- AVANT-PROPOS
- I. LE SECTEUR CULTUREL PRIS DANS UN ÉTAU
BUDGÉTAIRE
- II. UN MOMENT CHARNIÈRE POUR LA
CRÉATION ARTISTIQUE QUI APPELLE UNE RÉFLEXION GLOBALE ET
COLLECTIVE
- III. UN ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ARTISTIQUE EN
GRANDE FRAGILITÉ STRUCTURELLE, UN PLAN DE RÉFORME QUI TARDE
À SE CONCRÉTISER
- IV. UN REDIMENSIONNEMENT DU PASS CULTURE QUI NE
PROFITE PAS À UNE VÉRITABLE POLITIQUE PUBLIQUE D'ÉDUCATION
ARTISTIQUE ET CULTURELLE
- I. LE SECTEUR CULTUREL PRIS DANS UN ÉTAU
BUDGÉTAIRE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS
ÉCRITES
- ANNEXE
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N° 144 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission de la culture, de
l'éducation, de la communication et du sport (1) sur le projet
de loi de finances,
considéré comme rejeté |
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TOME II Fascicule 2 CULTURE Création et Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
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Par Mme Karine DANIEL, Sénatrice |
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(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Max Brisson, Michel Savin, Jacques Grosperrin, Mme Marie-Pierre Monier, M. Yan Chantrel, Mme Samantha Cazebonne, M. Jérémy Bacchi, Mmes Laure Darcos, Monique de Marco, M. Bernard Fialaire, vice-présidents ; Mmes Anne Ventalon, Else Joseph, Colombe Brossel, M. Pierre-Antoine Levi, secrétaires ; Mmes Marie-Jeanne Bellamy, Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, M. Christian Bruyen, Mmes Evelyne Corbière Naminzo, Karine Daniel, Nathalie Delattre, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Paulette Matray, Catherine Morin-Desailly, M. Georges Naturel, Mme Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, François Patriat, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Bruno Retailleau, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
AVANT-PROPOS
Dans le contexte de repli inédit du soutien des collectivités territoriales aux politiques culturelles, la baisse des crédits consacrés par l'État à la création artistique, la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture en 2026 fait figure de double peine.
Après plusieurs années de hausse puis de stagnation, la contraction des moyens du programme « Création » constitue un nouveau coup dur pour un secteur éprouvé par les crises successives qui l'ont placé dans une impasse budgétaire. Avec la baisse des crédits déconcentrés et la sous-budgétisation du fonds d'aide à l'emploi prévues pour 2026, il ne semble pas près d'en sortir. Plutôt qu'un nouveau saupoudrage de moyens, une politique publique structurante serait nécessaire pour répondre aux défis du secteur, qui ne sont pas que budgétaires.
La situation de l'enseignement supérieur public artistique ne prête guère plus à l'optimisme, les écoles d'art et les écoles d'architecture étant toujours confrontées à d'importantes difficultés structurelles, malgré la relative stabilisation de leurs dotations. Le « plan global » de réforme des écoles d'art territoriales, annoncé en mars 2024, n'est toujours pas d'actualité, tandis que l'objectif de hausse des effectifs des écoles d'architecture, fixé par la nouvelle stratégie nationale, ne trouve aucune traduction dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
La réduction de la voilure budgétaire de la part individuelle du pass Culture se poursuit sans que cela ne profite aux autres dispositifs d'éducation artistique et culturelle, qui ont été délaissés depuis la création de cet outil devenu à lui seul une politique publique.
Suivant l'avis de sa rapporteure, la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à la création et à la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture au sein de la mission « Culture » du PLF 2026.
I. LE SECTEUR CULTUREL PRIS DANS UN ÉTAU BUDGÉTAIRE
A. LE REPLI DES BUDGETS CULTURELS DES COLLECTIVITÉS EN 2025
Malgré des marges de manoeuvre budgétaires de plus en plus restreintes, les collectivités territoriales, principales financeuses du secteur culturel (à hauteur de 75 % contre 25 % pour l'État), avaient jusqu'à présent majoritairement cherché à maintenir leur niveau de soutien aux politiques culturelles. Le baromètre national annuel de l'Observatoire des politiques culturelles (OPC)1(*) fait ainsi ressortir une relative stabilité des budgets culturels locaux sur la période 2022-2024. Cette constance est néanmoins à mettre en regard du contexte inflationniste de ces dernières années (+ 5,2 % en 2022, + 4,9 % en 2023, + 2 % en 2024), l'engagement financier des collectivités en faveur du secteur culturel ne parvenant pas à compenser les surcoûts provoqués par l'inflation.
Par rapport à cette tendance, l'année 2025 marque une rupture très nette : le même baromètre atteste en effet une contraction des budgets culturels locaux, inédite par son ampleur.
47%
des collectivités territoriales
ont baissé leur budget culturel entre 2024 et 2025
La diminution est particulièrement perceptible au niveau des régions (près de 60 % indiquent une baisse de leur budget culturel) et des départements (64 %). Le repli du « bloc local » apparaît moins conséquent, permettant, dans une certaine mesure, de contenir ce choc budgétaire pour la culture. Néanmoins, les communes et les intercommunalités sont cette année quatre fois plus nombreuses qu'en 2024 à diminuer leurs aides au secteur, une tendance inquiétante sachant qu'elles assument 80 % des dépenses culturelles de l'ensemble des collectivités territoriales.
Si tous les domaines culturels sont touchés de manière significative par les baisses des budgets locaux de fonctionnement, certains le sont davantage que d'autres ; tel est le cas des festivals et événements, du spectacle vivant, de l'éducation artistique et culturelle (EAC).
Le moindre soutien des collectivités se manifeste particulièrement en matière de subventions versées aux associations culturelles : 42 % des collectivités déclarent ainsi avoir diminué leurs aides entre 2024 et 2025, alors qu'elles n'étaient que 11 % dans ce cas entre 2023 et 2024.
Ce sombre panorama budgétaire pour le secteur culturel dans les territoires confirme les inquiétudes émises l'année dernière par la rapporteure sur le risque de désengagement en cascade des collectivités en raison de la baisse de leurs ressources : 2025 se confirme être une année de bascule pour le financement public de la culture.
B. LE FLÉCHISSEMENT DU SOUTIEN DE L'ÉTAT AU SECTEUR CULTUREL EN 2026
Au titre de la participation du ministère de la Culture à l'effort de réduction du déficit public, le PLF pour 2026 acte une baisse sensible des crédits de la mission « Culture », qui contraste avec leur relative stabilité entre 2024 et 2025 et leur progression entre 2022 et 2024. Aucun des quatre programmes composant la mission n'est épargné par cette contraction des moyens.
Programme 131 « Création »
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En hausse de 7,7 M€ en autorisations d'engagement (AE) mais en baisse de 33,9 M€ en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2025, les crédits du programme s'élèvent à 1 080,3 M€ en AE et à 1 010 M€ en CP. Pour la première fois depuis la crise sanitaire, le soutien du ministère à la création artistique amorce un recul. |
Programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture »
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Réduits de 73,2 M€ en AE et de 37,3 M€ en CP par rapport à la LFI pour 2025, les crédits du programme s'établissent à 737,6 M€ en AE et à 722,6 M€ en CP. En deux ans, le programme enregistre une baisse de près de 100 millions d'euros, principalement imputable à la réforme du pass Culture. |
C. LA FRAGILISATION DE LA COOPÉRATION PUBLIQUE CULTURELLE
Cette double contraction budgétaire, tant locale que nationale, présente un risque majeur de déstabilisation de l'architecture du financement public des politiques culturelles fondée sur des participations croisées État-collectivités territoriales.
Le baromètre 2025 de l'OPC montre que la coopération publique culturelle s'effrite déjà, le taux de collectivités faisant état d'une baisse des partenariats avec l'État (13 %) et avec d'autres niveaux de collectivités (19 %) ayant doublé par rapport au baromètre 2024. C'est en particulier au niveau des communes de plus de 50 000 habitants et des métropoles que les logiques de coopération sont le plus affectées. Budgétairement moins en recul que les régions et les départements, le bloc local se trouve dans une situation où il est amené à subir plus directement des décisions unilatérales de retrait de la part d'autres partenaires publics, dont certaines sont motivées par des raisons principalement idéologiques.
Ce que les représentants du secteur culturel et le directeur général de la création artistique ont qualifié en audition de « brèche dans le pacte de coopération publique culturelle » semble indiquer que, face aux contraintes budgétaires, le consensus transpartisan autour de la culture perd du terrain au profit, dans certains territoires, d'un réinvestissement politique.
L'édifice de la compétence culturelle partagée est aujourd'hui fissuré aussi bien dans sa dimension financière qu'institutionnelle. Cette évolution que la rapporteure juge préoccupante fait peser une menace sur la diversité de l'offre artistique, l'égal accès à la culture dans les territoires et son ouverture au plus grand nombre.
II. UN MOMENT CHARNIÈRE POUR LA CRÉATION ARTISTIQUE QUI APPELLE UNE RÉFLEXION GLOBALE ET COLLECTIVE
A. LA CRISE SYSTÉMIQUE D'UN SECTEUR AU MODÈLE ÉCONOMIQUE MENACÉ
Le secteur de la création artistique repose sur un modèle subventionné, fruit de ce pacte coopératif entre l'État et les collectivités territoriales, qui encourage la diversité de la production artistique, garantit l'accessibilité des oeuvres, et soutient un réseau dense d'établissements publics et de structures labellisées.
La succession des « chocs » sanitaire, énergétique et inflationniste a plongé ce modèle économique dans une crise profonde : le niveau des subventions publiques ne permet plus de compenser la hausse continue et généralisée des charges fixes. En dépit d'une fréquentation dynamique, le levier de la billetterie demeure limité, d'une part, parce que les recettes qui en découlent ne représentent qu'un quart des recettes globales, d'autre part, parce qu'il doit être actionné avec prudence, le maintien de tarifs modérés ou, à tout le moins, différenciés étant nécessaire pour garantir l'accès de tous à l'offre culturelle.
Lorsqu'elles ne sont pas menacées de fermeture, les structures labellisées, prises dans une impasse budgétaire, n'ont pas d'autre choix que de revoir à la baisse leur activité de production et de diffusion. Programmations moins risquées, créations reportées, représentations moins nombreuses, tournées restreintes, actions de médiation culturelle annulées, autant d'arbitrages qui fragilisent leurs missions de service public. Cette diminution de l'activité a aussi des répercussions sur l'emploi artistique et technique, marqué par des départs de professionnels vers d'autres secteurs, le non-renouvellement de contrats à durée déterminée et des suppressions de postes de permanents.
Dans le même temps, le secteur de la création est confronté à des enjeux non strictement budgétaires - écologiques (réduction de l'empreinte carbone), technologiques (intégration du numérique et de l'intelligence artificielle), sociaux (évolution des pratiques culturelles), idéologiques (défense de la liberté de création et de diffusion) - qui viennent questionner ses pratiques et ses missions.
Au final, c'est d'une réflexion globale et collective dont le secteur de la création a aujourd'hui besoin, chantier qui peine à prendre corps dans la politique du ministère.
La concertation sur l'avenir des festivals :
un premier pas, mais peu de décisions concrètes.
La grande fragilité économique des festivals, documentée par le baromètre national 20242(*), et les contraintes spécifiques (aléas climatiques, réglementation sonore) auxquelles ils sont soumis, a conduit le ministère de la Culture à mener au premier semestre 2025 une concertation nationale avec les représentants de la filière pour envisager l'avenir de leur modèle économique.
À l'issue de celle-ci, plusieurs mesures ont été annoncées en juillet par le ministère, parmi lesquelles la mise en place d'un groupe de travail interministériel sur la révision du décret « Son », le lancement d'une concertation sur la réglementation relative aux ensembles démontables, l'inscription du sujet festivals à l'ordre du jour d'un prochain Conseil des Territoires pour la Culture, l'incitation des directions régionales des affaires culturelles (Drac) à se saisir des conclusions de la concertation nationale dans le cadre des Conseils Locaux des Territoires pour la Culture (CLTC), un projet de travail conjoint du ministère de la Culture et du Centre national de la musique (CNM) sur la diversité artistique et la rémunération des artistes, l'élaboration d'un guide du bénévolat dans le secteur culturel, l'élaboration d'un plan d'action pour la transition écologique des festivals...
Ces mesures doivent faire l'objet d'« une feuille de route partagée », dont le directeur général de la création artistique a indiqué lors de son audition qu'elle devrait être prochainement signée. Il a précisé que la date du prochain CTC consacré aux festivals n'était pas encore fixée, mais que les CLTC devraient se réunir sur ce sujet au cours du premier trimestre 2026. Quant au groupe de travail sur la réglementation sonore, il a dressé un diagnostic du cadre juridique en vigueur et de son application sur l'ensemble du territoire. Ses travaux devraient se poursuivre jusqu'en février prochain, l'objectif étant de parvenir à des mesures d'effet équivalent aux textes en vigueur, mais mieux adaptées à la réalité.
Rappelant que les festivals jouent un rôle structurant dans le maillage culturel des territoires, notamment en milieu rural, et qu'ils constituent une activité économique par nature risquée (risque programmatique, risque climatique...), la rapporteure doute que, sans moyens dédiés, la feuille de route du ministère réponde véritablement aux enjeux de la filière.
B. LA BAISSE DES CRÉDITS EN 2026 : UN NOUVEAU COUP DUR POUR LE SECTEUR
Après avoir augmenté en 2023, 2024 et 2025, les moyens accordés par l'État à la création artistique reculent en 2026. Le soutien au spectacle vivant enregistre la plus forte baisse : - 30 M€ en CP. Le soutien à l'emploi perd 5 M€, tandis que les arts visuels voient leur dotation stabilisée.
Évolution des crédits de paiement du programme 131
Même si cette baisse reste mesurée, elle intervient dans une configuration budgétaire inédite ; le directeur général de la création artistique n'a d'ailleurs pas caché sa préoccupation face à la diminution simultanée des financements des collectivités territoriales et de l'État.
Deux sujets inquiètent tout particulièrement la rapporteure
· La baisse sensible des crédits déconcentrés
D'après les informations transmises par la direction générale de la création artistique (DGCA), les crédits gérés par les Drac au niveau déconcentré seront en recul de 18 M€ l'année prochaine. Interrogée par la rapporteure, l'association nationale des Drac de France a fait part de son inquiétude en des termes qui ne laissent guère de doute sur les répercussions d'une telle réduction : « Si nous sommes conscients des efforts que doit porter, comme les autres ministères, le ministère de la Culture, les baisses de crédits impacteront inévitablement des structures déjà très fragiles, sans réserve, et viendront in fine précariser davantage les créateurs. »
- Avec cette diminution des capacités de soutien des Drac, la rapporteure dénonce une double peine pour les acteurs de la création dans les territoires, déjà éprouvés par les baisses des budgets culturels locaux.
· La sous-budgétisation chronique du Fonpeps
Alors que le secteur de la création connaît de fortes tensions en matière d'emploi, la gestion du fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps) demeure problématique. Depuis plusieurs années, sa sous-budgétisation en loi de finances conduit à des retards dans le versement des aides aux structures culturelles déjà confrontées à des difficultés de trésorerie. Cette situation soulève en outre des interrogations quant à la sincérité de la prévision budgétaire et le caractère soutenable de la gestion du dispositif par le ministère, celui-ci étant contraint, pour honorer le paiement des aides, de réabonder le fonds en cours d'exercice en procédant à des redéploiements de crédits au sein du programme 131, au détriment d'autres lignes budgétaires. Une fois encore, le montant de 35 M€ inscrit au PLF pour 2026 pour le Fonpeps est en deçà des prévisions d'exécution, estimées entre 55 et 60 M€.
Le Fonpeps est un dispositif de soutien à l'emploi qui consiste en une aide financière versée à l'employeur lors de l'embauche d'artistes ou de techniciens. Il est composé de trois aides complémentaires : l'aide unique à l'embauche (AESP), versée aux employeurs recrutant des artistes ou techniciens en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée d'une durée supérieure à un mois ; l'aide au plateau artistique dans les salles de petite jauge (APAJ), versée aux employeurs assurant la production de représentations de spectacle vivant dans des salles de petite jauge ; l'aide à l'emploi dans le secteur phonographique (ADE), versée pour l'emploi d'artistes-interprètes en vue de la réalisation d'un enregistrement phonographique.
Renforcé en sortie de crise sanitaire afin d'accompagner la reprise d'activité du secteur de la création, le Fonpeps a connu une trajectoire de dépense dynamique, occasionnant à partir de 2021 un dépassement de l'enveloppe budgétaire inscrite en loi de finances initiale.
En 2023, une réforme du dispositif a rationalisé les barèmes d'aide et introduit le principe d'un plafonnement du montant (20 000 €) pouvant être versé par entreprise et par année civile. Selon le ministère, ces deux mesures ont permis « d'assurer une répartition plus équitable de l'aide entre les différents bénéficiaires et de maîtriser la trajectoire budgétaire du dispositif », dont l'exécution reste toutefois supérieure à l'inscription budgétaire. Sur les trois dernières années (2023-2025), les montants consommés sont supérieurs de 50 % à 60 % aux montants ouverts.
- La rapporteure déplore que les travaux interministériels sur la prolongation du Fonpeps, qui arrive à échéance le 31 décembre 2025, n'aient pas permis de solutionner la question de sa sous-budgétisation. Tout porte à croire que le ministère de la Culture a obtenu la préservation du dispositif pour trois années supplémentaires, au détriment de son réabondement à la hauteur des besoins.
C. UNE ACTION MINISTÉRIELLE TROP ÉCLATÉE
Ces dernières années, la politique du ministère de la Culture en matière de création artistique a surtout consisté en un lancement successif de plans thématiques (« théâtres en région », « auteurs », « festivals », « cabaret », « Mieux produire, mieux diffuser », « Culture et ruralité », « liberté de création et de diffusion artistiques »...) et d'outils divers (par exemple, le fonds d'innovation territoriale).
La rapporteure estime que cette action ministérielle fragmentée s'apparente plus à de l'affichage et à du saupoudrage de crédits qu'à une politique publique cohérente et structurante, faisant l'objet d'un financement lisible et ambitieux.
Avec cet empilement de dispositifs, les acteurs de la création font état d'un triple manque :
- un manque de lisibilité sur les conditions d'accès aux mesures qu'ils contiennent et sur les modalités d'attribution des crédits dédiés, la souplesse de gestion laissée aux Drac ayant pour corollaire une certaine opacité dans leur répartition selon les territoires et selon les structures ;
- un manque de visibilité, faute de garantie sur le financement pluriannuel de ces dispositifs ;
- un manque de confiance en la parole de l'État qui, contraint budgétairement, a tendance à procéder par « stop and go », suscitant l'incompréhension et le découragement des acteurs culturels.
· Le plan « Mieux produire, mieux diffuser »
240 structures bénéficiaires en 2024, 336 en 2025, dont 1/3 en zone rurale
Lancé en 2024, le plan « Mieux produire, mieux diffuser » vise à répondre aux difficultés structurelles du secteur de la création artistique, qui pâtit globalement d'un excès de productions insuffisamment diffusées. Il entend, d'une part, aider les structures à reconstituer leurs marges artistiques, d'autre part, refonder le système de production et de diffusion en développant les collaborations et les mutualisations. Le dispositif repose sur un effet de levier : les crédits consacrés par l'État sont délégués aux Drac qui les répartissent entre les structures labellisées ou conventionnées, lesquelles s'engagent dans la mise en oeuvre du plan, à la condition de bénéficier d'un soutien complémentaire des collectivités territoriales (principe du financement « 1 euro État, 1 euro collectivités »).
- La rapporteure souligne le caractère quelque peu paradoxal de la démarche de l'État qui, d'un côté, met en place un dispositif reposant sur la participation financière paritaire du ministère et des collectivités, de l'autre, ponctionne les recettes de ces dernières, donc réduit leurs marges d'intervention. Si l'État prévoit de contribuer à hauteur de 15 millions d'euros en 2026, la capacité d'engagement des collectivités territoriales pour l'année prochaine est très incertaine, rendant imprévisibles le niveau de financement des projets déjà en cours et le nombre de structures qui pourraient être nouvellement bénéficiaires.
- Des inquiétudes lui sont également remontées sur le manque de transparence des critères de sélection des structures bénéficiaires et sur la logique de rentabilité qui sous-tend certains des projets retenus. Pour ces raisons, et parce que le plan « Mieux produire, mieux diffuser » est présenté par le ministère comme une politique structurante pour le secteur, la rapporteure appelle à une évaluation objective de son pilotage et de ses résultats.
· Le plan « Culture et ruralité »
Faisant suite à la concertation nationale organisée au printemps 2024 par le ministère de la Culture et intitulée « Printemps de la ruralité », le plan « Culture et ruralité » vise à renforcer la place de la culture dans les territoires ruraux et à améliorer l'accès de leurs habitants à l'offre culturelle.
