- L'ESSENTIEL
- I. UNE TROISIÈME ANNÉE DE MISE EN
OEUVRE DE LA LPM MARQUÉE PAR UNE « SURMARCHE » DE
3,5 MILLIARDS D'EUROS
- II. DES GRANDS PROGRAMMES CAPACITAIRES
STRATÉGIQUES POUR ACCOMPAGNER NOTRE REMONTÉE EN PUISSANCE
- A. LA NÉCESSITÉ DE POURSUIVRE LE
RENOUVELLEMENT DE NOS CAPACITÉS MAJEURES
- B. DES CHOIX COMPLÉMENTAIRES
STRATÉGIQUES S'IMPOSENT POUR RÉPONDRE AUX NOUVELLES
MENACES
- A. LA NÉCESSITÉ DE POURSUIVRE LE
RENOUVELLEMENT DE NOS CAPACITÉS MAJEURES
- I. UNE TROISIÈME ANNÉE DE MISE EN
OEUVRE DE LA LPM MARQUÉE PAR UNE « SURMARCHE » DE
3,5 MILLIARDS D'EUROS
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
|
N° 141 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
|
Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
|
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense |
|
TOME VIII DÉFENSE Équipement des forces (Programme 146) |
|
Par M. Hugues SAURY et Mme Hélène CONWAY-MOURET, Sénateur et Sénatrice |
|
(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Jean-Baptiste Lemoyne, Claude Malhuret, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury, Jean Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; M. Étienne Blanc, Mme Valérie Boyer, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Ludovic Haye, Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mmes Gisèle Jourda, Mireille Jouve, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Ronan Le Gleut, Didier Marie, Pierre Médevielle, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot, MM. Stéphane Ravier, Jean Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie. |
|
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
Si le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022 a mis en évidence l'affaiblissement militaire de l'Europe et la nécessité de mettre un terme à la politique des « dividendes de la paix », l'année 2025 aura été marquée par la multiplication des actions de « guerre hybride » de la part de la Russie sur le continent européen (actions de désinformation, de manipulation et de sabotage, survols de drones et incursions aériennes...) qui ont accéléré une prise de conscience que la Russie pourrait être tentée à brève échéance de tester la solidité de l'OTAN.
Cette nouvelle perception de la menace a été intégrée à la Revue nationale stratégique (RNS) dans son actualisation publiée en juillet 2025 à laquelle la commission a été associée tandis que le sommet de l'OTAN des 23 et 24 juin à La Haye a acté la nécessité de porter l'effort de défense des pays membres de 2% à 3,5% d'ici 2035 et même à 5% du PIB en tenant compte de l'ensemble des dépenses consacrées à la sécurité.
Cette prise de conscience répond pleinement aux préoccupations des rapporteurs qui avaient constaté l'année dernière « une remontée en puissance réelle mais encore insuffisante ». L'année 2024 a été celle de l'adaptation de l'outil industriel et des investissements dans les capacités de production mais les commandes étaient encore trop limitées ce qui avait amené les rapporteurs à s'interroger « sur le caractère suffisant de l'effort financier prévu de manière pluriannuelle compte tenu des besoins urgents de remise à niveau et de modernisation de nos équipements majeurs »1(*).
C'est pour répondre à l'ensemble de ces enjeux que le Président de la République a annoncé le 13 juillet 2025 une accélération de l'effort budgétaire en faveur des armées pour 2026 et 2027 consistant à ajouter aux « marches » de 3,2 Mds€ prévues par la loi de programmation militaire (LPM) en 2026 et 2027 des « surmarches » représentant un effort de 3,5 Mds€ en 2026 et de 3 Mds€ supplémentaires l'année suivante. Le Premier ministre a indiqué aux parlementaires le 1er décembre 2025 que le volume global des « marches » et « surmarches » pourrait représenter 8 Mds€ en 2028 et 9 Mds€ en 2029 comme en 2030. Le rapporteur spécial, Dominique de Legge, considère que « cette dynamique est compatible avec l'atteinte de l'objectif d'un niveau de dépenses militaires de 3,5 % du PIB en 2035 - à condition de poursuivre l'effort chaque année (+0,15 % du PIB annuellement) -, soit un budget de l'ordre de 140 milliards d'euros à cet horizon »2(*). La ministre des Armées a, par ailleurs, annoncé le dépôt d'un projet de loi visant à actualiser la LPM au premier semestre 2026.
Concernant les crédits du P146 au cours de la troisième année d'application de la LPM, les autorisations d'engagement (AE) prévues pour la mission « Défense » s'élèveraient en 2026 à 93,1 Mds€, soit une baisse de 0,5 % par rapport à 2025 tandis que les crédits de paiement (CP) s'établiraient à 66,7 Mds€, soit une hausse de 6,78 milliards d'euros (+11,3 %). Sur le périmètre de la LPM (hors pensions), les crédits demandés s'établissent à 57,15 Mds€, en hausse de 6,67 Mds€ par rapport à la LFI 2025.
Cette hausse des moyens bénéficiera particulièrement à l'équipement des forces au travers des programmes d'équipements à effet majeur (+3,36 Mds€), de la dissuasion nucléaire ((+487 M€) et de l'achat de munitions (y compris complexes et téléopérées) pour un total de plus de 2,4 Mds€.
LES CHIFFRES CLÉ DU PROGRAMME 146 EN 2026
Les crédits consacrés au programme 146 dans le PLF 2026 connaissent une évolution contrastée. Alors que les autorisations d'engagement baissent de 51,37 Mds€ à 47,17 Mds€ (-8,2%), les crédits de paiement connaitront une forte hausse passant de 18,69 Mds€ à 22,88 Mds€ (+22,4%). Dans le détail, les crédits de paiement consacrés à la dissuasion augmentent de +6,6% à 6,12 Mds€ contre 5,73 Mds€ en LFI 2025. Cette hausse permettra en particulier de financer le missile ASMP-A rénové.
Concernant les livraisons attendues en 2026, on peut mentionner en particulier 2630 récepteurs GPS/Galileo, 122 Griffon, 30 Jaguar, 70 Serval, 21 Leclerc rénovés, 20 mortiers MEPAC, 8000 fusils d'assaut HK 416, 1 Rafale, 2 A400M, 1 MRTT, 1 Atlantique 2 rénové, 3 avions de surveillance maritime, 6 Tigre rénovés, 4 NH 90, 1 SNA Barracuda, 1 patrouilleur hauturier, 1 patrouilleur outre-mer et des lots d'ASTER 15 et 30 et d'EXOCET.
Par ailleurs, 44 Mds€ de commandes seront passées en 2026 qui devraient porter notamment sur 41 systèmes de drones tactiques légers, 1 FDI, 2 Rafale, 2 Saab GlobalEyes suédois pour remplacer les AWACS, 4 SAMP/T NG, 350 SERVAL, des lots de bombes AASM, de missiles antichars et des MTO. Les commandes devraient également comprendre 40 drones sous-marins, 25 drones de surface, 2 avions patrouilleurs et 2 satellites successeurs de Musis.
Le programme 146, qui constitue le programme le plus important de la mission « Défense » en masse de crédits, conserve ses deux dimensions de court et long terme. Programme du temps long, il lui revient d'organiser le financement pluriannuel des programmes à effet majeur (PEM). Mais le P146 est aussi un programme du temps court qui doit être capable de manoeuvrer afin de permettre les adaptations et conserver une capacité d'évolution par exemple pour répondre au défi des drones ou au besoin de développement de nos capacités spatiales.
