car j'avais voté le Ceta, l'Accord économique et commercial global. Or, presque dix ans plus tard, nous avons doublé nos exportations de fromage et de vin, et nous n'avons pas un gramme de boeuf canadien dans nos assiettes.

Si le traité avec le Mercosur était voté, ce qui n'est pas encore acquis, nous devrions instaurer des clauses de sauvegarde efficaces pour protéger quelques filières - la filière bovine, celles du poulet, de l'éthanol ou du sucre. Nous devons continuer à commercer avec les autres pays du monde, tout en réexaminant nos relations avec ceux qui ne respectent plus les règles : je pense à ce grand État situé entre le Canada et les pays du Mercosur... Notre réflexion doit bien sûr porter sur les enjeux économiques et commerciaux, mais aussi sur les enjeux démocratiques. Nous devons choisir nos amis, choisir entre les pays qui croient encore à la démocratie et ceux qui n'en veulent pas ou qui n'y croient plus. Notre politique commerciale doit intégrer cette réflexion.

Monsieur Jadot, je sais que les actions spécifiques sont l'un de vos dadas ; je vous reconnais une certaine constance. Mais ce n'est pas avec les actions spécifiques que nous garderons nos entreprises cotées en France. TotalEnergies est une entreprise toujours cotée à Paris. Le groupe a envisagé une double cotation, car une grande partie de ses actionnaires est située outre-Atlantique. Je me réjouis qu'une entreprise française que l'on aime - ou pas, je sais que nous ne serons pas d'accord sur ce point, monsieur Jadot - rayonne à l'international. Malheureusement, TotalEnergies ne dispose pas suffisamment d'actionnaires français et européens. En outre, les capitaux de long terme ne sont pas suffisamment développés. Les plans d'épargne retraite (PER) constituent une première réponse ; n'y touchez que d'une main tremblante lors de l'examen du projet de loi de finances ! Cette question devra faire partie des débats qui se tiendront en 2027. La compétitivité de la place de Paris et de l'Union européenne doit être maintenue.

Monsieur Michau, nous avançons au niveau européen sur le sujet de l'hydroélectricité ; quelques détails doivent encore être réglés. J'en profite pour saluer l'action d'Olga Givernet et de Marc Ferracci. Nous devons veiller à ce que le capital des barrages hydroélectriques reste français. Faute d'avoir pu faire évoluer les concessions, nous n'avons pas investi dans les barrages, qui représentent une marge de progression importante dans nos capacités de production d'énergie bas-carbone.

M. Daniel Gremillet, président. - Notre commission a trouvé la solution, grâce à la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie, qui pourrait être prochainement examinée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Nous sommes en phase avec nos homologues de la commission des affaires économiques de la chambre basse.

M. Roland Lescure, ministre. - Nous verrons l'évolution des travaux de vos assemblées respectives.

L'Assemblée nationale a supprimé la disposition du projet de loi de finances relative à l'E85, qui aurait entraîné un surcoût de 15 centimes pour l'année 2026. L'E85 est importé à hauteur de 50 % de notre consommation. Cette niche fiscale profite donc pour moitié à des producteurs français et pour moitié à des producteurs étrangers.

Bien sûr, dès lors que l'on supprime ou que l'on modifie une niche fiscale, des personnes souffrent. Manifestement, le niveau de souffrance des personnes concernées était assez élevé, puisque l'Assemblée nationale est revenue sur ce point.

Tout en diminuant très progressivement cette niche fiscale, nous souhaitions intégrer de plus en plus d'éthanol dans le super sans plomb. Je ne suis pas certain que le bilan aurait été aussi négatif que ce qui a été présenté. Cela dit, je n'ai pas l'impression que vous rétablirez cet article.

M. Vincent Louault. - J'ai voté le Ceta.

M. Roland Lescure, ministre. - Merci !

M. Vincent Louault. - J'étais d'ailleurs l'un des seuls à le défendre au sein de cette commission.

Quand arrêterez-vous de « cramer le gasoil » pour compenser les charges de service public des énergies renouvelables ? Le projet de loi de finances prévoit 2,8 milliards d'euros supplémentaires. Le 1er août dernier, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) indiquait qu'1,2 milliard d'euros serait nécessaire.

