N° 141

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées (1)
sur le projet de loi de finances,
considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026,

TOME VI

DÉFENSE

Préparation et emploi des forces

(Programme 178)

Par M. Olivier CIGOLOTTI et Mme Michelle GRÉAUME,

Sénateur et Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Jean-Baptiste Lemoyne, Claude Malhuret, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury, Jean Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; M. Étienne Blanc, Mme Valérie Boyer, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Ludovic Haye, Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mmes Gisèle Jourda, Mireille Jouve, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Ronan Le Gleut, Didier Marie, Pierre Médevielle, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot, MM. Stéphane Ravier, Jean Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180

Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026)

L'ESSENTIEL

Le programme 178 constitue le « coeur » de la mission « Défense », avec la préparation des hommes et des matériels à un combat de haute intensité qu'il faut dorénavant envisager d'ici la fin de la décennie. A ce titre, la hausse de 11 % des crédits de paiement dans un contexte budgétaire très contraint est une nécessité, qu'il faudra renforcer encore à l'avenir. Cela doit être le sens de l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM) annoncée par le Gouvernement pour 2026.

Si les rapporteurs se félicitent que la dotation OPEX enregistre une progression de plus de 50 %, enfin réaliste par rapport à l'exécution, ils souhaitent attirer l'attention sur l'impératif d'une continuité suffisante des efforts en faveur de notre réarmement pour offrir à nos troupes les meilleures conditions d'entrainement, de soutien et d'équipement.

Le budget a cependant été marqué en 2025 par la mise en oeuvre pendant les deux premiers mois du régime des services votés, qui a constitué une contrainte extrêmement forte pour des armées soumises à une exigence de résultats. Tout doit être fait pour éviter cette incertitude en 2026 et permettre à nos forces de se concentrer sur la mission qui est la leur.

I. DES PROMESSES BUDGÉTAIRES TENUES

A. LA FRANCE DOIT MAINTENANT ASSUMER LE COUT DE SA DÉFENSE

Les crédits consacrés à la mission « Défense » dans son ensemble progressent de 11 % en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2026 pour s'établir à 57,1 milliards d'euros. À l'augmentation de 3,2 milliards d'euros prévue par la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 se sont ajoutés les 3,5 milliards d'euros annoncés par le Président de la République le 13 juillet 2025 visant à accélérer le réarmement de nos forces. Des hausses de 9,2 % et 7 % sont à ce stade envisagées pour les années 2027 et 2028.

Il apparait des auditions menées par la commission que jamais depuis la fin de la guerre froide notre pays n'a été confronté à une telle conjonction de menaces directes et d'incertitudes géopolitiques. Lors de son audition le 5 novembre 2025, le chef d'État-major des Armées1(*), le général Fabien Mandon, a ainsi partagé sa vision de l'effort demandé à la Nation à travers le projet de budget : « Il faut montrer que nous faisons cet effort, car si nous ne sommes pas capables de le faire maintenant, nous envoyons un nouveau signal de faiblesse, ce signal est compris comme tel par nos adversaires. La détermination et la force morale de notre nation sont mises à l'épreuve. »

Tel est l'enjeu qui se pose aujourd'hui au moment de l'examen des crédits de la Défense.

B. LE PROGRAMME 178, CoeUR DE LA DÉFENSE

a) Des crédits en progression en 2026...

Le programme 178 constitue le coeur de la mission Défense. Il est destiné à permettre aux troupes des trois armées de produire des capacités opérationnelles aptes à s'engager dans des opérations militaires rendues le cas échéant nécessaires par la dégradation de la situation internationale. Les contributions de la France aux budgets communs de l'OTAN représentent un élément structurant du programme 178. Elles comprennent d'une part le budget militaire de l'Alliance (NATO Military Budget) et d'autre part le programme d'investissement pour la sécurité de l'OTAN (NATO Security Investment Program, NSIP). Conformément à la trajectoire arrêtée lors du sommet de Madrid en 2022, le budget militaire progresse de 10 % par an et le NSIP de 25 % par an. Ces hausses automatiques expliquent le niveau des contributions françaises, qui atteignent 416 millions d'euros en 2026, en augmentation significative par rapport à 2025. Cette dynamique contribue à réduire les marges de manoeuvre budgétaires pour d'autres priorités nationales au sein du programme, notamment le financement des infrastructures et du soutien aux forces.

Dans le PLF pour 2026, le programme enregistre une progression de ses crédits de 13,8 % en AE et de 11 % en CP.

Il rassemble 28 % des crédits de la mission Défense.

Autorisation d'engagement

Crédits de paiement

17,3 milliards d'euros, en hausse de

15,9 milliards d'euros, en hausse de

 
 

Les deux-tiers de ces crédits sont répartis dans les actions de préparation des forces terriennes, aériennes et navales, avec en particulier le maintien en conditions opérationnelles (MCO) des matériels des trois armées (voir infra) qui représente près de la moitié des crédits du programme. Il permet également de mettre en place le soutien logistique interarmées et le surcoût lié aux opérations extérieures.