Articulé autour de quatre axes principaux et comprenant 23 mesures, le plan « Culture et ruralité » a été doté de 20,5 M€ en 2024 et d'un peu plus de 40 M€ en 2025.
Sur ces montants, le programme « Création » a bénéficié chaque année de 5,1 M€ pour : le développement et le renforcement du réseau des artothèques dans les territoires, l'aide aux cafés, mairies et lieux polyvalents en zone rurale à rémunérer les artistes employés pour des spectacles, le soutien aux festivals dans les territoires ruraux.
Des mesures complémentaires du plan, portées par d'autres programmes budgétaires, ont également concerné le secteur de la création : soutien aux résidences d'artistes en milieu rural (2,3 M€ sur deux ans), aux « villages en fête » et aux actions menées dans le cadre des plans « fanfare » et « arts et traditions populaires » (2 M€ sur deux ans), financement de six scènes culturelles de proximité, appui aux circuits de cinéma itinérants et aux festivals locaux.
Selon le ministère, « le calendrier 2026 du plan doit encore être défini, ainsi que les modalités de mise en oeuvre des mesures qui pourront être financées ».
- Si ce plan a le mérite de mettre un coup de projecteur sur les dynamiques artistiques et culturelles à l'oeuvre dans les territoires ruraux, trop souvent reléguées au second plan, voire ignorées, la rapporteure juge l'approche qui est faite de la culture en milieu rural assez réductrice puisque celle-ci est abordée essentiellement sous le prisme de la festivité villageoise.
- Sur le terrain, elle constate que l'existence du plan n'est pas toujours bien connue des élus locaux, alors que les nouveaux « référents ruralité » des Drac sont censés être leurs interlocuteurs privilégiés. Des acteurs culturels l'ont par ailleurs alertée sur le fait que, dans certains territoires, le plan sert de nouvel affichage à des aides préexistantes.
- Sur son économie générale, la rapporteure estime qu'il aurait été plus utile de mener une réflexion globale sur le refinancement de la création et la répartition territoriale des crédits déconcentrés plutôt que d'élaborer un nième dispositif sans réelle colonne vertébrale.
· Le fond d'innovation territoriale (FIT)
Le FIT a été mis en place en 2022 pour soutenir, dans la limite de trois ans, des projets culturels innovants, ancrés dans les territoires et engagés dans une dynamique de participation des citoyens. La gestion du fonds s'appuie sur les Drac, qui sont invitées chaque année à identifier des projets répondant aux critères d'éligibilité définis. Depuis le lancement du dispositif, 261 projets ont été soutenus pour une enveloppe initiale de 4,2 M€, portée à 5 M€ en 2023 et 2024.
En février 2025, l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) a été missionnée pour dresser un bilan des trois premières années de déploiement du FIT, afin d'éclairer la décision du ministère sur sa reconduction et ses éventuelles évolutions.
Le rapport de l'IGAC pointe la singularité du FIT qui, par sa dimension territoriale et son ouverture à l'expérimentation, ne trouve pas d'équivalent dans les dispositifs actuels de soutien du ministère. La méthodologie employée est présentée comme novatrice du fait du non-recours à l'appel à projet, de la pluri annualité qui rompt avec la multiplication des dispositifs ponctuels, de l'originalité d'une démarche partant du terrain, de l'absence de cahier des charges qui a conféré au FIT une grande plasticité. Le rapport constate des impacts positifs sur les projets soutenus, leurs porteurs et les territoires bénéficiaires. L'analyse des 261 projets fait ressortir une implantation principalement en zone rurale, des typologies variées, avec des projets le plus souvent pluridisciplinaires, majoritairement portés par des acteurs culturels, mais abordant largement des thématiques hors du champ culturel, des partenariats privilégiés avec le bloc communal.
Le rapport note toutefois des critères d'éligibilité variables entre 2022 et 2024 et la mise en oeuvre de stratégies diverses d'une Drac à l'autre, du fait de la grande autonomie qui leur a été laissée.
Au final, l'IGAC estime souhaitable de maintenir le dispositif, tout en le faisant évoluer pour en améliorer le fonctionnement et l'efficacité.
- La rapporteure se félicite de l'évaluation du FIT par l'IGAC qu'elle avait appelé de ses voeux l'année dernière et qui confirme le point de vigilance qu'elle avait émis sur les disparités territoriales dans la gestion du fonds. Elle souhaite que cette démarche d'évaluation soit étendue aux autres dispositifs de soutien à la création mis en place par le ministère.
- Selon les informations transmises par celui-ci, le FIT devrait être pérennisé dans les années à venir, avec une capacité de financement de nouveaux projets toutefois réduite à 1,2 M€ par an, en sus de la reconduction des projets financés les années antérieures dans la limite de trois ans. En 2026, les services déconcentrés seront invités à identifier ces nouveaux projets sur la base d'un document de cadrage détaillant les objectifs et les critères d'éligibilité du fonds, établis au regard des recommandations du rapport d'inspection. En vue de l'élaboration de ce document, la rapporteure appelle le ministère à mieux conditionner le bénéfice du FIT au caractère véritablement innovant des projets soutenus.
III. UN ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ARTISTIQUE EN GRANDE FRAGILITÉ STRUCTURELLE, UN PLAN DE RÉFORME QUI TARDE À SE CONCRÉTISER
A. LES ÉCOLES SUPÉRIEURES D'ART ET DESIGN TERRITORIALES TOUJOURS DANS L'ATTENTE DU « PLAN GLOBAL » ANNONCÉ EN 2024
Depuis plusieurs années, les écoles supérieures d'art et de design territoriales (ESADT) sont confrontées à de graves difficultés financières et à d'importantes problématiques structurelles (statut de leurs enseignants, équité de traitement de leurs étudiants, articulation avec l'écosystème professionnel, concurrence des écoles privées, positionnement en doctorat et en recherche...). À la suite du diagnostic complet posé par Pierre Oudart en octobre 2023, un « plan global » de réforme a été annoncé par la ministre de la Culture en mars 2024.
Un an et huit mois plus tard, ce plan ne s'est toujours pas concrétisé, alors que la situation financière des écoles d'art demeure très critique. Comme l'a indiqué l'association nationale de leurs directeurs (Andéa) à la rapporteure, la plupart d'entre elles ont consommé leur fonds de roulement pour partie ou en totalité, les plaçant dans une impasse, et ce alors que le niveau de contribution des collectivités territoriales, qui sont leurs financeuses majoritaires, suscite de fortes inquiétudes dans le contexte de baisse des budgets culturels locaux.
- La seule avancée budgétaire notable en 2025 est la compensation aux écoles de l'exonération des droits d'inscription de leurs étudiants boursiers, mesure inscrite en loi de finances initiale grâce à l'amendement adopté au Sénat à l'initiative de la commission. Représentant un budget de 1,5 M€ pour les 3 275 étudiants boursiers des 34 établissements, cette compensation est bien « soclée » dans la dotation 2026 des écoles. L'Andéa a toutefois alerté la rapporteure sur un problème de reste à charge pour certaines d'entre elles, le montant de la compensation qui leur a été attribué ne couvrant pas entièrement les frais d'inscription de leurs élèves boursiers. La rapporteure a relayé cette difficulté auprès de la nouvelle direction générale de la démocratie culturelle, des enseignements et de la recherche (DGDCER).
- Le projet de cartographie exhaustive de l'offre de formation publique et privée en art ne se limite à ce jour qu'aux formations conduisant aux diplômes des établissements d'enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines des arts et du design.
- L'installation de nouveaux référents ou conseillers en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche dans les Drac, chargés d'animer le réseau des établissements publics de coopération culturelle (EPCC), dont font partie les écoles d'art territoriales, est encore en rodage.
- Initialement programmée pour 2024, la mission d'inspection confiée à l'IGAC et à l'Inspection générale de l'enseignement supérieur et de la recherche (IGESR) pour objectiver la situation financière des écoles d'art territoriales n'a été lancée qu'à l'été 2025, pour un rendu attendu début 2026. Sans les résultats de cette mission, le projet du ministère de la Culture d'un ciblage de ses financements sur le fonctionnement pédagogique des écoles d'art territoriales demeure flou. Ce manque de visibilité ne fait que renforcer l'inquiétude de leurs personnels.
- Si la rapporteure salue le volontarisme de la nouvelle directrice générale de la démocratie culturelle, des enseignements et de la recherche, qui lui a fait part de son intention d'élaborer un plan d'action stratégique à l'horizon de l'été 2026, elle regrette le temps perdu depuis les annonces de la ministre.
B. LES ÉCOLES NATIONALES SUPÉRIEURES D'ARCHITECTURE CONFRONTÉES À DES DIFFICULTÉS PERSISTANTES
À la suite de la crise aiguë survenue en 2023, les écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA) ont fait l'objet d'un soutien renforcé de l'État ces trois dernières années : aides à la vie étudiante, création de postes d'enseignants et de personnels administratifs, revalorisation des enseignants contractuels, rééquilibrage des dotations budgétaires entre écoles, rénovation de l'exercice de la tutelle ministérielle, installation d'une 21ème école à La Réunion...
Même si ces mesures ont apporté un peu d'oxygène aux ENSA, leur ampleur (une vingtaine de millions d'euros) n'a pas été de nature à leur permettre de dégager les marges de manoeuvre suffisantes pour recouvrer la santé financière, dans un contexte de hausse généralisée de leurs charges (masse salariale, prestations extérieures, frais immobiliers) et de faiblesse de leurs ressources propres. Les écoles demeurent dans une situation budgétaire très tendue, que la stabilisation de leur dotation de fonctionnement à hauteur de 56 millions d'euros (en AE et CP) en 2026 n'améliorera pas de manière significative.
Surtout, la rapporteure exprime sa préoccupation face à la persistance, voire l'aggravation de deux difficultés devenues structurelles :
- Les ENSA sont confrontées à une problématique « ressources humaines » de plus en plus bloquante pour l'accomplissement de leurs missions de service public. Dans leur grande majorité, les écoles sont en effet de petite taille et faiblement dotées en personnels de gestion administrative (logistique, documentation, gestion financière, RH...). Ce sous-dimensionnement de leur masse salariale les contraint à ne plus assurer certains services aux étudiants, comme l'accompagnement des diplômés dans l'emploi.
- Malgré un nombre important de candidats aux études d'architecture (de l'ordre de 17 000 par an), les effectifs des ENSA n'ont pas augmenté depuis dix ans en raison de la saturation de leurs capacités d'accueil et de leurs moyens d'encadrement. L'objectif d'une augmentation de 20 % des étudiants d'ici 2030, prévu par la nouvelle stratégie nationale pour l'architecture (SNA), ne semble guère réaliste faute de moyens financiers et humains adéquats. La rapporteure note d'ailleurs que le PLF pour 2026 ne prévoit pas de crédits dédiés à cet objectif de hausse des effectifs. Le ministère lui a simplement indiqué qu'« une étude de faisabilité sera lancée afin de préciser le périmètre concerné par l'augmentation nécessaire (évaluée entre 10 % et 20 %) et sa temporalité (cible envisagée à dix ans) ».
IV. UN REDIMENSIONNEMENT DU PASS CULTURE QUI NE PROFITE PAS À UNE VÉRITABLE POLITIQUE PUBLIQUE D'ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE
A. LA RÉFORME DE LA PART INDIVIDUELLE DU PASS CULTURE : UNE ULTIME TENTATIVE DE SAUVETAGE DU DISPOSITIF AVANT SA DISPARITION ?
Après avoir fait l'objet d'intenses débats lors de l'examen du PLF pour 2025, la réforme de la part individuelle du pass Culture est entrée en vigueur par voie réglementaire3(*) au 1er mars 2025. Souhaitée par la ministre de la Culture, cette réforme entend favoriser la diversité des pratiques culturelles des jeunes et améliorer l'accès à l'offre culturelle pour ceux qui en sont le plus éloignés.
Alors qu'un consensus avait émergé sur la nécessité de procéder à un lissage des montants attribués à chaque tranche d'âge entre 15 et 18 ans, le ministère a finalement fait le choix de concentrer le dispositif sur les jeunes âgés de 17 ans et plus4(*). Les jeunes de 15-16 ans en sont désormais exclus. Une bonification de 50 euros à 18 ans a par ailleurs été créée pour les jeunes en situation de handicap et ceux dont les parents ont des revenus modestes. Les modalités financières et techniques de ce bonus, relativement complexes, sont toujours en cours d'élaboration. Le ministère indique que ce chantier devrait aboutir courant 2026 ; les jeunes dont les droits à bonification ont déjà été ouverts seront crédités rétrospectivement.
Sur le plan budgétaire, la part individuelle du pass Culture, financée par le programme 361 dont elle représente 25 % des crédits5(*), a vu sa voilure fortement réduite, passant de 210,5 M€ dans le PLF pour 2025 à 171 M€ en LFI pour 2025. Le PLF pour 2026 poursuit cette trajectoire baissière, avec une dotation fixée à 127,5 M€ en AE et en CP, soit une nouvelle économie de 43,5 M€.
- La rapporteure s'interroge sur la pertinence du recentrage du dispositif sur les jeunes de 17 ans et plus. Selon la communication du ministère, celui-ci est justifié par « un parcours de découverte culturelle plus clair et progressif » : le jeune collégien, puis lycéen bénéficie d'activités d'EAC dans le cadre de la part collective ; devenu jeune adulte, il reçoit la part individuelle qui lui permet de s'autonomiser dans ses pratiques culturelles. Cette logique ne fonctionne que si la part collective joue pleinement son rôle. Or, son gel en début d'année a brutalement mis à l'arrêt de nombreuses actions dans les établissements scolaires. Ce contexte n'est évidemment pas propice à un travail conjoint du ministère de la Culture et du ministère de l'Éducation nationale sur une meilleure articulation entre part collective et part individuelle, que demande la commission depuis plusieurs années.
- Alors que la suppression de la part individuelle est toujours en débat, la rapporteure plaide pour une certaine stabilité vis-à-vis d'un public jeune, qui vient tout juste d'intégrer les nouvelles modalités du dispositif. Elle doute en outre que, dans le contexte budgétaire actuel, la place que laisserait vacante la part individuelle soit réinvestie par les politiques d'EAC de l'État et des collectivités territoriales. Elle alerte enfin sur le fait qu'une éventuelle extinction du dispositif devra s'accompagner du maintien de financements pendant plusieurs années, afin de couvrir les engagements déjà pris. Rien qu'au 1er janvier 2026, sans nouveau bénéficiaire, le besoin de financement est chiffré, en hypothèse basse, entre 115 et 133 millions d'euros.
La SAS pass Culture, nouvel opérateur de l'État
Demandée depuis plusieurs années par le Parlement et recommandée par de nombreux rapports publics à des fins de transparence et de contrôle budgétaires, la transformation de la SAS pass Culture en opérateur de l'État interviendra au 1er janvier 2026. Désormais inscrite à l'annexe budgétaire du PLF concernant les opérateurs, la SAS pass Culture voit son plafond d'emplois fixé à 176 ETP pour 2026. Son statut juridique (établissement industriel et commercial ou établissement administratif) n'est pas encore fixé, le ministère attendant les résultats d'une étude préalable. Son contrat d'objectifs, arrivé à échéance en 2025, est actuellement en cours de réécriture pour la période 2026-2028.
B. LE « SOCLAGE » DE LA BAISSE DES MOYENS CONSACRÉS À L'ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE HORS PASS CULTURE
En LFI pour 2025, les crédits dédiés à l'EAC hors part individuelle du pass Culture ont subi une baisse de 20 % par rapport à l'exécuté 2024. Le ministère a justifié cette coupe par le contexte de contrainte budgétaire qui l'a conduit à recentrer sa politique publique d'EAC sur « des partenariats structurants ». Le PLF pour 2026 entérine cette diminution, la dotation de l'EAC étant reconduite à son niveau de 2025, soit 85,5 M€ en CP.
- La rapporteure déplore que la baisse des crédits consacrés à la part individuelle du pass Culture ne permette pas de réabonder d'autres dispositifs d'EAC, relégués en arrière-plan depuis la création de ce « totem » présidentiel qui constitue à lui seul la politique d'EAC du ministère.
- La rapporteure rappelle que la commission dénonce régulièrement les carences de la politique publique d'EAC : illisibilité, défaillance de la gouvernance, sous-financement. Le diagnostic est connu et partagé, mais l'État ne semble pas prêt à remettre l'ouvrage sur le métier.
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* *
La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 26 novembre 2025, un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes 131 « Création » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » du projet de loi de finances pour 2026.
EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 26 NOVEMBRE 2025
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M. Laurent Lafon, président. - Nous débutons nos travaux par l'examen du rapport pour avis de notre collègue Karine Daniel sur les crédits consacrés à la création, à la transmission et à la démocratisation de la culture.
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis des crédits de la création, de la transmission et de la démocratisation de la culture. - Le PLF pour 2026 intervient dans un contexte particulier pour le secteur culturel, marqué par le repli en 2025 du soutien des collectivités territoriales aux politiques culturelles. L'année dernière, je vous avais fait part de mes inquiétudes sur le risque de moindre engagement des collectivités en raison des ponctions opérées sur leurs ressources et sur l'effet « château de cartes » qui en découlerait, compte tenu du partage de la compétence culturelle.
Ma crainte s'est malheureusement confirmée et a été objectivée par le baromètre national de l'Observatoire des politiques culturelles. Alors que la période 2022-2024 a vu une relative stabilité des budgets culturels locaux, l'année 2025 marque une rupture très nette, avec une contraction de ces budgets, inédite par son ampleur : 47 % des collectivités déclarent ainsi avoir diminué leur budget culturel entre 2024 et 2025. La baisse est particulièrement marquée au niveau des régions et des départements, elle l'est moins à celui du bloc local.
Tous les domaines de politique culturelle sont affectés par la diminution des budgets locaux de fonctionnement. Les plus durement touchés sont les festivals et événements, le spectacle vivant, l'éducation artistique et culturelle.
Cette situation a évidemment des conséquences sur la coopération publique culturelle. Le même baromètre montre qu'elle commence à s'effriter : le nombre de collectivités indiquant en 2025 une baisse des partenariats avec l'État et avec d'autres niveaux de collectivités a doublé par rapport à 2024. C'est surtout à l'échelle des communes et des métropoles que les démarches de coopération sont les plus malmenées.
Ce que le directeur général de la création artistique a lui-même qualifié en audition de « brèche dans le pacte de coopération publique culturelle » est le signe que, face aux contraintes budgétaires, le consensus transpartisan autour de la culture perd du terrain. Cette évolution, que je trouve préoccupante, fragilise la compétence culturelle partagée, aussi bien dans sa dimension financière qu'institutionnelle. Elle fait également peser une menace sur la diversité de l'offre artistique et sur l'égal accès à la culture dans les territoires.
C'est dans ce contexte que l'État décide lui aussi d'infléchir son soutien au secteur culturel en 2026. Aucun des quatre programmes composant la mission « Culture » n'est épargné par la contraction de ses moyens.
En ce qui concerne les deux programmes 131 et 361, la baisse des crédits est de 3,2 % pour la « Création », dont la dotation s'établit autour du milliard d'euros, et de 5 % pour la « Transmission des savoirs et la démocratisation de la culture », dont l'enveloppe globale représente 723 millions d'euros.
Pour ce qui a trait aux crédits de la création artistique, après leur augmentation entre 2021 et 2024, puis leur stabilisation en 2025, leur recul de 34 millions d'euros en 2026 est un nouveau coup dur pour le secteur.
Certes, en comparaison d'autres secteurs qui intéressent notre commission, cette baisse peut paraître modérée, mais elle vient s'ajouter à celle des financements des collectivités. Le directeur général de la création artistique ne nous a d'ailleurs pas caché sa préoccupation devant la simultanéité de la baisse de ses différents soutiens financiers.
Elle intervient en outre à un moment charnière pour le secteur de la création dont le modèle économique semble être arrivé à un point de rupture. La succession des crises, sanitaire, énergétique et inflationniste, l'a plongé dans une crise profonde : le niveau des subventions publiques ne permet plus de compenser la hausse continue et généralisée des charges fixes.
Lorsqu'elles ne sont pas menacées de fermeture, les structures labellisées ou conventionnées n'ont d'autre choix que de revoir à la baisse leur activité de production et de diffusion. Dans les territoires, ce sont des programmations moins risquées qui sont présentées, des créations qui ne voient pas le jour, des représentations qui sont moins nombreuses, des tournées qui sont limitées, des actions de médiation culturelle qui sont annulées. Autant d'arbitrages qui fragilisent les missions de service public de la création.
Cette diminution de l'activité a aussi des répercussions sur l'emploi artistique et technique, marqué par des départs de professionnels vers d'autres secteurs, le non-renouvellement de contrats à durée déterminée, des suppressions de postes de permanents.