Nous exportons actuellement 100 térawattheures d'électricité, ce qui améliore l'état de nos comptes. Je demande non pas un moratoire - ici, nous sommes plus subtils -, mais un ralentissement de la trajectoire. Lorsque je l'ai interrogée, Mme Mourlon, directrice générale de l'énergie et du climat (DGEC), m'a indiqué que la trajectoire de la programmation pluriannuelle de l'énergie ne pouvait pas être révisée puisque la concertation avait déjà eu lieu. Résultat : soit nous suivons la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) dans sa totalité, soit nous n'avons pas de PPE du tout.

Peut-on encore rectifier la trajectoire de la PPE et mettre un terme à ces compensations pour charges de service public, qui représentent une fois et demie le budget de la politique agricole commune (PAC) ? Nous ne vous avons jamais donné l'autorisation de créer une nouvelle PAC sur le dos du contribuable français !

M. Roland Lescure, ministre. - Vous évoquez des contrats passés, les contrats pour différence. Lorsque les prix de l'électricité sont élevés, ce sont les producteurs qui remboursent l'État. Quand les prix sont bas, c'est l'inverse. Ce mécanisme est utile, car il donne de la visibilité ; il convient donc de le garder. Le Premier ministre a souhaité que nous examinions les contrats passés pour vérifier l'absence d'excès. Il n'y en a peut-être pas eu, mais ce travail est en cours.

Actuellement, la demande en électricité est faible et les prix durablement bas. Voilà pourquoi l'État rembourse les producteurs. Ce dispositif fut toutefois bien utile au début de l'invasion russe en Ukraine pour alléger notre facture ; il ne faut jamais l'oublier.

Nous vous communiquerons les chiffres après nos vérifications. Je reconnais qu'il est douloureux de faire des chèques aussi élevés. C'est pourquoi nous devons examiner avec attention les futurs contrats : cela fait partie des discussions que nous devons avoir sur l'avenir de la PPE. Il nous est impossible de revenir sur la consultation préalable à la PPE, car cela nous ferait prendre non pas trois mois de retard, mais trois ans.

M. Daniel Gremillet, président. - Merci, monsieur le ministre.

Examen en commission
(Mercredi 12 novembre 2025)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons notre premier rapport pour avis budgétaire sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». - Le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » (CAS PFE) est un objet budgétaire un peu particulier puisqu'il comprend, et c'est l'objet spécifique d'un compte d'affectation spéciale, en regard des crédits qui y sont inscrits, des recettes affectées, sur lesquelles nous avons également à nous prononcer. Dans toutes les autres missions examinées en deuxième partie, il n'y a que des dépenses, puisque les recettes ont été examinées en première partie du projet de loi de finances (PLF). Par ailleurs, le CAS PFE agrège les crédits dédiés aux participations financières de l'État gérées par l'Agence des participations de l'État (APE) et d'autres crédits financés par des versements du budget général, pour lesquels le CAS ne sert que de véhicule budgétaire : il s'agit notamment des crédits des programmes d'investissements d'avenir (PIA) et de France 2030, de fonds d'investissement sectoriels, notamment dans le secteur de la défense, ainsi que du financement de banques multilatérales de développement ou du mécanisme européen de stabilité (MES).

J'évoquerai d'abord les enjeux budgétaires - ils concernent notamment la partie recettes - avant de m'arrêter sur les opérations susceptibles d'être menées en 2026 par l'APE et les crédits associés.

Le CAS PFE finance l'ensemble des crédits de la mission par les produits d'opérations en capital, typiquement des cessions d'actifs. Néanmoins, depuis 2017, des recettes issues du budget général sont de plus en plus fréquemment venues abonder le CAS, d'abord pour y faire transiter les fonds des PIA, puis, à l'occasion de la crise covid, pour financer le soutien de l'État aux entreprises en crise de son portefeuille, et enfin, plus récemment, pour financer le programme 732, dédié à l'apurement de la dette de l'État, et dans lequel le Gouvernement avait souhaité isoler spécifiquement la dette covid. Face à la raréfaction des recettes de cessions d'actifs, dans un marché atone, la part des recettes du CAS issues du budget général était montée ces dernières années à des niveaux très élevés : 93 % en moyenne sur la période 2021-2024, et même 97 % pour les seules opérations du périmètre APE.