 

Les crédits destinés à la préparation des forces progressent de 7,5 % en moyenne, avec un effort particulier sur l'armée de Terre.

b) ... poursuivant une croissance de long terme

Évolution des crédits de paiement du P. 178 depuis 2022

+ 50 %

Reflet tant de son importance que de l'exacerbation des tensions internationales, les CP du programme 178 connaissent une progression de 50 % depuis 2022.

La hausse continue des crédits du programme s'insère dans la logique de renforcement de nos capacités d'action, devenu indispensable face à la montée des périls.

Comme l'a déclaré le Président de la République, Chef des Armées, lors de son allocution du 14 juillet :« Pour être libre dans ce monde, il faut être craint. Pour être craint, il faut être puissant ». Si la volonté de la France n'est pas de mener une guerre, nos compatriotes doivent prendre conscience que le renforcement de notre crédibilité constitue le meilleur gage de paix à l'heure actuelle.

La préparation au combat des trois armées a déjà produit des effets concrets, comme la brigade « bonne de guerre » disponible dès cette année. L'étape suivante, fixée à 2027, est celle de division « bonne de guerre », ce qui suppose un passage à l'échelle considérable. L'année 2026 sera donc celle de la montée en puissance des appuis et des soutiens « différenciants ».

La hausse continue des crédits du programme 178 traduit l'effort enfin soutenu de la Nation vers une armée prête au combat et en mesure de protéger notre pays et nos partenaires face à la montée des menaces.

II. LES MATÉRIELS : « D'UN MCO DE CONTRAT À UN MCO DE COMBAT »

A. DES CRÉDITS QUI PROGRESSENT POUR METTRE NOS ARMÉES DANS LES MEILLEURES CONDITIONS

Utilisée lors de son audition devant la commission le 5 novembre par le chef d'État-major de l'armée de l'Air et de l'Espace Jérôme Bellanger, la formule « D'un MCO de contrat à un MCO de combat » traduit l'évolution en cours dans les trois armées autour de la disponibilité opérationnelle des matériels.

Les crédits d'EPM depuis 2023

 

Les crédits d'entretien programmé des matériels (EPM) progressent de 9 % en 2026, et de 28 % depuis 2023. Cette hausse est cohérente avec l'extension du parc, mais également avec les conditions d'emploi plus dure que les armées doivent se préparer à affronter.

B. LES PRIORITÉS DES TROIS ARMÉES

La protection du secret de la défense nationale ne permet pas de livrer dans des documents publics le niveau de disponibilité des matériels.

Les actions menées sont différenciées en fonction des armées.

 

Les crédits d'EPM de l'armée de Terre progressent de 13 % en 2026 pour s'établir à 1,6 milliard d'euros.

L'entretien des matériels terrestre représente 967 millions d'euros en 2026. Elle est assurée par la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT). La hausse des crédits doit permettre le soutien des parcs SCORPION, suite aux livraisons de 2026, la transition entre les parcs d'ancienne et de nouvelle génération, ainsi que la poursuite des opérations de pérennisation du char LECLERC. Pour autant, le décalage des livraisons de véhicules Jaguar va entrainer un surcoût de l'ordre de 15 millions d'euros pour l'entretien du parc d'AMX 10RC, afin d'éviter un trou capacitaire.

Pour l'EPM aéroterrestre, confié à la Direction de la maintenance aéronautique, les crédits s'élèvent à 666 millions d'euros. Ils doivent prendre en compte la hausse significative des coûts de maintenance et permettre de conforter le niveau d'activité de 2025, tout en consolidant l'effort « drones » défini par la loi de programmation militaire.

Le MCO des forces navales de l'Armée de Terre représente 8 millions d'euros et est assuré par le Service de soutien de la flotte. Il permet de conforter le niveau d'activité, tout en prenant en compte le besoin MCO des embarcations fluviales particulièrement sollicitées en Guyane.

La pérennisation des chars Leclerc

Char de 3ème génération entré en service en 1993, le Leclerc constitue le principal levier de supériorité français en milieu terrestre, par sa capacité à exercer une grande puissance de feu tout en protégeant ses équipages et les troupes d'accompagnement. Les conditions de combat ont cependant considérablement évolué, tout comme les technologies. À l'horizon 2045, le Leclerc pourrait être remplacé par le Main Ground Combat System (MGCS).

Dans cette attente, et afin d'éviter les trous capacitaires, l'Armée doit maintenir la disponibilité et l'opérabilité du Leclerc. Ses obsolescences portent principalement sur les turbomachines (composants du moteur) et les viseurs optroniques. Elles sont traitées dans le cadre de l'opération d'investissement « Rénovation à mi-vie du Leclerc » (RMV LECLERC). Cette opération ainsi que les opérations de pérennisation doivent permettre de prolonger ce parc jusqu'à l'arrivée progressive du MGCS.