Dans le budget de la création qui nous est proposé, deux sujets sont particulièrement inquiétants.
Le premier tient à la baisse des crédits déconcentrés, à hauteur de 18 millions d'euros. Ces crédits représentent la capacité de soutien des directions régionales des affaires culturelles (Drac) aux acteurs culturels dans les territoires.
L'appréciation portée par l'Association nationale des Drac sur cette mesure ne laisse guère de doute quant à ses conséquences : « Si nous sommes conscients des efforts que doit porter, comme les autres ministères, le ministère de la culture, ces baisses de crédits impacteront des structures déjà très fragiles, sans réserve, et viendront in fine précariser davantage les créateurs. »
Avec le repli des budgets culturels locaux, cette baisse des crédits déconcentrés constitue une double peine.
Le deuxième sujet de préoccupation porte sur le fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps). Alors que le secteur connaît de fortes tensions en matière d'emploi, la gestion de ce fonds demeure problématique. Depuis plusieurs années, sa sous-budgétisation en loi de finances conduit à des retards dans le versement des aides aux structures culturelles, qui sont déjà confrontées à d'importants problèmes de trésorerie. Pour honorer leur paiement, le ministère est contraint de procéder en cours de gestion à un redéploiement de crédits au sein du programme « Création », au détriment d'autres lignes budgétaires.
Une fois encore, le montant de 35 millions d'euros inscrit au PLF pour 2026 est en deçà des prévisions de consommation, estimées entre 55 et 60 millions d'euros.
Les travaux interministériels récemment menés sur la prolongation du fonds, qui arrive à échéance à la fin de l'année, n'y ont rien changé. Le ministère de la culture a obtenu la préservation du dispositif pour trois années supplémentaires - ce qui n'était pas acquis du côté de Bercy ! -, mais non son réabondement à hauteur des besoins. Je vous invite donc, mes chers collègues, à résoudre ce problème de sincérité budgétaire en vue de l'examen de la mission « Culture » en séance publique.
Ce cadre budgétaire posé, je souhaite vous faire part de quelques appréciations sur l'action ministérielle en direction de la création.
Depuis plusieurs années, celle-ci consiste surtout en un lancement successif de programmes, de plans, d'outils spécifiques. Je m'interroge sur la pertinence d'une telle approche fragmentée qui s'apparente de plus en plus à du saupoudrage de crédits qu'à une politique publique cohérente et structurante.
Avec cet empilement de dispositifs, les acteurs culturels font état d'un triple manque. D'une part, un manque de lisibilité sur les conditions d'accès et sur les modalités d'attribution des crédits, la souplesse de gestion laissée aux Drac ayant pour corollaire une certaine opacité dans leur répartition selon les territoires et selon les structures. D'autre part, un manque de visibilité, faute de garantie sur le financement pluriannuel de ces dispositifs. Enfin, un manque de confiance en la parole de l'État qui, contraint budgétairement, a tendance à procéder par stop and go - nous l'avons vu avec le gel de la part collective du pass Culture, suscitant l'incompréhension et le découragement des acteurs.
Deux de ces dispositifs sont particulièrement mis en avant par le ministère.
Tout d'abord, le programme Mieux produire, mieux diffuser, lancé en 2024 pour refonder le système de production et de diffusion en développant les coopérations et les mutualisations. Deux cent quarante structures labellisées ou conventionnées en ont été bénéficiaires en 2024, trois cent trente-six le sont cette année, dont un tiers en zone rurale.
Alors que le programme repose sur un principe de financement paritaire « 1 euro de l'État, 1 euro des collectivités », la dégradation des budgets culturels locaux se traduit par une moindre participation des collectivités : 4,4 millions d'euros cette année contre 14,7 millions d'euros pour l'État. Celui-ci prévoit de stabiliser sa contribution en 2026, mais celle des collectivités étant très incertaine, le niveau de financement des projets déjà en cours et le nombre de nouveaux bénéficiaires sont eux aussi très incertains. Avec ce déséquilibre des contributions, c'est finalement la question de l'avenir du financement paritaire du programme qui est posée.
Au-delà de ce problème budgétaire, des inquiétudes me sont remontées sur le manque de transparence des critères de sélection des bénéficiaires et sur la logique de rentabilité qui sous-tend certains des projets retenus. Parce que Mieux produire, mieux diffuser est présenté comme une politique structurante pour le secteur, je crois nécessaire qu'une évaluation de ses résultats et de son pilotage soit menée en 2026, à l'image de ce qui a été fait cette année par l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) pour le fonds d'innovation territoriale (FIT).
Ensuite, le plan Culture et ruralité, également lancé en 2024. Sur les 40 millions d'euros qui lui sont consacrés en 2025, le programme « Création » bénéficie de 5 millions d'euros pour trois mesures : le développement des artothèques, l'aide aux cafés et mairies à rémunérer des artistes, le soutien aux festivals.
Le principal mérite de ce plan est de mettre un coup de projecteur sur les dynamiques culturelles à l'oeuvre dans les territoires ruraux. Je trouve cependant un peu réductrice l'approche qui est faite de la culture en milieu rural, principalement abordée sous le prisme des « Villages en fête ». Par ailleurs, il me paraît quelque peu problématique que le volet ruralité ne constitue ni une porte d'accès ni un point d'appui aux programmes d'ordre général.
Sur le terrain, il semble que ses modalités, voire son existence, ne soient pas toujours bien connues des maires ruraux, alors que les nouveaux référents ruralité des Drac sont censés être leurs interlocuteurs privilégiés. Des acteurs culturels nous ont par ailleurs alertés sur le fait que, dans certains territoires, le plan a tendance à servir de nouvel affichage à des aides préexistantes qui sont réorientées.
Sur son économie générale, je crois qu'une réflexion globale sur le refinancement de la création et sur la répartition territoriale des crédits déconcentrés aurait été plus pertinente qu'un énième dispositif diluant les moyens.
Un dernier mot sur la situation des festivals, suivie de près par notre groupe d'études Arts de la scène, arts de la rue et festivals en région et sa présidente Sonia de La Provôté.
Vous vous souvenez sans doute de la table ronde organisée par la commission en septembre 2025 avec les représentants de la filière.
Si la concertation menée au printemps par le ministère mérite d'être saluée, les mesures qu'il a annoncées en juillet dernier n'ont pas encore trouvé de traduction concrète. Seul le dossier de la réglementation sonore a avancé, le groupe de travail interministériel mis en place étant parvenu à un premier diagnostic partagé.
Le directeur général de la création artistique nous a indiqué qu'« une feuille de route partagée » devrait être prochainement signée, mais sans plus de précision sur son calendrier et son financement. Sans moyens spécifiques, il est peu probable que cette feuille de route réponde aux nombreux enjeux de la filière.
J'en viens maintenant à l'enseignement supérieur public artistique, qui voit ses crédits globalement stabilisés en 2026.
Cette stabilisation ne suffit cependant pas à résoudre les nombreuses difficultés structurelles des écoles d'art et des écoles d'architecture qui, pour la plupart, demeurent dans une situation financière très critique.
Pour ce qui est des écoles d'art territoriales, nous avions adopté, lors de l'examen du PLF pour 2025, un amendement destiné à compenser l'exonération des droits d'inscription de leurs étudiants boursiers. D'un montant de 1,5 million d'euros, cette mesure est la seule avancée budgétaire notable depuis le diagnostic très complet posé par Pierre Oudart en 2023.
Le ministère nous a confirmé qu'elle serait bien « soclée » dans la dotation 2026 versée aux écoles. Leurs représentants nous ont toutefois alertés sur un problème de reste à charge pour certaines d'entre elles, que j'ai relayé auprès de la nouvelle direction générale de la démocratie culturelle, des enseignements et de la recherche.
Un an et huit mois après l'annonce par la ministre d'un plan global de réforme des écoles d'art territoriales, celui-ci se fait toujours attendre. Le chantier de cartographie de l'offre de formation a avancé, mais il n'est pas encore achevé. La mission confiée aux inspections pour objectiver la situation financière des écoles, initialement programmée pour 2024, n'a été lancée qu'à l'été dernier, pour un rendu attendu début 2026. Sans les résultats de cette mission, le projet du ministère d'un ciblage de ses financements sur le fonctionnement pédagogique des écoles territoriales demeure flou. Ce manque de visibilité génère beaucoup d'inquiétude parmi les équipes administratives et pédagogiques.
Même si la nouvelle directrice générale de la démocratie culturelle, des enseignements et de la recherche semble vouloir faire avancer les choses - elle nous a annoncé un plan d'action stratégique à l'horizon de l'été 2026 -, j'ai la regrettable impression que beaucoup de temps a été perdu depuis début 2024.
En ce qui concerne les écoles nationales d'architecture, qui ont fait l'objet d'un soutien renforcé de l'État après la crise survenue en 2023, elles n'ont pas toutes recouvré la santé financière, dans un contexte de hausse généralisée de leurs charges. Surtout, ces écoles sont confrontées à un sous-dimensionnement persistant de leur masse salariale qui les contraint à ne plus assurer certaines missions de service public, comme l'accompagnement de leurs étudiants dans l'emploi.
Autre sujet devenu structurel : leurs effectifs n'ont pas augmenté depuis dix ans à cause de la saturation de leurs capacités d'accueil et de leurs moyens d'encadrement. L'objectif d'une augmentation de 20 % des étudiants en architecture d'ici à 2030, prévu par la nouvelle stratégie nationale pour l'architecture, ne semble guère réaliste faute de moyens financiers et humains adéquats. Je note d'ailleurs que le PLF pour 2026 ne prévoit aucune enveloppe consacrée à cet objectif.
J'en terminerai par le pass Culture et la politique d'éducation artistique et culturelle (EAC).
Cette année a été marquée par l'entrée en vigueur de la réforme de la part individuelle du pass Culture. Alors qu'un consensus avait émergé sur la nécessité de procéder à un lissage des montants attribués à chaque tranche d'âge entre 15 et 18 ans, le ministère a fait le choix de concentrer le dispositif sur les jeunes âgés de 17 ans et plus. Les jeunes de 15-16 ans en sont désormais exclus. Une bonification de 50 euros à 18 ans a par ailleurs été créée pour les jeunes en situation de handicap et ceux dont les parents ont des revenus modestes.
Sur le plan budgétaire, la part individuelle continue de voir sa voilure fortement réduite, celle-ci passant de 171 millions d'euros en lois de finances initiale (LFI) pour 2025 à 127,5 millions d'euros dans le PLF pour 2026.
S'il est encore trop tôt pour mesurer les effets de cette réforme, je m'interroge sur la pertinence du recentrage du dispositif sur les jeunes de 17 ans et plus. Selon la société par actions simplifiée (SAS) pass Culture - qui deviendra enfin opérateur de l'État au 1er janvier prochain -, ce recentrage est justifié par « un parcours de découverte culturelle plus clair et progressif » : le jeune collégien, puis lycéen bénéficie d'activités d'EAC dans le cadre de la part collective ; devenu jeune adulte, il reçoit la part individuelle qui lui permet de s'autonomiser dans ses pratiques culturelles.
Cette logique ne fonctionne que si la part collective joue pleinement son rôle. Or son gel en début d'année a brutalement mis à l'arrêt de nombreux projets dans les établissements scolaires. Ce contexte n'a évidemment pas été propice à un travail conjoint du ministère de la culture et du ministère de l'éducation nationale, que nous réclamons depuis plusieurs années, pour mieux articuler les deux volets.
Alors que nos collègues de la commission des finances envisagent la suppression de la part individuelle, je crois qu'une certaine stabilité est nécessaire à l'égard d'un public jeune, qui vient tout juste d'intégrer la nouvelle formule. En outre, dans le contexte budgétaire actuel, je doute que la place laissée vacante par la part individuelle soit réinvestie par les politiques d'EAC de l'État et des collectivités territoriales, ce que nous demandons de manière récurrente. J'attire également votre attention sur le fait qu'une éventuelle extinction du dispositif devra s'accompagner du maintien de financements pendant plusieurs années, afin de couvrir les engagements déjà pris. Rien qu'au 1er janvier 2026, sans nouveau bénéficiaire, le besoin de financement est chiffré, en hypothèse basse, entre 115 et 133 millions d'euros.
Le budget consacré à l'EAC, hors pass Culture, a pour sa part subi en LFI pour 2025 une forte baisse, à hauteur de 20 %. Le PLF pour 2026 prévoit d'entériner cette diminution.
Il est très regrettable que les économies dégagées sur la part individuelle ne permettent pas de réabonder, au moins en partie, d'autres dispositifs d'EAC, relégués en arrière-plan depuis la création du pass Culture, devenu à lui seul la politique d'EAC du ministère. Or nous n'avons de cesse de le répéter : ce pass est un outil et ne saurait constituer en soi une politique publique.
Notre commission dénonce régulièrement les carences de la politique publique d'EAC, renforcées par l'irruption du pass Culture : illisibilité, défaillance de la gouvernance et sous-financement, avec la multiplicité des acteurs qui interviennent. Le diagnostic est connu et partagé, mais l'État ne semble pas prendre la mesure du chantier à mener.
Tels sont les éléments de contexte et d'analyse que je souhaitais porter à votre connaissance. Vous l'aurez compris à la teneur de mes propos, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes 131 et 361.
Mme Else Joseph. - Les programmes 131 et 361 incarnent le soutien de l'État au spectacle vivant, aux arts visuels, aux métiers d'arts ainsi qu'aux professions artistiques. Leur champ d'application est donc vaste, de même que leur ambition, car ils touchent à l'avenir de la culture dans notre pays.
Malgré un transfert de masse salariale vers l'établissement des Manufactures nationales, la diminution conjuguée des crédits des deux programmes est de l'ordre de 4,5 % par rapport à la loi de finances de 2025, ce qui ne manquera pas de provoquer d'importantes conséquences sur certains soutiens à la création, à la transmission et à la démocratisation de la culture, et je partage à cet égard pleinement les inquiétudes de la rapporteure.
Je comprends certes la nécessité d'un effort de redressement de nos comptes publics, mais ces conséquences ne doivent être ni niées ni éludées.
La création artistique renvoie d'abord à la situation de nos festivals et du spectacle vivant ainsi qu'à la poursuite de mesures engagées lors d'exercices budgétaires précédents - par exemple le récent programme Mieux produire, mieux diffuser, le plan Culture et ruralité, le plan Cabaret ou le plan Artistes auteurs - ; il faut aujourd'hui s'interroger sur leur pérennisation.
Le Fonpeps semble sous-budgété au regard de ses missions. Si la ministre a annoncé devant l'Assemblée nationale qu'elle en avait obtenu la prorogation pour trois ans, plusieurs autres dispositifs de soutien à l'emploi arrivent à échéance à la fin de l'année ; qu'en sera-t-il au-delà de ce terme ?
En dépit du principe d'annualité budgétaire, voyons plus loin, notamment quant au devenir du spectacle vivant et des festivals dans nos territoires. C'est en particulier dans les zones rurales que les inquiétudes sont les plus vives à ce sujet.
Comment, dans un contexte budgétaire délicat, assurer pour les prochaines années le maintien des actions en zone rurale, sans augmenter les dépenses, mais sans non plus revenir sur les engagements pris et la parole donnée ?
La culture reste dépendante du budget de l'État, tandis que de nombreuses collectivités territoriales sont contraintes de se désengager, parfois fortement, dans ce domaine. La baisse des crédits déconcentrés ne pourra qu'avoir un impact dans nos territoires ; la situation justifie d'ailleurs que nous réfléchissions à la possibilité d'amendements concernant la situation des Drac.
La responsabilité budgétaire ne doit pas faire oublier le soutien à nos festivals et à la scène artistique. L'urgence commande des signes forts : 10 % de ces festivals ont en effet déjà disparu. Comment les aider à repenser leur modèle, sans les sacrifier, face à la hausse de certains coûts, notamment ceux de l'énergie ?
Il convient également de se pencher sur la stratégie en faveur des métiers d'art, une filière exportatrice constituant un atout éminent de la marque France dans le monde. Quid de cette stratégie pour l'année à venir et de la mise en oeuvre du plan France 2030 dans un contexte d'échanges internationaux tendu, avec, notamment, la hausse des droits de douane américains ?
Le soutien au théâtre privé est un impératif. On peut s'interroger sur la pertinence du plafonnement des taxes sur la billetterie. L'Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) reverse 65 % du montant brut des taxes acquittées aux entreprises redevables. Nous étions déjà intervenus l'année dernière pour la levée de tels plafonds, notamment en raison du caractère sélectif des aides.
Au chapitre de la hausse des coûts, nous constatons celle de la contribution sociale généralisée (CSG) des artistes auteurs, que l'État entend traiter intégralement dans le cadre du Fonpeps. C'est, dans le soutien à la création artistique, un paramètre appelé à être désormais pris en compte. Dès lors, comment faire en sorte que les programmes que nous examinons ne soient pas absorbés par la question de la hausse de certains coûts et comment, surtout, mieux en anticiper le risque ?
Il importe de ne pas sacrifier non plus l'EAC et, de nouveau, le compte n'y est pas avec le PLF 2026, car les difficultés structurelles subsistent dans ce domaine.
Enfin, la question fondamentale reste celle de la liberté de création, trop souvent remise en cause, ce dont faisait état le rapport que Sylvie Robert, Monique de Marco et moi-même avions rendu en 2024. Les attaques à l'encontre de cette liberté qui n'a pas de prix s'avèrent de plus en plus fréquentes.
En l'état, le PLF 2026 emporterait donc de lourdes conséquences pour les filières et les métiers qui nous intéressent et qui sont à préserver, la culture jouant un rôle majeur dans tous les territoires.
L'avis du groupe Les Républicains demeure néanmoins réservé en considération, par ailleurs, de la situation des finances publiques et des impératifs d'économies.
Mme Colombe Brossel. - La première chose qui frappe à l'examen de ces crédits, c'est l'absence de pilotage. Nous avons le sentiment d'assister à la présentation d'un budget - dont la ministre nous dit par ailleurs qu'il est en hausse sur tous les postes - qui ne consiste qu'en un empilement de plans, de chantiers parfois engagés mais jamais achevés, sans la moindre cohérence d'ensemble. Cette absence de toute cohérence semble problématique, voire dangereuse, en ce qu'elle contribue à une forme de délitement d'un certain nombre de politiques qui, sous divers angles - culture et soutien à la création artistique, animation des territoires ou encore emploi -, fonctionnaient.
Nous sommes devant un catalogue de mesures sans ligne directrice politique, à l'énumération desquelles je pourrais à mon tour contribuer, en relevant, selon les cas, les sujets non traités ou laissés au milieu du gué. Où veut-on aller ? Je n'en sais rien.
Certes, le Fonpeps est sauvé, mais il ne l'est absolument pas au niveau nécessaire à la consolidation d'emplois pérennes. De même, comment se satisfaire du seul constat que l'EAC n'est pas supprimée, quand nous mesurons au quotidien combien elle contribue à la découverte, la curiosité, l'émancipation des enfants et des élèves de notre pays ?
Nous n'avons par exemple pas compris, après l'annonce d'hier relative au dispositif Ma classe au cinéma, auquel le ministre de l'éducation nationale se montre attaché, s'il fallait espérer en trouver une quelconque traduction budgétaire.
La politique d'empilement, voire de réactivation de plans ne correspond pas à une politique en faveur de la création ; c'est pourquoi nous suivrons l'avis de la rapporteure.
Mme Sonia de La Provôté. - Je félicite la rapporteure de la qualité de son travail, dont le résultat reflète fidèlement ce qui se passe dans ce moment singulier où s'ouvre une brèche dans le pacte entre l'État et les collectivités locales en matière de politique culturelle publique, avec la fragilisation des deux acteurs qui s'en partagent la compétence. D'un côté, le ministère voit son budget diminuer, de l'autre, les collectivités, prises dans la nasse budgétaire que nous connaissons, sont contraintes à des choix qui, en dépit de différences entre elles, conduisent dans leur ensemble à un moindre financement et accompagnement de la culture.
L'édifice global s'en trouve fragilisé avec, en arrière-plan, des conséquences sur l'équité territoriale dans l'accès à la culture et une remise en cause de la diversité de l'offre culturelle.
Nous n'observons pas, en réaction, davantage de pilotage. On ne nous propose ni stratégie, ni priorités, ni feuille de route, et c'est en effet une espèce de catalogue de politiques publiques s'empilant les unes sur les autres qui nous est présenté. Pour sa part, l'évaluation - indispensable pour nous situer -reprend tout juste, et nous ne disposions plus, depuis 2019, d'Atlas régional de la culture.
Dans ce contexte, si plus de la moitié des festivals peuvent se prévaloir d'une jauge de fréquentation supérieure à 90 %, 45 % d'entre eux connaissent aussi de graves difficultés budgétaires. Or ils sont une porte d'entrée vers la culture dans quasiment tous les territoires.
