- L'ESSENTIEL
- I. LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION
IRRÉGULIÈRE : INVESTIR DANS LES CAPACITÉS DE
RÉTENTION POUR FAVORISER L'ÉLOIGNEMENT
- II. ASILE : UNE NOUVELLE BAISSE DES
CRÉDITS QUI REPOSE SUR UNE AMÉLIORATION DES DÉLAIS DE
TRAITEMENT DES DEMANDES
- III. POLITIQUE DE L'INTÉGRATION : UN
RENFORCEMENT DES EXIGENCES PERMIS PAR UNE RATIONALISATION DES DISPOSITIFS DE
FORMATION
- IV. PACTE SUR LA MIGRATION ET L'ASILE : DES
COÛTS ET DES CONDITIONS D'APPLICATION À PRÉCISER
- I. LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION
IRRÉGULIÈRE : INVESTIR DANS LES CAPACITÉS DE
RÉTENTION POUR FAVORISER L'ÉLOIGNEMENT
- EXAMEN EN COMMISSION
- COMPTE-RENDU DE L'AUDITION DE M. LAURENT NUNEZ,
MINISTRE DE L'INTÉRIEUR
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LISTE DES DÉPLACEMENTS
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N° 145 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale (1) |
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TOME II IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION |
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Par MM. David MARGUERITTE et Olivier BITZ, Sénateurs |
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(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, M. Marc-Philippe Daubresse, Mmes Laurence Harribey, Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, Lauriane Josende, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. Jean-Baptiste Blanc, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Thani Mohamed Soilihi, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Anne-Sophie Patru, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
Après une diminution sensible en 2025, le montant des crédits demandés au PLF 2026 pour la mission « Immigration, asile et intégration » s'élève à 2,16 milliards d'euros (Md€) en crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 3,8 % par rapport aux crédits ouverts en 2025, et à 2,24 Md€ en autorisations d'engagement (AE), soit une hausse de 25,2 %.
Cette augmentation procède principalement de l'effort d'investissement en faveur des capacités de rétention administrative, notamment en vue de la réalisation du plan « CRA 3000 » dont l'horizon est désormais reporté à 2029. Les crédits prévus à ce titre s'élèvent à 266,7 millions d'euros (M€) en AE et à 156,2 M€ en CP, en hausse respectivement de 186 M€ (+ 233 %) et de 79 M€ (+ 102 %) par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2025.
Si les crédits alloués à la politique de l'asile diminuent légèrement en CP (- 25 M€, - 1,8 %), les composantes de cette dépense connaissent une évolution contrastée. D'une part, la mise en oeuvre du pacte européen sur la migration et l'asile se traduira par des dépenses supplémentaires à hauteur de 47,2 M€ en CP. D'autre part, à périmètre constant, les crédits alloués à l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) connaissent une nouvelle réduction de 40 M€ (- 11 %), comme ceux dédiés à l'hébergement des demandeurs d'asile (- 2,4 M€).
Après une diminution importante en 2025, les crédits demandés au titre de la politique d'intégration sont stables (+ 2,3 M€, soit + 0,65 %), dans un contexte toutefois marqué par le renforcement des exigences en matière de formation civique et linguistique prévu par la loi du 26 janvier 2024.
Les deux opérateurs voient leurs moyens renforcés : l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) bénéficie de la création de 48 équivalents temps plein (ETP) fléchés vers l'instruction des demandes d'asile et la mise en oeuvre de la nouvelle procédure d'asile à la frontière. 2 ETP sont également créés à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
Sur la proposition de ses rapporteurs, David Margueritte et Olivier Bitz, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission. Elle a particulièrement approuvé l'effort consenti en faveur de l'augmentation des capacités de rétention, d'autant plus conséquent qu'il s'inscrit dans un contexte budgétaire contraint.
Alors que le PLF 2026 commence à en esquisser la traduction budgétaire, qui s'élève à 84,8 M€ en CP et 150 M€ en AE, les rapporteurs ont souligné l'urgence qui s'attache à ce que le Gouvernement précise rapidement les conditions de mise en oeuvre et les conséquences du pacte européen sur la migration et l'asile, qui entrera en application à partir du 12 juin 2026. Ils appellent le Gouvernement à déposer rapidement un projet de loi visant à procéder aux adaptations nécessaires du droit français.
I. LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE : INVESTIR DANS LES CAPACITÉS DE RÉTENTION POUR FAVORISER L'ÉLOIGNEMENT
A. UNE IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE QUI SE MAINTIENT À UN NIVEAU ÉLEVÉ, DES ÉLOIGNEMENTS ENCORE TROP PEU NOMBREUX
1. Une pression migratoire élevée et qui tend à s'accroître
Les flux migratoires s'inscrivent dans une tendance d'augmentation importante depuis les années 2000, qui s'est accélérée depuis la « crise migratoire » de 2015.
La première conséquence en est la forte augmentation du nombre d'étrangers en situation irrégulière, estimé à 700 000 par le ministère de l'intérieur. Les indicateurs pertinents révèlent une forte progression : en 2024, le nombre de bénéficiaires de l'aide médicale d'État (AME) s'élevait à plus de 460 000 personnes, contre 311 000 en 2016 (+ 49 %) et 155 000 en 2004 (+ 199 %). Le nombre d'interpellations d'étrangers en situation irrégulière progresse également : il devrait, pour la première fois, dépasser 150 000 en 2025, contre moins de 100 000 en 2016.
Principaux indicateurs de l'immigration irrégulière
Source : commission des lois d'après données DGEF et CNAM
La baisse des entrées irrégulières observées aux frontières extérieures de l'Union européenne ne semble pas trouver de traduction en France. Après une forte baisse en 2024 (-38 %), Frontex a ainsi recensé 152 000 entrées irrégulières sur les neuf premiers mois de l'année 2025 (- 22 % par rapport à l'année précédente). Cette tendance recouvre toutefois des réalités contrastées selon les routes migratoires, les flux observés en Méditerranée occidentale et centrale tendant à augmenter (de respectivement 27 % et 6 %).
La croissance de l'immigration irrégulière n'est pas la conséquence d'un tarissement de l'immigration régulière. Au contraire, celle-ci progresse de manière continue depuis les années 2000. En excluant l'année 2021 (exceptionnelle du fait de la délivrance de titres de séjour aux Britanniques à la suite du « Brexit »), l'année 2024 a vu un pic historique dans le nombre de primo-délivrances d'un titre de séjour, avec plus de 343 000 primo-délivrances.
Primo-délivrances de titres de séjour : nombre et catégories
Source : commission des lois d'après données DGEF
Le stock de titres et documents de séjour augmente en conséquence : au 31 décembre 2024, il s'élevait à 4,33 millions, soit une augmentation de 4 % par rapport à l'année précédente et de 56 % par rapport à 2014 (2,77 millions).
Focus sur la situation sur le littoral de la Manche et de la Mer du Nord
La pression migratoire sur les côtes de la Manche et de la Mer du Nord demeure à un niveau très élevé, avec de lourdes conséquences sécuritaires, économiques et humanitaires pour les territoires concernés.
Du 1er janvier au 19 octobre 2025, 56 789 traversées ou tentatives de traversées de la Manche et de la mer du Nord ont été recensées, soit l'équivalent de 40 % des entrées irrégulières dans l'Union européenne sur la même période ; 36 949 personnes sont parvenues au Royaume-Uni (+ 19 % par rapport à 2024). La lutte contre les traversées irrégulières mobilise près de 1 200 agents de police et de gendarmerie, dont 850 sont financés par les autorités britanniques.
L'accord franco-britannique signé les 29 et 30 juillet 2025 prévoit, à titre expérimental et jusqu'en juin 2026, un mécanisme prévoyant l'admission légale au Royaume-Uni d'étrangers en contrepartie de la réadmission en France de personnes arrivées irrégulièrement au Royaume-Uni. Son bilan est à ce jour très limité : au 4 novembre 2025, 94 individus ont été réadmis en France et 57 admis légalement au Royaume-Uni.
2. Une politique de l'éloignement qui peine à porter des fruits
a) Une légère progression des éloignements forcés
Le nombre d'éloignements reste en deçà des attentes et des niveaux observés avant 2020, même s'il devrait progresser de manière notable en 2025. 12 856 retours forcés ont été exécutés en 2024, contre 18 906 en 2019. Les chiffres provisoires pour l'année 2025 révèlent une hausse notable avec 10 348 retours forcés exécutés au 1er septembre, soit une augmentation de 23 % par rapport à la même période en 2024.
Le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), soit le rapport entre le nombre d'OQTF et celles exécutées - indicateur qui appelle toutefois des réserves d'ordre méthodologique1(*) -, s'élève ainsi à 10,9 % sur les neuf premiers mois de l'année 2025.
Source : commission des lois d'après données DGEF
En ce qui concerne les autres mesures d'éloignement, le taux d'exécution des interdictions de territoire français (ITF) prononcées par le juge pénal s'élevait en 2024 à 82 % (pour 2 914 ITF prononcées). Celui des expulsions - qui visent les étrangers présentant une menace grave pour l'ordre public - est plus faible : 35 % en 2024, contre 55 % en 2023. Ce taux doit toutefois être mis en rapport avec la forte progression des mesures prononcées (737 en 2024, contre 280 en 2019, et 802 au 31 août 2025) et avec le fait que leur exécution peut être suspendue dans le cadre d'un recours.