Cette situation est en voie de normalisation : en 2026, moins de 40 % des recettes du CAS seront issues de versements du budget général, et ce pour trois raisons. D'abord, la suppression des versements dédiés au désendettement covid - en moyenne 6 milliards d'euros en 2023 et 2024 -, que la commission des finances du Sénat avait fait supprimer l'an dernier. Le programme 732 retourne à sa vocation première de financement du désendettement général de l'État, mais aucun crédit n'y est inscrit cette année. Ensuite, les coupes budgétaires ont drastiquement réduit les crédits des PIA et de France 2030, en baisse de plus de moitié en 2026 par rapport au dernier PLF. Enfin, et c'est ce qui nous intéresse principalement, la reprise d'un rythme dynamique de cessions d'actifs : l'APE devrait y procéder en 2026 à hauteur de quelque 3,2 milliards d'euros, un niveau tout à fait inédit par rapport aux dernières années, qui revient aux ordres de grandeur qui prévalaient dans la décennie pré-covid.

Par conséquent, les recettes issues du budget général ne représenteront plus en 2026 qu'environ un quart du financement des opérations du périmètre APE, et encore ne s'agira-t-il que de reports de crédits non consommés en 2025. L'APE mobilisera d'ailleurs également en 2026 les crédits reportés du CAS.

L'APE m'a précisé avoir été invitée par le Gouvernement à développer une gestion plus dynamique de son portefeuille, afin d'identifier les participations moins stratégiques, qui pourraient être cédées pour financer de nouvelles acquisitions. Je leur en fais volontiers crédit. Cependant, je m'interroge sur ce modèle de financement, et ce pour deux raisons. D'une part, alors que la loi de finances initiale pour 2025 prévoyait 728 millions d'euros de cessions - soit quatre fois moins que ce qui est prévu pour 2026 -, seuls 38 millions d'euros ont finalement été récupérés, en raison d'opérations avortées, soit un taux d'exécution de 5 % ; d'autre part, plus le portefeuille de l'État se resserre autour des participations les plus stratégiques, moins il sera facile de vendre, et ce alors même que l'environnement économique et géostratégique justifierait plutôt d'étendre le portefeuille.

Plus fondamentalement, l'APE est un actionnaire de long terme, qui ne doit pas céder des participations pour des raisons conjoncturelles. Il est au contraire essentiel de préserver la capacité de l'État d'investir dans des entreprises de souveraineté, avec agilité. Pour cette raison, je fais deux recommandations complémentaires.

D'une part, ne pas céder à la tentation de « vendre les bijoux de famille » pour éponger la dette ou financer des dépenses de fonctionnement. Ce serait un non-sens budgétaire, puisque cela reviendrait à priver l'État des ressources récurrentes que constituent les dividendes versés au titre des participations de l'État - 2,3 milliards d'euros attendus en 2026, ce qui correspond à peu près à la moyenne annuelle des dernières années. En outre, le désendettement nécessite des efforts structurels sans commune mesure avec la valeur patrimoniale des participations financières de l'État. Enfin, vendre pour désendetter, ce serait tout simplement nier l'intérêt stratégique de l'actionnariat d'État.

D'autre part, je suggère, comme les années précédentes, de lancer une réflexion sérieuse sur l'affectation à l'APE de tout ou partie des dividendes. L'APE est le seul actionnaire à ne pas récupérer directement le fruit de ses investissements, au contraire, par exemple, de Bpifrance ! Dans le contexte budgétaire actuel, je n'imagine pas que l'État renonce à court terme à ce que ces dividendes alimentent le budget général, mais cela redonnerait de l'air à l'APE, tout en la responsabilisant dans la gestion de son portefeuille.

J'en viens maintenant à la stratégie d'investissement de l'APE. Le portefeuille de l'État comprend actuellement 88 entreprises, dont onze entreprises cotées, pour une valeur totale évaluée à plus de 200 milliards d'euros.

Alors que les années 2023 et 2024 avaient été marquées par d'importantes acquisitions dans le secteur de l'industrie de défense - ainsi, naturellement, que dans le secteur de l'énergie, avec la reprise de contrôle d'EDF - c'est dans le secteur du numérique, tant hardware que software, que l'APE a été particulièrement active en 2025.