Le PLF 2026 ne traite pratiquement pas des arts visuels, qui participent eux aussi largement de l'accès à la culture dans les territoires.
Nous n'avons aucune visibilité sur l'EAC et nous ne récupérons pas, d'un point de vue budgétaire, ce que nous avons perdu sur la part individuelle du pass Culture.
En définitive, dans ce contexte de fragilisation de la politique publique de la culture, nous restons dans l'attente d'un ministère jouant son rôle de chef de file, de pilote et de stratège, à la fois capable de rassurer et de guider dans leurs propres choix les collectivités territoriales. Ce n'est cependant pas la réponse qu'il nous propose, en se bornant à une approche strictement financière. En l'état, le groupe Union Centriste suit donc l'avis défavorable de la rapporteure.
M. Pierre Ouzoulias. - Je partage le propos de Sonia de La Provôté. Si l'on approfondit la réflexion du point de vue historique, il faut remarquer que, dans les années 1980, la politique de l'État a incité les collectivités à investir le champ de la culture. À la fin des années 1990 et au début des années 2000, la part du budget consacrée à la culture en France avoisinait 1 % du PIB. Depuis lors, ce pourcentage n'a cessé de diminuer. La part des investissements des collectivités reste cependant supérieure à celle de l'État, dans une proportion de 60 %- 40 %.
Nous avons aujourd'hui le sentiment que cet effet d'entraînement n'existe plus, que les politiques respectives de l'État et des collectivités sont dissociées, et que lorsque les secondes revoient à la baisse leur investissement, c'est l'ensemble de la culture qui en pâtit.
La question centrale est celle de savoir quelle est encore l'utilité des Drac. Existe-t-il toujours une politique culturelle de l'État dans les régions ? Les Drac conservent quelques missions que nous pourrions qualifier de régaliennes, notamment dans le domaine patrimonial, qu'elles parviennent encore, bon an mal an, à mettre en oeuvre ; mais, en dehors de cela, nous n'avons plus aucune visibilité sur leur rôle et force est d'observer qu'elles n'apportent aujourd'hui plus de soutien aux politiques culturelles locales. Je crains qu'il ne faille en outre reconnaître, dans ce domaine aussi, une forme d'« archipellisation », avec des métropoles qui demeurent les seules à s'en sortir, parce qu'elles conservent les moyens budgétaires d'une politique culturelle.
Quant au pass Culture, il apparaît comme une forme d'excroissance élyséenne sur le budget de la culture, comme un greffon qui non seulement dépérit, mais fait également dépérir l'arbre originellement sain dans lequel il a été inséré. Nous relevons en effet une forme de mise en concurrence des politiques nationales entre elles.
Nous suivrons l'avis de la rapporteure.
Mme Monique de Marco. - Le catalogue des mesures intégrées dans le PLF 2026 apparaît assez déprimant, en ce qu'il tend en effet à confirmer de sévères coupes budgétaires dans le soutien au spectacle vivant et à l'emploi artistique.
Le spectacle vivant subit la chute de ses crédits et, quoi que l'on en pense, la pérennité du plan Culture et ruralité n'est pas assurée. La baisse du soutien de l'État est incompréhensible dans un contexte où le spectacle vivant est en train de s'effondrer sous l'effet conjugué du désengagement des collectivités territoriales et de la hausse des coûts fixes. Une compagnie sur cinq pourrait ainsi disparaître. Face à ce constat dramatique, l'État aurait dû répondre présent, rehausser son soutien et non le sabrer.
Pour sa part, le soutien à l'emploi artistique accuse une baisse de 5 millions d'euros, soit 7 % de ses crédits.
Par ailleurs, le Fonpeps continue d'être sous-crédité à hauteur de 35 millions d'euros, alors que les besoins sont évalués à 55 millions d'euros.
Les crédits dévolus à la démocratie culturelle et à l'EAC sont également durement touchés. La loi de finances pour 2025 avait déjà supprimé 15 % de ces crédits, avec pour effet d'annuler des parcours artistiques dans les écoles et des résidences d'artistes, de diminuer des heures d'intervention dans les établissements scolaires ou d'amoindrir la portée des projets en zones rurales et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Ces constats pourraient donc s'aggraver en 2026.
Le pass Culture a été supprimé pour les 15-16 ans. Cela n'apparaît pas justifié, car c'est aussi un âge où l'on développe tout particulièrement ses goûts culturels. Le montant alloué aux plus de 18 ans a été réduit et une application de géolocalisation culturelle est censée garantir une meilleure transparence de l'offre culturelle, ce qui reste à démontrer. Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (GEST), favorable à un recentrage du pass, juge décevante la proposition avancée par le PLF en la matière. La diversification des pratiques n'est pas, non plus, assez renforcée.
Surtout, on peut regretter que l'économie de 43 millions d'euros ne soit pas redirigée vers le soutien à la création et, notamment, vers le spectacle vivant ou d'autres outils de démocratisation de la culture. La réforme du pass Culture doit être non une mesure d'économie, mais une manière de redistribuer plus efficacement les crédits d'un dispositif peu efficace et coûteux.
Quant aux festivals, je vous alerte sur la situation de ceux de la région Nouvelle-Aquitaine. Certains seront contraints, faute de financements suffisants, de faire une pause en 2026.
Les crédits consacrés à la culture avaient augmenté en 2022 et 2023, puis étaient restés stables en 2024 et 2025. Le PLF 2026 prévoit une baisse brutale de ces crédits. La ministre ne peut désormais plus se targuer d'avoir préservé le budget de la culture des coups de rabot de Bercy.
Pour toutes ces raisons, nous suivrons l'avis défavorable de la rapporteure.
M. François Patriat. - Avec 3,7 milliards d'euros de crédits pour 2026, la mission « Culture » prend certes part à l'effort budgétaire, mais n'oublions pas que le secteur de la culture a bénéficié d'un soutien important au cours des huit dernières années. Entre 2017 et 2025, les crédits qui lui ont été alloués ont augmenté de près de 1 milliard d'euros.
En ce qui concerne plus spécifiquement les crédits du programme 131 relatifs à la création, ils connaissent une hausse proche de 1 % en autorisations d'engagement (AE) et une diminution d'environ 3 % en crédits de paiement (CP). La création a été l'un des principaux bénéficiaires, de l'ordre de 25 %, de la hausse des crédits des dernières années. Cette hausse a accompagné l'essor du spectacle vivant observé pendant la même période.
Le programme 131 traduit des orientations stratégiques essentielles : le soutien à la diversité et au renouvellement de l'offre artistique, le renforcement de la place de la culture au coeur des territoires ruraux ou encore le soutien à l'emploi artistique.
Il permettra de financer la poursuite du plan Mieux produire, mieux diffuser pour le spectacle vivant et les arts visuels, grâce à une dotation de près de 15 millions d'euros. Ce plan reçoit un accueil favorable du secteur et a bénéficié, depuis 2024, d'une augmentation de crédits que l'on ne peut que saluer.
Le programme prévoit également les travaux de rénovation du Palais de Tokyo, avec un démarrage prévu début 2027.
Enfin, au sujet des festivals, le public est, d'année en année, au rendez-vous. On observe cette hausse de la fréquentation quand, dans le même temps, de nombreux festivals rencontrent des difficultés financières. Le baromètre des festivals du ministère de la culture a démontré que, en 2024, 46 % de ceux qui avaient répondu à l'enquête se trouvaient en situation de déficit.
La concertation mise en place de janvier à juin dernier sur l'avenir des festivals a permis d'apporter des réponses. Sur le long terme, leur modèle économique devra donc sans doute être repensé.
Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) votera en faveur des crédits relatifs à la création.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Ma collègue Sonia de La Provôté a pointé du doigt le sujet le plus important : dans un contexte difficile qui impose que chacun consente à des efforts, il n'y a ni stratégie nationale ni concertation approfondie, pourtant plus que jamais nécessaire, notamment avec les collectivités territoriales qui financent pour une large part aujourd'hui ce secteur.
L'État ne peut plus faire sans elles. Or des instances de concertation existent. Le Conseil des territoires pour la culture (CTC) n'a pas été réuni depuis plusieurs mois. En son sein, les différents niveaux de collectivités territoriales ont réclamé à la ministre la formation d'un groupe de travail qui se consacre à ces questions non seulement budgétaires, mais aussi de décentralisation - par exemple celle des labels qui qualifient un certain nombre de scènes et de salles et permettent un maillage territorial ; nombre de collectivités souhaiteraient que la labellisation porte sur les aspects davantage qualitatifs que quantitatifs.
Pourtant, les chantiers ne s'engagent pas. Les annonces du ministère - notamment sur le plan Culture et ruralité ou le pass Culture - sont toujours intervenues sans que les collectivités y soient impliquées et ne se sont jamais reposées sur ce que ces dernières faisaient déjà. Le plan Culture et ruralité aurait dû prendre en compte les réalisations des départements et des régions en matière d'accompagnement et de structuration de l'offre culturelle dans les territoires, avec l'émergence des compétences des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Il en résulte une perte d'énergie, au détriment de l'identification de solutions ou de dispositifs en place qui, tel le plan Mieux produire, mieux diffuser, nécessitent une co-construction.
Les acteurs de la culture sont extrêmement inquiets de ce qui se profile si une nouvelle loi de décentralisation est très prochainement adoptée, ainsi qu'on nous l'annonce. Ils craignent un chantier bâclé, qui ne prenne pas suffisamment en compte la spécificité du secteur culturel. Le spectacle vivant requiert par exemple le bénéfice de la compétence partagée.
Enfin, j'attire l'attention sur le fait que nous ne traitons pas uniquement du budget de la culture, mais aussi de celui de nos collectivités territoriales. Je m'inquiète par exemple de la proposition qui concerne le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), et qui prévoit de multiplier par deux, jusqu'à 500 millions d'euros, l'effort des régions. Or, comme le montre la Cour des comptes, ces dernières ne connaissent en réalité pas une situation plus enviable que celle d'autres niveaux de collectivités. Elles seraient alors conduites à se désengager elles-mêmes de certaines politiques culturelles.
Il nous faut être attentifs sur tous les fronts.
Mme Laurence Garnier. - Je rejoins notre rapporteure sur la question des engagements budgétaires pluriannuels relatifs au pass Culture : les financements en cours doivent être honorés.
Rappelons néanmoins ce à quoi correspond aujourd'hui principalement le pass Culture. Les abonnements les plus populaires auxquels il permet de souscrire sont en grande partie ceux des plateformes de streaming Netflix, Spotify et Deezer. En ce qui concerne les livres, ce sont avant tout des mangas qu'il permet à nos jeunes d'acquérir : les douze premiers ouvrages achetés appartiennent ainsi tous à cette catégorie. Dans l'état actuel de nos finances publiques, est-ce le rôle d'un outil de politique culturelle de financer d'abord l'achat de mangas ?
Le pass Culture permet encore l'achat de contenus de réseaux sociaux, au premier rang desquels nous trouvons notamment celui de Lena Situations, influenceuse particulièrement populaire auprès des jeunes filles. Or nous sommes nombreux à nous interroger sur les conséquences de la surconsommation de réseaux sociaux par nos adolescents et jeunes adultes. On ne peut à la fois estimer que les réseaux sociaux sont trop présents et en dénoncer les dangers, et en favoriser la consommation via le pass Culture.
M. Max Brisson. - Avec la mission « Culture » comme avec beaucoup d'autres, nous sommes arrivés au bout du chemin. Au cours des dernières années, chaque ministre a voulu, dans la société de communication qui est la nôtre, laisser sa trace par un dispositif nouveau. Ces dispositifs culturels se sont empilés les uns après les autres. Les pauvres Drac, aujourd'hui, n'en peuvent plus !
Aux grandes politiques structurantes qui ont fait l'honneur du ministère de la culture et de notre pays une exception culturelle, a succédé une politique des coups d'annonces, devenue à présent le mal de notre pays. La dette publique ramène la ministre, mais aussi chacun d'entre nous, aux réalités.
J'entends dire que tel ou tel dispositif est en péril à cause du rabot en action depuis trois ou quatre ans, et particulièrement cette année. Chacun, lorsqu'il défend l'un de ces dispositifs, est des plus convaincants et les arguments qu'il utilise sont des plus pertinents. Reste que notre État est au bord de la faillite et que c'est aussi un argument à mettre sur la table !
Ce qu'il manque sur le sujet de la culture comme sur bien d'autres, c'est une redéfinition des missions de l'État et des moyens affectés à ces missions.
Voilà pourquoi nous suivrons en définitive, bien que ce ne soit pas tout à fait pour les mêmes raisons, l'avis de la rapporteure.
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. - Merci à tous de vos remarques qui confortent l'analyse portée collectivement à l'issue des auditions que nous avons menées.
Je le dis avec gravité, c'est la première fois que je vous propose un avis défavorable. Une « simple » baisse de crédits m'aurait paru imposée par le contexte budgétaire actuel. Dans le PLF pour 2026, cette baisse se cumule cependant avec une augmentation du nombre des dispositifs de l'État, mais aussi de ceux des collectivités territoriales.
À l'approche des prochaines échéances électorales locales, de plus en plus de collectivités sont en effet tentées, afin de maîtriser les budgets, notamment dans le domaine de la culture, de procéder à un mode d'allocation des crédits par appels à projets. Du fait de l'absence de politique culturelle véritable, la part des montants distribués dans le secteur de la culture allant à la création, à la diffusion et au public se réduit ainsi au profit des coûts administratifs et de gestion.
L'avis que vous allez rendre est l'occasion d'alerter sur le caractère délétère de cette situation pour l'ensemble des acteurs de la culture. Certains de ces acteurs nous expliquent qu'une compagnie théâtrale, de danse ou d'arts de la rue répond à quarante ou cinquante appels à projets par an, pour n'obtenir en définitive de financements que pour cinq ou six d'entre eux. Cela représente des coûts d'administration et de gestion qui sont perdus tant pour elle que pour les structures publiques à l'origine des appels à projets et qui en traitent les dossiers. Nous sommes arrivés au bout de ce système.
Le seul plan Culture et ruralité comprend vingt-trois programmes différents. C'est pourquoi je suggère que les Drac aient la main sur les arbitrages territoriaux relatifs à l'affectation des crédits, afin de définir des priorités.
Enfin, je vous propose d'avoir en séance une action concertée et coordonnée en vue du réabondement du Fonpeps, qu'il me paraît plus transparent de décider au moment du vote de la loi de finances plutôt qu'en cours d'exercice budgétaire.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à la création, à la transmission et à la démocratisation de la culture au sein de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2026.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Lundi 3 novembre 2025
- Collège des directeurs d'école nationale supérieure d'architecture (ENSA) : Mmes Anne D'ORAZIO, directrice de l'ENSA Paris-La Villette, et Agnès BLONDIN, directrice de l'ENSA de Toulouse, et M. Cédric LIBERT, directeur de l'ENSA de Saint-Etienne.
Lundi 10 novembre 2025
- Association nationale des écoles supérieures d'art (ANdÉA) : M. Cédric LOIRE, co-président, historien d'art, professeur à l'école supérieure d'art de Clermont Métropole.
- Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) : M. David ROUSSEL, président, et Mme Anne-Claire GOURBIER, déléguée générale.
- Direction générale de la démocratie culturelle, des enseignements et de la recherche (DGDCER) : Mmes Naomi PERES, directrice générale, et Pascale PETIT-JEAN, cheffe du département des affaires générales, et M. Nathan MARCEL-MILLET, chef de cabinet.
Jeudi 13 novembre 2025
Table ronde des organisations professionnelles d'employeurs du spectacle vivant public :
- Les Forces musicales : M. Sébastien JUSTINE, directeur ;
- Syndeac : MM. Joris MATHIEU, coprésident, et Didier GRIMEL, directeur adjoint, et Mme Marion GOUEL, chargée de mission ;
- Scène Ensemble : Mmes Charlotte BARTISSOL, vice-présidente, Aurélie FOUCHER, directrice déléguée aux politiques culturelles et aux relations institutionnelles, et Sarah HEINTZ chargée de mission vie professionnelle et communication ;
- Synavi : M. Éric VANELLE, président, et Mme Emmanuelle GOURVITCH, déléguée aux affaires publiques ;
- Syndicat des cirques et compagnies de création (SCC) : M. Yannis JEAN, directeur.
- Ministère de la culture - direction générale de la création artistique (DGCA) : M. Christopher MILES, directeur général de la création artistique.
Vendredi 21 novembre 2025
- SAS Pass culture : Mme Laurence TISON-VUILLAUME, présidente.
CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- Association des Directeurs régionaux des affaires culturelles (DRAC)
- Ekhoscènes
- Syndicat des Musiques Actuelles (SMA)
ANNEXE
Audition de Mme Rachida Dati, ministre de la culture
MARDI 28 OCTOBRE 2025
___________
M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui Mme Rachida Dati, ministre de la culture, pour la traditionnelle audition budgétaire d'automne.
Madame la ministre, votre domaine de compétence recouvre des secteurs variés, qui ont pour point commun d'exprimer de fortes attentes.
Sur le patrimoine, le projet de loi de finances (PLF) marque une rupture profonde par rapport au dernier exercice budgétaire.
En 2025, les crédits du programme 175 « Patrimoines » avaient été d'abord préservés, puis fortement renforcés par un amendement gouvernemental présenté devant le Sénat. Vous nous indiquiez alors, madame la ministre, que cet abondement était indispensable face au « mur d'investissements » qui s'annonçait, et signait votre volonté de faire du patrimoine votre « grande priorité ».
Dans le projet de loi de finances pour 2026, ce sont ces mêmes crédits qui subissent les plus importantes mesures d'économies au sein de la mission « Culture », avec une diminution de près de 20 % en autorisations d'engagement (AE). La baisse est spectaculaire sur les crédits d'investissement des opérateurs, réduits de moitié.
Nous sommes bien sûr conscients du contexte budgétaire. Néanmoins, l'ampleur de cette baisse a de quoi surprendre, alors que de nombreux chantiers sont en cours, et que le cambriolage du Louvre a mis en évidence la dégradation et l'obsolescence de certains de nos monuments les plus emblématiques. Le projet Louvre - Nouvelle Renaissance doit ainsi être mis en place, notamment dans ses aspects sécuritaires ; la commission de la culture, qui s'est rendue au Louvre ce matin, a pu constater de visu que ses installations de sécurité n'étaient pas adaptées aux enjeux auxquels doit faire face un musée de cette importance au début du XXIe siècle.
Pourriez-vous donc nous préciser, madame la ministre, quels projets et quels chantiers patrimoniaux se trouveront sinon remis en cause, du moins fortement ralentis par ce budget ? Comment envisagez-vous de prendre en compte la problématique de la sécurité, en étendant cette réflexion à l'ensemble des musées français ?
Le domaine des industries culturelles, pris au sens large, appelle également toute votre attention.
Il est à nouveau annoncé un prélèvement de 15 millions d'euros sur le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER), comme l'année dernière. Vous aviez finalement obtenu un maintien de ces crédits ; qu'en sera-t-il cette année ?
Nous observons par ailleurs une baisse de la subvention au Centre national de la musique (CNM) de près de 7 millions d'euros, en contrepartie, il est vrai, d'un rehaussement des plafonds des deux taxes affectées. Pourriez-vous nous préciser votre vision à moyen terme de l'équilibre économique de ce nouvel opérateur ?
Vous évoquerez sans doute également à nouveau le projet de loi issu des États généraux de l'information (EGI), actuellement examiné par le Conseil d'État, et dont le calendrier d'examen reste flou. La question de la réforme de la distribution de la presse est toujours posée, à la suite de la mission Soriano. En attendant, la nouvelle baisse de certaines aides nous interroge, notamment en ce qui concerne le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP).
S'agissant du cinéma, une nouvelle ponction, certes limitée, est prévue sur la trésorerie du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), mais ce sont surtout les velléités de diminution des crédits d'impôt qui posent question, du fait de leurs répercussions possibles sur l'industrie cinématographique nationale.
Le secteur de la création artistique continue, quant à lui, de subir les effets du fléchissement généralisé des budgets publics consacrés à la culture, que l'Observatoire des politiques culturelles (OPC) qualifie de « moment de bascule très net ». Selon son baromètre national, près de 50 % des régions, départements, communes et métropoles ont diminué, entre 2024 et 2025, leur budget culturel, et ce quel que soit leur bord politique. Ce contexte budgétaire inédit fragilise et interroge le principe des financements croisés sur lequel sont bâtis de nombreux dispositifs en faveur de la création. Tel est notamment le cas du plan Mieux produire, mieux diffuser, dont vous nous parlerez sans doute, madame la ministre. L'année dernière, vous nous aviez dit vouloir mener une réflexion globale sur le modèle économique du spectacle vivant. Un an plus tard, avez-vous avancé sur ce dossier ?