Les rapporteurs constatent que le taux d'éloignement à l'issue d'un placement en rétention en métropole (38,8 % en 2024, contre 35,2 % en 2023) demeure décevant et en deçà de l'objectif de 60 %, qui est porté à 70 % pour 2026. Il demeure aussi inférieur à ceux relevés antérieurement à l'instruction ministérielle du 3 août 2022 (43,2 % en 2022 et 41,5 % en 2021), qui a donné la priorité aux étrangers présentant une menace pour l'ordre public.
Au 30 septembre 2025, ce taux ne dépassait pas 36,4 % : sa diminution s'explique principalement par l'arrêt de la coopération consulaire de l'Algérie depuis le mois de mars 2025, qui complique considérablement l'éloignement des ressortissants algériens (40 % des retenus des CRA de métropole). Le ministère de l'intérieur fait en revanche état de résultats positifs dans la coopération internationale, notamment avec le Maroc : ont été obtenus en 2025 un allongement de la durée de validité des laissez-passer consulaires et une progression de 20 % des éloignements des ressortissants marocains. De nouveaux accords de réadmission ont également été conclus avec le Kazakhstan (novembre 2024) et l'Ouzbékistan (mars 2025).
b) Les retours aidés : des efforts à intensifier
Le nombre de personnes retournées dans leur pays d'origine et bénéficiant à cet effet d'une aide au retour volontaire a stagné en 2024 (6 909 contre 6 749 en 20232(*)), en deçà de l'objectif qui s'élève à 8 000. Il devrait toutefois progresser en 2025, l'OFII prévoyant 7 500 retours aidés (5 188 avaient eu lieu au 30 septembre).
Nombre de bénéficiaires de l'aide au retour volontaire
Source : commission des lois d'après données OFII
Les rapporteurs saluent les efforts déployés par l'OFII et les services de l'État afin d'accroître le recours à cette modalité de retour, dont le coût moyen serait, d'après la Cour des comptes3(*), quatre fois inférieur à celui d'un éloignement forcé. Parmi les axes de développement du recours aux aides au retour volontaire figurent notamment :
· une communication accrue en direction des étrangers placés en rétention (dont 188 ont fait l'objet d'un retour aidé en 2024) ou en détention ;
· un renforcement de leur caractère incitatif pour certains publics4(*), à l'instar des ressortissants syriens pour lesquels un arrêté du 1er septembre 20255(*) a majoré temporairement les montants accordés ;
· l'identification de relais d'influence permettant de promouvoir plus efficacement le dispositif (associations de mise à l'abri, travailleurs sociaux, etc.).
Le ministère de l'intérieur dresse à ce jour un bilan positif de la réforme de l'aide au retour mise en oeuvre par un arrêté du 9 octobre 20236(*), relevant une augmentation du nombre de bénéficiaires et surtout une forte croissance des ressortissants soumis à l'obligation de visa parmi les bénéficiaires (57 % des départs en 2024 contre 47 % en 2023).
B. UN RENFORCEMENT NÉCESSAIRE DES CAPACITÉS DE RÉTENTION
Lors de l'examen du projet de budget 2025, qui avait vu une réduction significative des crédits d'investissement pour l'extension du parc de rétention administrative, la commission avait exprimé sa préoccupation quant au respect de la trajectoire définie par la LOPMI, qui prévoyait de porter à 3 000 places la capacité des CRA de métropole d'ici 2027. Le Gouvernement a depuis admis l'impossibilité d'atteindre cet objectif et fixe désormais cette échéance à 2029.
Prenant acte de ce report, les rapporteurs se félicitent de l'investissement important en faveur des capacités de rétention prévu dans le PLF 2026. Les crédits alloués aux dépenses d'investissement de l'action 03 « Lutte contre l'action irrégulière » du programme 303 (P303) inscrits dans le PLF 2026 s'élèvent à 266,7 M€ en AE et à 156,2 M€ en CP, soit une hausse de 102 % en CP par rapport à la LFI 2025.
L'accroissement des capacités des CRA fait l'objet d'un effort important (94,8 M€ en CP, 96,6 M€ en AE), permettant de dessiner une trajectoire crédible, selon le calendrier suivant :
· 2026 : mise en service des CRA de Bordeaux (140 places) et de Dunkerque (140 places) ainsi que des extensions des CRA de Rennes (52 places) et de Metz (28 places) ; fermeture de l'actuel CRA de Bordeaux (- 20 places) ;
· 2027 : mise en service du CRA de Dijon (140 places) ;
· 2028 : mise en service des CRA de Nantes (140 places), de Béziers (140 places), de Périchet (64 places) et d'Oissel (140 places) ;
· 2029 : mise en service du CRA d'Aix-Luynes (140 places)7(*).
Capacité des centres de rétention administrative en France métropolitaine
Source : commission des lois d'après données DGEF
Les rapporteurs soulignent l'importance que revêt le respect de cette nouvelle trajectoire. Ils relèvent à cet égard que les crédits d'investissement ont jusqu'alors fait l'objet d'une sous-réalisation chronique, qui devrait se poursuivre en 2025. Le ministère l'attribue à des aléas immobiliers et fonciers dont les conséquences seraient, pour l'essentiel, surmontées.
L'extension des capacités des locaux de rétention administrative (LRA) sera également menée, avec la création en 2026 de 16 places supplémentaires en Loire-Atlantique (4 places), dans la Vienne (6 places) et dans le Bas-Rhin (6 places), portant à 170 places la capacité nationale du parc de LRA.
Enfin, les dépenses d'investissement de l'action 03 du P303 devraient également financer :
· la création d'une zone d'attente à Mayotte (46 M€ en AE et 1,5 M€ en CP) ;
· la création d'unités de vie familiale à Mayotte8(*) (16,8 M€ en AE et 7,8 M€ en CP) ;
· l'extension des capacités de la zone d'attente de Roissy-Charles-de-Gaulle, rendue nécessaire par le pacte sur la migration et l'asile (93,4 M€ en AE et 23 M€ en CP).
Des crédits supplémentaires en faveur de la fiabilisation de l'ANEF
L'administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) a pour objet la dématérialisation des procédures et l'intégration des systèmes d'information relatifs aux étrangers (asile, immigration et accès à la nationalité française). En 2025, 83 % du volume des procédures afférentes au droit au séjour a été effectué par l'ANEF.
Le PLF 2026 prévoit une dépense supplémentaire de 40 M€ à ce titre, contre 19,8 M€ en 2025, pour un coût total du programme estimé à 178,6 M€ (l'estimation initiale s'élevait à 52,9 M€). Les documents budgétaires expliquent ces dépenses nouvelles par la fiabilisation de l'outil, dont les dysfonctionnements ont été sévèrement critiqués par le Défenseur des droits9(*) comme par le Conseil national des barreaux10(*) : 22 M€ sont dédiés à l'autonomisation et au décommissionnement d'AGDREF11(*) et 5 M€ au traitement des anomalies.
II. ASILE : UNE NOUVELLE BAISSE DES CRÉDITS QUI REPOSE SUR UNE AMÉLIORATION DES DÉLAIS DE TRAITEMENT DES DEMANDES
A. UNE DEMANDE QUI ATTEINT DES NIVEAUX RECORDS, DES DÉLAIS DE TRAITEMENT QUI AUGMENTENT DE NOUVEAU
Après un pic historique en 2024 (153 715 demandes), le nombre de demandes d'asile devrait légèrement refluer en 2025, avec 110 750 demandes déposées sur les neuf premiers mois de l'année12(*) (- 4,5 % par rapport à la même période en 2024). Le volume de demandes d'asile demeure toutefois plus du double de celui observé avant 2014.
La demande d'asile en France depuis 2004
Source : OFPRA
L'activité décisionnelle de l'OFPRA connaît une augmentation continue : 113 688 décisions ont été rendues sur les neuf premiers mois de l'année 2025, soit une hausse de 8,9 % par rapport à la même période en 2024. L'OFPRA estime que le seuil des 150 000 décisions devrait être franchi en 2025, dépassant le pic historique de l'année 2024 (141 911). Le taux de protection connaît également une augmentation prononcée : il s'est élevé à 38,8 % en 2024 (contre 32,9 % en 2023) et à 39,9 % en 2025. Le taux global de protection, qui tient compte des décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), s'est élevé à 50,1 % en 2024 (contre 44,9 % en 2023). L'OFPRA l'explique par la présence accrue de nationalités à fort taux de protection (Afghanistan, Ukraine, Haïti). Les récentes évolutions de la jurisprudence, qui tend à étendre les catégories en droit d'obtenir le statut de réfugié13(*), vont également dans le sens d'une augmentation tendancielle du taux de protection.
Les rapporteurs relèvent avec préoccupation la dégradation des délais de traitement en 2025 (10,8 mois en moyenne contre 9,8 en 2024), qui met fin à la dynamique de réduction des délais engagée depuis 2020. Cette dégradation s'observe sur l'ensemble des étapes de la procédure :
· le délai d'enregistrement en guichet unique des demandeurs d'asile (GUDA) s'élève à 4,3 jours sur les neuf premiers mois de l'année 2025, soit au-delà de l'objectif de 3 jours, contre 2,7 jours en 2024 et 3,8 en 2023 ;
· en ce qui concerne l'OFPRA, le délai moyen d'examen s'élève à 5,3 mois sur les neuf premiers mois de l'année 2025, pour un objectif fixé à 2 mois ; ce délai s'élevait à 4,6 mois en 2024 et 4,2 en 2023. L'OFPRA explique cette dégradation par l'augmentation des demandes constatée en 2024 ainsi que par la réduction de son stock de dossiers en instance, qui a baissé de 6 600 dossiers depuis le début de l'année 202514(*) ; l'octroi de 48 ETP supplémentaires en 2026 (dont 41 fléchés vers l'instruction des demandes), après les 29 ETP créés en 2025, devrait permettre la poursuite de l'augmentation de l'activité décisionnelle et la réduction des délais d'instruction ;
· le délai moyen de jugement de la CNDA atteint 5,5 mois sur la même période, pour un objectif fixé à 4 mois ; ce délai s'élevait à 5,3 mois en 2024 et à 6,1 en 2023. Son président l'explique par un ralentissement de son activité juridictionnelle au premier semestre 2025, du fait des effets transitoires de la création des chambres territoriales à Lyon, à Nancy, à Bordeaux et à Toulouse ainsi que par le transfert au Conseil d'État de la gestion des assesseurs du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) à compter du 1er janvier 2025.