Dans le cadre de la préparation à la haute intensité, l'année 2024 a initié une transformation contractuelle priorisant la finalité opérationnelle et la montée en puissance. Elle s'inscrit dans le plan stratégique Ambition MCO-T 2030 et dans la nouvelle politique d'achat de la SIMMT. 2025 a été marquée par la notification de marchés majeurs couvrant les besoins en pièces de rechange qui donnent une meilleure garantie de sécurité d'approvisionnement.

 

Les crédits de l'EPM pour la Marine nationale s'élèvent à 2,8 milliards d'euros, en progression de 6 %.

L'EPM de la Marine est essentiellement concentrée sur les navires (1,9 milliard d'euros) et le milieu aérien (910 millions d'euros). L'entretien de bâtiments est assuré par le Service de soutien de Flotte (SSF), qui assure également l'entretien de l'ensemble des bâtiments des deux autres Armées. Les crédits ont pour objectif de renforcer la disponibilité des forces et de couvrir les arrêts techniques majeurs des FREMM, la montée en puissance des flottes intérimaires d'hélicoptères et les surcoûts caractérisés notamment par la prolongation de moyens anciens ou le traitement d'obsolescence des équipements de certains bâtiments (PHA par exemple).

Le SSF a lancé un plan d'action pour augmenter les stocks de fonctionnement et l'engagement afin de pallier aux problématiques pouvant impacter les moyens de production. Dans la perspective de la haute intensité, le ralliement des stocks objectifs pour les matériels se poursuit et est suivi mensuellement. Le renforcement de la résilience passe également par l'optimisation du positionnement des stocks et une adaptation des ressources embarquées sur les navires.

 

Les crédits d'EPM de l'Armée de l'Air et de l'Espace s'établissent à 2,6 milliards d'euros, en hausse de 9,6 %.

Les crédits affectés à l'entretien de l'Armée de l'Air et de l'Espace sont en quasi-totalité dédiés à la flotte aérienne, qui comprend aussi des éléments liés à la dissuasion.

La montée en puissance de flottes comme l'A400M impose de consolider la logistique associée afin d'être prêts à faire face à un conflit de haute intensité et d'augmenter l'activité sur les exercices ultérieurs. De plus, la décision des États-Unis et du Royaume-Uni de retirer du service leurs appareils de modèle E-3F, nécessite l'acquisition dès 2025 d'importants lots de pièces détachées pour maintenir l'activité de cet avion dont le retrait de service, en France, n'est prévu actuellement qu'en 2035.

Des progrès notables ont été enregistrés dans la gestion des pièces détachées. Ainsi, le délai moyen de mise à disposition des rechanges en métropole, s'établissait à 6,57 jours en 2024, et à 3,84 jours au premier trimestre 2025. Enfin, la disponibilité des commandes à partir du stock progresse chaque année, passant de 84,5 % à 90,9 % au premier trimestre 2025.

C. ÉVOLUTION OU RÉVOLUTION ?

Le défi commun de la haute intensité se pose en termes identiques aux trois armées en ce qui concerne l'entretien et surtout la disponibilité des matériels. Toutes les armées du monde constatent une croissance exponentielle du coût des matériels militaires et corrélativement de leur entretien.

La loi d'Augustine

La loi d'Augustine, du nom de l'ancien directeur de Lockheed Martin et ancien secrétaire de l'US Army dans les années 1970, Norman Augustine, désigne l'augmentation non contrôlée du coût d'acquisition des systèmes d'armes alors que les budgets de défense suivent une tendance haussière moins rapide voire stable. Norman Augustine résumait cette situation dans le cas américain en déclarant que « le coût unitaire des produits aéronautiques militaires a cru à un rythme étonnant et intenable tout au long de l'histoire. Considérons l'exemple des avions tactiques. Comparant l'évolution du coût unitaire par rapport au temps, [...] nous observons que le coût d'un avion tactique a été multiplié en moyenne par 4 tous les dix ans. En extrapolant le budget de la défense selon les tendances de ce siècle, on découvre qu'en 2054 la courbe du coût d'un avion rejoindra celle du budget. Ainsi, au rythme actuel, le budget de la défense entier ne permettra d'acheter [en 2054] qu'un seul avion tactique ».

Les trois armées cherchent donc à optimiser leurs actions de manière à répondre simultanément à trois défis : améliorer la disponibilité des matériels en opération, se mettre en capacité d'exercer leur mission dans le cas d'un conflit de haute intensité qui sera par nature plus exigeant pour les matériels, le tout à des conditions financières acceptables pour des budgets nationaux très sollicités.

La tendance de ces dernières années a été le recours à la verticalisation des contrats d'entretien, c'est-à-dire confier cette tâche ainsi que la livraison des pièces détachés à des industriels. Or ce modèle a été successivement remis en cause par deux événements :

ü d'une part, la crise pandémique et l'agression russe sur l'Ukraine qui ont révélé les failles de la libre circulation des matériels ;

ü d'autre part, la nécessité de prendre en compte l'hypothèse d'un conflit de haute intensité, qui rendra impossible un entretien des matériels prévu pour une période de paix.

Plusieurs réponses sont envisagées et appliquées de manières différentes dans les armées en fonction de leurs matériels.

 

Tout d'abord, les armées constituent des stocks de pièces détachées.