En matière de démocratisation culturelle, cette année est marquée par le déploiement de la réforme de la part individuelle du pass Culture, dont nous avions beaucoup débattu lors de l'examen du PLF pour 2025. Vous nous direz si celle-ci est désormais pleinement opérationnelle et quels en sont les premiers effets sur les comportements des jeunes. Sur le plan budgétaire, l'enveloppe consacrée à cette part individuelle continuera de décroître l'année prochaine. Si ce recalibrage tant stratégique que budgétaire du dispositif était nécessaire, nous nous interrogeons sur le contenu à venir de la politique de démocratisation de l'accès des jeunes à la culture, dont le pass était devenu le dispositif phare, et ce d'autant que sa part collective a été gelée en cours d'année, entraînant l'annulation de certaines actions d'éducation artistique et culturelle.
Enfin, les crédits de l'audiovisuel public poursuivent une trajectoire de décroissance jusqu'en 2028, avec une baisse de 71 millions d'euros l'an prochain, après une diminution déjà significative l'an dernier.
Cet effort, supporté pour une large part par France Télévisions, place les sociétés dans une situation complexe. La Cour des comptes a récemment attiré l'attention sur la fragilité du modèle économique de France Télévisions, qualifié d'impasse. Par ailleurs, la réduction des crédits de l'audiovisuel public peut avoir des conséquences économiques négatives en chaîne dans l'ensemble de la filière audiovisuelle.
Dans ce contexte, les ambitions de l'État demeurent floues, en l'absence de contrats d'objectifs et de moyens (COM). Or, étant donné la réduction des subventions budgétaires, il revient au ministère de préciser la nature des gains d'efficience souhaités. La réforme de la gouvernance adoptée au Sénat en juillet dernier est par ailleurs indispensable.
Mais ces questions, pourtant essentielles, sont parasitées par la polémique sur l'impartialité de l'audiovisuel public. Des garanties doivent être apportées afin de lever toute ambiguïté et de consolider la confiance du public.
Voilà, madame la ministre, quelques-uns des nombreux sujets sur lesquels nous attendons vos explications. Après votre intervention liminaire, vous serez interrogée par nos rapporteurs pour avis, puis par les collègues qui le souhaiteront.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. - Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de débuter cette audition majeure relative au budget du ministère de la culture, je souhaite revenir sur le vol spectaculaire qui a eu lieu au musée du Louvre le dimanche 19 octobre. Je souhaite faire le point sur ce cambriolage qui a choqué tous les Français, et même le monde entier, mais aussi les 2 200 agents du musée.
Lors de ce vol, il n'y a pas eu de défaillance interne des dispositifs de sécurité qui étaient installés à cette date : les alarmes ont fonctionné ; les agents ont suivi à la lettre les protocoles qui doivent s'appliquer dans de telles circonstances ; les effectifs prévus étaient en salle. Il est essentiel que soit reconnue la réactivité des agents du Louvre, qui a permis d'alerter les forces de police dans la minute et de mettre en sécurité le public présent dans le musée. Pour autant, le fait que ce vol spectaculaire ait eu lieu représente bel et bien un échec.
Des failles sécuritaires ont bien existé, et il faudra y remédier. C'est tout le sens des trois initiatives que j'ai prises immédiatement.
Le lundi 20 octobre, soit le lendemain du cambriolage, j'ai adressé un télégramme, cosigné avec le ministre de l'intérieur, à l'ensemble des directions régionales des affaires culturelles (Drac) et aux préfets afin qu'ils exercent immédiatement une vigilance accrue à l'égard des espaces et des oeuvres sensibles, que l'échange d'informations entre les établissements culturels et les forces de sécurité soit renforcé et que soient recensés tous les lieux pouvant contenir des objets de valeur.
Le mardi 21 octobre, j'ai annoncé l'ouverture d'une enquête administrative dont les conclusions, rédigées sur la base de nombreuses auditions et analyses de documents internes, seront rendues mercredi soir prochain.
Le même jour, j'ai annoncé devant l'Assemblée nationale l'ouverture de la mission parlementaire confiée par le Premier ministre, sur ma proposition, à M. Jérémie Patrier-Leitus, dont le rôle sera d'émettre des préconisations rapides sur la manière de mieux sécuriser nos établissements culturels en agissant sur la gouvernance, le process, le pilotage et le financement.
Les conclusions de l'enquête administrative et de la mission parlementaire nous permettront de faire toute la lumière sur les défaillances, les manquements et les responsabilités. Je prendrai en toute transparence les mesures qui s'imposent à cet égard, d'une part, pour sécuriser très rapidement le musée, et, d'autre part, en vue d'instaurer une nouvelle organisation, plus adaptée.
À ce stade, je ne peux pas en dire plus.
J'entends certains demander qu'une tête tombe... Vous comprendrez que l'arbitraire ne peut avoir sa place dans de telles circonstances. Pour autant, les mesures que j'annoncerai seront une réponse aux manquements et aux défaillances constatés. Un tel événement ne peut pas rester sans conséquences, ni sans action immédiate en ce qui concerne les responsabilités.
Je vais désormais aborder le projet de budget du ministère de la culture pour 2026.
Chacun d'entre vous connaît le contexte dans lequel ce projet de budget prend place, et dont j'ai pleinement conscience. Je souhaite avoir avec vous un débat très éclairé sur chacune des missions du ministère de la culture, les enjeux à venir et les défis à relever, qu'il est essentiel d'identifier compte tenu des urgences auxquelles la France est confrontée et de la nécessité de rétablir nos finances publiques.
Dans ce double contexte, le projet de budget pour 2026 maintient un très haut niveau d'ambition pour la culture. Les priorités qu'il porte, que je détaillerai, ainsi que la conduite de l'action du ministère obéiront à la même ambition.
Je considère que la culture est une politique régalienne dans toutes ses dimensions : cohésion, intégration, réduction des inégalités et apprentissage tout au long de la vie des valeurs de la République. La culture française est, d'ailleurs, une valeur républicaine. Ce projet de budget en est la traduction.
Le niveau du budget total du ministère de la culture pour 2026, soit plus de 8,3 milliards d'euros, est supérieur à celui de 2023. Tous les secteurs disposeront des moyens nécessaires pour répondre aux enjeux que je viens de vous décrire.
S'agissant de la création artistique, les moyens alloués cette année au programme 131 « Création » demeureront à un niveau quasiment équivalent à celui de 2025, avec plus de 1 milliard d'euros de crédits prévus. La moitié de ces crédits, soit 450 millions d'euros, sera consacrée à nos territoires. Il s'agit pour moi d'une priorité constante depuis mon arrivée au ministère de la culture : dans un contexte où les acteurs souffrent du désengagement de certaines collectivités, l'État se doit d'être exemplaire et présent en particulier pour ceux qui sont le plus éloignés de la culture, notamment dans les territoires ruraux. Ces crédits renforceront le plan Culture et ruralité que j'ai lancé dès que j'ai pris mes fonctions : à ce jour, 60 millions d'euros y ont déjà été consacrés, en deux ans.
Les résultats sont tangibles : 70 festivals soutenus dans l'Hexagone et dans les outre-mer ; 4 millions d'euros consacrés aux projets d'artothèques dans 43 départements, afin que ceux-ci puissent enrichir leurs collections et fassent entrer l'art dans le quotidien de millions de Français ; 240 résidences d'artistes soutenues par les Drac au cours des deux dernières années. Par ailleurs, un tiers de la dotation du programme 131 contribuera au financement des 14 opérateurs nationaux de la création, qui bénéficieront de près de 363 millions d'euros.
Le soutien à l'emploi artistique se poursuivra en 2026. Dans ce contexte où tout peut être remis en cause, j'ai obtenu - et c'est un engagement que j'avais pris devant les organisations syndicales - la prorogation du fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps). Il n'y a donc pas de renoncement quant au soutien à l'emploi pérenne dans le spectacle.
Mon ambition en matière de création artistique, en particulier dans les territoires, est intacte : la culture doit être accessible à tous les Français et dans tous les territoires.
Le vol qui a eu lieu au musée du Louvre nous montre combien il est important de défendre et de soutenir notre patrimoine et nos musées. Il s'agit d'un engagement constant du Président de la République puisque, entre 2017 et 2025, le budget du patrimoine a augmenté de 39 %. Ceux qui affirment que le patrimoine est une variable d'ajustement ne disent donc pas la vérité.
Dans le dernier budget, alors même que les contraintes budgétaires étaient importantes, un amendement gouvernemental a permis d'abonder le budget du patrimoine de plus de 275 millions d'euros. Grâce à votre soutien, monsieur le président Lafon, le budget du patrimoine a bénéficié de cette augmentation inédite, et je vous en remercie.
Nous défendons sans relâche la conviction que le patrimoine est la première porte d'entrée vers la culture. Cette année, plus de 1,15 milliard d'euros y sera consacré. Ces crédits permettront la poursuite des projets en cours : rénovation du Centre Pompidou, qui a fermé ses portes le week-end dernier ; préservation et modernisation de plusieurs établissements - Fontainebleau, Versailles, archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine - ; restauration du Palais de la Cité, consolidation de la Tour Saint-Nicolas à la Rochelle, etc.
Investir dans le patrimoine et dans la création artistique n'a de sens que si tous nos concitoyens, où qu'ils vivent, ont accès non seulement à la culture mais aussi aux métiers de la culture. Tel est l'objet du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », doté de 723 millions d'euros, autant de moyens permettant de poursuivre le déploiement des politiques publiques d'accès à la culture. Dans cette enveloppe, j'ai fait le choix de la formation, de la médiation, de l'égalité des chances, de l'accompagnement, du soutien aux équipements culturels et aux écoles.
S'agissant du pass Culture, j'avais dit dès ma prise de fonctions que cet outil, indispensable, devait être mieux ciblé, mieux géolocalisé - ce n'était pas le cas à l'époque - et plus diversifié pour empêcher qu'il ne devienne un outil de reproduction sociale. Pour cette raison, j'ai recentré ce dispositif sur les jeunes âgés de 17 à 21 ans, avec un bonus de 50 euros pour ceux dont les parents ont des revenus modestes et pour les jeunes en situation de handicap, afin que cet outil soit plus équitable. J'ai souhaité aussi y intégrer de la médiation, ce qui n'existait pas auparavant.
Ce dispositif ainsi renouvelé a permis de favoriser l'accès à la culture dans les territoires et de donner accès à de nouvelles formes de culture grâce, notamment, à la médiation. Davantage de jeunes ont accès à la culture, dans davantage d'endroits et sous des formes plus diverses, tout en s'ouvrant aux métiers de la culture.
Concrètement, la part individuelle du pass Culture représentait près de 12 millions de réservations en 2024. Près de 45 % de ces réservations concernent des offres Duo. C'est la preuve que le pass Culture est aussi un outil au service du partage et du lien social.
Au travers de la part collective du pass Culture, plus de 70 % des élèves du secondaire ont bénéficié d'une action d'éducation artistique et culturelle (EAC), ce qui représente une forte augmentation, laquelle est liée à la nouvelle articulation entre part collective et part individuelle du pass Culture : la première permet d'accéder à la culture et la seconde de s'autonomiser dans le domaine des choix culturels. Mais tout n'est pas parfait : il faut chercher à atteindre, encore et toujours, les populations et les jeunes qui n'ont pas accès à la culture.
Concernant la mission « Médias, livre et industries culturelles », le projet de budget prévoit une baisse d'environ 4 % par rapport à 2025. Le Gouvernement est tout à fait conscient que les médias traditionnels évoluent dans un contexte économique de plus en plus dégradé. C'est pour répondre à cet enjeu, qui est aussi un enjeu démocratique, que je présenterai prochainement un texte visant à traduire les recommandations des États généraux de l'information.
Le contexte actuel affecte notamment les éditeurs de presse. Les aides au pluralisme seront donc maintenues à un niveau de 23,2 millions d'euros, tandis que l'aide à la distribution, en baisse d'un tiers l'an dernier, sera relevée en 2026 pour accompagner la modernisation des réseaux de distribution et d'imprimerie.
La dotation du fonds stratégique pour le développement de la presse est ramenée à 13,5 millions d'euros. En cas de signature d'un contrat de modernisation sur la distribution de la presse, cette enveloppe devra être consolidée.
Un mot de la diminution des moyens alloués au fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, en baisse de 16 millions d'euros par rapport à 2025. Je sais le rôle essentiel joué par les radios associatives : je ne doute pas que, comme l'année dernière, nous pourrons leur redonner des moyens et rétablir ces crédits.
En ce qui concerne le programme 334 « Livre et industries culturelles », ses crédits pour 2026 s'établissent à 343 millions d'euros. La baisse contenue à 2 % n'entamera pas les grands projets liés au livre et à la lecture. Je pense notamment au financement du chantier du nouveau pôle de conservation de la Bibliothèque nationale de France (BNF) à Amiens et au relogement de la Bibliothèque publique d'information (BPI) durant la fermeture du Centre Pompidou, qui sont d'ores et déjà financés.
Nous avons choisi de soutenir très fortement les bibliothèques, premier maillage culturel de notre pays, comptant plus de 15 500 établissements. Notre politique permet d'atteindre à ce jour le nombre record de près de 7 millions de personnes inscrites en bibliothèque. À la fin de l'année 2025, nous aurons signé des contrats départementaux de lecture avec 83 départements pour développer la lecture et enrichir les collections des bibliothèques rurales.
J'avais pris un autre engagement au sujet des horaires d'ouverture des bibliothèques. Cette année, plus de 250 projets d'extension de ces horaires ont été soutenus, pour une durée d'ouverture supplémentaire moyenne de neuf heures trente par semaine. Depuis le lancement de cette initiative, 15 millions de nos concitoyens en bénéficient.
Par ailleurs, certains d'entre vous m'ont adressé des courriers au sujet de la Maison du dessin de presse. Le projet a été acté, les travaux débuteront à la fin de 2026 en vue d'une ouverture en 2027. L'ensemble du financement est d'ailleurs prévu dans ce projet de loi de finances.
Pour ce qui concerne le Centre national de la musique, comme je m'y étais engagée, les plafonds des taxes affectées seront relevés de 8 millions d'euros en 2026 et respectivement portés à 58 millions d'euros pour la taxe sur la billetterie et à 21 millions d'euros pour la taxe sur le streaming. Cette mesure permettra d'éviter un écrêtement l'année prochaine, compte tenu des prévisions de recettes. La surfiscalité pesant sur le secteur lui reviendra donc intégralement, conformément à l'engagement que j'avais pris devant vous.
Vous le savez, nous prévoyons de contribuer à l'effort budgétaire à hauteur de 71 millions d'euros pour l'audiovisuel public, répartis ainsi : une baisse de 65,3 millions d'euros pour France Télévisions ; 4,1 millions d'euros pour Radio France ; 1,5 million d'euros pour l'Institut national de l'audiovisuel (INA). C'est vrai, cette trajectoire de baisse des crédits constitue un vrai défi pour France Télévisions et annonce des difficultés importantes pour son écosystème, en particulier celui de la production. Je mesure l'inquiétude qu'elle suscite.
En outre, la priorité est de donner un nouvel élan, un nouveau cap à l'audiovisuel public, en améliorant son efficacité, pour que le service public s'adresse à tous, ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le président. Telle est d'ailleurs l'ambition de la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle du président Lafon, que nous avons défendue ensemble et qui devrait être prochainement examinée par l'Assemblée nationale.
En ce qui concerne le CNC, après le prélèvement sur trésorerie de 500 millions d'euros déjà opéré par le PLF pour 2025, un nouveau prélèvement sur trésorerie est prévu dans le PLF pour 2026 à hauteur de 50 millions d'euros, ce montant ayant été fortement réduit par rapport à celui qui était initialement prévu. Je rappelle avec force que le financement du CNC repose sur des taxes spéciales, dont le produit est reversé aux entreprises du secteur, et ne coûte pas un euro d'argent public au budget de l'État. J'assume ce nouveau prélèvement sur trésorerie, mais il ne saurait être d'un montant supérieur ou être réitéré après 2026. En effet, ce prélèvement n'est possible qu'en raison des rendements de taxes supérieurs aux prévisions, et la trésorerie de l'institution ne peut être de nouveau réduite.
Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis mon arrivée au ministère de la culture, j'ai tenu tous mes engagements : favoriser l'accès à la culture, réinvestir les territoires ruraux, défendre notre patrimoine, voilà ce qui guide mon action depuis le premier jour. En témoignent le plan Culture et ruralité, très opérationnel, qui se déploie encore cette année ; la réforme du pass Culture ; l'adoption de l'amendement abondant le programme « Patrimoines » dans le PLF de l'an dernier - je vous en remercie de nouveau - ; l'exonération des droits d'inscription pour les étudiants boursiers dans toutes les écoles d'art - il s'agit d'une première, ces étudiants devant payer des frais de scolarité parfois onéreux - ; la création d'une nouvelle direction générale de la démocratie culturelle, des enseignements et de la recherche dans le ministère, pour se confronter à une situation de l'apprentissage et de l'alternance très compliquée, de nombreuses écoles posant des défis de formation, de reconnaissance des diplômes, de débouchés et de suivi des étudiants ; le lancement du label Éducation populaire pour la culture, parce que les acteurs de l'éducation populaire sont des acteurs majeurs pour l'accès à la culture et la réduction des inégalités - ils n'avaient pas été reçus au ministère de la culture depuis plus de 40 ans - ; les opérations Premières pages et Ma première carte de bibliothèque - celle qui est remise au moment de la déclaration de naissance - ont rencontré un véritable engouement.
Certains ont tenté de mettre en avant un prétendu désengagement de l'État sur la culture ; les chiffres démontrent le contraire. Dans un contexte de désengagement des collectivités, j'ai souhaité que l'État et le ministère soient exemplaires. J'y insiste, la culture est un choix politique. Se désengager de la culture coûterait à mon sens plus cher à la société, notamment en matière de cohésion, que de rester engagé. L'État est au rendez-vous avec ce projet de budget pour 2026, qui témoigne du fait que l'ambition est préservée et renouvelée. Cette audition sera pour moi l'occasion de démontrer, chiffres à l'appui, que nous tenons nos engagements.
M. Laurent Lafon, président. - Madame la ministre, permettez-moi de vous interroger sur le Louvre : le Gouvernement déposera-t-il un amendement visant à augmenter les crédits pour assurer l'application du schéma directeur des équipements de sûreté du Louvre, et un autre amendement ayant pour objet d'accroître la sécurité de l'ensemble des musées ?
Mme Rachida Dati, ministre. - En Europe, nous sommes les seuls à confier au ministère de la culture et à la direction générale des patrimoines et de l'architecture une mission dédiée à la sécurité et à la sûreté de nos musées. À la demande des musées, cette direction sillonne le territoire. Nous apprenons toujours de nos échecs et des situations de crise : nous renforcerons les moyens et les financements de cette direction.
En ce qui concerne le Louvre, je ne veux ni aller trop loin ni anticiper les conclusions de l'enquête administrative. Il est évident que le projet « Louvre - Nouvelle Renaissance » a été accéléré pour faire face à la nécessité d'assurer la sûreté et la sécurité du musée. Il est prévu de doter de 450 millions d'euros le schéma directeur de sûreté et de sécurité de l'établissement, qui comprend `un volet de 80 millions d'euros relatif aux équipements de sûreté. Dès la remise des conclusions de l'enquête, ces financements seront évidemment accélérés.
En outre, nous sommes en discussion avec les parlementaires au sujet de la création d'un fonds global dédié à la sécurité et à la sûreté de nos musées, pour déterminer les montants qui pourraient lui être affectés.
Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis du programme « Patrimoines ». - Madame la ministre, je vous remercie de votre présentation, très attendue par la commission de la culture. Je m'inquiète de la baisse des crédits affectés au patrimoine dans le PLF pour 2026, alors que les besoins de réhabilitation de notre patrimoine bâti sont immenses, comme vous en conveniez vous-même l'an passé.
La baisse de crédits concerne principalement les monuments historiques, qui perdent 210 millions d'euros en autorisations d'engagement et 114 millions d'euros en crédits de paiement, soit respectivement un tiers et un cinquième de leur budget de l'année dernière.
Cette baisse touchera fortement les opérateurs, notamment le Centre des monuments nationaux (CMN), qui devra pourtant absorber une activité supplémentaire liée à la réouverture des tours de Notre-Dame de Paris et du palais du Tau à Reims, tout en poursuivant notamment les restaurations de la Conciergerie ou de l'abbatiale du Mont-Saint-Michel.
Elle touchera également plusieurs dispositifs cruciaux pour l'entretien et la rénovation des monuments historiques dans les territoires : les crédits d'intervention des directions régionales des affaires culturelles (Drac) reculent de plus de 45 millions d'euros, ceux du fonds incitatif et partenarial (Fip) sont réduits de moitié, tandis que les crédits de base du loto du patrimoine sont tout simplement supprimés.