I. UNE TROISIÈME ANNÉE DE MISE EN OEUVRE DE LA LPM MARQUÉE PAR UNE « SURMARCHE » DE 3,5 MILLIARDS D'EUROS
A. UN EFFORT DE DÉFENSE DE PLUS EN PLUS SUBSTANTIEL
1. Une mise en oeuvre de la LPM conforme au texte voté en août 2023
Lors de son audition par la commission le 22 octobre dernier, la ministre des Armées a déclaré que « les crédits de la mission « Défense » votés dans la loi de finances initiale pour 2025 sont conformes aux annuités 2024-2030, soit une hausse de crédit de 7% entre 2024 et 2025, pour atteindre 50,5 milliards d'euros. La mission « Défense » a été épargnée par les mesures de régulation budgétaire - surgels et annulations de crédits - mises en oeuvre depuis le début de l'année ». Elle a également indiqué que le ministère avait « obtenu le dégel anticipé à 100% de la réserve de précaution du programme 146 - soit 1,3 milliard d'euros - pour sécuriser au maximum le plan de commande des programmes d'armement, tant conventionnels que de dissuasion ». Au 30 septembre 2025 les commandes de la DGA atteignaient 12,8 Mds€ soit, selon la ministre, « un niveau jamais atteint à cette période de l'année dans l'histoire récente ». Et les paiements dépassaient 16 Mds€, soit davantage également que dans les années passées.
Alors que les industriels continuent à regretter l'insuffisance des commandes la ministre a rappelé lors de son audition qu'« une année normale du programme 146, c'est un premier temps où les équipes de la DGA vont principalement payer les fournisseurs, puis un second temps davantage dédié à l'engagement des commandes nouvelles, dont les contrats sont négociés tout au long de l'année ». Interrogée par les rapporteurs, la ministre a indiqué que « l'objectif est de passer 30 milliards d'euros de commandes d'ici la fin de l'année » et que les commandes concernant le PA-NG (10,2 Mds€ en AE), les SNLE-3G (11,5 Mds€ en AE) et les études nécessaires au développement du moteur T-REX3(*) du standard F5 du Rafale seront prévues dans cette enveloppe.
La mise en oeuvre de la LPM continue à produire des résultats tangibles. Si l'expression « économie de guerre » demeure inadaptée pour désigner la remontée en puissance des capacités de notre base industrielle et technologique de défense (BITD), des résultats significatifs sont perceptibles. Les cadences de production ont augmenté par exemple concernant les canons CAESAR, la production d'ASTER par MBDA et de bombes AASM par Safran. Dassault qui produisait mensuellement un Rafale avant le début des contrats export en produit maintenant 3 et devrait atteindre prochainement 4 par mois4(*).
Afin de renforcer la BITD, les sous-traitants identifiés comme « goulets d'étranglement » ont fait l'objet de mesures de remédiation (ressources humaines sur les métiers en tension, financement, approvisionnement...). Par ailleurs, 17 relocalisations ont été menées ou initiées dans différents secteurs (poudre, munitions, composants, énergie...). La réserve industrielle de défense (RID) a été mise en place et huit grands maîtres d'oeuvre industriels, un grand constructeur dual terrestre, et quatre PME ont signé les conventions.
Les « arrêtés stocks » pris sur le fondement de l'article 49 de la LPM
Neuf « arrêtés stocks Art. 49 » ont été pris depuis 2024 et notifiés aux principaux « maîtres d'oeuvre industriels » (MOI) « en vue d'améliorer les performances et la résilience des industriels de l'armement » selon les ministères des Armées. L'application de ces mesures de priorisation a été préparée en analysant les chaînes d'approvisionnement de plusieurs industriels. Ils visent à la fois des stocks d'éléments nécessaires à la poursuite de programmes en cours et des stocks de rechanges pour des matériels déjà livrés. La définition de ces niveaux de stocks a fait l'objet d'un dialogue constructif entre les différents MOI et la DGA.
Selon un industriel de l'armement terrestre auditionné, l'arrêté-stock impose de constituer un stock minimal, sur le fondement de l'article L. 1339-1 du code de la défense, afin de « soutenir la production et le soutien des matériels identifiés en cas de situation critique ne permettant plus les approvisionnements notamment depuis l'étranger, des matières et composants nécessaires ». Le même industriel précise que l'arrêté-stock « engendre des achats anticipés représentant une valorisation conséquente pour l'entreprise, qui ne peut pas être indemnisée pour des préjudices relatifs aux coûts de la constitution et de l'entretien des stocks ». En cas de manquement, une amende peut être infligée dont le montant ne peut excéder le double de la valeur des stocks non constitués, dans la limite de 5% du chiffre d'affaires annuel moyen constaté au cours des deux exercices précédents. Comme le remarque un industriel auditionné « la pertinence du dispositif dépend d'une déclinaison cohérente des arrêtés auprès des partenaires de rang 1 » mais les industriels n'ont pas connaissance de la manière dont leurs fournisseurs s'acquittent de leurs propres obligations.
Les rapporteurs rappellent que les arrêtés relatifs aux stocks ne doivent pas être considérés comme des outils destinés à compenser un déficit de commandes antérieures pour assurer les rechanges. De même, ces arrêtés ne peuvent remplacer l'indispensable visibilité dont ont besoin les industriels en matière de développements de programmes et de commandes.
2. Une imprévisibilité croissante défavorable au rythme du réarmement
Les industriels auditionnés ne partagent pas les déclarations rassurantes du Gouvernement en réponse aux interrogations des rapporteurs sur le manque de commandes ces derniers mois. Ils considèrent, par ailleurs, que les difficultés à adopter un budget ne sont pas sans conséquences sur leur production. Selon un grand groupe de la BITD : « l'absence de vote a entraîné des reports de commandes » tandis que « les confirmations de commandes ont été relancées début 2025 après l'adoption du budget, permettant un rattrapage, même si certains délais de production et de livraison devront être ajustés en 2025 et 2026. Aucun programme n'a été arrêté définitivement, mais les décalages affectent la cohérence globale du plan de charge industriel ».
Ces conséquences sont confirmées par un autre industriel qui déclare que « l'absence de vote du budget en décembre 2024 a eu des effets négatifs à plusieurs niveaux du fait du manque de visibilité budgétaire. Tout d'abord cela a entraîné un arrêt de paiement de la DGA plus tôt dans l'année 2024 qu'à l'accoutumée. Cela nous a conduit à répercuter cette tension sur les paiements de nos sous-traitants avec un risque de fragilisation de la supply chain ».
Un troisième industriel interrogé a confirmé le sentiment général que « l'absence de vote du budget en décembre 2024 a eu pour conséquence le décalage de certaines commandes ». Cela a notamment été le cas concernant un programme important de cette entreprise de haute technologie militaire qui a dû être développé sur fonds propres depuis juin 2025 « pour ne pas arrêter le programme ». Certains industriels sont ainsi obligés de financer pour des montants très importants des commandes anticipées de composants « non couvertes par des commandes fermes, afin d'accélérer (la) production et soutenir (la) chaîne de sous-traitance ». Le prolongement de cette situation pourrait se solder par l'arrêt de certains programmes considérés pourtant comme stratégiques et affaiblir la France dans le cadre des coopérations menées avec des alliés européens.
Une dégradation des délais de paiement à corriger
L'incertitude budgétaire a également eu des conséquences sur les délais de paiement. Un industriel explique ainsi que la situation en matière de paiement se caractérise par : « une dégradation croissante des délais de paiement de l'État depuis fin 2023. Ce phénomène est particulièrement important en fin d'année où les retards peuvent aller de 1 à 3 mois ; des prévisions d'encaissement d'ici fin décembre assez pessimistes, nous nous attendons à une situation détériorée par rapport à 2024, avec un niveau de versement des acomptes par exemple qui est presque divisée par deux. Entre 2022 et 2024 le niveau des créances de fin d'année de l'État a été multiplié par 4 ; un manque de visibilité sur les prévisions de paiement de l'État ».