L'augmentation des délais de traitement en 2025 résulte en partie de facteurs conjoncturels propres à l'OFPRA et à la CNDA, laissant ainsi entrevoir - sous réserve de l'évolution de la demande d'asile - une amélioration en 2026. Les rapporteurs constatent toutefois que l'objectif d'un délai global moyen de traitement de six mois paraît difficilement atteignable sans évolution des procédures et des méthodes d'instruction. De telles évolutions seront d'ailleurs requises dès 2026 pour respecter les délais particulièrement exigeants de la nouvelle procédure d'asile à la frontière, pour laquelle le règlement « Procédure » 2024/1348 fixe un délai de 12 semaines pour l'examen au fond de la demande, y compris en cas d'exercice d'un recours.
À cet égard, les rapporteurs relèvent avec satisfaction les premiers retours positifs de l'espace France Asile (EFA) de Cergy, ouvert le 19 mai 2025. L'introduction des demandes d'asile par les agents de l'OFPRA, plutôt que l'envoi d'un formulaire papier, permettrait à lui seul un gain de 21 jours. Le traitement des demandes serait également accéléré du fait de la fiabilisation des dossiers ainsi déposés et d'une meilleure anticipation des besoins en interprète15(*).
Enfin, les rapporteurs regardent avec intérêt la dématérialisation de la procédure d'état civil des bénéficiaires de la protection internationale envisagée par l'OFPRA, qui devrait contribuer à réduire les délais importants de reconstitution de ces actes (environ 10 mois en moyenne) et améliorer la qualité de service.
B. LES CONDITIONS MATÉRIELLES D'ACCUEIL : UNE RÉDUCTION MESURÉE DES CRÉDITS, UNE OPTIMISATION DE LA GESTION DU PARC D'HÉBERGEMENT À POURSUIVRE
1. Une budgétisation ambitieuse de l'ADA, qui repose sur une augmentation de l'activité de l'OFPRA et une gestion dynamique de l'allocation
Le PLF 2026 prévoit une nette diminution des crédits inscrits au titre de l'ADA. Hors frais de gestion, ils s'élèvent à 313,4 M€, dont 71,9 M€ pour les bénéficiaires de la protection temporaire (-34,9 M€ par rapport à la LFI 2025) et 241,4 M€ pour l'ADA versée aux demandeurs d'asile (- 5,2 M€ par rapport à la LFI 2025). À périmètre constant, soit en excluant les 25,2 M€ inscrits au titre de la mise en oeuvre du pacte sur la migration et l'asile, le budget de l'ADA versée aux demandeurs d'asile diminue de 30,4 M€ (- 12 %).
Si elle paraît ambitieuse, cette budgétisation de l'ADA ne semble pas incohérente avec l'exécution de l'exercice 2025. Alors même que la LFI 2025 prévoyait une baisse importante des crédits (- 16 % pour l'ADA de droit commun), la direction générale des étrangers en France (DGEF) a indiqué que la prévision de dépense pour l'ADA de droit commun pour 2025 devrait se situer en deçà de l'enveloppe initialement allouée, sous réserve de l'absence d'une éventuelle hausse de la demande d'asile en fin d'année.
Selon la DGEF, la nouvelle diminution prévue en 2026 résulterait :
· d'une part, du recouvrement de sommes non utilisées sur des cartes de paiement inactives sur lesquelles est versée l'ADA, à échéance de la prescription quadriennale, que la DGEF estime à 10 M€ ;
· d'autre part, de la poursuite de l'augmentation de l'activité décisionnelle de l'OFPRA (permise par les 77 ETP créés à cet effet en 2025 et 2026), qui repose sur une estimation de 176 000 décisions en 2026, pour des économies estimées à 20,4 M€. Les rapporteurs soulignent que cet objectif de 176 000 décisions paraît à tout le moins ambitieux, alors qu'une hausse de la demande d'asile de 5 % est prévue en 2026.
2. Une légère diminution des crédits dédiés à l'hébergement, des efforts d'optimisation à poursuivre
En excluant les surcoûts liés à la mise en oeuvre du pacte européen sur la migration et l'asile en 2026 (+ 4,2 M€), les crédits alloués à l'hébergement des demandeurs d'asile connaissent, à périmètre constant, une légère diminution (- 2,5 M€).
Après la suppression de 6 400 places en 2025, la capacité du parc d'hébergement pourrait être réduite de 1 403 places en 2026, pour atteindre 111 855 places (- 1,3%). La DGEF a toutefois indiqué que cette réduction n'était pas certaine et pourrait être ajustée en fonction de l'évolution de la demande d'asile et de la mobilisation de fonds européens.
Les rapporteurs saluent les efforts d'optimisation de la gestion du parc d'hébergement, qui ont permis de limiter les conséquences de sa contraction en 2025. En dépit de celle-ci, le taux d'hébergement s'élevait en septembre 2025 à 71,6 %, contre 72 % fin 2024. Outre le léger ralentissement de la demande d'asile en 2025, y ont contribué l'optimisation de l'orientation des demandeurs d'asile par l'OFII16(*) ainsi qu'une gestion ciblée des fermetures des places, visant en priorité les structures où des taux de présence indue élevés sont constatés. Cela s'accompagne d'une politique volontariste visant à réduire ces présences indues, notamment par la systématisation du référé « mesures utiles » et la facilitation de l'accès au logement des bénéficiaires de la protection internationale (BPI).
Enfin, conformément à une recommandation de la Cour des comptes17(*), il est prévu de transformer l'intégralité du parc d'hébergement d'urgence (HUDA) en centres d'accueil (CADA) d'ici 2028 : cette transformation portera en 2026 sur un tiers (12 503 places) du parc d'HUDA. Les rapporteurs regardent favorablement cette évolution, qui devrait offrir aux gestionnaires des structures d'hébergement - en les plaçant sous le régime de l'établissement ou service social ou médico-social - une plus grande sécurité juridique et financière.
III. POLITIQUE DE L'INTÉGRATION : UN RENFORCEMENT DES EXIGENCES PERMIS PAR UNE RATIONALISATION DES DISPOSITIFS DE FORMATION
A. UNE STABILISATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 104
Après une diminution importante en 2025 (- 15 %), les crédits demandés pour 2026 pour le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » s'élèvent à 368,4 M€ (+ 2,3 M€, soit + 0,65 %). Ce programme soutient le financement de la politique d'accueil et d'intégration des étrangers primo-arrivants, portée principalement par deux actions :
· l'action 11 « Accueil des étrangers primo-arrivants » (268,4 M€, montant identique à celui inscrit en LFI 2025) finance les formations à destination des étrangers primo-arrivants non encore admis à séjourner durablement en France. Principalement mis en oeuvre par l'OFII, ces crédits financent notamment la mise en oeuvre du contrat d'intégration républicaine (CIR) et les formations associées, civiques et linguistiques ;
· l'action 12 « Intégration des étrangers primo-arrivants » (97,3 M€ et 12 M€ de fonds de concours, en hausse de 1,7 M€ par rapport à la LFI 2025, soit + 2 %) finance les actions à destination des étrangers admis à séjourner durablement sur le territoire français, dont les bénéficiaires de la protection internationale.
En 2025, les contraintes budgétaires se sont traduites par une baisse sensible du nombre de CIR conclus, qui s'élève à 44 000 pour le premier semestre 2025, contre 114 443 en 2024 et 127 876 en 2023. L'OFII prévoit le retour en 2026 à un niveau comparable à celui des années précédentes (122 000). Ces mêmes considérations ont également conduit à un redimensionnement du programme « AGIR », déployé dans l'ensemble des départements de France métropolitaine depuis l'été 2025 : il a été recentré sur les publics les plus vulnérables, sans hébergement ou sans emploi et le nombre de bénéficiaires actifs plafonné à 25 00018(*).
La stabilité des crédits affectés au programme 104 intervient toutefois dans un contexte marqué, d'une part, par l'augmentation continue du public cible et, d'autre part, par le renforcement des exigences en matière de formation civique et linguistique.
B. FAIRE BEAUCOUP PLUS ET MIEUX À MOYENS CONSTANTS : UN DÉFI POUR LA FORMATION LINGUISTIQUE DES ÉTRANGERS
1. Un rehaussement des exigences linguistiques qui devrait se traduire par une forte augmentation du besoin de formation
L'article 20 de la loi du 26 janvier 2024 a opéré, à l'initiative de la commission des lois du Sénat, un rehaussement des exigences linguistiques pour la délivrance de certains titres de séjour et pour la naturalisation19(*).