L'article 49 de la LPM a créé un nouvel article L. 1339-1 au code de la défense pour intégrer la possibilité d'imposer la constitution d'un stock minimal de matières ou de rechanges stratégiques par les industriels privés du secteur de l'armement. Cette démarche, portée par la DGA et les armées s'est concrétisée en 2025 par des arrêtés « stocks minimaux » vers cinq industriels de l'armement. La même démarche est en cours pour deux autres industriels.

 

Ensuite, les armées sont en partie revenues sur la logique de « tout verticalisation », qui n'est pas adaptée à tous les matériels, au profit de contrats « hybrides » quand cela est possible.

L'idée sous-jacente est de récupérer ou de conforter une partie des compétences techniques nécessaires à l'entretien, afin d'être le cas échéant en mesure de pallier à des urgences ou d'utiliser un matériel en dehors du cadre prévu par le contrat. Les différentes composantes doivent ainsi disposer d'une capacité d'adaptation d'autonomie propre. Ainsi, la Marine mène des opérations de « MCO continu » avec des opérations de maintenance en dehors des périodes de révision technique. Dans l'armée de Terre, le programme Ambition MCO-Terre 2030 vise à réinternaliser une partie de l'ingénierie et du stock. Pour la Marine, la disponibilité des sous-marins français s'avère très supérieure à d'autres flottes.

 

Enfin, et toujours dans l'optique de la haute intensité, les armées cherchent à remettre les impératifs opérationnels et la gestion du risque au coeur du processus décisionnel.

Les chefs d'État-Major, par un dialogue avec les industriels, cherchent à estimer le risque d'utiliser un matériel dans des conditions qui s'écartent des normes civiles, ce qui implique une prise de risque assumée.

Ces éléments doivent permettre à nos armées de passer d'un « MCO de contrat à un MCO de combat » adapté à notre époque.

III. LES HOMMES : DURCIR L'ENTRAINEMENT POUR PRÉPARER LE CHOC

L'année 2026 est celle de la préparation à la haute intensité. Ce terme s'est imposé dans le débat public avec le conflit ukrainien et domine maintenant la pensée stratégique et la politique de nos armées. Alors qu'il figurait à trois reprises dans la Revue nationale stratégique (RNS) de 2017, il y est fait mention 20 fois en 2025, signe d'un changement complet de cap.

 

Si l'évolution des contrats de MCO participe directement de la préparation à la haute intensité, les trois armées ont également pour objectif de durcir les conditions d'entrainement des hommes afin de les préparer le mieux possible au conflit.

A. UNE STABILISATION PRÉVUE DES CRÉDITS D'ENTRAINEMENT

a) Les crédits de préparation progressent

Évolution de l'OS AOP

(en millions d'euros)

 

La LPM prévoit un pallier d'activité 2024-2027 dans la préparation opérationnelle, avant une montée en puissance entre 2028- 2030. En conséquence, l'opération stratégique (OS) « activités opérationnelles » (AOP), qui regroupe l'ensemble des crédits destinés à l'entrainement des trois armées, demeure globalement stable, avec une progression de 5 % pour l'armée de Terre et de 3,2 % pour la Marine, et une diminution de 4,3 % dans l'armée de l'Air qui s'explique par la baisse anticipée du prix du carburéacteur, alors même que le volume horaire est en hausse.

b) Des stocks de munition à reconstituer

La protection du secret de la défense nationale ne permet pas de rendre publique le niveau de préparation opérationnelle des forces. Lors de son audition devant la commission le 5 novembre, le CEMA Fabien Mandon a cependant livré ses perspectives : « Je souhaite que les armées tirent davantage, nous allons commander des munitions d'exercice pour que nos artilleurs puissent s'entraîner davantage. Pour les missiles complexes - une torpille, un missile air-air, un missile sol-air comme l'Aster -, même s'ils coûtent très cher, il faut que les gens aient testé leur équipement de A à Z et ne découvrent pas les choses le jour où ils sont engagés en opération. Nos normes d'entrainement ne sont pas satisfaisantes, il faut s'entrainer dans les conditions de combat - on sait d'expérience qu'un pilote d'hélicoptère ou un marin qui ne prend pas la mer pendant cent jours perd ses réflexes, car la situation dans ces milieux n'est pas la même qu'à terre. »

Les différents travaux menés par la commission depuis 18 mois appellent en effet à une véritable accélération dans la reconstitution des stocks de munitions. Un rapport de l'IFRI de janvier 20252(*) estime à trois jours seulement les réserves de munitions de l'armée de l'Air et de l'Espace pour mener un combat de haute intensité. De même, des tensions apparaissent sur certaines munitions spécifiques.

L'actualisation annoncée de la LPM devra être l'occasion de se fixer des objectifs plus ambitieux dans la perspective de la division « bonne de guerre » en 2027.