Madame la ministre, quelles perspectives pouvez-vous donc tracer pour tous les acteurs qui oeuvrent inlassablement à la poursuite des chantiers, dans des conditions de plus en plus difficiles ?
Il semble du reste que le Gouvernement envisage quelques mesures correctives ou complémentaires, sur lesquelles des précisions seraient bienvenues. Le samedi 25 octobre dernier, lors de la séance publique à l'Assemblée nationale, la ministre chargée des comptes publics Amélie de Montchalin a alerté sur la situation du château de Chambord, dont l'une des ailes nécessite des travaux à hauteur de 8 millions d'euros. Prévoyez-vous de déposer un amendement en ce sens ?
Par ailleurs, vous avez vous-même annoncé la mise en place du « fonds sûreté dédié à la sécurisation de nos sites patrimoniaux ». Les établissements de province seront-ils également concernés ?
Dans ce contexte, j'ose à peine vous interroger sur ce qui constitue l'un de mes chevaux de bataille : la préservation du patrimoine bâti dans le cadre des travaux de rénovation énergétique. Comment ce sujet est-il pris en compte dans le cadre de ce projet de loi de finances, et plus largement dans les orientations quotidiennes de votre ministère ? Où en sont, en particulier, les évolutions un temps envisagées sur le développement d'un diagnostic de performance énergétique (DPE) « patrimonial » ?
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». - Avant d'en venir à mes questions, je souhaite relayer l'inquiétude profonde et légitime des acteurs culturels - artistes, compagnies, structures de diffusion, établissements d'enseignement artistique, associations, collectivités locales - qui voient leurs moyens se réduire année après année.
La culture est aujourd'hui sous tension, prise dans un étau budgétaire : d'un côté, les collectivités locales, pourtant pilier du financement culturel, sont contraintes de réduire leurs interventions en raison de la baisse de leurs ressources ; de l'autre, l'État, qui devrait pourtant jouer un rôle de garant et de stabilisateur, réduit aussi la voilure, en particulier dans les programmes de soutien à la création et à la transmission des savoirs. De même que ma collègue Sabine Drexler, je constate plutôt des baisses de crédits que des hausses des budgets qui nous concernent. Cette double contraction des crédits, tant locale que nationale, fragilise un écosystème déjà éprouvé. Des projets sont annulés, des compagnies disparaissent, des équipes artistiques peinent à boucler leur budget, des écoles d'art craignent pour leur avenir. Derrière les chiffres, ce sont des emplois, des parcours et des ambitions culturelles qui vacillent, et nous devons nous résigner par rapport à nos objectifs d'émancipation et de cohésion.
Pour ce qui concerne le programme 131 « Création », un sujet de préoccupation majeur porte sur la situation du Fonpeps, destiné à soutenir l'emploi pérenne dans le spectacle vivant. Avec des crédits de 35,1 millions d'euros en 2025, le Fonpeps est depuis plusieurs années sous-dimensionné au regard de son utilisation réelle et des besoins qu'il est censé couvrir, estimés autour de 55 millions d'euros. Ce manque de financement conduit à d'importants retards, voire à la suspension du versement des aides aux entreprises artistiques et culturelles, alors que celles-ci connaissent déjà des difficultés de trésorerie.
Le PLF pour 2026 ne changera en rien cette situation puisque la dotation budgétaire proposée pour l'année prochaine, de nouveau de 35,1 millions d'euros, est sous-calibrée. À cette situation s'ajoute la question de la prorogation du fonds, qui arrive à échéance le 31 décembre prochain. Madame la ministre, où en est le travail interministériel actuellement en cours sur l'avenir du dispositif ? Vous engagez-vous à préserver le Fonpeps sous sa forme actuelle, qui comprend trois mesures, ou serez-vous contrainte par Bercy à réduire sa voilure ? À quel périmètre correspond la dotation prévue dans ce projet de budget : l'ancien ou le nouveau ?
Ma deuxième réflexion, plus générale, a pour sujet le financement de la politique publique en faveur de la création. De nombreux dispositifs reposent sur des financements croisés entre l'État et les collectivités ; c'est notamment le cas du plan Mieux produire, mieux diffuser. Si ce système fonctionne bien en période de stabilité budgétaire ou de croissance, sa fragilité est évidente lorsque le contexte budgétaire est dégradé. Le désengagement d'un financeur public a des répercussions en cascade sur l'ensemble de l'écosystème de la création. La situation actuelle montre que nous sommes sans doute arrivés à un point de bascule. Madame la ministre, votre ministère conduit-il une observation précise de la baisse du soutien public à la culture ? Mène-t-il une réflexion sur l'avenir du partage de la compétence culturelle et sur son financement ?
J'en viens au programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui accuse, pour la deuxième année consécutive, une forte diminution de ses crédits, avec - 37 millions d'euros, largement imputable à la baisse de la dotation attribuée à la part individuelle du pass Culture. Alors que la réforme est en cours de déploiement, l'année 2025 semble marquée par une diminution notable des décaissements, de - 16 % à la moitié de l'année. N'est-ce pas le signe, madame la ministre, que la refonte du dispositif ne prend pas auprès des jeunes, dont le taux de satisfaction est d'ailleurs en baisse selon une enquête de la SAS Pass Culture, mentionnée dans les réponses au questionnaire budgétaire qui a été adressé à votre ministère ? Concernant la SAS, qui deviendra enfin opérateur de l'État le 1er janvier prochain - souhaitons-le ! -, pouvez-vous nous indiquer les grandes lignes de son contrat d'objectifs et de performance après cette mise à jour ?
J'ajoute que le gel de la part collective du pass Culture, qui dépend du ministère de l'éducation nationale, a des effets catastrophiques sur les actions d'éducation artistique et culturelle menées par les établissements scolaires. Cela montre bien que réduire la politique publique d'EAC à un seul outil, qui a été recentralisé, est dangereux.
Un mot au sujet de l'enseignement supérieur artistique : madame la ministre, vous avez annoncé en mars 2024 un plan global de réforme des écoles d'art. Plus d'un an et demi plus tard, qu'en est-il devenu ? Le fonds de soutien partenarial visant à un rebasage pérenne des contributions publiques aux écoles n'a pas été mis en place ; la cartographie de l'offre de formation n'a été réalisée que dans deux régions expérimentales, et nous sommes sans nouvelle des missions confiées aux instances de contrôle pour objectiver la situation financière des écoles. Quelles sont vos intentions et vos marges de manoeuvre pour réformer l'enseignement supérieur artistique public ?
Enfin, je souhaite appeler votre attention sur la mise en oeuvre du plan Culture et ruralité et du fonds d'innovation territoriale. Vous l'avez mentionné, mais de nombreux retours nous montrent que, sur le terrain, alors que ces outils sont présentés comme essentiels dans l'accompagnement des territoires ruraux et périurbains dans la conduite de leurs projets culturels, les collectivités ne savent toujours pas comment accéder concrètement à ces crédits ni selon quelles modalités ils sont déployés. Les collectivités locales et les acteurs culturels développant des projets en ruralité nous alertent sur ce point. Aussi, pouvez-vous préciser comment ces dispositifs seront effectivement mobilisables par les collectivités, et selon quel calendrier ? Quelles garanties votre ministère peut-il apporter pour que ces outils ne restent pas lettre morte, mais deviennent de véritables instruments d'équité territoriale et d'innovation culturelle dans les territoires ?
M. Cédric Vial, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel public. - Représentant 4 milliards d'euros, l'audiovisuel public est une politique importante du ministère de la culture et une ambition forte de la Nation qui, de plus, défend la francophonie et la culture française à l'étranger.
Dans le PLF 2026, sont demandés à l'audiovisuel public 71 millions d'euros d'économies, dont 65 millions à France Télévisions. Cette trajectoire est-elle appelée à se prolonger en au cours des prochaines années ? Est-ce un effort ponctuel, après les 80 millions d'euros d'économies sollicitées l'année dernière ? Comment envisager ces baisses de crédits sans redéfinir un périmètre et de nouvelles priorités pour l'audiovisuel public ?
L'État doit assigner des objectifs clairs à l'audiovisuel public. Or il donne des signaux contradictoires, notamment pour ce qui concerne France Télévisions. Après avoir acté il y a deux ans une augmentation des concours publics de plus de 10 % pour la période 2024-2028, l'État demande maintenant des économies. Dans ces conditions, sans objectifs clairs, comment mener les réformes nécessaires ?
La Cour des comptes note que ces économies rendent « inéluctables des réformes structurelles d'ampleur ». Comment comptez-vous vous assurer que ces économies répondront aux souhaits de la représentation nationale et de votre ministère ? Ces économies doivent être structurelles, mais je crains qu'elles ne se fassent au détriment de la qualité des programmes et que les rediffusions ne soient, par exemple, privilégiées.
Arte France, France Médias Monde et TV5 Monde sont toutefois relativement préservées, avec des subventions reconduites à l'identique. - ?''Cela résulte-t-il d'une volonté de préserver nos chaînes internationales ? Si c'est le cas, le ministère des affaires étrangères sera-t-il amené à contribuer davantage au financement de ces trois chaînes ? Quels sont les objectifs et les réorganisations que vous envisagez, madame la ministre, pour ces chaînes ? Où en est l'actualisation du projet de contrats d'objectifs et de moyens d'Arte ? Dans la mesure où Arte n'est pas concernée par la réforme de la gouvernance et la création d'une holding, on ne comprend pas très bien ce retard - j'ai bien conscience du contexte politique difficile. Allez-vous fixer un cap et des objectifs clairs ?
M. Michel Laugier, rapporteur pour avis des crédits de la presse. - Madame la ministre, grâce à vous, j'ai l'impression de ne pas vieillir, voire de rajeunir : les problématiques restent les mêmes d'un PLF à l'autre.
Une nouvelle fois, le PLF prévoit une diminution drastique des crédits du FSER, qui perdrait près de 16 millions d'euros. C'était 10 millions d'euros l'année précédente, mais, après nos discussions parlementaires, vous aviez décidé de rétablir ces crédits. Or les 750 radios concernées contribuent indéniablement à la préservation des liens de proximité et au pluralisme de l'information au niveau local. N'est-ce pas particulièrement dommageable pour notre démocratie, à l'approche des élections municipales, de priver ces radios d'un tel soutien ?
Après le rapport de l'inspection générale des finances (IGF) et la mission de concertation confiée à Sébastien Soriano, dont les propositions ont été reçues parfois fraîchement par les éditeurs, allons-nous enfin vers une réforme de la distribution de la presse imprimée en 2026, accompagnée d'une réforme des aides ? Le PLF pour 2026 prévoit une diminution importante des crédits du FSDP, déjà très touché en 2025 par les gels budgétaires : ne risquons-nous pas de perdre un moyen indispensable pour inciter les acteurs de cette réforme à aller de l'avant ?
Enfin, le feuilleton des droits voisins se poursuit, avec notamment la décision prise par l'Alliance de la presse d'information générale (Apig) de saisir l'autorité de la concurrence contre Meta. L'enjeu de cette affaire est considérable. Le projet de loi issu des États généraux de l'information aborde-t-il ce sujet des droits voisins ?
M. François Patriat, rapporteur pour avis du programme 334 « Livre et des industries culturelles ». - Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, je salue les avancées et les engagements que vous avez su tenir, madame la ministre.
Le CNM voit les plafonds de ses deux taxes affectées « billetterie » et « streaming » rehaussés de 8 millions d'euros au sein du PLF 2026, ce dont nous nous félicitons, même si la diminution concomitante des dotations de l'État relativise cette progression.
En octobre 2024, la Cour des comptes estimait que cet opérateur n'avait pas de stratégie claire en matière d'attribution des aides. Elle lui avait recommandé d'investir davantage dans le développement international, l'innovation et la structuration du tissu économique pour garantir la diversité de la filière et la souveraineté culturelle. Ces recommandations ont-elles été suivies d'effets, afin d'écarter les critiques et d'installer définitivement le CNM dans le paysage de l'industrie musicale française ?
La presse a récemment évoqué la volonté du Gouvernement, à l'occasion d'un contentieux au niveau européen, de promouvoir l'idée d'une nouvelle taxe sur la pratique du téléchargement hors ligne que proposent les services de streaming, au motif que cette pratique relèverait de la copie privée. En effet, toutes les plateformes ou presque permettent d'enregistrer localement des fichiers - chansons, épisodes de série, films, documentaires, etc. Certains estiment cependant que cette taxe serait redondante avec celle qui frappe déjà les équipements à l'achat au même motif que la copie privée. Qu'en est-il de cette démarche ? A-t-elle des chances d'aboutir ?
M. Laurent Lafon, président. - Je vous lirai les questions de M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis des crédits du cinéma, qui ne peut être présent.
M. Bacchi se réjouit que la ponction prévue sur la trésorerie du CNC par le PLF 2026 n'excède pas 50 millions d'euros.
En revanche, il est plus préoccupé par les attaques sur le crédit d'impôt cinéma et par les tentatives pour écrêter les taxes affectées au CNC lors de l'examen du budget en cours à l'Assemblée nationale. L'industrie du cinéma est un fleuron national, mais elle est fragile : il en veut pour preuve les effets de la baisse de fréquentation des salles depuis le début de l'année, qui met en difficulté plusieurs acteurs de la filière. Quel soutien comptez-vous apporter à celle-ci pour surmonter cette mauvaise passe ?
Par ailleurs, M. Bacchi s'inquiète des attaques récurrentes contre la chronologie des médias. Celle-ci est prise dans un véritable feu croisé en provenance de Netflix et Amazon Prime, dont les recours sont pendants devant le Conseil d'État et l'Autorité de la concurrence, qui s'est autosaisie de la question, tandis que Canal Plus a fermement conditionné ses engagements à la préservation de sa fenêtre de diffusion précoce. Pourriez-vous nous dire à quelle échéance sont attendues ces décisions juridictionnelles, et quelle sera votre stratégie pour faire face aux éventuelles remises en cause de la chronologie des médias qui pourraient en découler ?
Enfin, le Parlement européen a récemment demandé à la Commission européenne de mieux défendre la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA) face aux attaques des États-Unis. Où en sommes-nous dans le processus d'évaluation de cette directive, en cours depuis plusieurs mois, et à quelles réformes pourrait-il aboutir ?
Mme Rachida Dati, ministre. - Le budget du patrimoine a augmenté de 39 % entre 2017 et 2025. Jamais l'augmentation n'a été aussi forte en quinze ans. Le patrimoine est bien une priorité du ministère de la culture, priorité que j'ai amplifiée avec le plan Culture et ruralité, qui s'intéresse notamment au petit patrimoine des campagnes.
La baisse des crédits de paiement de 8,5 % pour le patrimoine est liée à un lissage de certains investissements ; nous avons décalé certains projets, mais aucun n'est cependant remis en cause. Les grands chantiers comme Pompidou, Fontainebleau ou Versailles et tous les chantiers liés à des situations d'urgence ne sont pas remis en cause.
Le patrimoine est donc financé, et la baisse n'est due qu'à un lissage.
Le périmètre du Centre des monuments nationaux s'élargit, car le périmètre de la préservation du patrimoine lui-même s'élargit. Il est donc essentiel que l'on pense toujours les usages dès que l'on restaure. L'usage, en soi, propose une forme de protection. Cette nouvelle dimension est intégrée dans le PLF pour 2026.
Concernant Notre-Dame de Paris, j'avais souhaité qu'une contribution soit instaurée à hauteur de 5 euros pour les visiteurs - et non les fidèles -, contribution qui serait intégralement consacrée à la restauration du patrimoine religieux. Avec douze millions de visiteurs par an, en deux ans, nous pourrions restaurer l'ensemble du patrimoine religieux français - 4 000 édifices sont en péril.
Je souhaite développer des dispositifs de financement innovants. Je pense aux nouvelles politiques tarifaires dans les musées pour les visiteurs hors Union européenne. Nous allons aussi créer un National Trust à la française, qui s'agrégera au CMN et ; s'intéressera à la restauration du petit patrimoine historique privé.
Ces nouveaux dispositifs innovants contribuent aussi au budget du patrimoine.
Il ne manque pas un euro, dans les territoires, pour le patrimoine historique et religieux. Une souscription populaire a été lancée pour la sauvegarde du patrimoine religieux : le fonds dépasse les 30 millions d'euros.
Le plan Culture et ruralité compte 100 millions d'euros sanctuarisés, et 60 millions d'euros ont déjà été dépensés. Ce plan finance notamment des résidences d'artistes et des compagnies qui contribuent directement à la vitalité des territoires ; il a permis de soutenir 300 radios associatives, 250 résidences artistiques et 250 manifestations Villages en fête.
Concernant les radios associatives, l'engagement a été tenu l'année dernière, ce sera encore le cas en 2026.
La mission Soriano a été accueillie fraîchement seulement par quelques éditeurs. Majoritairement, les éditeurs y sont favorables. Il est impératif d'aller en ce sens, sinon les territoires les plus ruraux, les plus éloignés, seront pénalisés.
Si le contrat est signé, l'État est au rendez-vous. Il est prévu 5 millions d'euros par an pendant trois ans pour accompagner les imprimeries ; 4,5 millions d'euros sont prévus pour l'aide à la distribution ; concernant le FSDP, il nous faudra être à la hauteur de nos engagements, et donc prévoir des moyens complémentaires.
Tout est une question de méthode.
La réforme de l'aide à la distribution de la presse imprimée sera mise en oeuvre au 1er janvier 2026.
Sur les droits voisins, le contentieux est pendant devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Nous attendons les résultats.
Les deux taxes affectées « billetterie » et « streaming » ont vu leur plafond rehaussé de 8 millions d'euros dans le PLF 2026. J'ai obtenu cet engagement, alors que la Cour des comptes estimait en 2024 que le CNM n'avait pas de stratégie d'investissement clair. Cet opérateur a donc mené une réforme pour garantir la diversité de la filière, conformément aux recommandations de la Cour des comptes. Un nouveau règlement des aides a été publié en 2025, avec des critères clairs et objectifs en matière de transition écologique, d'égalité et d'inclusion. Le bilan sera présenté dès 2026.
Les évolutions juridiques sur les droits voisins sont incluses dans le texte issu des EGI, texte que nous avons transmis au Conseil d'État. Il sera présenté très prochainement en conseil des ministres.
J'ai combattu lors du dernier budget pour ne pas remettre en cause les crédits d'impôt destinés au cinéma et à l'audiovisuel, qui sont un facteur d'attractivité, de croissance, d'inclusion et d'emploi des jeunes. Nous sommes les premiers au monde dans certains secteurs, notamment le gaming.
Concernant la chronologie des médias, Canal Plus a posé des conditions. Nous prenons le problème à bras le corps.
J'en viens au pass Culture. Je ne connais pas d'étude qui démontre une baisse de satisfaction. Les jeunes sont plutôt en demande. Je constate que certains, qui ne voulaient pas de la part individuelle du pass Culture, me la réclament désormais à cor et à cris - j'en suis ravie ! Nos objectifs se rejoignent : réduction des inégalités, éviter la reproduction sociale, mieux cibler l'aide. Oui, des crédits baissent, mais je préfère que les crédits servent à ceux qui en ont vraiment besoin. L'articulation entre part individuelle et part collective est essentielle. Les enfants qui bénéficient de la part collective n'ont très souvent jamais mis les pieds dans un équipement culturel. Peut-être qu'aller au musée ou au théâtre est une évidence pour certains d'entre vous, mais ce n'est pas le cas pour tous. J'ai moi-même accompagné un groupe de jeunes à la Comédie française avec un pass Culture individuel : ils avaient même du mal à entrer dans la salle ! Les acteurs de l'éducation populaire - dont vous ne m'avez jamais parlé -, je les ai intégrés dans le programme. La médiation est très importante. J'ai aussi financé des maisons des jeunes et de la culture (MJC), notamment à Paris - je pense à une MJC du XXe arrondissement qui était en péril.
Sur le pass Culture, nous sommes à la hauteur de nos ambitions et de nos engagements. Désormais, le pass Culture est géolocalisé. Le comité stratégique de la SAS Pass Culture - c'était devenu un petit club - a été revu : il inclut désormais des responsables de lycées professionnels et de centres de loisirs, des acteurs de l'éducation populaire, des personnes qui connaissent bien les difficultés d'accès à la culture. Les enfants en situation de handicap et les boursiers bénéficient d'un bonus.
Mesdames, messieurs les sénateurs, merci de votre soutien !
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. - Je précise, madame la ministre, que je suis intervenue comme rapporteure, et non comme représentante d'un groupe politique. J'espère que cela est bien clair.
Mme Rachida Dati, ministre. - Merci pour cette précision. Concernant le pass Culture, nous avons un objectif commun : réduire les inégalités.
J'ai maintenu le Fonpeps, alors qu'il devait être remis intégralement en cause. J'avais pris cet engagement devant les organisations syndicales, car le maintien de l'emploi pérenne dans le spectacle vivant est essentiel.