Exigences linguistiques
(niveaux du CECRL)
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Situation antérieure à la loi du 26 janvier 2024 |
Situation à compter du 1er janvier 2026 |
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Carte de séjour pluriannuelle |
Pas d'exigence linguistique |
A2 (art. L. 433-4 et R. 433-5 du CESEDA) |
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Carte de résident |
A2 |
B1 (art. L. 413-7 et R. 413-15 du CESEDA) |
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Accès à la nationalité française |
B1 (art. 21-24 du code civil, art. 14 et 37 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993) |
B2 (art. 21-24 du code civil, art. 14 et 37 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993) |
Il en résulte, pour les étrangers signataires d'un CIR, une obligation de résultats en la matière, la délivrance d'un titre de séjour pluriannuel étant désormais subordonnée à la justification de l'atteinte du niveau A2 du cadre européen de référence pour les langues (CECRL)20(*),21(*), en lieu et place de l'obligation de moyens antérieure - sous la forme d'une exigence d'assiduité et de progression vers le niveau A1 du CECRL.
Ce rehaussement des exigences linguistiques se traduit non seulement par l'allongement prévisible de la durée de formation nécessaire pour atteindre les niveaux requis, mais aussi par l'augmentation du nombre d'étrangers orientés vers cette formation, estimé à près de 40 % par le ministère de l'intérieur.
2. Une mise en oeuvre à budget constant permise par de nouvelles modalités de formation et de certification
Le cadre juridique de la formation linguistique et civique a fait l'objet d'une réforme à l'été 2025, qui trouve une traduction juridique dans le décret du 15 juillet 2025 et l'arrêté du 22 juillet 202522(*) ainsi qu'une traduction opérationnelle dans les marchés de formation passés par l'OFII, poursuivant un double objectif de maîtrise des dépenses et de responsabilisation des personnes concernées.
La formation linguistique proposée par l'OFII devient facultative, ce qui constitue une souplesse d'organisation pour les intéressés, qui peuvent se former par d'autres moyens. Cet assouplissement s'inscrit dans la continuité de la loi du 26 janvier 2024, dont l'article 23 vise à favoriser l'apprentissage du français dans le cadre de la formation professionnelle.
Depuis le 1er juillet 2025, la formation linguistique est entièrement dématérialisée, les signataires du CIR recevant une licence, valable douze mois, qui donne accès à une plate-forme d'apprentissage en ligne proposant des modules d'enseignement asynchrones, accessibles à tout moment. La formation en présentiel, sous la forme d'un forfait unique de 600 heures, n'est maintenue que pour les publics les plus fragiles, notamment les non-lecteurs et non-scripteurs. L'orientation vers l'une de ces formules a lieu à l'issue d'un positionnement linguistique réalisé par un prestataire externe ; il peut donner lieu à une dispense si l'étranger maîtrise déjà le niveau A2. Selon le ministre, le programme de 600 heures devrait néanmoins bénéficier à une part plus importante des signataires de CIR (35 % contre 8 % en 2024)23(*).
Alors que le besoin de financement au titre des nouvelles exigences linguistiques avait été estimé à 100 M€ en année pleine, la dématérialisation de la formation linguistique devrait engendrer des économies considérables - le coût d'une licence s'élevant, selon le directeur général de l'OFII, à 25 euros, quand le coût moyen pondéré d'une heure de formation linguistique était estimé à 7,40 euros en 202424(*).
Si les rapporteurs regardent avec intérêt ces nouvelles modalités de formation, qui permettent une mise en oeuvre à budget constant des nouvelles exigences linguistiques, ils soulignent l'importance qui s'attache à ce que soient préservées la qualité de l'enseignement ainsi que des conditions d'apprentissage permettant aux publics concernés, particulièrement les plus fragiles et ceux en emploi, d'atteindre les niveaux requis.
Ils saluent également la suppression de la prise en charge par l'État du coût de la certification linguistique et civique25(*), qui participe de la même démarche de rationalisation de la dépense publique et de responsabilisation des demandeurs. Le ministère indique, dans le même sens, étudier l'institution d'une redevance ou d'un droit de timbre à la signature du CIR.
Une majoration bienvenue des taxes et droits de timbre
L'article 30 du PLF 2026 propose la majoration de quatre taxes et droits de timbre en matière de titres de séjour et de demandes d'accès à la nationalité, dont la taxe pour la délivrance, le renouvellement, le duplicata ou le changement d'un titre de séjour prévue à l'article L. 436-1 du CESEDA (portée de 200 à 300 euros) ainsi que le droit de timbre perçu lors d'une demande d'accès à la nationalité française (porté de 55 à 255 euros). Une taxe de 100 euros est également créée pour la délivrance et le renouvellement d'une autorisation provisoire de séjour. Les recettes supplémentaires attendues au profit du budget de l'État s'élèvent à 152,4 M€ en 2026.
Les rapporteurs saluent cette mesure, qui tend à aligner les montants pratiqués en France sur les montants moyens constatés dans l'Union européenne et participera du financement des politiques d'immigration et d'intégration.
IV. PACTE SUR LA MIGRATION ET L'ASILE : DES COÛTS ET DES CONDITIONS D'APPLICATION À PRÉCISER
La mise en oeuvre du pacte européen sur la migration et l'asile, dont la majorité des dispositions deviendra applicable à compter du 12 juin 2026, constitue un déterminant majeur de l'évolution des crédits de la mission. Le financement des mesures associées s'élève à 150 M€ en AE et 84,8 M€ en CP26(*).
Le pacte sur la migration et l'asile, qui se compose de neuf règlements et d'une directive, réforme en profondeur le régime de l'asile et des contrôles aux frontières extérieures de l'Union européenne. Il prévoit en particulier :
· la mise en place d'une procédure de filtrage aux frontières extérieures afin d'effectuer des contrôles d'identité, sanitaires et de sécurité et d'orienter les demandeurs d'asile vers la procédure appropriée ;
· la refonte des procédures d'asile à la frontière et de droit commun, avec une réduction générale des délais d'enregistrement, d'instruction et de recours, assortie d'un renforcement des garanties pour les demandeurs ;
· la modification des règles relatives aux conditions matérielles d'accueil (CMA) des demandeurs d'asile, en particulier celles relatives à leur limitation et à leur retrait ;
· la refonte du système « Dublin » et du système d'information Eurodac, dont les finalités et les données sont étendues (notamment au contrôle de l'immigration irrégulière).
Les crédits prévus pour l'année 2026 sont supportés pour l'essentiel par le P303 « Immigration et asile » (78,7 M€), 6,1 M€ étant inscrits sur le P104 « Intégration et accès à la nationalité française », selon la répartition suivante.
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Postes de dépense |
Crédits de paiement PLF 2026 |
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Action 02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » |
47,2 |
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dont nouvelles règles relatives à l'ADA |
25,2 |
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dont crédits OFPRA (garanties procédurales et asile à la frontière) |
10,9 |
|
dont dépenses liées à l'hébergement |
4,2 |
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dont autres dépenses (interprétariat, formation, etc.) |
6,8 |
|
Action 03 « Lutte contre l'immigration irrégulière » |
27,7 |
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Action 04 « Soutien » |
3,8 |
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Programme 303 « Immigration et asile » |
78,7 |
|
Action 11 « Accueil des étrangers primo arrivants » |
6,1 |
|
Programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » |
6,1 |
|
Mission « Immigration, asile et intégration » |
84,8 |
29,2 M€ sont consacrés à la mise en oeuvre d'une « capacité adéquate » pour la procédure de filtrage et d'asile à la frontière, fixée par la Commission européenne à 615 places pour la France : 27,7 M€ en CP sont inscrits à cet effet dans l'action 03 (et 98,1 M€ en AE) et 1,5 M€ dans l'action 02.
La transposition des nouvelles règles relatives aux CMA devrait se traduire par un coût estimé à 34 M€ en CP : un surcoût net de 25,2 M€ en 2026 au titre de l'ADA27(*) (soit 50 M€ en année pleine), 2,7 M€ pour l'aménagement de sanitaires distincts pour les femmes demandeuses d'asile (action 02) et 6,1 M€ (inscrits sur l'action 11 du P104) pour financer l'adaptation des systèmes d'information de l'OFII et le financement de cours de français.
Le budget de l'OFPRA est abondé à hauteur de 10,9 M€ afin de financer le renforcement des garanties procédurales accordées aux demandeurs (traduction des documents dans le cadre de l'examen de la demande, renforcement de l'interprétariat, etc.) et la mise en oeuvre de la nouvelle procédure d'asile à la frontière.
Les crédits inscrits au PLF 2026 sont sensiblement inférieurs aux prévisions du Gouvernement : ces coûts étaient estimés à 149,7 M€ pour 2026 dans l'annexe budgétaire du plan national de mise en oeuvre du pacte, transmis en décembre 2024 à la Commission européenne, pour un total de 593,7 M€ sur la période 2025-2026. Les rapporteurs s'étonnent de l'ampleur de cet écart, largement inexpliqué, et seront particulièrement vigilants quant à l'évolution de ces coûts.
Alertés par les acteurs du secteur quant aux nombreuses incertitudes qui pèsent sur les conséquences de la mise en oeuvre du pacte sur la migration et l'asile, les rapporteurs insistent sur l'urgence qui s'attache à ce que les conditions de son application soient précisées rapidement, avant son entrée en vigueur au mois de juin 2026. Ils relèvent que le ministre de l'intérieur a annoncé, lors de son audition devant la commission, le dépôt d'un projet de loi à cet effet au début de l'année 2026.
*
* *
La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » inscrits au projet de loi de finances pour 2026.