B. OBJECTIF ORION 2026

Exercice Orion 2023

Trois ans après sa première édition, l'exercice ORION (pour Opération de grande envergure pour des armées Résilientes, Interopérables, Orientées vers le combat de haute intensité et Novatrices) se tiendra en 2026. Il s'agit du plus grand exercice mené par les armées françaises depuis la fin de la guerre froide. La précédente itération avait rassemblé jusqu'à 12 000 militaires français et les troupes de neuf pays.

ORION 2026 associera les trois armées et devrait constituer une étape dans l'optique de la division « bonne de guerre » en 2027. Il serait séquencé en quatre étapes. La première simulera une opération de première intention. La deuxième s'attachera à effectuer un suivi civilo-militaire permettant de tester en particulier le sujet central et maintes fois évoqué devant les rapporteurs de la résilience de la nation. Les étapes suivantes consisteront en un exercice de grande ampleur.

Ce type d'entrainement de haute intensité permet aux forces armées d'entrainer aux conditions de combat en situation « presque » réelle, mais également de tester l'ensemble de la chaine logistique et interarmée : ravitaillement en vivres, carburant et munitions, services de santé, transport des troupes etc... Il participe donc d'une acculturation à la lutte de haute intensité qui prend une dimension particulière dans le contexte actuel, et devrait s'avérer riche d'enseignements.

IV. UN SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES EN ORDRE DE MARCHE

Le Service de santé des armées (SSA) a pour mission le soutien santé opérationnel des forces armées et de la Gendarmerie nationale stationnées sur le territoire national, hors métropole ou projetées sur les théâtres d'opérations. Il prend en compte le risque nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) au profit des forces armées.

 

Le SSA rassemble huit hôpitaux des armées, 16 centres médicaux des armées et 190 antennes médicales. Il représente en 2025 un effectif de 14 483 personnels, répartis entre deux-tiers de militaires et un tiers de civils et en progression de près de 4 % depuis 2022.

Ses crédits totaux s'élèvent à 1,5 milliard d'euros en 2026, dont un peu plus d'un milliard d'euros de masse salariale positionnée sur le programme 212 et 175 millions d'euros d'attribution de produits provenant des remboursements de la Sécurité sociale.

Sur le programme 178, les crédits demeurent stables en incluant les ressources extra-budgétaires et s'établissent à 487,6 millions d'euros.

Le SSA est aujourd'hui confronté à trois défis :

 

Tout d'abord, le recrutement et la fidélisation des personnels médicaux.

Le nombre de départs de praticiens et d'infirmiers a diminué de 43 % entre 2016 et 2025, avec une nette accélération la dernière année, traduction des politiques volontaristes (plan Famille, intégration au dispositif général de primes de lien de service etc...). De l'autre côté du spectre, le volume de recrutement devrait être de 1 086 en 2026, comparable à celui de 2025. Il n'en reste pas moins que le service subit les conséquences du manque de praticiens en France et est placé en situation de concurrence avec les hôpitaux civils. 109 postes sont ainsi non pourvus dans la médecine des forces, soit 14 % des effectifs jugés nécessaires. Plusieurs composantes comme la chirurgie ou la radiologie sont en sous-effectif chronique. La hausse des places offertes en formation initiale ne devrait porter ses fruits que dans plusieurs années. Dans l'attente, il est nécessaire de recruter des personnels contractuels. La proportion de praticiens civils est ainsi passé de 17 % en 2022 à 24 % en 2024. Les rapporteurs estiment que l'enveloppe dédiée aux ressources humaines et le plafond d'emploi devraient être revalorisés afin d'éviter les effets d'éviction entre les médecins en formation et les contractuels.

 

Ensuite, la préparation aux nouvelles formes de conflit.

A l'occasion de son audition devant la commission le 5 novembre, le CEMAT a rappelé les défis cette nouvelle approche. Le SSA a donc dû changer de paradigme ces trois dernières années, avec l'obligation de préparer les conditions médicales d'un engagement majeur. Cette spécificité de la médecine militaire conduit à anticiper des conditions d'exercice en mode dégradé, avec des interventions hors du bloc opératoire éventuellement pratiquées par des infirmiers formés à cet effet. Comme l'a souligné devant les rapporteurs le Directeur général du SSA, la transparence du champ de bataille révélée par le conflit ukrainien rend plus complexe et potentiellement mortel l'accès aux blessés et l'évacuation.

Les quatre niveaux de la doctrine

La doctrine distingue quatre niveaux d'intervention médicale pour les armées.

· Le « rôle 1 », qui correspond au sauvetage en temps réel sur le champ de bataille

· Le « rôle 2 », soit l'antenne chirurgicale déployée au plus près de la zone de combat

· Le « rôle 3 », celui de l'hôpital médico-chirurgical situé plus en arrière et qui doit assurer le conditionnement avant transfert hors du théâtre d'opération

· Le « rôle 4 », avec les hôpitaux d'instruction des Armées en métropole.

Le SSA travaille actuellement sur le rôle 3, qui représente un coût d'environ 50 millions d'euros.

 

Enfin, des projets immobiliers de grande ampleur.