L'État est au rendez-vous, et les baisses sont le fait des collectivités locales qui se désengagent. L'État n'est pas là pour tout compenser ; à chacun ses responsabilités. D'ailleurs, je souhaite rendre un hommage particulier à François Sauvadet, car les départements sont les premiers investisseurs dans la culture. Nous avons signé des conventions-cadres avec toutes les collectivités qui ont décidé de maintenir leur investissement dans la culture. Nous avons maintenu les aides - j'avais pris cet engagement. Tous les crédits de 2025 seront engagés.
Monsieur Vial, chacun prend sa part de responsabilité. L'effort budgétaire sur l'audiovisuel public sera progressif et étalé dans le temps. Il faudrait en fait 140 millions d'euros d'économies pour que France Télévisions revienne à l'équilibre. La Cour des comptes le disait dès 2016, et à nouveau en 2025 : France Télévisions a besoin de réformes structurelles - tel est l'enjeu de la proposition de loi Lafon relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle. France 3 et France Bleu doivent coopérer, le cadre social doit être rénové, et la transformation numérique reste indispensable.
Le risque de la baisse des dotations, à court terme, est que les économies ne soient pas faites au bon endroit - telle est la crainte des organisations syndicales. Il faudra être vigilant sur les programmes, qui restent le coeur de métier. Beaucoup de professionnels de l'audiovisuel public ont besoin de sens : beaucoup sont découragés, mais ils comprennent qu'il faut réformer. Les priorités sont notamment le numérique - il faut s'adapter aux nouveaux usages - et la proximité - la jeunesse est très déconnectée de l'audiovisuel public. L'audiovisuel public doit retrouver toute sa place dans le champ démocratique. Je suis pour un État fort et un audiovisuel public qui reste public. C'est le sens de cette réforme.
Arte et France Médias Monde sont épargnées. Arte relève d'un traité franco-allemand. Le chancelier allemand est très favorable à l'européanisation d'Arte, pour qu'elle devienne la plateforme audiovisuelle européenne ; les crédits doivent augmenter ; tel est le sens du conseil européen du 28 novembre prochain. L'audiovisuel public européen doit être maintenu, la qualité d'Arte est reconnue. Voilà qui permet de faire face à l'administration Trump. France Médias Monde a noué un partenariat avec Deutsche Welle, beaucoup de fréquences ont été libérées en Afrique : il y a une place à prendre, pour lutter contre les ingérences étrangères et la désinformation. Voilà pourquoi ces chaînes sont préservées. Il s'agit de raisons politiques majeures ; l'enjeu démocratique est très important compte tenu de la politique américaine.
Non, le programme Mieux produire, mieux diffuser ne connaît pas de baisse de crédits : nous passons de 9 à 15 millions d'euros de 2025 à 2026. J'ai constaté que le spectacle vivant n'avait pas de modèle particulier. Il faut avant tout lutter contre les atteintes à la liberté de création et de programmation. C'est le problème majeur que connaît le secteur. Pour le spectacle vivant, pas un euro ne manque, notamment dans les territoires. Le spectacle vivant est une valeur française. Et n'oublions pas la diffusion, qui permet un accès plus large aux spectacles, ce qui consolide aussi la création.
Dans les territoires, le spectacle vivant connaît très peu de collaborations public-privé. Or ces coopérations, comme celle que j'ai signée entre le pôle Pixel et le théâtre national populaire de Villeurbanne, permettent de mixer les formes d'art, de faire plus de diffusion et de ne pas diminuer les crédits.
Mme Agnès Evren. - Depuis le vol au Louvre, drame national qui nous obsède tous, nous nous demandons comment le plus grand musée du monde a pu être si vulnérable. Je salue, madame la ministre, votre demande immédiate d'une enquête administrative - il n'y en avait pas eu pour l'incendie de Notre-Dame de Paris.
Une délégation de notre commission a visité les installations de sécurité du Louvre. Elles sont complètement obsolètes et vétustes. Le poste de sécurité central est totalement sous-dimensionné. J'en étais stupéfaite. La présidente du Louvre avait dès sa prise de fonctions, ainsi que par une note confidentielle du 13 février 2025 adressée au Président de la République, alerté sur les avaries récurrentes au sein du musée. Lors de son audition, elle a présenté une triple faille : la protection périmétrique, qui souffre d'une quasi-absence de vidéosurveillance extérieure ; des infrastructures vieillissantes, qui empêchent d'installer des équipements modernes ; la lenteur des marchés publics.
Fallait-il un tel drame pour déclencher un vaste plan de sécurisation du Louvre et de tous les musées de France ? Comment les crédits seront-ils abondés et répartis ?
Se pose aussi la question fondamentale de la responsabilité. On ne peut pas dire aux Français qu'il n'y a aucune responsabilité. L'enquête administrative permettra-t-elle d'établir clairement la chaîne de responsabilité ?
Une partie des collections de bijoux du Louvre a été transférée vendredi dans la principale chambre forte de la Banque de France, et des directives de mise à l'abri vont être envoyées par votre ministère à tous les musées de France. Si nous commençons à mettre notre patrimoine sous clef, que restera-t-il à voir ? Devrons-nous n'exposer que des copies ?
En matière de vidéosurveillance, comment se répartissent les compétences et les responsabilités entre la Ville de Paris et la préfecture de police ? Chacun se renvoie la balle. La Ville de Paris décide du nombre de caméras, et la préfecture propose les implantations. Pourtant, toutes les façades ne sont pas couvertes. Le balcon concerné de la galerie d'Apollon n'était pas couvert pas la vidéosurveillance. Comment expliquer de tels angles morts ?
Pour ce qui concerne le CNL, dans un contexte de décrochage en matière de lecture, quels moyens comptez-vous accorder au livre et à la lecture ? Pour la deuxième année, le CNL connaît une baisse préoccupante de sa subvention pour charges de service public (SCSP). Qu'en est-il du soutien aux auteurs et à la création ?
M. Adel Ziane. - Vous parlez de lissage pour les crédits du patrimoine, qui baissent de plus de 8 %. L'année dernière, vous aviez consenti une hausse de 58 millions d'euros pour la restauration du patrimoine en région ; cette année, c'est deux fois cette somme qui disparaît. Les investissements décalés dans le temps ne verront sans doute pas le jour. Les crédits de l'action « Monuments historiques et patrimoine monumental » chutent de plus de 20 %, les ramenant à une enveloppe à peine supérieure à celle de 2022. Cette baisse des moyens va creuser les inégalités territoriales. Les collectivités territoriales diffèrent leurs projets de restauration. Les conséquences peuvent être très graves, alors que 4 000 édifices sont dans un état préoccupant. Comment justifier cette baisse des crédits ?
La stagnation des crédits de l'action « Patrimoine des musées de France » implique que les musées se tournent vers l'autofinancement. Cependant, ce modèle, qui crée une concurrence entre établissements, n'est pas viable pour tous les musées. Les crédits du Louvre baissent de 5 millions d'euros, alors qu'ils sont indispensables pour assurer la protection des collections et des visiteurs. Comment éviter que la dépendance accrue à l'autofinancement ne conduise à creuser davantage les inégalités ?
Le vol au Louvre ne doit pas faire perdre de vue les besoins de tous les musées nationaux. De nombreux vols ne font pas la une des médias. La sécurité y est insuffisante. Les musées territoriaux sont aussi en première ligne. Comment les villes, départements et régions pourront-ils assumer ce lissage s'ils doivent réaliser des investissements ? Les politiques culturelles locales seront à nouveau des variables d'ajustement. L'inquiétude est grande.
L'audit global sur la sécurité des musées nationaux concernera-t-il tout le territoire national ? Quelles mesures concrètes l'État prévoit-il pour soutenir les territoires désireux de développer leur offre culturelle ?
Mme Sonia de La Provôté. - Les festivals sont menacés par un effet ciseau ; leur modèle économique doit être repensé. Les coûts artistiques, techniques et organisationnels explosent. Où en est la feuille de route issue des concertations avec les représentants de la filière ? Qu'en est-il du fonds destiné aux festivals et du plan Culture et ruralité ? Comment comptez-vous rationaliser l'utilisation des fonds ?
Le décret « Son » a des conséquences budgétaires sur les festivals. Vous avez annoncé un groupe de travail, qui devrait faire des propositions de simplification pour le 31 octobre. Où en sommes-nous ?
J'en viens à la création. Le plan Culture et ruralité ne peut suffire à lui seul pour que l'on accède à la création dans tous les territoires. La politique de la culture est mise à mal au regard des exigences d'équité. Les crédits déconcentrés des Drac diminuent. Les collectivités voient leur budget de création s'amenuiser. Depuis le covid, la Madeleine l'emporte sur Proust.
Allez-vous produire une feuille de route indiquant clairement comment le ministère va accompagner l'accès à la culture pour tous dans les territoires ?
Ensuite, le ministère va-t-il accélérer la mise en oeuvre du plan de sécurisation des musées, avec des financements ad hoc ?
Je souligne une autre difficulté : l'accompagnement du patrimoine non inscrit ou non classé. Nous vous alertons sur la situation des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), qui oeuvrent justement pour ce type de patrimoine, palliant les carences d'accompagnement de l'État. La réforme de la part départementale de la taxe d'aménagement fragilise le financement de cette ingénierie essentielle à la préservation du patrimoine vernaculaire.
Mme Laure Darcos. - Le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui a trait au développement de la culture et à `l'EAC, a connu une baisse de crédits assez importante en 2025. La stabilisation annoncée du budget pour l'année 2026 aura-t-elle bien lieu, madame la ministre ?
Concernant le pass Culture, notre commission n'est pas unanime sur le sort qu'il convient de réserver à la part mutualisée et à la part individuelle. Puisque nous devons faire des économies, je milite pour la suppression complète de la part individuelle et suggère de mettre l'accent sur le collège. En effet, les jeunes de 18 ans sont moins susceptibles de changer leur mode de consommation culturelle que les plus jeunes.
Pour rappel, l'arrêt d'un certain nombre de spectacles et de projets l'année dernière a été épouvantable. L'évolution que je propose est probablement le seul moyen d'aider les jeunes et leurs professeurs, qui ne sont parfois pas capés en matière de formation artistique et culturelle.
Par ailleurs, dans ma circonscription, les compagnies La Lisière et La Constellation vont recevoir le label « arts de la rue ». Cette procédure de labellisation, soit la deuxième engagée en Île-de-France, est très importante, y compris en milieu rural, car elle permet à nos concitoyens d'assister à des spectacles de rue, notamment à Cheptainville.
Il se trouve que la Drac a retiré 20 000 euros de subventions aux compagnies précitées, sur une enveloppe totale de 70 000 euros ; les 50 000 euros restants sont fléchés sur les arts plastiques. En conséquence, de nombreux projets de lecture à voix haute, en particulier à Grigny, ont disparu. Cela me semble contradictoire avec les États généraux de la lecture pour la jeunesse, dont nous attendons avec impatience les conclusions. J'espère d'ailleurs que l'éducation nationale et le service du livre et de la lecture du ministère de la culture y ont été associés.
Enfin, je veux dire quelques mots d'Amazon, mon meilleur ennemi. En effet, l'entreprise contourne systématiquement les frais de port minimum instaurés par la loi du 30 décembre 2021, dont j'étais l'auteure, et essaye de faire de ses lockers des magasins de vente au détail. En outre, Amazon est revenu sur la loi du 8 juillet 2014 en proposant une remise de 5 % sur le prix des ouvrages. J'aimerais que le ministère de la culture se saisisse de ce problème, que tout le monde dénonce dans le secteur du livre. N'attendons pas qu'une décision européenne soit prise pour agir en ce domaine !
Du reste, je vous remercie, madame la ministre, pour les propos que vous avez tenus sur les crédits d'impôt dans le secteur du cinéma, dont certains seront renouvelables en 2026. Je pense qu'il est primordial de les maintenir, y compris ceux qui s'appliquent aux tournages de films étrangers en France.
Mme Monique de Marco. - Une multitude de rapports et d'études ont démontré que le ministère de la culture dépense environ 200 euros pour un habitant d'Île-de-France, alors qu'il en dépense seulement 27 pour un habitant du Doubs. L'inégalité territoriale pour l'accès aux services et aux établissements culturels persiste. Les collectivités, qui dépendent de plus en plus de ressources nationales contraintes, n'ont pas les moyens de compenser de manière acceptable cette situation déséquilibrée.
C'est sans doute l'un des éléments qui a motivé le Gouvernement à lancer une concertation en 2024, avant l'annonce du plan Culture et ruralité, la même année. Ce plan, malgré un montant de crédits minimaliste, a le mérite d'essayer de pallier ce déficit de financement culturel dans les territoires ruraux. Or il paraît déjà menacé par le projet de budget que vous avez présenté aujourd'hui, madame la ministre.
Vous avez dit vouloir accroître le soutien aux radios associatives rurales et d'outre-mer ; nous en prenons acte. Dans cette perspective, vous comptez sur le Sénat, comme l'an dernier, pour maintenir le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale.
J'en viens à la question du patrimoine. Comment peut-on affirmer que les monuments historiques sont des animateurs culturels du territoire, tout en baissant de 40 % les subventions d'investissement accordées aux collectivités et aux particuliers propriétaires de tels biens et en réduisant de 20 millions à 10 millions d'euros le fonds incitatif et partenarial ?
Par ailleurs, comptez-vous assurer la création de cinquante scènes culturelles de proximité soutenues par les MJC et les autres acteurs de l'éducation populaire, alors que le projet de loi de finances pour 2026 prévoit de réduire leurs crédits de 15 % ?
Quelques mots du Palais de la découverte. Cet établissement, véritable pilier de la transmission de la culture scientifique, est fermé depuis quatre ans et n'est toujours pas assuré de rouvrir, malgré une fréquentation habituellement très importante. Pouvez-vous vous engager sur un calendrier de réouverture, madame la ministre ? En outre, comment expliquez-vous la perte d'espaces de cet établissement au profit du Grand Palais ? Soutenez-vous la réorientation d'un lieu de sciences en espace privatisé ?
Enfin, vous avez dit que les musées de France allaient devoir s'adapter à une nouvelle forme de criminalité, mais qu'allez-vous exactement entreprendre en ce sens ?
M. Aymeric Durox. - Aujourd'hui, le budget du patrimoine est en forte baisse. Cette évolution est scandaleuse, ce pour trois raisons. Premièrement, ici même, lors de votre audition du 5 novembre 2024, vous aviez déclaré l'urgence patrimoniale et affirmé que le patrimoine était la grande priorité du Gouvernement. Vous aviez également rappelé que la France comptait 45 000 monuments historiques, dont 20 % en mauvais état et 5 % en péril, soit plus de 2 000 monuments exposés à un risque de disparition imminente. Malheureusement, l'année écoulée a prouvé que les promesses n'engageaient que ceux qui y croyaient, contrairement à ce que vous avez affirmé dans votre propos liminaire.
Les États généraux du patrimoine religieux (EGPR) ont signalé en 2024 la fermeture d'au moins 1 600 édifices en raison de leur vétusté ; certains menacent même de s'effondrer. Dans mon département, la Seine-et-Marne, je pourrais longuement vous parler des églises classées ou inscrites au patrimoine, comme celles de Lorrez-le-Bocage, de Soignolles-en-Brie, de Saint-Pathus ou de Valjouan, qui attendent vainement des aides depuis des années.
Après la perte de services et de commerçants, ces églises croulantes, interdites au public, donnent la douloureuse impression de villages en train de mourir, eux qui s'étaient justement construits depuis des siècles autour de leurs clochers, recouvrant notre pays d'un « blanc manteau », comme l'écrivait Raoul Glaber.
On peut aussi donner l'exemple du château de Chambord, contraint de faire une quête pour sauver son aile François Ier. Comment imaginer qu'une chose pareille se produise dans la septième puissance économique du monde ?
Deuxièmement, cette baisse des crédits du patrimoine est une hérésie financière puisque, selon les chiffres de 2019 publiés par votre ministère, le patrimoine bâti crée plus de 500 000 emplois directs et indirects et plus de 21 milliards de recettes directes et indirectes, le tout pour seulement 1 milliard d'euros d'investissements. C'est un rendement exceptionnel qu'il paraît plus logique de subventionner que de réduire. Vous l'avez vous-même reconnu, madame la ministre, mais sans aucune concrétisation.
Troisièmement, l'actualité, marquée par le casse du Louvre, nous rappelle que notre pays fait face à un grand nombre d'attaques de musées. Ces derniers apparaissent comme des proies faciles pour des malfaiteurs en quête de butins importants, pour des risques limités. En septembre 2025, des échantillons d'or d'une valeur estimée à environ 1,5 million d'euros ont été volés au Muséum national d'histoire naturelle. En septembre dernier, trois objets en porcelaine, trésors nationaux d'une valeur estimée à 6,5 millions d'euros, ont été dérobés au Musée national Adrien Dubouché de Limoges. En outre, d'après le ministère de l'intérieur, les vols dans les églises ont bondi de 30 % en trois ans.
Bref, on constate cruellement que le patrimoine de notre pays, si riche et convoité, est en danger. Alors qu'il faudrait prévoir un grand plan de sécurisation pour le préserver, vous prévoyez une baisse de crédits, madame la ministre !
Ma question est donc simple : qu'avez-vous fait depuis deux ans et que comptez-vous faire concrètement pour protéger notre patrimoine, qui subit une double attaque, à savoir l'usure du temps et la cupidité des hommes ?
Mme Annick Billon. - Je cantonnerai mes questions aux métiers d'arts, étant membre du groupe d'études qui leur est consacré.
En 2024, 3 374 entreprises ont bénéficié du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art. La loi du 29 décembre 2023 a `prorogé ce dispositif jusqu'à la fin du mois de décembre 2026.
Concernant la stratégie nationale en faveur des métiers d'art, lancée en 2023 pour structurer le secteur - qui comprend 281 métiers et 60 000 entreprises, dont certaines sont très petites -, la dotation de 340 millions d'euros annoncée sur trois ans ne semble pas avoir été reconduite. Quelle partie de cette somme a été réellement engagée à ce jour ?
J'en viens à la formation et à la transmission. Sur les 280 métiers d'art, seule une petite cinquantaine dispose d'une formation initiale. Le Gouvernement entend-il relancer l'offre de formation et garantir la pérennité de ces métiers qui risquent de disparaître ?
En 2025, pour la première fois de son histoire, l'Institut pour les savoir-faire français « »n'a pas été doté d'un budget pour organiser les journées européennes des métiers d'art (Jema). Ces dernières, auxquelles vingt-cinq autres pays participent, représentent tout de même 1,7 million de visites et 511 événements. Ainsi, comment garantir la pérennité de cet événement, qui sert de vitrine aux savoir-faire français ?
Du reste, je me réjouis que les crédits du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, en chute de 44 %, puissent être rétablis, dès lors que le Gouvernement soutiendra les amendements qui seront déposés en ce sens.
Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Ma question concerne la culture en milieu rural. Lancé en 2024, le plan Culture et ruralité a pour objectif de renforcer la place de la culture au coeur des territoires ruraux. Il est structuré autour de trois axes : faciliter l'embauche d'artistes de manière occasionnelle ; aider les festivals à déployer une action territoriale structurante en ruralité ; renforcer l'accès direct à l'art contemporain.
Ce plan sera-t-il également l'occasion de promouvoir la culture dans les activités périscolaires, de manière mieux ciblée que le fonds de soutien aux temps d'activités périscolaires, supprimé en 2025 ?
Mme Colombe Brossel. - Comme bon nombre d'acteurs du monde de la culture, de syndicats, d'organisations professionnelles, d'institutions culturelles et d'artistes, nous dénonçons la baisse des crédits de la mission « Culture », qui est bien réelle - les chiffres sont têtus, madame la ministre.
Surtout, et de façon plus grave, le ciblage de ces coupes n'a rien d'anodin. Ainsi, les crédits du programme 131 « Création » reculent de 3 %. Ce sont bien les acteurs du spectacle vivant - festivals, compagnies et les lieux labellisés - qui en feront les frais sur tout le territoire.
Sur le terrain, les crédits déconcentrés en Drac diminuent de 3,76 %. Les crédits du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sont, eux, en baisse de 15 %.
Les actions relevant de l'EAC, hors pass Culture, c'est-à-dire les veilles artistiques et les projets sur temps scolaire ou hors temps scolaire, endurent une diminution de crédits de 17 %.
Enfin, le budget de la participation à la vie culturelle, qui concerne les quartiers populaires, les secteurs de la justice et de la santé, s'effondre de 44 % ! La lecture et l'édition subissent la même logique. Ainsi, la subvention accordée au CNL, qui joue pourtant un rôle majeur en matière de médiation culturelle et de soutien aux auteurs, ne sera plus que de 22,4 millions d'euros, soit une baisse de 22 % en deux ans.