EXAMEN EN COMMISSION
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen du rapport pour avis sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
M. David Margueritte, rapporteur pour avis de la mission « Immigration, asile et intégration ». - Le périmètre de la mission « Immigration, asile et intégration » recouvre la gestion des flux migratoires, l'accueil et l'examen des demandeurs d'asile, et l'intégration des personnes immigrées en situation régulière sur le territoire.
Les crédits de la mission sont fixés cette année à 2,16 milliards d'euros, soit un quart des crédits attribués aux politiques d'immigration dans notre pays, lesquels s'élèvent à 7,8 milliards d'euros.
L'exercice 2025 avait marqué une baisse sensible d'un certain nombre de postes ; celui de 2026 appelle une dynamique plus positive, avec une augmentation de 3,8 %, soit 80 millions d'euros, en crédits de paiement (CP), et de 25 %, soit 451 millions d'euros, en autorisations d'engagement (AE).
Cette augmentation significative des crédits est principalement liée à l'investissement en vue de l'accroissement des capacités de rétention administrative, avec notamment le déploiement du plan « CRA 3 000 ». Celui-ci doit s'achever en 2029, et non en 2027 comme cela était initialement prévu, avec une multiplication par trois des AE - plus de 266 millions d'euros pour cet investissement immobilier majeur - et un doublement des CP.
L'augmentation des crédits procède également de l'application du nouveau pacte en matière d'immigration et d'asile, à compter du 12 juin 2026, avec des dépenses supplémentaires qui s'élèvent à 85 millions d'euros. Les crédits doivent notamment permettre de déployer un certain nombre de mesures concrètes afférentes à ce pacte, comme l'extension de la zone d'attente de Roissy et la création de places d'hébergement au titre de la « capacité adéquate » requise pour le filtrage et la nouvelle procédure d'asile à la frontière. Ce pacte prévoit également de nouvelles garanties procédurales au profit des demandeurs d'asile, à l'instar de l'accès à un interprète dès l'enregistrement de la demande, ce qui entraîne des surcoûts durables. Une enveloppe de 34 millions d'euros est prévue pour l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) afin de mettre en oeuvre ces mesures.
Ces 85 millions d'euros sont toutefois très en deçà de la première estimation du Gouvernement, qui prévoyait 150 millions d'euros. Nous n'avons pas obtenu de réponse précise du ministre de l'intérieur pour justifier cet écart.
Faute de transposition et d'adaptation de notre droit, la mise en oeuvre du pacte suscite de nombreuses interrogations. Un projet de loi est annoncé pour le début de l'année, ce qui peut paraître hasardeux dans le contexte incertain que nous connaissons.
J'en viens à la lutte contre l'immigration irrégulière. La mission s'inscrit dans le cadre d'une pression migratoire inédite. Les indicateurs habituellement retenus pour mesurer l'immigration irrégulière atteignent des niveaux records en 2024, qu'il s'agisse du nombre d'interpellations d'étrangers en situation irrégulière (150 000) ou du nombre de bénéficiaires de l'aide médicale de l'État (AME), qui s'élève à 463 000. On estime à 700 000 le nombre d'étrangers en situation irrégulière sur le territoire national.
Or, l'éloignement s'avère toujours difficile à mettre en oeuvre, en dépit des efforts déployés depuis plusieurs années. En 2024, moins de 13 000 retours forcés ont été exécutés, en légère progression par rapport à 2023. En 2025, les chiffres devraient augmenter de façon significative, puisque nous en étions déjà à plus de 10 000 retours forcés au 1er septembre, soit une augmentation de 23 % par rapport à la même période en 2024.
Le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), estimé à 8,3 % en 2024, s'élèverait à 10,9 % en 2025. Des réserves méthodologiques s'imposent sachant que de nombreuses OQTF sont édictées sans être notifiées, et qu'un certain nombre d'entre elles ne sont plus d'actualité. Il est vraisemblable que cette progression est en partie liée aux dispositions de la loi du 26 janvier 2024.
En dépit de l'amélioration qui paraît se dessiner en 2025, les résultats ne sont pas à la hauteur de l'énergie déployée par les services de l'État. Les principaux obstacles à l'éloignement sont : l'insuffisance des capacités de rétention, qui demeure, et de loin, le moyen le plus sûr d'exécuter une mesure d'éloignement ; l'établissement de l'identité des étrangers et des États d'origine ; enfin, l'obtention dans des délais utiles des laissez-passer consulaires. L'arrêt de la coopération consulaire de l'Algérie depuis le mois de mars 2025 a ainsi compliqué considérablement l'éloignement des ressortissants algériens, qui représentent 40 % des retenus des centres de rétention administrative (CRA) de métropole. Il explique en grande partie la diminution du taux d'éloignement à l'issue d'un placement en rétention, qui s'élevait à 36,4 % au 30 septembre 2025 (contre 38,8 % en 2024).
Les efforts consentis dans le budget en faveur des capacités en CRA sont significatifs et semblent prendre la mesure de l'enjeu. Le nombre de places en rétention administrative va progresser dès l'année prochaine, l'objectif étant d'atteindre les 3 000 places en 2029, contre moins de 2 000 places actuellement. Dès 2026, 340 places supplémentaires sont prévues, avec l'ouverture de deux nouveaux CRA et des extensions de CRA existants. Nous demeurerons vigilants quant à la bonne exécution de ces crédits, les années précédentes ayant été marquées par une sous-consommation chronique des crédits en la matière. Celle-ci est liée à des difficultés d'ordre immobilier et foncier, et non à l'absence de volonté politique. Ces difficultés sont ordinaires pour un programme immobilier de cette ampleur. L'extension des places en CRA devra également s'accompagner du recrutement des personnels nécessaires.
Concernant la politique de l'asile, les délais d'examen progressent légèrement - 10,8 mois cette année, contre 9,8 mois en 2024. Il s'agit d'un enjeu humain, mais également d'un enjeu budgétaire, puisque ces délais ont un effet mécanique sur les autres postes de dépense, notamment l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) et l'hébergement.
Cet allongement de la durée d'examen s'explique par plusieurs facteurs. Le nombre de demandes d'asile a atteint un niveau inédit en 2024, avec plus de 153 000 dossiers. Des facteurs conjoncturels ont également eu des conséquences sur l'activité décisionnelle de l'Ofpra et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ; pour cette dernière, il s'agit notamment de la mise en oeuvre de ses chambres territoriales.
À l'examen de ce budget, on observe des améliorations. Après la création de 29 équivalents temps plein (ETP) en faveur de l'Ofpra l'année dernière, le budget prévoit une nouvelle hausse de 48 ETP en 2026, ce qui devrait permettre d'accroître encore la capacité décisionnelle de l'office.
Si les délais devraient de nouveau diminuer en 2026, l'objectif d'un délai moyen global de six mois pour l'examen d'une demande paraît toutefois hors de portée, sans une évolution des procédures et des méthodes de travail. De telles évolutions seront d'ailleurs requises dès 2026 pour respecter les délais particulièrement exigeants de la nouvelle procédure d'asile à la frontière, dans laquelle la demande d'asile devra être examinée au fond en douze semaines, l'examen du recours étant compris dans ce délai.
À cet égard, l'on peut souligner les premiers résultats encourageants de l'espace France Asile de Cergy, ouvert le 19 mai dernier. L'introduction des demandes d'asile par les agents de l'Ofpra, plutôt que l'envoi d'un formulaire papier, permettrait à lui seul un gain de 21 jours. Le traitement des demandes serait également accéléré par la fiabilisation des dossiers et la meilleure anticipation des besoins en interprète.
M. Olivier Bitz, rapporteur pour avis de la mission « Immigration, asile et intégration ». - Je poursuis avec les conditions matérielles d'accueil, qui recouvrent l'ADA et l'hébergement. Si l'on exclut les surcoûts liés à la mise en oeuvre du pacte sur la migration et l'asile, le budget de l'ADA connaît une baisse de 30 millions d'euros. Cela peut paraître très ambitieux, mais n'est pas irréaliste au regard de l'exécution du budget 2025.
Pour le ministère, cette nouvelle diminution résulterait de l'augmentation de l'activité décisionnelle de l'Ofpra, grâce notamment aux emplois supplémentaires créés.
En ce qui concerne l'hébergement des demandeurs d'asile, les crédits connaissent une légère diminution de 2,5 millions d'euros. En 2026, 1 400 places pourraient être supprimées - la direction générale des étrangers en France (DGEF) a indiqué que cette suppression n'était pas encore certaine -, sachant que le budget 2025 avait déjà prévu une réduction de 6 400 places. Contrairement à ce que l'on avait pu craindre, cette réduction ne s'est pas traduite par une dégradation du taux d'hébergement des demandeurs d'asile, grâce à l'optimisation de la gestion du parc par l'État et à une politique volontariste de réduction des présences indues.
Conformément à une recommandation de la Cour des comptes, il est prévu de transformer l'intégralité du parc d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile (Huda) en centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada) d'ici 2028. En 2026, cette transformation porte sur un tiers du parc d'Huda, soit 12 500 places.
J'en viens à la politique de l'intégration. Les crédits du programme 104 sont stables, après une forte diminution l'an dernier. Cette réduction s'est traduite par une diminution du nombre de contrats d'intégration républicaine (CIR) signés, ce que l'on ne peut que regretter. L'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) prévoit un retour à la normale en 2026, avec 122 000 CIR.