Un autre industriel signale que « les délais de paiement ont un impact très négatif sur la trésorerie de l'entreprise et fragilisent l'ensemble de la supply chain. Cette situation s'est dégradée en 2025 par rapport aux années précédentes avec un retard supplémentaire de plusieurs semaines en fin d'année qui se traduit à fin octobre sur les deux programmes 146 et 178 par 190 M€ d'encours de paiement dont 88 M€ échus ».
Un troisième industriel indique que « le total des impayés fin septembre représente environ 2% de (son) chiffre d'affaires ce qui est supportable pour (le groupe) qui s'organise pour ne pas le faire supporter à ses sous-traitants ». Ce groupe indique qu'il a été amené depuis une dizaine d'années à créer des équipes dédiées à la gestion de ses fournisseurs afin d'anticiper au mieux les difficultés et proposer des actions de sécurisation. Ce travail fait l'objet de réunions régulières avec la DGA afin d'assurer le suivi des fournisseurs critiques.
B. UNE REMONTÉE EN PUISSANCE À LA FOIS RÉELLE ET À CONFIRMER
1. Une amélioration réelle mais encore insuffisante
La situation des stocks de munitions illustre de manière instructive où en sont nos armées sur le chemin de la préparation à un choc de haute intensité.
Les rapporteurs avaient indiqué l'année dernière leurs réserves quant à l'idée de faire correspondre à un engagement de haute intensité des stocks de munitions nécessaires à 2 mois de combats. Ils avaient proposé de porter de 2 à 6 mois la durée du référentiel pour déterminer le niveau des stocks de munitions nécessaire pour conduire un affrontement de haute intensité. Cette nécessité d'accroître nos stocks de munitions a été rappelée par le chef de l'État le 13 juillet 2025 qui a reconnu que « la France reste vulnérable sur les stocks de munitions » et qu'il faut désormais « produire vite et en masse ». Depuis 2022, KNDS a ainsi porté sa capacité de production d'obus de 155 mm significativement au-delà de 100.000 par an en tenant compte de l'ensemble de ses implantations européennes, mais cette montée en puissance demeure sujette aux commandes fermes pluriannuelles passées par l'État.
Une tension sur les munitions toujours prégnante
La préparation à un choc de haute intensité impose aux armées de reconstituer des stocks suffisants de toutes natures. Si le sujet des obus d'artillerie de 155 mm est souvent évoqué compte tenu notamment des cessions intervenues au bénéfice de l'Ukraine, le recomplètement a commencé et se poursuivra dans les années à venir compte tenu des nouvelles capacités de production mises en place.
Les difficultés concernent également les autres formats avec des configurations différentes à traiter. Le stock de missiles anti-char courte portée (NLAW) fait ainsi l'objet d'une augmentation pour renforcer la capacité anti-char ainsi que le stock de roquettes AT4 F2 destinées aux LRU. Le stock de projectiles mortiers (81 mm et 120 mm) fait l'objet d'une attention prioritaire compte tenu du développement de la capacité mortiers en cours (MEPAC 120 mm monté sur Griffon).
Les livraisons de kits d'AASM se sont poursuivies en 2025 par Safran et de nouvelles commandes pourraient intervenir en 2026 au titre du recomplètement des stocks.
La montée en puissance de la production de missiles se poursuit grâce à un plan d'investissement conséquent mis en oeuvre par MBDA, le développement des stocks de composants et métaux et une hausse des recrutements. La capacité de production des missiles de MBDA a ainsi été doublée depuis 2023 et l'accroissement se poursuit.
2. Une actualisation de la LPM indispensable pour renforcer la sincérité des engagements et mieux répondre aux nouveaux besoins
Lors de son audition devant la commission le 22 octobre dernier, la ministre des Armées a déclaré que ce PLF 2026 constituait « la première année du futur projet de loi d'actualisation de la LPM 2024-2030 » qui devra aller jusqu'au terme de la LPM actuelle. Si le texte du projet de loi est déjà bien avancé, la ministre des Armées a indiqué récemment que son dépôt sur le bureau d'une des assemblées n'interviendrait qu'au premier semestre 2026 compte tenu des incertitudes sur le vote du budget. Le recours éventuel à une loi spéciale constitue en effet une menace évidente puisque cette solution mise en oeuvre l'année dernière aurait pour effet de repousser à la fois la mise en place de la marche de 3,2 Mds€, mais également celle de la « surmarche » de 3,5 Mds€. Les rapporteurs ne peuvent que faire part de leur préoccupation face au risque pour les Armées que le budget ne soit pas adopté dans les délais compte tenu des conséquences qu'a eu le recours à une loi spéciale en début d'année 2025.
Les industriels auditionnés considèrent tous qu'ils ont besoin de stabilité et de visibilité pour poursuivre leur montée en puissance. Ils attendent donc avec beaucoup d'attention à la fois le vote de la loi de finances et le dépôt du projet de loi relatif à l'actualisation de la LPM. Cette actualisation est considérée comme une étape importante pour renforcer la sincérité de la LPM 2024-2030 compte tenu des incertitudes de financement qui accompagnaient la loi adoptée par le Parlement le 1er août 2023. L'actualisation doit ainsi à la fois conforter les engagements qui figurent dans le texte de 2023 sur le plan des financements, mais également ouvrir la voie à des engagements complémentaires permettant d'acquérir des capacités nouvelles qui n'étaient pas évoquées dans la programmation originelle.
Les rapporteurs ont été étonnés d'apprendre que les industriels n'avaient été que très peu informés des résultats des travaux d'actualisation de la LPM. Plusieurs d'entre eux font part de leur sentiment que des marges de progression existent dans le dialogue à mener avec la DGA afin que le ministère des Armées puisse intégrer le plus en amont possible les contraintes industrielles dans la conduite des programmes.
Un point de vigilance particulier doit par ailleurs concerner la nécessité de préserver un certain équilibre entre la France et l'Allemagne concernant les moyens consacrés à l'effort de défense. Compte tenu de l'effort très important produit par notre voisin, un risque existe de « décrochage » du côté français qui pourrait compliquer la poursuite des partenariats par exemple dans le secteur spatial où l'Allemagne prévoit d'investir 35 Mds€ quand la France a évoqué seulement 4 Mds€ supplémentaires dans le cadre des « surmarches ».
II. DES GRANDS PROGRAMMES CAPACITAIRES STRATÉGIQUES POUR ACCOMPAGNER NOTRE REMONTÉE EN PUISSANCE
Les rapporteurs avaient eu l'occasion l'année dernière de rappeler que la LPM 2024-2030 adoptée en août 2023 avait été calibrée au plus juste voire en-deçà des besoins réels pour ce qui concerne plusieurs programmes d'intérêt majeur. Ils avaient donc indiqué « que la question du format même de la LPM ne pourra pas être très longtemps ignorée ». Ils ne peuvent, dans ces conditions, que se réjouir d'une actualisation de la LPM prévoyant de nouveaux moyens.
Cette actualisation de la LPM devra permettre de tirer les conclusions de la fin de l'ambiguïté majeure du texte initial de 2023 qui en réalité ne tranchait pas véritablement la question de l'avenir de la menace russe ni celle du format des armées. Les déclarations du chef d'état-major des armées lors de ses auditions au Parlement sont venues lever tout doute sur la réalité de cette menace dans le prolongement de la révision de la revue nationale stratégique publiée en juillet 2025.
A. LA NÉCESSITÉ DE POURSUIVRE LE RENOUVELLEMENT DE NOS CAPACITÉS MAJEURES
1. La modernisation impérative de toutes les composantes concourant à la dissuasion
a) Le développement du standard F5 du Rafale nécessaire à la délivrance de l'ASN4G
Le standard F5 du Rafale doit permettre de prolonger le succès de cet avion tant dans les missions qu'il accomplit pour les armées françaises - en particulier dans le cadre de la dissuasion nucléaire - qu'à l'exportation où il suscite un intérêt croissant. Le nouveau standard doit permettre la conduite d'opérations aériennes de plus en plus complexes sur des théâtres d'opérations de mieux en mieux défendus. L'objectif est de le doter de nouveaux capteurs, de nouveaux armements et de capacités accrues de combat collaboratif notamment en association avec un drone de combat.