Tout d'abord, l'APE a concrétisé fin 2024 l'acquisition de 80 % d'Alcatel Submarine Networks (ASN), leader de la fabrication, de la pose et de la maintenance de câbles sous-marins. L'opération a fait l'objet en 2025 d'un complément de prix à hauteur de 39,9 millions d'euros. Par ailleurs, grâce à une augmentation de capital de 625 millions d'euros, IN Group (l'ancienne Imprimerie nationale) a acquis les activités d'identité civile d'Idemia, leader mondial de la biométrie : l'objectif est de créer un champion français de niveau mondial de l'identité tant physique que numérique.

Surtout, l'État a acquis en juillet 2025 auprès de Bpifrance 13,6 % du capital d'Eutelsat Communications, puis a participé à deux augmentations de capital, pour un total d'environ 1 milliard d'euros - 258 millions d'euros en acquisition et 750 millions d'euros d'augmentation de capital -, considérant que l'entreprise, avec le développement de sa constellation en orbite basse, était devenue stratégique à la fois pour des usages civils et militaires.

L'État a d'ailleurs maintenu en 2025 sa vigilance dans le champ de la défense, avec l'acquisition d'une action de préférence dans la société Roxel, leader mondial des systèmes de protection, dont Safran souhaitait se désengager.

Le taux d'exécution des crédits dédiés à l'APE sur l'année 2025, qui est de 90 %, masque en réalité une grande imprévisibilité. Par exemple, l'opération Eutelsat, qui représente près de la moitié des crédits consommés, n'a pas été anticipée. Mais c'est inhérent à ce type d'activités, on ne peut en faire grief à l'APE.

En ce qui concerne l'année à venir, les principaux projets de l'APE sont, premièrement, la concrétisation de l'acquisition des activités Advanced Computing d'Atos, pour un montant prévisionnel de 400 millions d'euros. C'était une recommandation du Sénat et de notre commission ; l'opération a été conclue en juillet dernier, et elle sera faite par le biais de la société Météore Holding, créée à cette fin et détenue à 100 % par l'État. L'APE creuse ainsi le sillon de la souveraineté numérique.

Le deuxième projet de l'APE concerne des dotations de soutien à l'aménagement foncier des grands ports maritimes ainsi qu'à la valorisation immobilière de l'usine de La Monnaie de Paris à Pessac, qui sont des crédits reportés de 2025, de 61 millions d'euros au total ; troisièmement, l'APE anticipe des compléments de prix sur l'opération ASN et la couverture des options de vente ouvertes aux actionnaires japonais d'Orano, pour un total de 510 millions d'euros.

Pour le reste, il s'agit d'opérations confidentielles, pour un total de 3,26 milliards d'euros. Comme les années précédentes, je ne peux que déplorer le manque d'information du Parlement sur ces opérations, au moment du vote de la loi de finances. Toutefois, je comprends les impératifs de confidentialité, et je précise que le commissaire aux participations de l'État s'est engagé à nous informer dès qu'il aura davantage d'éléments sur les opérations projetées, tant en cessions qu'en acquisitions.

Nous devons saluer la récente inflexion de l'APE vers le numérique, qui était traditionnellement plutôt « laissé » à Bpifrance, dans une logique de compétence « métier », car la maîtrise des infrastructures numériques et des logiciels est indubitablement un enjeu de souveraineté, tant pour les activités civiles que militaires.

Je serais peut-être moins laudative sur la doctrine d'intervention de l'APE dans le secteur industriel, en particulier en ce qui concerne l'articulation avec Bpifrance. Très loin de moi, l'idée de tout nationaliser ! L'actionnariat n'est pas le seul levier de politique économique de l'État, et il n'a pas vocation à régler les problèmes de compétitivité des entreprises. Mais il me semblerait utile que l'APE développe une véritable grille d'analyse des risques systémiques que poserait la disparition de telle ou telle entreprise industrielle, afin de concentrer ses efforts sur ces dernières, et au contraire, se désengager de certaines autres. Comment expliquer par exemple que l'APE ait cédé ses parts dans PSA à Bpifrance, mais conserve 15 % du capital de Renault ? STMicroelectronics, fabricant de semi-conducteurs - composant critique s'il en est - a-t-il vraiment plus sa place dans le portefeuille de Bpifrance que dans celui de l'APE ?