Conséquence de cette contraction des dépenses, le programme « Accompagnement global et individualisé des réfugiés » (Agir), guichet unique pour l'accompagnement des réfugiés vers le logement et l'emploi, est plafonné à 25 000 bénéficiaires actifs, et réorienté vers les publics les plus vulnérables.
L'évolution principale réside dans la mise en oeuvre de la réforme de la formation linguistique et civique. La loi du 26 janvier 2024 a prévu un rehaussement des exigences linguistiques pour la délivrance des titres de séjour pluriannuels, ainsi que pour la naturalisation. Ce rehaussement a pour conséquence une augmentation estimée à 40 % du besoin de formation, du fait du plus grand nombre d'étrangers concernés et de l'accroissement du nombre d'heures de formation nécessaires pour atteindre les niveaux attendus. Le ministère de l'intérieur estimait initialement, à conditions inchangées, le coût de la mise en oeuvre de ces nouvelles exigences à 100 millions d'euros.
Les nouvelles modalités de formation, décidées en juillet dernier, ont pour objet de permettre la mise en oeuvre de la réforme à budget constant tout en responsabilisant les signataires d'un CIR. Le décret du 15 juillet 2025 a rendu facultative la formation linguistique proposée par l'Ofii, laissant à l'étranger toute liberté pour se former comme il l'entend, notamment dans le cadre de la formation professionnelle - la loi du 26 janvier 2024 comporte d'ailleurs plusieurs mesures visant à favoriser l'apprentissage du français par les salariés étrangers. La certification est également mise à la charge de l'étranger, et non plus de l'État.
Surtout, la formation linguistique devient entièrement dématérialisée ; elle se déroule désormais sur une plate-forme numérique d'un prestataire de l'Ofii. La formation en présentiel, sous la forme d'un forfait unique de 600 heures, n'est maintenue que pour les publics les plus fragiles, notamment les non-lecteurs et non-scripteurs. Le ministre a toutefois indiqué que le programme de 600 heures devrait bénéficier à une part plus importante des signataires de CIR.
Si ces nouvelles modalités de formation présentent un intérêt certain, nous serons vigilants quant aux conditions de leur mise en oeuvre, notamment en ce qui concerne la qualité de la formation en ligne. Nous avons été alertés sur les conséquences de l'offre restrictive de formation en présentiel, la diminution du nombre de prestataires obligeant parfois les intéressés à des trajets difficilement soutenables. Une évaluation rigoureuse sera nécessaire.
Avant de conclure, je souhaite évoquer les dysfonctionnements de l'administration numérique pour les étrangers en France (Anef), qui a pour objet la dématérialisation des démarches et des procédures en matière de séjour, d'asile et d'intégration. Le Conseil national des barreaux et la Défenseure des droits se sont fait l'écho des nombreuses difficultés rencontrées par les usagers. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 prévoit une dépense supplémentaire de 40 millions d'euros, contre 20 millions d'euros en 2025, pour un coût total de 179 millions d'euros. Ces crédits sont notamment consacrés au traitement des anomalies.
Enfin, nous nous sommes rendus à Calais afin de prendre la mesure de la situation migratoire sur le littoral de la Manche et de la mer du Nord, source de nombreuses difficultés pour les territoires concernés. Les traversées ou tentatives de traversées en direction du Royaume-Uni sont en nette hausse : au 19 octobre 2025, 56 789 tentatives ont été recensées, soit l'équivalent de 40 % des entrées irrégulières dans l'Union européenne sur la même période.
Nous avons pu nous rendre compte des difficultés rencontrées par les forces de l'ordre pour prévenir les traversées au moyen de petites embarcations, en dépit de l'importance des moyens mobilisés. On peut espérer que l'évolution de la doctrine d'interception en mer, décidée la semaine dernière, permette d'empêcher ces traversées périlleuses.
Un accord entre la France et le Royaume-Uni, conclu les 29 et 30 juillet 2025, organise, à titre expérimental, et jusqu'en juin 2026, un mécanisme prévoyant l'admission légale au Royaume-Uni d'étrangers en contrepartie de la réadmission en France de personnes arrivées irrégulièrement au Royaume-Uni. Critiqué par certains acteurs, son bilan est, à ce jour, très limité. Au 4 novembre 2025, 94 individus avaient été réadmis en France et 57 admis légalement au Royaume-Uni. L'intérêt d'un tel mécanisme réside dans l'implication des autres États européens et de l'UE. Comme le soulignait le rapport d'information sur les accords internationaux migratoires dont nous étions, la présidente Jourda et moi, les auteurs, la conclusion d'un accord migratoire global entre le Royaume-Uni et l'UE paraît constituer la seule solution viable pour endiguer ce phénomène.
Au bénéfice de ces observations, nous vous proposons de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission. Dans le contexte budgétaire actuel, nous ne pouvons que saluer l'effort important réalisé en faveur de la lutte contre l'immigration irrégulière, à laquelle notre commission est traditionnellement attentive.
Nous présentons un amendement relatif au régime des frais irrépétibles devant la CNDA, qui connaissent une croissance exponentielle, et qu'il s'agit de maîtriser.
Mme Corinne Narassiguin. - Notre groupe ne retient que deux points positifs dans la présentation de ce rapport. Le premier concerne les 48 ETP supplémentaires pour l'Ofpra. Ce renfort répond à une dégradation du délai moyen d'instruction des demandes d'asile, qui est liée à l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile ainsi qu'au taux de rotation des officiers de protection. Un point de vigilance doit être porté sur les conditions de travail de ces derniers.
L'autre point positif concerne les crédits supplémentaires accordés pour remédier aux dysfonctionnements de l'Anef ; il est d'urgent d'améliorer ce système.
Pour le reste, la réduction du parc d'hébergement est un sujet d'inquiétude. On craint une réduction de 1 400 places, alors que 500 places supplémentaires sont prévues à Mayotte. Cela signifie que, sur le territoire hexagonal, la baisse envisagée est encore plus importante.
Par ailleurs, on observe une forte baisse des places d'hébergement en faveur des bénéficiaires de la protection temporaire ukrainiens. Certes, ces derniers sont moins nombreux aujourd'hui, mais nous savons aussi qu'un certain nombre d'entre eux se retrouvent sans solution à la sortie du parc d'hébergement d'urgence.
Au sujet de l'ADA, on observe une baisse compréhensible pour les Ukrainiens bénéficiaires de la protection temporaire, dans la mesure où leur nombre diminue. En revanche, pour les demandeurs d'asile, au regard de l'augmentation prévue de leur nombre, cette baisse est plus contestable. Les dépenses de l'ADA vont être affectées par deux facteurs. En raison de la réduction considérable des places d'hébergement, un montant additionnel sera versé aux personnes qui ne sont plus hébergées par l'Ofii. À cela s'ajoute la mise en oeuvre du pacte européen sur la migration et l'asile, qui influera également sur le nombre de bénéficiaires.
Enfin, je m'interroge sur la formation linguistique. Avec ce choix d'une mise en oeuvre à budget constant, alors qu'on observe une augmentation de 40 % des étrangers concernés pour atteindre le niveau A2 afin d'obtenir une carte pluriannuelle, on voit bien que l'objectif n'est pas de mieux intégrer, mais plutôt de faciliter un tri sur la base de l'acquisition des compétences linguistiques. Le Gouvernement lui-même estime que seul un étranger sur deux sera en mesure d'atteindre le niveau A2.
La formation dématérialisée est une plaisanterie. Il n'est pas sérieux de généraliser la formation à distance asynchrone, avec des modules sur internet. Il ne s'agit même pas d'un service distanciel avec un tutorat, mais de simples modules où l'on se débrouille seul. Cela va augmenter le nombre de personnes maintenues dans une forme de précarité administrative, dans la mesure où celles-ci ne pourront pas accéder aux cartes de séjour pluriannuelles. À cela s'ajoutent les difficultés à se maintenir dans l'emploi ou à acquérir un logement. Par ailleurs, cela alourdit la charge de travail des bureaux des étrangers au sein des préfectures.
Pour toutes ces raisons, nous sommes opposés à l'adoption des crédits de la mission.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Je ne peux que regretter que les rapporteurs n'aient pas évoqué l'outre-mer. Or, comment aborder le sujet de l'immigration et de l'asile sans mentionner les territoires ultramarins, notamment Mayotte, qui à elle seule concentre plus de la moitié du nombre de reconduites à la frontière de notre pays, et la Guyane, qui représente la moitié de l'autre moitié ?
Ces vagues migratoires ont des conséquences dans l'Hexagone. Il y a plus d'un an, lorsqu'il a fallu évacuer un camp de migrants à Mayotte, le redéploiement s'est effectué, pour partie, dans les Yvelines. L'immigration à Mayotte a des conséquences également pour La Réunion, avec de nombreux incidents qui émaillent l'actualité. Cela aurait mérité quelques mots.
Nous avons voté des textes d'exception, notamment mes amendements en 2018 visant à limiter les effets de l'acquisition de la nationalité française à Mayotte. Le Parlement s'est empressé de durcir le dispositif, avant même d'avoir étudié les effets de ces dispositions.
Récemment, le directeur général de l'Insee, en mission particulière à Mayotte au lendemain du cyclone, m'indiquait que la natalité était enfin en train de baisser. Cette diminution serait vraisemblablement liée aux dispositions que nous avons adoptées en 2018. Je rappelle qu'aussitôt après leur vote, de nombreux collègues s'étaient empressés, encore une fois, de dire que ces dispositions n'avaient aucun effet, alors qu'il s'agissait simplement d'attendre. Je suggère de mener un travail de suivi de ces textes d'exception.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Notre souci à l'égard Mayotte est réel. Avec mes collègues Olivier Bitz, Agnès Canayer, Audrey Linkenheld, ainsi que Salama Ramia, nous nous sommes rendus sur place en septembre dernier. Un rapport sera publié prochainement.