Le lancement de la réalisation du standard F5 est prévu en 2026 pour une date prévisionnelle de livraison du premier exemplaire en 2033. Pourtant, alors que les pilotes de Rafale sont unanimes à considérer qu'un surcroît de puissance doit être envisagé pour préserver les capacités de l'avion, le ministère des Armées tarde à dégager les moyens nécessaires à l'évolution du moteur. Le groupe Safran qui produit le moteur actuel M 88 du Rafale a proposé une évolution incrémentale (T-REX) permettant de porter de 7,5 tonnes à 9 tonnes la poussée du moteur au travers d'un nombre limité de modifications du moteur actuel. Une telle évolution serait utile pour accroître la capacité d'emport, la capacité d'interception et la survivabilité au combat. Ce surcroît de puissance doit notamment permettre l'emport du futur missile nucléaire ASN4G qui sera plus lourd que le missile actuel ASMPA-R.
Si la nécessité de développer ce moteur à poussée augmentée ne fait plus guère de doute, d'autant plus qu'il constitue un jalon indispensable pour développer le moteur d'un chasseur de 6ème génération, les rapporteurs ont rappelé dans leur avis budgétaire de l'année dernière que la LPM n'avait pas prévu l'enveloppe correspondant au développement du T-REX. Si l'État a finalement contribué en 2025 pour un peu plus de la moitié au coût des études, le PLF 2026 ne prévoit pas en l'état de crédits d'études alors que les besoins sont estimés à plusieurs dizaines de millions d'euros par le motoriste français. Les échanges conduits avec l'EMA ont permis d'établir que le dialogue se poursuivait avec l'industriel pour répartir la prise en charge de ce coût afin de poursuivre les travaux qui sont considérés comme prioritaires.
Les rapporteurs rappellent la nécessité de poursuivre en 2026 le développement et le perfectionnement du Rafale qui repose sur un moteur plus puissant et souhaitent que la DGA et le groupe Safran puissent trouver au plus vite un accord sur la répartition de la prise en charge des crédits. Ils considèrent que cet investissement est indispensable pour maintenir les compétences du motoriste et ainsi préparer la motorisation du futur chasseur de 6ème génération.
2026 sera une année cruciale pour l'avenir de l'A400M
L'A400M constitue avec le MRTT et le Rafale le triptyque sur lequel s'appuie l'armée de l'air et de l'espace. Pourtant, malgré ses qualités stratégiques et tactiques, le gros porteur souffre d'un déficit de commandes de ses pays fondateurs (compte tenu des révisions à la baisse du nombre d'avions commandés par la France, l'Espagne et le Royaume-Uni) qui a fragilisé sa chaîne de productions qui ne doit pas descendre en-dessous de 8 appareils par an pour rester viable.
Airbus estime que l'A400M est aujourd'hui dans la même situation qu'a connu le Rafale en 2012 avant la multiplication des commandes à l'export. Un certain nombre de contrats pourraient se concrétiser en 2026 à la fois du côté des pays fondateurs (la France et l'Espagne envisageraient respectivement 4 et 3 nouvelles acquisitions), qui ont réévalué leurs besoins à la hausse, de certains pays européens qui ont fait part de leur besoin mais aussi de la part de pays du Moyen-Orient et d'Asie. Des usages nouveaux de l'A400M sont également envisagés au profit des forces spéciales et pour délivrer des missiles et des drones.
b) La poursuite du renouvellement de notre force de dissuasion nucléaire
Le programme de modernisation et de renouvellement des différentes composantes de la dissuasion nucléaire se poursuit avec des étapes importantes en 2025 et 2026.
Les moyens budgétaires du P146 consacrés à la dissuasion baissent en 2026 de -69,2 % à 8,03 Mds€ en AE et augmentent de +6,7 % en CP à 6,12 Mds€. La baisse du niveau d'AE globale en 2026 s'explique notamment par des affectations importantes sur tranches fonctionnelles en 2025 sur le programme 146 et par le renouvellement de marchés de MCO sur le programme 178 cette même année. Le niveau des paiements augmente entre 2025 et 2026, notamment du fait du lancement en réalisation des programmes majeurs de renouvellement des composantes de la dissuasion (M51.4, 2ème étape du SNLE 3G et programme ASN4G).
La composante aéroportée a bénéficié cette année de la mise en service du missile de croisière ASMPA-R5(*) à capacité nucléaire qui a fait l'objet d'un tir d'évaluation dans le cadre de l'opération Diomède le 13 novembre 2025. La mise en service de son successeur, l'ASN4G reste prévue à l'horizon 2035.
La composante océanique a vu en octobre 2025 la mise en service opérationnelle du missile balistique M51.3. Par ailleurs, la DGA a notifié en août 2025 à ArianeGroup le marché de développement et de production de la quatrième version (M51.4) du missile balistique stratégique M51 appelé à être déployé après 2035 à la fois à bord des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) actuels type Le Triomphant et des futurs SNLE de 3ème génération en phase de réalisation.
2. Le renforcement de notre flotte pour assurer sa disponibilité et sa capacité de combat
a) Une réflexion à venir sur la permanence à la mer de la capacité aéronavale
La guerre des 12 jours entre l'Iran et Israël en juin 2025 est venue rappeler l'utilité des groupes aéronavals américains pour projeter leur puissance et peser dans le déroulement d'un conflit en contribuant à apporter la supériorité aérienne. C'est dans ce contexte que le programme de porte-avions nucléaire de nouvelle génération est appelé à franchir une nouvelle étape en cette fin d'année 2025.
Selon les indications recueillies par les rapporteurs, le Gouvernement devrait décider avant la fin de l'année le lancement de la réalisation en notifiant aux industriels concernés, notamment Naval Groupe et les Chantiers de l'Atlantique réunis pour l'occasion dans une société commune dénommée « MO Porte-avions », un premier marché portant sur l'ingénierie du bateau et la réalisation des chaudières nucléaires. Ce premier marché laisserait ouvertes certaines options concernant les fonctionnalités qui devraient être précisées dans un second marché attendu en 2028/2029. Le recours à deux marchés subséquents doit permettre notamment de doter le bâtiment d'un système de combat et des équipements électroniques et numériques les plus récents.
Les rapporteurs rappellent que la mission « Clémenceau 2025 » qui a mené le Charles-de-Gaulle dans la région indopacifique a confirmé la nécessité de disposer d'un bâtiment de taille plus importante pour mieux affronter la haute mer dans le cadre de déploiements sur tous les océans. Le PA-NG devrait donc être plus lourd, plus long et plus large que le Charles-de-Gaulle. Il devrait également être en mesure d'opérer à la fois des avions de chasse et de surveillance, des drones de toutes natures et, éventuellement, d'autres vecteurs pour atteindre de plus hautes altitudes.