Comment faire bien, et même faire mieux, avec des crédits objectivement en baisse ? En l'état, cet objectif ne nous semble pas atteignable. Notre groupe restera mobilisé pour que les crédits précédemment listés soient rétablis, afin que nous puissions mener une véritable politique culturelle dans notre pays.
Cette baisse des crédits s'inscrit dans une logique d'affaiblissement du service public de la culture pour laisser la place au mécénat privé, au détriment de la diversité culturelle et de son accessibilité pour tous. Le mécénat a sa place, mais il ne saurait se substituer au désengagement du financement public. Certains décrédibilisent l'action publique en dénonçant sa supposée inefficacité, mais c'est la réduction de ses ressources qui l'empêche d'agir.
C'est la même logique qui est à l'oeuvre pour l'audiovisuel public. Après la suppression de la contribution à l'audiovisuel public en 2022, l'État poursuit son désengagement. Le budget pour 2026 prévoit une baisse de crédits de 71 millions d'euros, dont 65 millions pour le seul groupe France Télévisions. D'aucuns s'appuient sur la situation financière alarmante du groupe pour justifier le projet de reprise en main à la fois financière et politique de l'audiovisuel public, ce que nous n'avons cessé de dénoncer. Cette logique n'est pas la nôtre, madame la ministre, et nous la combattrons dans l'hémicycle !
M. Pierre-Antoine Levi. - Le programme 334 « Livre et industries culturelles » présente une trajectoire budgétaire inquiétante pour l'année 2026. En effet, les autorisations d'engagement s'établissent à 360 millions d'euros - soit plus 0,50 % par rapport à 2025 -, mais les crédits de paiement chutent à 343 millions d'euros. Cet écart de 16,6 millions d'euros entre AE et CP crée un effet entonnoir préoccupant. En clair, l'État autorise juridiquement des engagements pluriannuels qu'il ne pourra pas honorer dans les délais, car l'enveloppe de paiements effectifs sera insuffisante.
Si l'action n° 01 « Livre et lecture » progresse en à 338 millions d'euros en AE, la sous-action « Industries culturelles » accuse une baisse de 29 % en AE. Concrètement, l'effet entonnoir que j'évoquais à l'instant crée une asphyxie de trésorerie pour les acteurs de terrain : je pense au CNL ou aux bibliothèques départementales et de proximité, en particulier dans les zones rurales et ultramarines, ainsi qu'aux petites librairies indépendantes, aux auteurs et aux traducteurs. Et que dire des dispositifs d'accessibilité pour les livres adaptés aux personnes en situation de handicap !
Comment comptez-vous éviter cet effet entonnoir, madame la ministre ? Quelle garantie apportez-vous sur le calendrier effectif des décaissements, des crédits de paiement et sur la priorisation des bénéficiaires, pour éviter que les projets engagés ne restent impayés ? Quelle articulation établissez-vous entre les crédits du programme 334 et les financements de France 2030, afin que les crédits extrabudgétaires ne se substituent pas aux politiques publiques pérennes du livre et de la lecture ? Comment garantissez-vous la lisibilité et la sécurité juridique pour les acteurs ? Enfin, face à cette compression des crédits de paiement, quelles mesures concrètes prendrez-vous pour sécuriser le financement non seulement des bibliothèques dans les territoires ruraux et ultramarins, mais aussi des dispositifs de découvrabilité numérique et de la chaîne des professionnels du livre, à savoir les traducteurs, les auteurs et les librairies indépendantes ?
Mme Paulette Matray. - Alors que nous observons une concentration croissante des médias privés entre les mains de quelques grands groupes, l'audiovisuel public reste l'un des derniers garants d'une information pluraliste et indépendante - je pense que nous sommes d'accord sur ce point, madame la ministre. Or les crédits pour les avances à l'audiovisuel public sont en baisse de près de 2 % après plusieurs années d'érosion et, surtout, depuis la suppression de la redevance audiovisuelle au profit d'un financement par une part de TVA, désormais révisable chaque année de façon arbitraire.
Dans ce contexte de dépendance accrue au budget de l'État et de fragilisation financière du service public, comment le Gouvernement entend-il préserver l'indépendance éditoriale et la diversité de l'information ?
Face à des conglomérats médiatiques de plus en plus puissants, envisagez-vous de soutenir la proposition sénatoriale de création d'une contribution modernisée, progressive et affectée, qui garantirait un financement pérenne de l'audiovisuel public et assurerait une réelle protection contre la concentration et l'homogénéisation de l'information ?
M. Max Brisson. - Madame la ministre, je voudrais vous raconter la vie d'un sénateur d'une province lointaine qui a le bonheur de compter deux langues régionales. Depuis dix jours, comme l'année dernière, nos boîtes mail sont submergées de messages annonçant une baisse historique de 44 % des crédits alloués au fonds de soutien à l'expression radiophonique locale et, par là même, une remise en cause de 3 000 emplois, une mise en péril des investissements, la non-tenue d'un engagement européen et, last but not least, un affaiblissement durable du service public radiophonique en langue régionale.
Or vous nous dites que vous rétablirez ces crédits au même niveau qu'en 2025. Cela nous réjouit, mais à quoi sert ce va-et-vient, sinon à créer de l'inquiétude pour l'ensemble des mouvements associatifs, qui accomplissent leur mission dans un contexte déjà difficile ? Les sénateurs, eux, sont contraints de répondre à de multiples sollicitations. Finalement, vous promettez que tout sera renouvelé l'an prochain : merci de nous permettre de rester jeunes, madame la ministre !
Mme Rachida Dati, ministre. - Monsieur Brisson, j'ai seulement dit que je m'engageais à rétablir ces crédits au niveau de l'an dernier ; j'avais d'ailleurs obtenu gain de cause après d'âpres négociations avec le ministre du budget. Le Parlement ne s'est pas encore prononcé et ce sera à lui seul de décider si ce budget doit être maintenu. Or les parlementaires ne sont pas d'accord entre eux sur le financement des radios associatives. Bref, il n'y a pas de jeu de dupes, monsieur le sénateur : j'ai d'autres choses à faire, y compris répondre à des courriers, comme vous le faites.
Vous avez raison, madame Evren, concernant le vol survenu au Louvre, on ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu de manquements ; les Français ne le comprendraient pas. Avant la question d'actualité au Gouvernement que vous m'avez posée mercredi dernier, vous m'aviez fait part d'un certain nombre de propositions, comme la disposition de caméras périmétriques. Sachez que je les intégrerai aux mesures qui seront annoncées dès réception du rapport d'inspection.
Du reste, je prendrai mes responsabilités pour constater les manquements et les défaillances que l'enquête administrative établira. J'ai toujours combattu l'arbitraire et je ne l'appliquerai pas à d'autres. J'attends donc de disposer d'éléments objectifs pour pouvoir prendre une décision. L'affaire est trop grave pour faire n'importe quoi, dans la précipitation, et ne pas analyser les éléments qu'on me transmet.
Je vous remercie d'avoir accompagné le président Lafon au Louvre, pour constater par vous-même l'obsolescence du matériel de sécurité.
Vous avez rappelé l'interpellation de la présidente du Louvre, lorsque j'ai été nommée ministre de la culture, ainsi que le discours du Président de la République. Notez que, dans le cadre du plan « Louvre - Nouvelle Renaissance », le schéma directeur de sécurité, d'un montant de 450 millions d'euros, comporte un volet de modernisation de la sécurité et de la sûreté. Nous veillerons à accélérer la mise en oeuvre des mesures prévues, en plus des dispositifs en cours de déploiement.
Le Louvre est soumis à un certain nombre de contraintes. Premièrement, il s'agit d'un bâtiment patrimonial, contrairement à la Fondation Vuitton ou à la Fondation Cartier, qui sont des constructions modernes facilement adaptables aux nouvelles technologies de sécurité. Il n'empêche que le Louvre devra, lui aussi, intégrer les nouvelles menaces liées à l'intrusion et aux vols.
Deuxième contrainte : les règles de passation de marchés publics. Nous ferons en sorte d'accélérer les choses, mais nous devons attendre les conclusions du rapport qui me sera remis.
J'en viens à la lecture et aux mesures qui y sont consacrées dans le projet de loi de finances pour 2026. Il est vrai que les crédits du programme 334 sont en légère baisse. En réalité, 82 % de l'ensemble des crédits ont été consommés par les trois opérateurs du programme, soit la BNF, la BPI et le CNL. Cette enveloppe financement également la Maison du dessin de presse, dont j'ai soutenu l'installation dans le 6e arrondissement de Paris, en tant qu'élue de la capitale.
Dans ce contexte contraint, Élisabeth Borne et moi-même avions lancé les États généraux de la lecture pour la jeunesse, qui nous permettront d'identifier non seulement les leviers d'action, mais aussi les doublons. Le ministère de la culture est un petit ministère qui fonctionne avec beaucoup d'opérateurs. Ainsi, les Drac, qui sont le prolongement du ministère, peuvent être redondantes avec une direction générale ou un opérateur. Il faut donc rationaliser cette organisation, ce qui suppose de recentraliser ou, à l'inverse, de déconcentrer des crédits.
Toujours en matière de lecture, nous avons mis en oeuvre la carte de bibliothèque, remise aux parents lorsqu'ils déclarent la naissance de leur enfant, et nous avons récemment créé le prix du livre pour les bébés.
Cela pourrait surprendre, mais, comme je l'avais dit lors d'une séance de questions au Gouvernement, l'accès à la lecture doit aussi concerner les gens qui ne savent pas lire. En effet, écouter les lectures permet d'intégrer la langue et constitue un moyen d'accéder à la culture.
À cet égard, les « quarts d'heure de lecture », soutenus par les parlementaires, ne sont pas de simples gadgets, comme j'ai parfois pu l'entendre. Ils rencontrent même un véritable succès, notamment parce qu'ils permettent à des individus qui ne savent pas lire de participer à des séances de lecture.
J'insiste, les personnes qui n'ont absolument aucun contact avec la lecture demeurent dans l'angle mort de nos politiques. Voilà pourquoi nous devons aller les chercher en utilisant tout type de dispositif.
Les crédits alloués au CNL sont en baisse, bien que celle-ci soit très contenue. Reste que nous maintiendrons les dispositifs ciblés sur ceux qui ont besoin d'accéder à la lecture. Dans cette perspective, nous travaillons main dans la main avec le ministre de l'éducation nationale, qui a lui-même relevé cette carence en matière de lecture et les dégâts causés par les écrans. En effet, certains préfèrent l'écran par facilité, quand d'autres n'ont pour seule culture que l'écran, sans jamais avoir accès aux livres.
Du reste, le CNL permet de favoriser la diversité de la création, qui fait aussi la spécificité de notre pays.
J'en viens aux édifices religieux. Une souscription pour la protection et la préservation du patrimoine religieux a été confiée à la Fondation du patrimoine, ce qui a permis de collecter 25 millions d'euros - j'évoquais tout à l'heure un ordre de grandeur de 30 millions et je suis ici plus exacte. En outre, le 4 juillet dernier, j'ai signé une convention avec la Fondation pour la sauvegarde de l'art français concernant les édifices religieux. Enfin, nous avons fléché des crédits du plan Culture et ruralité sur la protection du patrimoine religieux.
Le budget alloué au patrimoine a augmenté de 39 % entre 2017 et aujourd'hui. On ne peut donc pas dire qu'il soit totalement à l'abandon ou laissé pour compte. Toutefois, je reconnais qu'on ne s'en est pas préoccupé pendant de trop longues années.
Monsieur Ziane, il n'est pas vrai que nous abandonnons des projets. Le lissage de crédits implique seulement un décalage, puisqu'on étale dans le temps la soutenabilité financière des projets.
La France est éminemment patrimoniale ; c'est ce qui fait la force et la chance de notre pays. La moindre église, la moindre cathédrale - j'ai d'ailleurs assisté à la réouverture de celle de Nantes - le moindre monument, le moindre château nécessite des millions d'euros de rénovation et d'entretien.
Ce n'est pas sans raison si le schéma directeur de sécurité du Louvre s'élève à 450 millions d'euros : les rénovations étant souvent trop chères, on les reporte. Sur cette enveloppe, 160 millions sont alloués à la sécurité au sens large et la moitié est uniquement consacrée à une remise aux normes. Retrouver un schéma électrique qui ne figure pas sur les plans nécessite parfois de démolir un mur. Les chantiers dont nous parlons sont colossaux.
``En réalité, nous n'en ferons jamais assez en matière patrimoniale, tant les contraintes de restauration sont lourdes et les bâtiments difficiles à réparer.
Il importe avant tout de ne pas se désengager. Voilà pourquoi je préfère lisser les crédits. Vous évoquiez également les crédits de paiement. Vous remarquerez que nous avons obtenu des dégels indispensables pour un certain nombre de missions.
Concernant les festivals, nous avons révisé tous les critères d'aides et de subventions, qui manquaient de lisibilité : à quelques kilomètres près, les critères d'attribution n'étaient pas forcément les mêmes. En renforçant la lisibilité des critères, on améliore aussi la réactivité. Par ailleurs, nous avons demandé des cahiers des charges plus précis, car nous décidons du renouvellement des subventions des associations sans même en connaître le bilan d'activité.
Nous prendrons une décision sur le décret « Son » d'ici au 31 octobre. Je rappelle qu'il fait actuellement l'objet d'un groupe de travail associant les ministères de la santé, de l'écologie et de la culture, qui ont parfois des intérêts contradictoires.
Les critères concernant les ensembles démontables seront également plus précis, pour assurer davantage de lisibilité, conformément aux demandes qui ont été exprimées.
Le fonds de sûreté que nous mettrons en place à la suite du casse du Louvre sera réparti entre l'échelon central - les grands opérateurs nationaux seront donc associés - et les Drac. Il permettra, avant d'engager des travaux, de mener des audits de sécurité et de recevoir un certain nombre de préconisations. Il servira, bien évidemment, à financer diverses mesures.
Pour l'heure, je ne veux pas trop brider les choses, afin que nous puissions voir tout ce qui peut être demandé. En cela, nous serons aidés par l'instruction que j'ai cosignée avec le ministère de l'Intérieur, par laquelle nous demandons à être rapprochés des Drac et des préfets afin d'obtenir le recensement de tous les musées ou équipements culturels sensibles. En l'occurrence, ils peuvent être sensibles en raison de la valeur des objets d'art exposés ou de l'équipement de sécurité -de l'établissement.
Madame Billon, les journées européennes des métiers d'art sont organisées par l'Institut pour les savoir-faire français avec le soutien du ministère de l'économie et des finances. En raison de cette cogestion, il est difficile de savoir exactement qui finance quoi. Nous avions demandé un bilan avant la tenue des Jema de 2025, sans jamais pouvoir l'obtenir. C'est pourquoi nous n'avions pas soutenu cette édition. Sachez toutefois que des échanges sont en cours pour l'année prochaine.
Le ministère soutient l'Institut pour les savoir-faire français à hauteur de plus de 1,7 million d'euros depuis 2023. Le crédit d'impôt en faveur des métiers d'art, qui s'élevait à 62 millions d'euros en 2024, sera prorogé jusqu'à la fin de l'année 2026, comme vous l'avez rappelé.
Vous avez raison, madame Darcos, la loi n'est pas respectée par Amazon, qui contourne systématiquement la réglementation et profite des contentieux pour trouver de nouveaux dispositifs. Nous devons absolument clarifier les choses pour défendre nos librairies, qui sont de plus en plus en danger, d'autant qu'Amazon a toujours un coup d'avance. Le ministère réfléchit donc à resserrer la législation, en adaptant la loi de 2021.
Madame Matray, vous m'interrogiez sur l'indépendance de l'audiovisuel public. Grâce au Sénat, notamment par l'intermédiaire de M. Vial, nous avons sanctuarisé le budget de l'audiovisuel public, qui ne l'était plus depuis le 1er janvier 2025. Ce financement n'est soumis à aucune régulation, ce qui représente une avancée importante. Vous ne pouvez donc pas dire que nous avons remis en cause le financement de l'audiovisuel public et son indépendance.
Concernant le Palais de la découverte, nous avons mis en place trois missions d'inspection sur la culture scientifique. À l'heure du complotisme et d'une remise en cause de la science, nous avons tenu à définir un projet de culture scientifique, qui sera mis en oeuvre via la Cité des sciences et de l'industrie et le Palais de la découverte, qui n'est pas situé à la Villette. Nous avions constaté que le nombre de visiteurs s'érodait et que la Cité des sciences était presque uniquement dépendante des subventions de l'État. Nous sommes donc en train de revoir le modèle de l'établissement.
Ces trois missions d'inspection, constituées bien avant l'été, rendront leurs conclusions dans deux mois environ. Nous serons ainsi en mesure de présenter une nouvelle ambition pour la culture scientifique en France.
Quant à l'existence du Palais de la découverte, elle n'est pas remise en cause.
Le budget de l'EAC, hors pass Culture, s'élevait à 82,4 millions d'euros en 2025 et atteindra 85,5 millions d'euros en 2026. Vous disiez être factuelle sur la baisse des crédits, madame Brossel. Pour ma part, je ne peux pas faire mieux : cette hausse est inscrite dans le projet de loi de finances, dont le détail est facilement consultable. Il n'y a donc pas de remise en cause de l'EAC ; en tout cas, ce n'est pas la politique que je défends.
Quant au diagnostic de performance énergétique patrimonial, il était à l'origine inscrit dans la loi Kasbarian. L'arbitrage a été effectué, mais les discussions sont toujours en cours. En effet, nous n'avions qu'un délai très court pour agir et la dissolution de l'Assemblée, puis le vote de la motion de censure ont retardé les choses.
Le label « arts de la rue » est récent. Il existe actuellement quinze pôles nationaux du cirque (PNC). J'ai récemment inauguré deux d'entre eux : l'un à Lyon, l'autre en plein coeur de Vénissieux. Les arts de rue, comme les arts du cirque, étaient considérés comme des arts « mineurs », si j'ose dire. Aujourd'hui, la labellisation progresse via les politiques de territoire. J'ai donné l'instruction aux Drac de nous faire remonter le plus grand nombre de projets possible pour qu'ils soient labellisés.
On compte désormais treize centres nationaux des arts de la rue et de l'espace public (Cnarep). Récemment, un soutien financier supplémentaire de 80 000 euros a été accordé au pôle de Marseille, qui est reconnu comme un pôle international de production et de diffusion (PIPD).
La ville de Chalon-sur-Saône, dont je suis originaire, a été pionnière dans le développement des arts de la rue : en témoigne le festival Chalon dans la rue. Cependant, le nombre de projets certifiés demeure faible en raison du caractère récent du label.
M. Laurent Lafon, président. - Je tenais, en cette fin de réunion, à vous faire part de notre inquiétude concernant l'impact de la réforme de la taxe d'aménagement sur les recettes des CAUE, qui jouent un rôle majeur en matière de patrimoine. Nous vous demandons, madame la ministre, de bien vouloir les relayer à votre collègue de Bercy.
Mme Rachida Dati, ministre. - Je n'ai pas intégré cet élément à la préparation du budget pour 2026, mais j'en parlerai à la ministre des comptes publics.
Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Des crédits sont-ils fléchés en direction des activités périscolaires, notamment en matière de patrimoine ? Je crois savoir qu'un pass est offert aux personnes de 17 ans, mais qu'en est-il des plus jeunes ?
Mme Rachida Dati, ministre. - Le temps périscolaire relève des collectivités locales. Toutes les activités adressées aux enfants qui ne sont pas rattachées à un dispositif ou un support particulier sont intégrées à l'éducation artistique et culturelle, qui assure une forme de souplesse - on peut toutefois flécher des crédits vers le CNL. Je vous renvoie donc au montant de crédits que j'ai cité tout à l'heure pour ce poste budgétaire.
M. Laurent Lafon, président. - Nous vous remercions, madame la ministre.
* 1 Outil annuel de mesure de l'évolution de l'action publique territoriale de la culture, le baromètre s'appuie sur une enquête réalisée auprès d'un échantillon de collectivités territoriales par l'Observatoire des politiques culturelles avec le soutien du ministère de la Culture et en partenariat avec les associations représentatives des collectivités territoriales.
* 2 Outil de mesure de l'activité festivalière, ce baromètre a été lancé à titre expérimental en 2023 auprès d'une centaine de festivals, puis élargi en 2024 à l'ensemble des plus de 7 000 festivals identifiés dans la cartographie des festivals (2022), par le ministère de la Culture, en partenariat avec le Centre national de la musique (CNM) et avec l'appui de plusieurs fédérations professionnelles.
* 3 Décret n° 2025-195 du 27 février 2025 relatif au pass Culture.
* 4 Le montant de 150 euros à 18 ans est mobilisable jusqu'à 21 ans.
* 5 Pour rappel, la part collectivité du pass Culture est financée par le programme 230 « Vie de l'élève » de la mission « Enseignement scolaire ».