Le Service de santé des armées maintient son effort capacitaire et engage les études de conception du futur Hôpital National d'instruction des Armées de nouvelle génération à Marseille sur le site de Sainte-Marthe. Les travaux devraient débuter en 2028, pour une livraison attendue mi 2031.

Deux hôpitaux majeurs (Percy, Bégin) bénéficient par ailleurs d'investissements ciblés pour la modernisation de leurs équipements et infrastructures. La baisse de 5,5 M€ en CP sur l'offre hospitalière doit être interprétée avec prudence : elle résulte essentiellement d'une restructuration comptable, avec un transfert de 4 M€ vers la sous-action “numérique environnement santé”, et ne traduit donc pas une contraction réelle des moyens.

Les tensions en ressources humaines demeurent toutefois le principal point de fragilité, devant l'état du patrimoine immobilier. Malgré ces contraintes, les HNIA continuent d'assurer un rôle stratégique central pour la résilience sanitaire et opérationnelle des armées.

Le SSA constitue la traduction de la promesse républicaine faite aux troupes de la meilleure attention portée à l'état physique des combattants, en première ligne jusqu'à la réadaptation et la récupération. Il est en ce sens central aussi bien dans la montée en puissance de la logistique de nos armées que dans la confiance que doit inspirer l'institution militaire aux soldats.

 

Le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Philippe Paul, vice-président, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces » de la mission « défense » dans le projet de loi de finances pour 2026.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 26 novembre 2025, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Philippe Paul, vice-président, a procédé à l'examen des crédits de la mission « Défense » - programme 178 - Préparation et emploi des forces.

M. Olivier Cigolotti, rapporteur. - Monsieur le Président, Chers collègues,

Michelle Gréaume et moi-même sommes heureux de présenter devant vous aujourd'hui notre analyse des crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces » de la Mission Défense.

Le programme 178 constitue quelque part le « coeur » de la mission Défense, puisqu'il regroupe l'ensemble des moyens destinés à permettre aux forces de se préparer et de mener à bien leurs missions. Son objet est donc avant tout le futur du champ de bataille. Dans le contexte actuel, que nous ont décrit avec beaucoup de précisions les différents chefs d'État-Major entendus par la Commission, il est donc essentiel de le doter des moyens nécessaires.

Les crédits du programme progressent ainsi de 11 % pour s'établir à près de 16 milliards d'euros, soit le quart de la mission Défense. Le programme a bénéficié non seulement de la marche prévue par la LPM, mais également de la « surmarche ». Il a surtout été tenu compte du retour d'expérience des combats en Ukraine et au Moyen-Orient pour muscler les dispositifs qui devaient l'être.

Sur 5 ans, le programme aura donc progressé de 50 %. Cela traduit la continuité de notre engagement à doter les forces des moyens nécessaires à leur action. Pour autant, en la matière, nous savons bien qu'il faudra du temps avant de récupérer pleinement notre capacité opérationnelle, sérieusement écornée par la période des « dividende de la paix » qui a vu fondre le budget de nos armées. Je vais reprendre les mots du Chef d'État-Major de l'Armée de Terre : « Pour être libres, il faut être craints ; pour être craints, il faut être forts. Nous devons nous tenir prêts, et le faire savoir, à nos alliés comme à nos adversaires ». Avec notre réarmement et notre aguerrissement, nous préparons moins la guerre que les conditions d'une paix fondée sur le respect et la vigilance.

J'en viens maintenant à l'emploi des crédits. Autant le dire d'emblée, avec Michelle Gréaume, nous avons entendu les représentants des trois armées, et tous donnent acte à la loi de finances d'avoir bien tenu compte de leurs remarques comme de leurs besoins. Dès lors, leur inquiétude porte moins sur l'adoption de ce budget que sur sa non adoption... Mais c'est un sujet qui dépasse le cadre de nos travaux ce matin, même si je dois insister sur le fait qu'un retour à la loi de finances pour 2025 aurait des conséquences graves et immédiates en termes de signal vis-à-vis de nos compétiteurs mais aussi de nos hommes engagés dans la défense de notre territoire, qui ont déjà douloureusement vécu l'épreuve de la loi spéciale en début d'année.

Face à la hausse de la conflictualité, les armées s'adaptent donc, et avec Michelle Gréaume nous allons insister sur les deux points les plus significatifs en termes budgétaires pour notre programme : les matériels et les hommes.

Le maintien en condition opérationnel est une condition sine qua none de notre action. Près de la moitié des crédits du programme, soit plus de sept milliards d'euros, y est consacrée. Nous assistons cependant à une évolution très profonde de la philosophie de cet entretien, que le Chef d'État-Major de l'Armée de l'Air et de l'Espace a synthétisé avec la formule suivante : « Il est nécessaire de passer d'un Maintien en conditions opérationnelles de contrat de contrat à un maintien en conditions opérationnelles de combat ». Le temps n'est plus en effet à une paisible planification des tâches d'entretien, adaptée au format choisi pour l'armée durant 20 ans. Nos forces doivent pouvoir être mobilisées à tout instant, et endurer un combat violent et d'attrition.