S'il est entendu que cette plateforme devra être évolutive, un débat se poursuit sur certains aspects décisifs comme le nombre de catapultes électromagnétiques6(*) mais aussi sur la nécessité d'assurer une permanence à la mer qui pourrait prendre plusieurs formes : un prolongement du porte-avions Charles-de-Gaulle après la mise en service du PA-NG en 2038 (cette hypothèse étant liée au résultat du futur arrêt technique majeur), la réalisation d'un second PA-NG (ce qui poserait la question de son financement) ou une coordination entre les marines européennes disposant de tels bâtiments pour assurer une permanence.
b) Le renforcement de l'armement de la flotte sans modification du périmètre existant
Concernant le reste de la flotte et notamment les frégates de Premier rang dont le nombre devrait demeurer à 15, l'actualisation de la LPM pourrait prévoir de renforcer leur armement afin de les rendre plus homogènes en portant à 32 le nombre des cellules Sylver permettant de mettre en oeuvre leur défense antiaérienne au moyen de missiles ASTER. Si le ministère des Armées n'exclut pas un maintien dans le programme EPC de « corvette hauturière », un débat est en cours sur la possibilité de prolonger encore les frégates de surveillance déployées outre-mer au nom des nécessaires choix budgétaires.
B. DES CHOIX COMPLÉMENTAIRES STRATÉGIQUES S'IMPOSENT POUR RÉPONDRE AUX NOUVELLES MENACES
Le changement durable des conditions de sécurité en Europe oblige à préparer dès maintenant les moyens dont pourront disposer les Armées au cours des décennies 2030 et 2040. Compte tenu des délais de développement et de production, certaines décisions devront donc être prises soit en 2026 soit en 2027 pour permettre aux industriels de se mettre en ordre de marche. Cette programmation au-delà même de la LPM 2024-2030 doit permettre de maintenir certaines capacités (successeur du Rafale, missiles de croisière) mais aussi de combler des manques devenus problématiques (feux de profondeur, chars lourds).
1. Des capacités à renouveler sans tarder pour conserver une capacité de traitement des objectifs à haute valeur ajoutée
a) Le programme STRATUS de remplacement des SCALP et des EXOCET
Le programme STRATUS ou Futur Missile Anti-Navire/Futur Missile de Croisière conduit par la France, le Royaume-Uni et l'Italie est constitué de deux missiles complémentaires (un supersonique manoeuvrant et un subsonique furtif) capables de remplir trois missions pour les forces françaises à l'avenir : celle de frappes antinavires, de frappes dans la profondeur, et de capacité de suppression des défenses ennemies SEAD/DEAD. MBDA estime que le niveau de maturité atteint durant la phase d'évaluation est très satisfaisant et permet d'engager la phase de développement dès maintenant afin de permettre une mise en service autour de 2032-2035.
Le missilier a participé au financement du programme en 2025 et un dialogue est en cours avec la DGA pour déterminer l'équilibre économique du programme qui est considéré comme prioritaire par le ministère des Armées, d'autant plus qu'il constitue la pierre angulaire de la coopération en matière de défense entre la France et le Royaume-Uni dans le cadre des accords de Lancaster House.
Les rapporteurs considèrent comme indispensable la poursuite du programme STRATUS en 2026 afin de tenir la cible de mise en production et de consolider à la fois la coopération franco-britannique et le « modèle MBDA » d'entreprise européenne intégrée.
b) Le développement d'un chasseur de 6ème génération et d'un « cloud de combat » européen
Le programme de Système de combat aérien du futur (SCAF) connaît une phase de réexamen approfondie à l'issue de sa phase 1B (2023-2026) et avant de décider le lancement d'une phase 2 (2026-2030) sur fond de désaccords persistants entre industriels français et allemands. Une telle phase de remise à plat constitue une étape normale de tout programme industriel de cette envergure. Deux problèmes semblent néanmoins persister et constituer autant de pierres d'achoppement. Un désaccord subsiste, en effet, entre les deux industriels sur les conditions de réalisation de certains sous-ensembles du projet (work package) tandis que la question des restrictions à l'exportation allemandes n'a pas été complètement résolue, notamment par l'accord franco-allemand du 23 octobre 2019.
Dans ce contexte, Dassault continue à demander une révision de la gouvernance afin de se voir reconnaître la qualité de maître d'oeuvre du projet et la capacité de choisir les sous-traitants sur l'unique critère de la compétence. L'article du Financial Times7(*) du 17 novembre 2025 annonçant un recentrage du programme SCAF autour du « cloud de combat » est venu rappeler les désaccords et esquisser une voie de sortie pour assurer l'interopérabilité et la connectivité des futurs aéronefs européens. Les rapporteurs estiment que l'impasse actuelle aurait pu être évitée si la répartition des rôles avait été mieux définie dès le début en tenant compte des compétences de chaque acteur industriel.
2. Le renforcement de nos capacités terrestres dans la perspective d'un engagement aux frontières de l'Europe
La guerre en Ukraine a montré l'importance du rôle de l'artillerie de longue portée. Si le Caesar donne pleinement satisfaction, l'abandon progressif des capacités de frappe en profondeur est une faiblesse à combler au plus vite. Par ailleurs, même si son utilisation est devenue délicate, le char lourd conserve toute son utilité pour percer un front et traiter des objectifs dans des zones contestées.
a) Un choix stratégique pour retrouver une capacité de frappe en profondeur (FLPT)
Le ministère des Armées a notifié en octobre 2024 à deux groupements constitués par MBDA/Safran d'une part et ArianeGroup/Thales d'autre part une consultation dans le cadre d'un partenariat d'innovation visant à l'acquisition d'une capacité souveraine pour la Frappe Longue Portée Terrestre (FLPT) qui doit donner lieu à une démonstration mi-2026. Cette compétition vise à donner un successeur au LRU dont le nombre est devenu résiduel, après la cession de plusieurs exemplaires à l'Ukraine. Les industriels mobilisés travaillent sur des solutions ambitieuses pouvant atteindre une portée jusqu'à 150 km (voire 500 km avec des munitions semblables aux ATACMS) associées à des drones pour saturer les défenses adverses. Ce lanceur devra être capable de tirer des munitions à bas coût susceptibles d'être produites en grand nombre.
Le développement de ce nouveau lance-roquettes continue à faire débat compte tenu du nombre limité d'exemplaires qui seraient commandés et donc d'un coût de développement nécessairement élevé. Le choix du recours à une solution souveraine avait été privilégié compte tenu notamment de l'indisponibilité d'un achat sur étagère, les délais de livraison du HiMARS américain s'avérant particulièrement élevés.
Une autre solution est néanmoins apparue dans le débat ces derniers mois sous la forme du Pinaka indien. Ce matériel présente des différences significatives avec le HiMARS américain et les deux prototypes développés par des industriels français (absence de cabine blindée et de protection antimines et NRBC, absence de guidage de conduite de tir de niveau militaire, absence de compatibilité avec les munitions OTAN). Il serait cependant plus rapidement disponible et à moindre coût et pourrait être pris en compte dans les offsets du programme indien du Rafale.
Les rapporteurs estiment que l'étape de la démonstration des prototypes préparés par les industriels français prévue au printemps 2026 devrait également permettre de comparer en situation identique les performances du Pinaka notamment en termes de portée et de précision avant tout choix définitif, afin de pouvoir garantir une décision éclairée.
b) Le besoin identifié d'une capacité blindée lourde de transition d'ici l'arrivée du MGCS
Le retour de la guerre en Europe comme la menace que fait peser directement la Russie sur les frontières de l'OTAN obligent à remettre à l'ordre du jour la question de l'avenir du format blindé lourd. Même si ce matériel a montré sa vulnérabilité sur la ligne de front, l'état-major estime qu'il a joué un rôle décisif dans la percée vers Koursk opérée par les Ukrainiens en août 2024. Il a également été essentiel à Gaza en permettant l'entrée des forces israéliennes.
Au 31 décembre 2025, l'armée de terre disposera d'un parc de 225 chars Leclerc dont 25% rénovés (XLR). Le projet MGCS a bénéficié d'une relance politique et industrielle en 2023 avec la signature du HLCORD (« High Level Common Operationnal Document ») et la réorganisation en 8 piliers au sein d'une « project company » associant KNDS France, Thales, KNDS Allemagne et Rheinmetall. La notification des premiers contrats aux industriels est prévue fin 2025.