Enfin, alors que nos moyens d'action nationaux s'amenuisent, je m'interroge sur les possibilités de coordonner davantage les prises de participation publiques avec nos partenaires européens, sur le modèle d'Airbus, dont sont actionnaires à la fois l'État français, l'État allemand et l'État espagnol. Cela serait particulièrement pertinent pour des secteurs à forte intensité capitalistique, et où les décisions politiques remontent déjà, ou de plus en plus, au niveau européen, comme le spatial ou la défense.

Voilà, chers collègues, les réflexions que m'inspire ce CAS PFE. Comme vous le voyez, elles excèdent le strict exercice de l'avis budgétaire. Il me paraît surtout utile de soutenir l'action de l'État actionnaire en faveur de la souveraineté économique, car je ne peux que saluer cette action menée ces dernières années. L'APE nous ayant indiqué que le budget proposé lui permettrait de mener à bien ses missions en 2026, je vous propose donc d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du CAS.

M. Yannick Jadot. - Je souscris au dernier point, y compris sur la dimension européenne. La rupture entre Dassault et Airbus sur l'avion européen est une catastrophe pour la stratégie de défense européenne. Nous sommes revenus à une sorte de nationalisme industriel qui n'est pas à la hauteur des enjeux de défense. L'État n'est pas non plus à la hauteur sur ce sujet.

Je souhaite rappeler, alors qu'il avait été voté à la quasi-unanimité l'an dernier en séance publique, notre amendement visant à ce que l'État acquière une action spécifique dans TotalEnergies, que nous allons redéposer. Le risque d'un déplacement du siège social en dehors de la France est patent, sur lequel joue parfois implicitement le président Patrick Pouyanné. La capitalisation très étrangère de TotalEnergies pose problème. Même si j'ai des divergences avec Patrick Pouyanné, il reste un patriote. Mais si demain, l'actionnariat devient à majorité américaine, pourquoi TotalEnergies ne se déplacerait-elle pas ailleurs ?

Il faut redéfinir les secteurs d'intervention stratégique de l'État, comme vous le préconisez.

M. Fabien Gay. - Merci de votre rapport. Je partage certaines analyses ; mais je ne comprends pas bien comment nous pourrions adopter des crédits prévoyant 3 milliards d'euros de cessions d'actifs - environ 60 % du portefeuille - sans qu'on sache exactement quels seraient les objectifs et les entreprises visés. On renvoie cela à je ne sais quand. Il faut de la transparence et éclairer les débats parlementaires. Nous posons cette question chaque année, ce n'est pas possible ! Je ne me vois pas autoriser l'État à céder des actifs ou des actions de telle entreprise sans savoir quelle sera l'orientation du Gouvernement.

Ensuite, nous avons de plus en plus de mal à comprendre les différences entre l'APE et Bpifrance. Certes, Nicolas Dufourcq nous ferait une très belle présentation des différences et se gargariserait de gérer énormément d'actifs... Une partie des participations de l'État est gérée par l'APE, réduite à peau de chagrin d'année en année, au profit de Bpifrance.

Vous évoquiez la stratégie. L'État est actionnaire d'Orange Marine, mais aussi d'ASN, soit deux entreprises en concurrence sur la pose des câbles. Pour quelles raisons l'État a-t-il des participations dans ces deux entreprises ? Prévoit-on une fusion de ces deux entreprises ? Cela pourrait être intéressant, puisqu'elles sont leaders sur le marché. Orange détiendra une flotte entièrement renouvelée à l'horizon 2028-2029. Toutefois, une éventuelle restructuration aura un impact social. Nous devrions être éclairés sur ce point.

Vous avez eu raison de citer STMicroelectronics, qui figure non pas dans le portefeuille de l'APE, mais dans celui de Bpifrance. Il nous faut interroger la stratégie de ces entreprises, et nous demander : qui nous représente dans ces entreprises. ? L'État actionnaire a-t-il les mêmes droits de vote que des actionnaires privés ?