Dans ce contexte, les États-Majors ont su s'adapter et engager une révision de leurs procédures. Très concrètement, les matériels doivent pouvoir être réparés en continu et le plus rapidement possible, y compris sur le terrain. Nous retirons de cette volonté trois éléments :

- tout d'abord, la constitution de stocks de pièces détachées par les armées, mais également par les industriels, comme le permet l'article 49 de la LPM. Sept industriels devraient être concernés en 2027 ;

- ensuite, une forme « d'hybridation » des contrats, en lien constant avec les industriels. L'idée est que les différentes composantes doivent disposer d'une capacité d'adaptation et d'autonomie propre. Ainsi, la Marine mène des opérations de « MCO continu » avec des opérations de maintenance en dehors des périodes de révision technique. La disponibilité des sous-marins français s'avère d'ailleurs très supérieure à d'autres flottes. Dans l'armée de Terre, le programme Ambition MCO-Terre 2030 vise à réinternaliser une partie de l'ingénierie et du stock.

- enfin, les armées s'attachent à remettre les impératifs opérationnels et la gestion des risques au coeur de leur réflexion. Les chefs d'État-Major, par un dialogue avec les industriels, cherchent donc à estimer le risque d'utiliser un matériel dans des conditions qui s'écartent des normes civiles, ce qui implique une prise de risque assumée.

L'ensemble de ces éléments, qui supposent une forme de révolution dans nos armées, constitue le socle de notre préparation à la haute intensité.

Nous vous proposons donc de valider les crédits du programme 178 tels qu'ils nous sont présentés.

Mme Michelle Gréaume, rapporteure. - La politique de maintien en condition opérationnelle des matériels que vient de vous présenter Olivier Cigolotti doit bien entendu s'articuler avec un aguerrissement des troupes. Nos armées ont été en mesure, en finalement peu de temps, de mettre en place une brigade « bonne de guerre » en 2025, et visent maintenant la division en 2027, ce qui constitue une étape cruciale et complexe. L'objectif est bien entendu de nous préparer à la « haute intensité », ce terme que l'on croyait disparu mais qui figure plus de 20 fois dans la dernière Revue Nationale Stratégique. Il importe cependant d'aborder cette notion avec la prudence requise en rappelant qu'elle ne peut s'entendre que dans un cadre strictement défensif et compatible avec une logique de désescalade et de souveraineté nationale.

Or l'acquisition des réflexes de combat et l'appropriation de la chaine logistique prend au moins autant de temps que le lancement d'un programme industriel. Mais hélas, nous manquons de temps. Aussi, la volonté des armées est de durcir les conditions d'entrainement afin de donner les meilleures chances aux hommes d'exercer leur mission au service de la Nation. Cette préparation, aussi exigeante soit-elle, doit s'inscrire dans un horizon de stabilité et de paix : renforcer nos capacités, c'est avant tout garantir que notre pays puisse prévenir les crises, protéger les populations et contribuer à la désescalade. Ces efforts doivent être menés avec le souci constant des conditions humaines et professionnelles des personnels.

La loi de finances prévoit donc des crédits d'activités opérationnelles qui s'élèvent en 2026 à 1,3 milliard d'euros, un montant stable qui dissimule en fait une hausse modérée de l'activité en raison de la baisse des prix du carburant. La LPM prévoyait un pallier avant une montée en puissance à partir de 2028.

L'accent est particulièrement mis sur l'Armée de Terre, dont les moyens progressent de 5 %.

Il reste cependant une forte incertitude autour de la question sensible du stock de munitions, qui tarde à être reconstitué. Comme cela nous a été rappelé durant nos auditions, les hommes doivent s'entrainer dans des conditions proches du réel, et on ne peut pas supposer qu'ils sauront se servir d'un matériel de pointe s'ils le découvrent sur le champ de bataille. Je vais reprendre les propos du CEMA devant notre commission le 5 novembre : « Je souhaite que les armées tirent davantage, nous allons commander des munitions d'exercice pour que nos artilleurs puissent s'entraîner davantage » Les capacités industrielles doivent donc suivre, et ce n'est pas toujours le cas, par exemple pour les obus de 40 mm du nouveau Jaguar destiné à remplace les AMX. L'incertitude budgétaire n'aide cependant pas à relancer les chaines de production.

L'année 2026 sera enfin marquée par l'exercice ORION, pour Opération de grande envergure pour des armées Résilientes, Interopérables, Orientées vers le combat de haute intensité et Novatrices.

Il s'agit d'un entrainement interarmées de très grand format qui se déroulera à partir du mois de février et devrait permettre de tester dans des conditions aussi réalistes que possible notre chaine logistique et le degré de préparation de nos hommes. La précédente édition avait rassemblé 12 000 hommes et de très nombreux pays. ORION sera donc une étape décisive vers la division « bonne de guerre » prévue pour 2027, et devrait s'avérer riche d'enseignements pour nous.

Je voudrais enfin parler d'un sujet qui nous tient à coeur avec Olivier Cigolotti, celui du Service de Santé des Armées, le SSA.