M. Guy Benarroche. - Ce budget se fonde sur un leurre qui est déjà à l'origine de certains textes examinés au Sénat. Ce leurre consiste à croire qu'en plaçant les migrants dans des situations de plus en plus précaires et en créant des irrégularités administratives, nous allons diminuer le flux migratoire dans notre pays, en Europe et dans l'ensemble du monde. Cela n'a jamais été le cas et cela depuis des millénaires. Le seul résultat auquel nous parvenons est de ne répondre ni aux normes européennes ni aux conditions d'accueil les plus élémentaires. En agissant de la sorte, nous créons des ressentiments et des vulnérabilités supplémentaires.
Le budget se répartit entre le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » et le programme 303 « Immigration et asile ». Il s'avère très déséquilibré, puisque 80 % des crédits concernent le programme 303, qui est dédié à la répression de l'immigration irrégulière ou supposée irrégulière.
L'année 2026 sera marquée par l'entrée en vigueur du pacte européen sur la migration et l'asile. Cela aurait dû motiver des budgets plus importants sur le programme dédié à l'intégration et l'accueil. L'action visant à garantir l'exercice du droit d'asile, qui finance l'ADA, voit ses crédits baisser de 10 % alors qu'on annonce une augmentation de 5 % du nombre de demandes d'asile.
On observe également une réduction du budget consacré au parc d'hébergement des demandeurs d'asile et des réfugiés. La transformation de 12 500 places d'Huda en Cada fragilise encore davantage les dispositifs d'accueil. Que deviennent les personnes concernées ? Où vont-elles vivre ? Comment comptons-nous les intégrer et nous occuper de leurs formalités administratives ?
L'intégration par la langue est un exemple frappant. Non seulement les crédits ne sont pas augmentés, mais les formations sont dématérialisées. Comment peut-on demander à des étrangers qui arrivent dans notre pays un certain niveau de langue, alors que nous diminuons les crédits permettant de suivre des cours en présentiel ? Qui peut penser que cela puisse donner un résultat positif ?
De même, chaque fois que nous avons souhaité permettre aux demandeurs d'asile de signer des contrats de travail, on nous a répondu que cela n'était pas possible. Ils se retrouvent dans l'impossibilité de subsister. Que voulez-vous qu'ils fassent pour vivre, sinon se retrouver dans une situation encore plus irrégulière en travaillant au noir ?
Dans mon rapport de la mission sur les juridictions administratives et les juridictions financières, j'ai annoncé que les tribunaux administratifs allaient subir cette année une hausse d'activité supérieure à celles qu'ils subissent déjà depuis des années. L'augmentation oscillait entre 8 % et 10 % par an ; elle va s'élever à 25 %. Une part importante concerne les contentieux administratifs liés aux prises de rendez-vous dans les préfectures. De nombreuses personnes se retrouvent en situation irrégulière, car elles n'ont pas obtenu les rendez-vous aux dates légalement prévues dans les préfectures. Cela aboutit à un encombrement des tribunaux administratifs.
Nous préférons augmenter le nombre des places dans les CRA et les zones d'attente, ce qui n'a jamais permis de résoudre le problème. Avez-vous visité des CRA ? Pour ma part, j'en visite quatre ou cinq par an, et autant de zones d'attente. On s'aperçoit que cela ne permet pas résoudre le problème de l'immigration irrégulière.
Je préfère évoquer la situation des personnes humaines, plutôt que ce rapport qui se félicite de participer à l'effort d'économies.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à l'adoption des crédits de la mission.
Mme Audrey Linkenheld. - Je souligne la difficulté d'examiner de manière précise ce budget. On annonce aujourd'hui 85 millions d'euros destinés à préparer l'entrée en vigueur du pacte européen sur la migration et l'asile. Celui-ci doit s'accompagner d'un certain nombre de règlements - et non de directives - actuellement en discussion. À ce sujet, nous portons, avec mon collègue Ronan Le Gleut, une proposition de résolution qui a été débattue en commission des affaires européennes. Si nous ne sommes pas en accord sur l'ensemble des éléments de fond, nous déplorons conjointement que les parlements nationaux soient dessaisis de ces questions. Cela aura des conséquences sur le droit français ainsi que sur le plan budgétaire. Notre proposition de résolution sera peut-être examinée également dans cette commission.
Lors de son audition, j'ai interrogé le ministre de l'intérieur sur un éventuel projet de loi d'application de ce pacte. On nous indique aujourd'hui que cela va coûter 85 millions d'euros, peut-être 150 millions, sans plus d'informations.
M. Olivier Bitz, rapporteur pour avis. - En ce qui concerne les craintes exprimées quant à la budgétisation de l'ADA, il faut rappeler qu'il s'agit d'une dépense de guichet. Autrement dit, si les demandes sont plus nombreuses, l'enveloppe sera ajustée afin de correspondre aux besoins. Cela dit, la prévision du Gouvernement semble sincère. La baisse de 47 millions d'euros prévue pour 2025 a été absorbée. Les surcoûts liés au pacte sur la migration et l'asile sont intégrés aux dépenses de l'ADA.
Concernant ce pacte, nous partageons vos interrogations. Le montant de 150 millions d'euros correspond à celui qui a été donné par le Gouvernement à la Commission européenne dans son plan national de mise en oeuvre du pacte. Nous nous interrogeons sur la différence entre ce que le Gouvernement annonçait l'année dernière et les crédits inscrits au budget 2026, qui sont pratiquement moitié moindres. J'imagine que nous aurons des explications en séance.
Concernant la réduction du parc d'hébergement, j'entends vos inquiétudes. L'an dernier, nous étions déjà très inquiets avec la diminution de 6 400 places. On s'aperçoit aujourd'hui que le taux d'hébergement des demandeurs d'asile ne s'est pas dégradé. Cela s'est effectué au prix d'une forte pression sur les acteurs associatifs, dont la gestion a été optimisée. Cette année, on dénombre 1 400 suppressions de places. Sans être certaine de réaliser ces suppressions, l'administration essaie d'optimiser les places existantes. À ce stade, les difficultés que nous pouvions craindre ne se sont pas survenues.
Naturellement, l'outre-mer est au coeur du sujet migratoire. Il s'agit ici de présenter les crédits budgétaires, non de dresser un tableau d'ensemble de la situation migratoire nationale. Je tiens à vous dire que, dans le rapport préparé avec mon collègue David Margueritte, les crédits dédiés aux territoires ultramarins, notamment Mayotte, sont précisés. Certaines des mesures prévues dans la loi de programmation pour la refondation de Mayotte y trouvent une traduction budgétaire. C'est le cas de la création d'une zone d'attente, 46 millions d'euros en AE et 1,5 million d'euros en CP étant inscrits à cet effet, comme de la création des unités de vie familiale pour la rétention des mineurs accompagnés, avec 16,8 millions d'euros en AE et 7,8 millions d'euros en CP.
M. David Margueritte, rapporteur pour avis. - Monsieur Benarroche, nous avons un désaccord de fond. Notre pays a le droit de gérer les flux migratoires, de choisir son immigration et ses procédures. On ne peut pas considérer que passer la frontière est, en soi, un acte de régularisation administrative. Si l'on suit votre raisonnement, l'immigration irrégulière n'existe pas. Sur ce point, j'assume un désaccord radical.
Nous visitons également des CRA. La semaine dernière encore, nous étions à Calais. À l'occasion d'un précédent rapport, je m'étais rendu à Vincennes. La situation des CRA justifie pleinement l'investissement dans les capacités de rétention. Si nous ne sommes pas au rendez-vous de 2027, je me réjouis que nous soyons à celui de 2029, compte tenu de l'effort budgétaire. L'augmentation du nombre de places ne résout pas entièrement le problème, mais constitue un élément de réponse.
Concernant le pacte sur la migration et l'asile, les réponses du ministre n'ont pas été rassurantes. Nous connaissons l'échéance du 12 juin prochain. Sans projet de loi, il y aura une invocabilité directe de certaines dispositions européennes sans que nous ayons pu les transposer ni abroger les dispositions françaises qui leur sont parfois contraires. Si nos interlocuteurs ont indiqué qu'un projet de loi était bien prévu pour le début de l'année prochaine, je vois mal comment nous pourrions l'adopter avant le 12 juin prochain.
Concernant l'Ofpra, le taux de rotation important est lié au métier en tant que tel, répétitif et difficile. Les 48 créations d'ETP ne devraient pas, à elles seules, régler le problème, mais participer à la réduction des délais. Cet objectif de réduction des délais de traitement des demandes d'asile explique en grande partie la baisse du budget prévu pour l'ADA.
M. David Margueritte, rapporteur pour avis. - L'amendement LOIS.1 porte sur la procédure contentieuse à la CNDA, et plus précisément sur les frais irrépétibles. Ces derniers, mis à la charge de l'Ofpra, correspondent aux frais d'avocat payés à l'issue d'un contentieux gagné. Comme le relève la Cour des comptes, ils ont été multipliés par 55 depuis 2016. Afin de limiter l'effet d'aubaine, nous proposons de limiter ces frais au montant de l'aide juridictionnelle pour mettre un terme à cette inflation.