Si le projet est relancé, son calendrier demeure incertain puisque le développement du programme dépend de deux projets de recherche européens à la fois concurrents et complémentaires (MARTE et FMBTech) qui ne rassemblent pas les mêmes acteurs et n'avancent pas à la même vitesse. Un décalage est aujourd'hui acté entre l'intention politique qui prévoyait de premières livraisons du MGCS à partir de 2040 et les projets des industriels qui ont amené l'Allemagne à accélérer son investissement dans une capacité intermédiaire de de chars Léopard de nouvelle génération8(*) qui repousse son besoin du char du futur à l'horizon 2045/2050.
Le risque est que la France connaisse un « trou capacitaire » sur le segment lourd autour de 2037/2047, qui aurait pour conséquence de limiter son influence dans l'organisation de la défense de la frontière terrestre est de l'OTAN. Le constat que les rapporteurs faisaient9(*) dès novembre 2023 à l'occasion de l'examen du PLF 2024 en estimant « essentiel que le Gouvernement examine rigoureusement en 2024 les avantages et les inconvénients des principaux scénarios envisageables (rénovation intégrale du Leclerc ou choix d'un nouveau matériel) pour conserver une capacité blindée souveraine jusqu'en 2050 » est aujourd'hui partagé.
Compte tenu de l'état d'usure des Leclerc, le choix pourrait s'orienter vers un matériel nouveau proposé par KNDS, associant un châssis et un moteur allemands et une tourelle française, doté des dernières technologies (systèmes de protection innovants, LAD, MTO). Afin de pouvoir disposer de ce nouveau matériel à l'horizon 2035/2037, une décision devra être prise autour de 2026/2027. Le besoin estimé pourrait correspondre au nombre de chars nécessaire pour armer une brigade blindée soit un volume supérieur à une centaine d'exemplaires.
Le mercredi 3 décembre 2025, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 146 de la mission défense dans le projet de loi de finances pour 2026.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du mercredi 26 novembre 2025, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, a procédé à l'examen des crédits du programmes 146 « Équipement des forces » de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2026.
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure. - Monsieur le Président, mes chers collègues,
Le PLF 2026 qui met en oeuvre la troisième année de la LPM constitue véritablement un budget « Janus » selon que le budget pourra être adopté, ou selon qu'il faudrait à nouveau passer par une loi spéciale qui ne permet ni « marche », ni « surmarche », j'y reviendrai dans un second temps.
Je commencerai donc par être optimiste en envisageant l'issue la plus favorable. Le PLF 2026 prévoit une double hausse des crédits avec une « marche » de 3,2 Mds€ et une « surmarche » de 3,5 Mds€ qui permettront de porter à 57,15 Mds€ les crédits hors pensions de la mission « Défense » soit une hausse de 6,67 Mds€ par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Cette hausse devrait bénéficier en particulier au Programme 146 dont les crédits de paiement devraient passer de 18,69 Mds€ à 22,88 Mds€ soit une hausse de +22,4%.
Cette augmentation des crédits du P146 devrait permettre de porter à 44 Mds€ le montant des commandes attendues en 2026. Parmi les équipements qui pourraient être commandés, on peut citer 41 systèmes de drones tactiques légers, 1 FDI, 2 Rafale, 2 Saab GlobalEyes suédois pour remplacer les AWACS, 4 SAMP/T NG, 350 SERVAL, des lots de bombes AASM, de missiles antichars et de MTO. Les commandes devraient également comprendre 40 drones sous-marins, 25 drones de surface, 2 avions patrouilleurs et 2 satellites successeurs de Musis.
On peut donc estimer que la tendance est favorable puisque la trajectoire de la LPM est respectée pour la 3ème année consécutive et qu'un supplément de crédits important est prévu pour mettre à niveau une LPM dont nous avons eu l'occasion à plusieurs reprises - avec mon co-rapporteur - d'indiquer qu'elle était très probablement sous-financée.
La ministre des Armées a indiqué devant notre commission que près de 30 milliards d'euros de commandes seraient passées d'ici la fin de l'année qui devraient concerner le PA-NG, les SNLE 3G et le standard F5 du Rafale.
La mise en oeuvre de la LPM continue à produire des résultats tangibles. Si l'expression « économie de guerre » demeure excessive pour désigner la remontée en puissance des capacités de notre base industrielle et technologique de défense (BITD), des résultats significatifs sont perceptibles. Les cadences de production ont augmenté par exemple concernant les canons CAESAR, la production d'ASTER par MBDA et de bombes AASM par Safran. Dassault qui produisait un Rafale par mois il y a quelques années quand la France était la seule cliente en produit maintenant 3 et devrait atteindre prochainement 4 et pourrait même porter sa production à 5 Rafale.
Afin de renforcer la résilience de notre BITD, je signale également que la DGA a adressé ces derniers mois 9 « arrêtés stocks » aux principaux maîtres d'oeuvre industriels sur le fondement de l'article 49 de la LPM qui doivent permettre à la fois des stocks d'éléments nécessaires à la poursuite de programmes en cours et des stocks de rechanges pour des matériels déjà livrés.
Si l'on regarde maintenant le risque que ce budget ne soit pas adopté, au regard de l'expérience de l'année passée, il y a à craindre à la fois pour nos armées qui sont en attente de livraisons de matériels, pour nos industriels qui doivent gérer leurs chaînes de production et leurs sous-traitants et pour l'avenir des programmes qui doivent être financés.
Les industriels que nous avons interrogés sont, en effet, unanimes à regretter l'imprévisibilité croissante dans la programmation budgétaire. Tel industriel nous indique que l'absence de vote du budget a eu pour effet des reports de commandes avant un rattrapage en cours d'année. Tel autre déplore l'arrêt précoce des paiements de la DGA à la fin de l'année 2024 quand il est apparu que le budget ne serait pas voté. Tel autre, enfin, explique qu'il a dû financer sur ses fonds propres un important programme en 2025 qui est aujourd'hui fragilisé si une solution n'est pas trouvée.
Cette remise en cause des commandes s'est par ailleurs accompagnée d'une dégradation des délais de paiement qui, selon un industriel rencontré, peuvent aller de 1 à 3 mois et qui constate une multiplication par 4 du niveau de créances de fin d'année de l'État entre 2022 et 2024. Ces retards de paiement fragilisent la filière et en particulier les ETI et les PME. Ils constituent un frein à une hausse des investissements pour faire face à des besoins qui seraient démultipliés en cas de conflit.
Ceci étant dit, le constat global que nous pouvons faire en cette fin d'année demeure encourageant. Concernant par exemple les munitions qui constituent un poste prioritaire comme l'a rappelé le chef de l'État lui-même le 13 juillet dernier, les progrès sont nets à défaut d'être suffisants. La capacité de production totale de KNDS en obus de 155 mm a ainsi été portée significativement au-dessus de 100.000 tandis que les armées poursuivent le recomplètement des missiles anti-char de courte portée, de roquettes pour les LRU, d'obus de mortier pour le nouveau système MEPAC de 120 mm monté sur Grifon. Plusieurs centaines d'AASM sont livrés chaque année par Safran et la capacité de production des différents missiles de MBDA a été doublée depuis 2023.
Lors de son audition devant notre commission le 22 octobre dernier, la ministre des Armées a déclaré que ce PLF 2026 constituait « la première année du futur projet de loi d'actualisation de la LPM 2024-2030 » qui devra aller jusqu'au terme de la LPM actuelle.
Dans les faits, si l'état-major des armées nous a laissé entendre que le texte du projet de loi était déjà bien avancé, il devrait être déposé sur le bureau d'une des assemblées d'ici quelques semaines.