STMicroelectronics bénéficie de 500 millions d'euros de crédit d'impôt recherche (CIR) - donc d'argent public - chaque année. L'État en est actionnaire via Bpifrance à hauteur de 13 % aux côtés de l'État italien, mais l'entreprise organise des schémas d'optimisation fiscale, comme l'ont montré la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques ainsi que des journalistes. En tant que parlementaire, j'estime que nous devrions nous interroger sur une entreprise dont l'État est actionnaire de référence et qui organise et vote des schémas d'optimisation fiscale !

Enfin, vers quel objectif veut-on aller si l'on vend des actifs ? L'État n'est pas monté au capital de certaines entreprises qu'un certain nombre d'entre nous jugent stratégiques, ni n'a voulu les nationaliser partiellement ou totalement, dans l'attente de leur revente. Nous laissons se démanteler Atos, petit bout par petit bout, sans monter au capital. Sans tout nationaliser, certains actifs stratégiques devaient être préservés. À part prêter à perte 50 millions d'euros et créer le lendemain une holding pour payer moins d'impôts en Belgique, à quoi a servi l'État ?

Il en est de même pour Vencorex ou ArcelorMittal... Je ne vois à aucun moment une ambition stratégique de monter au capital d'entreprises stratégiques.

Nous ne souhaitons pas nationaliser 4,5 millions d'entreprises ! Mais nous pourrions au moins, au-delà de nos appartenances politiques, engager une discussion sur certaines d'entre elles.

Nous ne serons pas favorables à l'adoption des crédits de la mission.

M. Olivier Rietmann. -Nous avons un vrai souci d'optimisation fiscale des entreprises dans lesquelles l'État détient une forte participation. Le cas de STMicroelectronics nous a surpris lorsque nous les avons reçus dans le cadre de la commission d'enquête. Cette entreprise a été sur aidée et sur accompagnée par l'État français, mais aussi par l'État italien, dans un réel but de souveraineté, au moment de la raréfaction des métaux rares, indispensables à la fabrication des microprocesseurs, à la suite de la crise covid et de l'invasion ukrainienne. L'État français a apporté un soutien financier très fort, au travers de subventions et du CIR.

Nous nous étions étonnés, devant le président de STMicroelectronics, que l'entreprise bénéficie d'aides importantes alors qu'elle dégage des bénéfices élevés et est en phase d'industrialisation de ses process, mais aussi qu'elle industrialise non pas en France, mais en Inde, provoquant la suppression de 600 à 1 000 emplois en France et en Italie, et ne paie pas d'impôt ! Il nous avait alors répondu que ces aides avaient été octroyées pour répondre à une demande notamment des constructeurs automobiles français Renault et Stellantis, qui manquaient fortement de microprocesseurs, et s'étaient alors tournés vers STMicroelectronics.

Depuis, la situation a repris son cours normal, les constructeurs sont retournés vers leurs fournisseurs habituels, et STMicroelectronics ne vend plus ses produits en France. Mais comment un capitaine d'une grosse industrie française, qui plus est, bénéficiant de beaucoup d'aides publiques, peut-il arguer qu'elle ne paie pas d'impôt, car ses produits sont vendus hors de France ? Dans ce cas, la plupart des entreprises françaises exportatrices ne paieraient pas d'impôt en France ! L'explication ne vaut pas... Il y a là une forte optimisation !

Comme le dit Fabien Gay, la question se pose de savoir par qui l'État est représenté dans l'entreprise, quels comptes sont demandés, etc. ? Il y a un défaut d'information sur la représentation de l'État et de consultation du Parlement, comme l'a indiqué la rapporteure : les décisions sont prises sans notre avis.

Toutefois, je suis favorable à l'adoption des crédits du CAS.

Mme Anne-Catherine Loisier. - ASN fabrique des câbles sous-marins, alors qu'Orange Marine les pose et fait de la maintenance. Avoir une capacité de production industrielle, située notamment à Calais, est un enjeu stratégique, notamment pour résister à nos concurrents américains et japonais.

M. Vincent Louault. - Je suis membre, avec deux autres sénateurs, du comité de surveillance des investissements d'avenir France 2030. Je m'inquiète de l'opacité de Bpifrance, qui devient presque une « principauté de Monaco ».

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Attention, je préside le groupe d'amitié France-Monaco...