Il a pour mission le soutien santé opérationnel des forces armées et de la Gendarmerie nationale stationnées sur le territoire national, hors métropole ou projetées sur les théâtres d'opérations.

Le SSA bénéficie d'un budget de 1,5 milliard d'euros, dont le tiers sur ce programme, emploie près de 15 000 personnels, gère huit hôpitaux militaires, 16 centres médicaux et 190 antennes médicales sur le territoire national.

Le SSA traduit, si on y réfléchit bien, la promesse républicaine faite aux soldats que tout sera fait pour les ramener à la maison dans les meilleures conditions que la Nation puisse offrir. Il est à ce titre central dans la gestion des armées.

Il est aujourd'hui confronté à trois défis :

- le premier est celui du recrutement et de la fidélisation des personnels. Je ne vous apprends rien en vous disant que la ressource médicale est rare dans les territoires, la médecine militaire ne fait pas exception à la règle, elle est peut-être même plus complexe pour elle en raison des conditions d'exercice. Là encore, les choses progressent lentement : les départs de médecins et d'infirmiers ont régressé de 43 % depuis 2016. Cependant, il reste 109 postes à pourvoir, en particulier dans les spécialités chirurgicales et dans la radiologie. La formation initiale a été relancée, mais il faudra plusieurs années avant d'en voir les effets. Le recours aux contractuels s'est donc généralisé, mais nous constatons avec Olivier Cigolotti que le plafond d'emploi n'a pas été relevé, ce qui traduit à l'instant T une diminution des praticiens en exercice. Nous souhaitons que cela soit corrigé très rapidement, peut-être avec l'actualisation promise de la LPM.

- le deuxième défi est celui de la préparation aux nouvelles formes de conflit. La médecine de guerre doit redevenir une médecine prête à affronter une guerre de haute intensité, avec des pertes significatives. La transparence du champ de bataille, désormais absolue comme l'a révélé le conflit en Ukraine, appelle à une évolution des paradigmes : comment allez chercher un camarade blessé alors que les drones vrombissent partout ? Où installer l'hôpital médico-chirurgical dit de « rôle 3 », qui constitue la prochaine étape de notre préparation, avant le transfert vers les hôpitaux d'instruction des armées ? La question est complexe, et toute l'organisation doit être repensée, en lien avec la médecine civile qui aura nécessairement un rôle à jouer.

- troisième et dernier défi, le SSA est engagé dans des chantiers immobiliers de très grande ampleur avec le futur hôpital d'instruction des armées à Marseille sur le site de Sainte-Marthe. Les travaux devraient débuter en 2028, et la livraison est prévue pour la mi 2031. Cette nouvelle structure est indispensable pour compléter notre infrastructure médicale. Le SSA poursuit également une politique d'investissements ciblée sur les hôpitaux de Percy, et Bégin.

Un dernier mot avant, de conclure : nous avons été très marqués avec Olivier par l'engagement et le sens du devoir des militaires que nous avons pu rencontrer, en en audition mais également en diverses occasions. L'avis favorable que nous recommandons pour les crédits du programme 178 est donc aussi une forme de reconnaissance de leur dévouement et de leur compétence. Cet avis favorable s'accompagne naturellement d'une vigilance quant à l'usage de ces crédits, pour qu'ils servent pleinement l'intérêt général et la protection de la Nation.

M. Olivier Cigolotti, rapporteur. - Je veux juste compléter mon propos pour faire suite aux remarques de notre collègue Jean-Luc Ruelle sur le programme 146. Il n'y a pas d'inquiétudes à avoir sur la capacité des armées à absorber les matériels, elles y sont prêtes et sont en réalité plutôt dans l'attente, la seule incertitude porte plutôt sur la capacité des industriels à honorer les engagements pris.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces » de la mission « Défense ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 4 novembre 2025 :

- CGA Dominique Tardif et Julie Gauthier, Conseillère politico-militaire du Major général de l'armée de l'Air et de l'Espace

Mercredi 12 novembre 2025 :

- GBR Lionel Catar, COL Hervé Fernando, LCL Louis-Dominique Richard (Etat-major de l'armée de Terre)

Jeudi 13 novembre 2025 :

- Contre-amiral Ludovic Segond, Capitaine de vaisseau et Commandant Guillaume Coube, chargé des relations avec le Parlement (Etat-major de la Marine)

- M. Jacques Margery, médecin général des armées, directeur central du service de santé des armées

- M. Samuel Girardot, commissaire général de deuxième classe, sous-directeur « études et politique des ressources humaines »

- M. Erik Czerniak, médecin général, chef de la division « opérations »

- Mme Isabelle de Carli, commissaire en chef de première classe, adjointe à la sous-directrice « achats-finances »

- M. Tom Haristias, chef du bureau « analyse, synthèse, relations d'armées », chargé des relations parlementaires


* 1 https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20251103/etra.html#toc4

* 2 « L'avenir de la supériorité aérienne », IFRI, janvier 2025 - https://www.ifri.org/sites/default/files/2025-01/ifri_gorremans_avenir_superiorite_aerienne_2025_0.pdf

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