Les industriels auditionnés considèrent tous qu'ils ont besoin de stabilité et de visibilité pour poursuivre leur montée en puissance. Ils attendent donc avec beaucoup d'attention le dépôt du projet de loi relatif à l'actualisation de la LPM qui doit permettre de renforcer la sincérité de la LPM 2024-2030 compte tenu des impasses de financement qui accompagnaient la loi adoptée par le Parlement le 1er août 2023. L'actualisation doit ainsi à la fois conforter les engagements qui figurent dans le texte de 2023 sur le plan des financements mais également ouvrir la voie à des engagements complémentaires permettant d'acquérir des capacités nouvelles qui n'étaient pas évoquées dans la programmation originelle.
Avant de céder la parole à mon collègue co-rapporteur, j'indique que la double hausse prévue par le PLF 2026 dans un contexte budgétaire que chacun d'entre nous a à l'esprit doit bien évidemment être saluée. Notre commission devra veiller à ce que l'actualisation de la LPM permette de renforcer la sincérité de la programmation budgétaire et que tous les choix soient bien explicités au terme d'un dialogue qui doit être préalable. Pour l'ensemble de ces raisons, je propose que la commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 146 dans la mission « Défense » afin de rappeler l'importance de l'adoption de ce budget.
M. Hugues Saury, rapporteur. - Monsieur le Président, mes chers collègues,
Comme l'a rappelé ma co-rapporteure nous avons eu l'occasion l'année dernière de rappeler que la LPM 2024-2030 adoptée en août 2023 avait été calibrée au plus juste voire en-deçà des besoins réels pour ce qui concerne plusieurs programmes d'intérêt majeur. Nous avions ainsi indiqué « que la question même du format même de la LPM ne pourra pas être très longtemps ignorée ». Nous ne pouvons donc que nous réjouir d'une prochaine actualisation de la LPM prévoyant de nouveaux moyens qui devrait prendre la forme d'un projet de loi déposé dès que la situation budgétaire aura été clarifiée.
Cette actualisation de la LPM devra permettre de tirer les conclusions de la fin de l'ambiguïté majeure du texte initial de 2023 qui en réalité ne tranchait pas véritablement la question de l'avenir de la menace russe. Les déclarations du chef d'état-major des armées lors de ses auditions au Parlement sont venues lever tout doute sur la réalité de cette menace. C'est bien une « LPM de préparation au combat » qui est aujourd'hui devenue nécessaire après la LPM « de réparation » 2019-2025 et une LPM initiale 2024-2030 « de transformation ».
J'en viens maintenant aux grands programmes en commençant par ceux qui visent à renouveler nos capacités majeures.
Le lancement de la réalisation du standard F5 du Rafale est prévue en 2026 pour une date prévisionnelle de livraison du premier exemplaire en 2033. Mais la question du moteur demeure un sujet. Le groupe Safran qui produit le moteur actuel M 88 du Rafale a proposé une évolution incrémentale (T-REX) permettant de porter de 7,5 tonnes à 9 tonnes la poussée du moteur au travers d'un nombre limité de modifications du moteur actuel. Une telle évolution serait utile pour accroître la capacité d'emport, la capacité d'interception et la survivabilité au combat. Ce surcroît de puissance doit notamment permettre l'emport du futur missile nucléaire ASN4G qui sera plus lourd que le missile actuel ASMPA-R.
Le problème, comme nous l'avions déjà dit l'année dernière, c'est que la LPM ne prévoyait pas de crédits pour ce développement. Si l'État a finalement contribué en 2025 pour un peu plus de la moitié au coût des études, le PLF 2026 ne prévoit pas, en l'état, de crédits alors que les besoins sont estimés à plusieurs dizaines de millions d'euros par le motoriste français. Les échanges conduits avec l'EMA ont permis d'établir que le dialogue se poursuivait avec l'industriel pour répartir la prise en charge de ce coût afin de poursuivre les travaux qui sont considérés comme prioritaires. Nous souhaitons vivement que ces échanges aboutissent et que l'on puisse avancer.
Un mot ensuite sur le renouvellement de notre dissuasion nucléaire dont les crédits augmentent de +6,7%.
La composante aéroportée a bénéficié cette année de la mise en service du missile de croisière ASMPA-R à capacité nucléaire qui a fait l'objet d'un tir d'évaluation dans le cadre de l'opération Diomède le 13 novembre 2025. La mise en service de son successeur, l'ASN4G reste prévue à l'horizon 2035.
La composante océanique a vu en octobre 2025 la mise en service opérationnelle du missile balistique M51.3. Par ailleurs, la DGA a notifié, le 28 août 2025 à ArianeGroup, le marché de développement et de production de la quatrième version (M51.4) du missile balistique stratégique M51 appelé à être déployé après 2035 à la fois à bord des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) actuels type Le Triomphant et des futurs SNLE de 3e génération, en phase de réalisation.
Le porte-avions nucléaire de nouvelle génération constitue un autre programme structurant. Alors que la découpe des premières tôles et la confection des chaudières nucléaires ont déjà commencé le gouvernement devrait décider avant la fin de l'année le lancement de la réalisation en notifiant aux industriels concernés, notamment Naval Group et les Chantiers de l'Atlantique, un premier marché portant sur l'ingénierie du bateau et la réalisation des chaudières nucléaires. Ce premier marché laisserait ouvertes certaines options concernant les fonctionnalités qui devraient être précisées dans un second marché attendu en 2028/2029. Le recours à deux marchés subséquents doit permettre notamment de doter le bâtiment d'un système de combat et des équipements électroniques et numériques les plus récents.
Vous avez, comme nous, entendu à la fois le chef d'état-major des Armées et le chef d'état-major de la Marine évoquer la question d'une future « permanence à la mer » aéronavale. Nous aurons donc le temps d'en reparler d'autant que tout dépendra de la possibilité ou non de prolonger le Charles-de-Gaulle.
Un mot concernant le format de la flotte de frégates de 1er rang. Nous nous félicitons de l'accroissement de l'armement des futures FDI qui seront mises en service en 2031 et 2032 avec 32 cellules Sylver pour être en mesure de lancer davantage d'Aster mais nous jugeons utile que l'armement des FDI n°1, n°2 et n°3 soient également renforcé car ce sont elles qui seront exposées à des menaces renforcées dans les années à venir.
J'en viens maintenant aux choix stratégiques pour l'avenir que nous devrons faire pour maintenir certaines capacités (successeur du Rafale, missiles de croisière) mais aussi de combler des manques devenus problématiques (feux de profondeur, chars lourds).
Je commencerai par évoquer le programme STRATUS ou Futur Missile Anti-Navire/Futur Missile de Croisière conduit par la France, le Royaume-Uni et l'Italie. Il est constitué de deux missiles complémentaires (un supersonique manoeuvrant et un subsonique furtif) capables de remplir quatre missions pour les forces françaises à l'avenir : celle de frappes antinavires, de frappes dans la profondeur, de capacité de suppression des défenses ennemies SEAD/DEAD et la destruction d'aéronefs à très haute valeur ajoutée.
MBDA a participé au financement du programme en 2025 et un dialogue est en cours avec la DGA pour déterminer l'équilibre économique du programme qui est considéré comme prioritaire par le ministère des Armées d'autant plus qu'il constitue la pierre angulaire de la coopération en matière de défense entre la France et le Royaume-Uni dans le cadre des accords de Lancaster House.
J'en viens maintenant au SCAF qui n'a pas avancé dans la bonne direction au cours de cette année 2025. Nous sommes aujourd'hui confrontés à un double blocage, à la fois industriel et politique. Sur le plan industriel, Dassault reproche à la filiale allemande d'Airbus de ne pas avoir été en mesure de réaliser les sous-ensembles techniques dont il avait la responsabilité. Cette situation a participé à la dégradation des relations entre les bureaux d'études, et a amené Dassault à demander une révision de la gouvernance pour plus d'efficacité.