M. Vincent Louault. - L'important était le terme « principauté », et pas « Monaco » ! Je m'interroge comme Fabien Gay. Nous serons favorables à l'adoption des crédits, mais nous nous interrogeons sur le contrôle de l'État et sur la transparence sur le fonctionnement de Bpifrance. Peut-être conviendrait-il d'organiser une audition du responsable de Bpifrance...

M. Olivier Rietmann. - Le rapport de la commission d'enquête sur les aides publiques s'interrogeait déjà sur ce point : où sont les rapports d'évaluation ? Encore une fois, comme l'a évoqué la rapporteure, nous décidons au doigt mouillé. Où peut-on récupérer de l'argent ? Il faut analyser en profondeur pour savoir dans quelle entreprise l'État doit être présent, et représenté de telle ou telle manière... Ce n'est pas sérieux !

Mme Viviane Artigalas. - Merci de ce rapport équilibré. Sous couvert de confidentialité, n'y a-t-il pas un manque de stratégie de l'État, qui réalise des opérations au coup par coup, en fonction des opportunités ?

M. Vincent Louault. - C'est sûr !

Mme Viviane Artigalas. - Nous ne pouvons cautionner ce manque de transparence. Nous nous abstiendrons sur le vote des crédits de la mission, même si nous sommes d'accord sur le fond du rapport.

M. Yannick Jadot. - Nous savons très bien pourquoi il n'y a pas d'évaluation : les inspecteurs des finances contrôlent absolument tout dans notre pays, sauf ce qu'ils font ! C'est l'une des raisons de la pagaille que nous connaissons dans notre pays !

M. Olivier Rietmann. - En effet !

Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis. - Merci à tous pour vos remarques et propositions.

Monsieur Jadot, nous prenons en compte votre projet d'amendement sur TotalEnergies. La dimension européenne est importante et croissante - notamment pour la défense -, je l'ai souligné dans le rapport.

La Cour des comptes a rendu un rapport positif sur l'action de l'APE, hormis sur un point : elle regrettait un turn-over trop important des représentants de l'APE dans les entreprises du portefeuille.

Monsieur Gay, les cessions à venir ne représentent pas 60 % du portefeuille de l'APE ; celui-ci atteint plus de 200 milliards d'euros.

M. Fabien Gay. - Oui, il s'agit de 60 % des recettes du CAS.

Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis. - Tout à fait. Le Gouvernement a demandé une revue stratégique à l'APE pour analyser les enjeux des participations. Nous avons besoin de recettes, donc de cessions, pour investir dans des entreprises souveraines. Nous le voyons avec Atos. Mais tout cela doit en effet être analysé.

Le commissaire aux participations de l'État propose de nous tenir informés en cours d'année des cessions et achats qui seront réalisés.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous pourrions organiser une audition du commissaire.

Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis. - Certaines opérations sont déjà projetées même si elles ne sont pas annoncées officiellement, comme celle sur KNDS, dont les Allemands veulent se désengager partiellement, et pour laquelle une introduction en bourse est envisagée. Le commissaire nous préviendra dès que cette opération pourra se faire.

STMicroelectronics figure dans le portefeuille de Bpifrance et non dans celui de l'APE. Compte tenu des enjeux liés à ces composants électroniques, il serait à mon sens préférable que cela figure dans le portefeuille de l'APE ; je pense que ce point sera étudié dans le cadre de la revue stratégique demandée par le Gouvernement.

Le rachat par l'État d'une partie des activités d'Atos est bien prévu ; une société ad hoc a récemment été créée à cette fin.

Le commissaire aux participations de l'État nous a indiqué qu'à son sens, intervenir dans ArcelorMittal serait un investissement trop important, qui obligerait en outre à séparer la partie française du groupe, ce qui, stratégiquement, ne serait peut-être pas la meilleure chose à faire. En outre, cela ne permettrait pas de résoudre les problèmes structurels de la partie française d'Arcelor.

Madame Loisier, effectivement les deux entreprises Orange Marine et ASN n'ont pas le même positionnement : il est intéressant que l'APE ait des participations des deux côtés.

Madame Artigalas, si certaines opérations sont plus ou moins prévues à l'avance, comme celle sur KNDS, d'autres sont en effet réalisées en fonction des opportunités, et ne peuvent donc être anticipées. C'est le principe même de ce CAS, même si on peut le regretter.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

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