Mais cette question d'organisation industrielle n'est pas le seul obstacle à l'avancée du projet. Comme nous l'évoquions l'année dernière, la question des restrictions allemandes à l'exportation qui accorde un droit de véto au Bundestag n'a pas été résolue ce qui met en péril le modèle économique même du futur programme.
Nous verrons dans les prochaines semaines comment évoluera ce projet mais on ne peut que regretter la manière dont a été conduit ce programme en lançant les études sans avoir clarifié, au préalable, les apports de chacun, la répartition des rôles et sans avoir levé les obstacles politiques pourtant identifiés comme autant de lignes rouges par le précédent ministre des Armées.
Je terminerai en évoquant brièvement l'avenir de nos capacités terrestres. Le réarmement allemand a pour conséquence des commandes importantes de Léopard 2A8 qui auront pour effet de repousser le calendrier du programme MGCS. Ce temps supplémentaire pourrait être utile pour développer des technologies de rupture mais il risque de créer un trou capacitaire en France autour de 2037/2047 qui amène à se poser la question de l'acquisition d'une capacité de transition. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet mais j'observe que l'achat d'un nouveau char franco-allemand pourrait constituer un signe fort pour relancer l'entreprise KNDS et l'intérêt même du programme MGCS.
Je terminerai en évoquant la question des feux de profondeur. Une consultation est en cours pour développer une capacité souveraine et un rendez-vous est prévu au printemps 2026 pour tester des démonstrateurs. D'un autre côté, les partisans de l'achat d'une solution « sur étagère » immédiatement disponible ne désarment pas et évoquent le système indien Pinaka qui pourrait, en outre, constituer un « offset » du programme indien du Rafale. Nous souhaitons que les tests du printemps prochain permettent d'établir clairement les performances et les coûts de chaque système afin qu'un choix éclairé soit réalisé.
Sous réserve de ces remarques, j'estime que les efforts réalisés pour maintenir la « marche » de la LPM et y adjoindre une « surmarche » plaident pour recommander à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 146 dans la mission « Défense ».
Mme Michelle Gréaume. - Notre position sera la même sur ce programme que sur le reste de la mission et nous voterons contre. Nous désapprouvons cette logique de guerre et défendons la coopération.
M. Rachid Temal. - Je reviens sur l'accord entre Safran et ses partenaires indiens pour développer un nouveau moteur. Dans trente ou quarante ans il pourrait y avoir plusieurs chasseurs de 6ème génération en Europe et dans le monde ce qui crée une interrogation.
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure. - Le programme SCAF est dans une période de flou. On espère que l'année prochaine permettra d'avancer car la France a besoin de trouver des partenaires.
M. Jean-Luc Ruelle. - Je souhaite rappeler quelques points de vigilance concernant les 101 milliards d'euros de commandes qui restent à payer. Il convient d'éviter les retards industriels et les livraisons sous tension dans les forces ; de prévenir les capacités industrielles insuffisantes ; de faire attention à l'inflation des coûts ; de rattraper notre retard sur les drones et la lutte anti-drones et d'adapter le format de notre force aérienne.
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure. - Les militaires attendent les nouveaux matériels et sont prêts à les réceptionner.
La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 146.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mardi 21 octobre 2025
- NAVAL GROUP : M. Guillaume Rochard, directeur Stratégie, Partenariats et Fusions-acquisitions, Amiral (2s) Stanislas Gourlez de la Motte, conseiller naval du PDG, Mmes Sylvia Skoric, directrice des affaires publiques et Léane Martin, chargée d'affaires institutionnelles ;
- MBDA : Amiral (2s) Hervé de Bonnaventure, conseiller défense du CEO et Mme Béatrix Hugot, apprentie, chargée de mission affaires publiques ;
Mercredi 22 octobre 2025
- GICAN : M. Jean Marie Dumon, délégué général adjoint chargé des questions de défense et de sécurité ;
Mardi 4 novembre 2025
- ARQUUS : MM. Thierry Renaudin, directeur de John Cockerill Défense, Charles Maisonneuve, directeur des affaires publiques et médias et Mme Clémence Bouvier, Cheffe de projet affaires publiques ;
- SAFRAN : MM. Philippe Errera, directeur groupe, développement international et relations institutionnelles et Fabien Kuzniak, conseiller militaire ;
- GICAT : MM. Jean-Marc Duquesne, délégué Général et Vincent Quintana, directeur des affaires publiques ;
Mardi 18 novembre 2025
- Dassault-aviation : MM. Bruno Giorgianni, directeur des Affaires Publiques et Sûreté et Thibault Yobouet, analyste affaires politiques, financières et budgétaires ;
- Vice-amiral d'escadre Éric Malbrunot, sous-chef d'état-major « Plans » de l'état-major des Armées, Colonel Nicolas Chalons, expert, Mme l'Ingénieur en chef Stéphanie Chauvat, expert, Colonel Vincent Moussu, chargé des relations avec le Parlement et Mme Daphné Faravari, adjointe auprès du chargé des relations avec le Parlement.
Mercredi 19 novembre 2025
- AIRBUS : MM. Fabien Menant, directeur des affaires publiques France, Axel Nicolas, responsable affaires parlementaires et soutien export affaires publiques France et Général Louis Pena, conseiller militaire affaires publiques France.
Mardi 25 novembre 2025
- KNDS France : MM. Alexandre Dupuy, directeur de la Business Unit Systèmes, Key Account Manager France/IE/OTAN, Aymeric Martin-Bauzon, responsable des affaires publiques et institutionnelles et Archibald Bagourd, responsable des affaires publiques et institutionnelles France adjoint ;
- M. Patrick Pailloux, délégué général pour l'armement, Mmes Corinne Lonchampt, directrice de la direction de la préparation de l'avenir et de la programmation, Laurence Gabouleaud, directrice de cabinet du DGA, Juliette Dubreuil, conseillère communication et relations élus et M. Aurélien Pomart, aide de camp.
Mardi 2 décembre 2025
- Thales : M. Pierre Bénard, vice-président Commerce France Thales systèmes d'information et communication sécurisés et Amiral (2s) Éric Chaperon, conseiller défense marine du groupe.
* 1 https://www.senat.fr/rap/a24-146-8/a24-146-8-syn.pdf
* 2 https://www.senat.fr/fileadmin/cru-1762483659/Commissions/Finances/2025-2026/PLF_2026/Essentiel/Defense_Essentiel_PLF_2026_post_commission.pdf
* 3 La LPM ne prévoyait pas les crédits nécessaires au développement de ce moteur pourtant indispensable au standard F5 du Rafale mais les travaux ont tout de même pu être lancés et devraient bénéficier d'une enveloppe de plusieurs dizaines de millions d'euros en 2026.
* 4 Dassault pourrait produire jusqu'à 5 Rafale par mois si les commandes le justifient, ce qui laisse entrevoir une capacité industrielle permettant de satisfaire la commande ukrainienne une fois son financement clarifié.
* 5 Air Sol Moyenne Portée Amélioré - Rénové
* 6 L'actualisation de la LPM pourrait acter la dotation d'une 3ème catapulte électromagnétique de type EMALS.
* 7 https://www.ft.com/content/e0cc4893-d1c3-45a4-9e3e-d35cedd4b46d
* 8 L'Allemagne a commandé 123 exemplaires du nouveau standard Léopard 2 A8 pour un montant de 3,4 Mds€ livrés entre 2027 et 2030 et envisage une commande de 75 exemplaires supplémentaires l'année prochaine. Ce nouveau standard est notamment équipé d'un système de protection active anti-drones « Trophy » fourni par l'israélien Rafael et d'un canon de 120 mm fourni par Rheinmetall.
* 9 https://www.senat.fr/rap/a23-130-8/a23-130-8-syn.pdf