Cet amendement ne remet pas en cause le droit de recours, et permet d'économiser 4 millions d'euros sur le budget de l'Ofpra, et donc de l'État.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cela signifie que, si l'avocat intervient au titre de l'aide juridictionnelle, il est rémunéré au niveau de cette aide. Et si le client ne demande pas l'aide juridictionnelle, l'avocat ne peut pas être payé davantage via les frais irrépétibles ?
Mme Muriel Jourda, présidente. - Qu'il s'agisse des honoraires au titre des frais irrépétibles ou de l'aide juridictionnelle, c'est la même somme ; tel est le sens de cet amendement. L'avocat ne percevra jamais une somme supérieure à celle de l'aide juridictionnelle.
M. David Margueritte, rapporteur pour avis. - Il s'agit effectivement de limiter le montant des frais irrépétibles en proposant un plafond. L'aide juridictionnelle est systématiquement demandée devant la CNDA et, par dérogation, son bénéfice est de plein droit pour les requérants.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - À ce compte, on pourrait plafonner les frais irrépétibles dans toutes les procédures !
M. Guy Benarroche. - La loi du 26 janvier 2024 a prévu la territorialisation de la CNDA. Cinq chambres territoriales sont déjà ouvertes et deux seront actives à partir du mois de janvier prochain. Le problème de ces chambres territorialisées est de trouver des avocats dans leur ressort, car, au-delà de faciliter les échanges, cela permet de diminuer les frais. À mon sens, une telle mesure n'est pas de nature à leur permettre de trouver des avocats sur leur territoire d'implantation.
M. Francis Szpiner. - Soit une personne demande à bénéficier de l'aide juridictionnelle, soit elle choisit un avocat, et celui-ci peut demander les honoraires qu'il souhaite. Mais il ne pourra obtenir en remboursement que le montant des frais irrépétibles plafonnés au titre de l'aide juridictionnelle. Cela permet à l'État de réaliser des économies, sans pénaliser la personne.
L'amendement LOIS.1 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
COMPTE-RENDU DE L'AUDITION DE M. LAURENT NUNEZ, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR
Mme Muriel Jourda, présidente. - Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue devant notre commission, qui n'a pas encore eu l'occasion de vous entendre depuis votre entrée en fonctions. Nous sommes heureux de vous accueillir dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Comme la précédente, cette loi de finances s'inscrit non seulement dans la poursuite d'un effort de maîtrise de la dépense publique, mais aussi dans un contexte politique particulièrement difficile.
Nous notons que les trois missions budgétaires dont vous avez la charge - « Immigration, asile et intégration », « Sécurités » et « Administration générale et territoriale de l'État » - voient leurs crédits augmenter. Il s'agit d'un effort assez important, que l'on ne saurait minimiser, et qui témoigne du caractère prioritaire de ces politiques publiques régaliennes. Toutefois, l'augmentation globale des crédits masque parfois des variations importantes parmi les composantes des dépenses, qui traduisent certains choix politiques.
Comme de coutume, je vous laisse la parole afin que vous nous présentiez les grandes lignes du projet de budget 2026 du ministère de l'intérieur. Les rapporteurs de la commission puis l'ensemble des commissaires vous poseront ensuite leurs questions.
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. - Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un honneur d'être auditionné par votre commission pour défendre le projet de budget du ministère de l'intérieur pour 2026. Ce budget doit permettre d'assurer le financement des priorités indispensables pour rendre un service public de meilleure qualité, protéger nos concitoyens et lutter contre toutes les menaces que nous connaissons actuellement, en premier lieu desquelles le narcotrafic et le terrorisme.
Les crédits du ministère de l'intérieur pour 2026 s'établissent à 24,5 milliards d'euros, dont 15,4 milliards au titre de la masse salariale hors pension, et 9 milliards de dépenses de fonctionnement et d'investissement. La masse salariale représente 63 % du budget global du ministère ; elle est en diminution d'un point, puisque, dans le cadre de la loi de finances initiale (LFI) pour 2024, elle s'établissait à 64,1 %. Cette orientation, conforme à l'ambition initiale de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), correspond à l'objectif de garantir aux agents du ministère d'exercer leurs missions dans de bonnes conditions matérielles, tout en modernisant les modalités de notre action.
Notre budget augmente de 587 millions d'euros, dont 200 millions au titre des dépenses électorales, servant à financer l'organisation des prochaines élections municipales et sénatoriales. Cette augmentation, bien qu'elle ne corresponde pas à l'euro près à la trajectoire initiale prévue par la Lopmi, permet de répondre aux besoins de modernisation du ministère. En effet, l'évolution des crédits de la mission « Sécurités » et du programme « Administration territoriale de l'État » est supérieure à celle qui était initialement prévue dans la loi d'orientation, grâce aux économies réalisées sur le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ». Aussi le ministère de l'intérieur contribue-t-il au redressement des comptes publics, tout en finançant ses priorités en cohérence avec les ambitions de la Lopmi et en réalisant des économies sur ses fonctions support.
Ainsi, le budget pour 2026 permettra la création de 1 600 équivalents temps plein (ETP), indispensable pour assumer des missions dont le nombre augmente fortement. Il est réparti de la façon suivante : la mission « Sécurités » se voit attribuer 17,7 milliards d'euros, soit 72,3 % du budget du ministère de l'intérieur ; cette somme augmente de 371 millions d'euros par rapport à celle qui était prévue par la LFI pour 2025, et est supérieure de 103 millions d'euros à la trajectoire prévue par la Lopmi.
Nous prévoyons 2,2 milliards d'euros pour la mission « Immigration, asile et intégration », soit 8,8 % du budget du ministère, ce qui correspond à une augmentation de 80 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2025.
Quant à la mission « Administration générale et territoriale de l'État », 3,9 milliards d'euros de crédits sont inscrits en excluant le programme « Vie politique » dépendant du calendrier électoral, soit 16,1 % du budget ministériel. Cette somme est en diminution de 72 millions d'euros par rapport à 2025, du fait des économies que j'évoquais à l'instant.
Sur la base de ce cadrage macrobudgétaire, je vous propose de détailler succinctement chacune des missions précitées, ce qui permettra de présenter les principales hypothèses retenues pour la construction du budget qui sera soumis à votre vote.
Au sein de la mission « Sécurités », les crédits du programme « Police nationale » augmentent de 158,7 millions d'euros par rapport à 2025. Nous pouvons ainsi financer les priorités suivantes : la création de 1 000 ETP supplémentaires pour répondre aux enjeux de la filière investigation, mais aussi pour armer les centres de rétention administrative (CRA) livrés l'année prochaine, en particulier à Dunkerque ; le financement du « plan investigation » dans ses autres composantes qu'humaines, en particulier le renforcement de l'équipement numérique des services ; la poursuite de l'effort en matière de transformation numérique, pour améliorer tant les conditions de travail des policiers que leur relation aux usagers - je songe notamment à l'acquisition de drones, à la lutte antidrone ou à la vidéoprotection de la préfecture de police ; la garantie d'un équipement adapté pour assurer la sécurité et l'efficacité des personnels, pour lesquels nous poursuivons évidemment nos efforts en 2026. En outre, le maintien des crédits immobiliers à un niveau élevé - 283 millions d'euros - permet de couvrir les dépenses déjà engagées, notamment les travaux de l'hôtel des polices de Nice, mais aussi d'accompagner les nouveaux programmes immobiliers.
Le budget du programme « Gendarmerie nationale » augmente de 163 millions d'euros. Il servira notamment à financer la création des 400 emplois nécessaires au déploiement des nouvelles brigades souhaitées par le Président de la République - nous prévoyons le déploiement de 58 unités en 2026. Nous poursuivons l'effort en matière immobilière, les crédits dédiés augmentant de 100 millions d'euros par rapport à 2025 pour s'établir à 279 millions d'euros en crédits de paiement. À cela s'ajoute l'autorisation interministérielle de lancer la consultation d'entreprises pour la rénovation du site de Satory, dans le cadre d'un partenariat public-privé. Le renforcement de la présence sur la voie publique est assuré par l'augmentation de 100 millions d'euros des crédits en faveur de la réserve opérationnelle - je détaillerai ce sujet en réponse à vos questions. Nous assurerons également la fourniture de certains équipements prioritaires, tels que les véhicules de maintien de l'ordre.
Les crédits du programme « Sécurité civile » augmentent de 49,8 millions d'euros, ce qui permet de financer la création de 50 emplois nouveaux, nécessaires notamment pour poursuivre la montée en puissance du quatrième régiment de sécurité civile, l'acquisition de deux nouveaux canadairs ou encore le renouvellement de la flotte d'hélicoptères.
Enfin, le budget de l'action « Sécurité et éducation routières » est stable par rapport à 2025. L'objectif prioritaire reste la diminution du délai de passage du permis de conduire. À cet effet, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » porte la création de 10 emplois d'inspecteurs du permis de conduire.
Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » augmentent de 80 millions d'euros par rapport à 2025. Cette hausse permettra d'accompagner la mise en oeuvre du pacte européen sur la migration et l'asile, de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, ainsi que la réalisation du plan visant à créer 3 000 places dans les CRA. Nous prévoyons la livraison de deux nouveaux centres en 2026, à Dunkerque et à Bordeaux, ainsi que la création de 52 places dans le CRA de Rennes et celle de 28 places dans celui de Metz. La dernière grande priorité de cette mission est la poursuite du déploiement des grands programmes numériques, en particulier de l'administration numérique pour les étrangers en France (Anef), qui doit être sécurisé pour faciliter le travail des agents et améliorer l'accueil des usagers.
Enfin, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » se répartissent de la façon suivante. Le budget du programme « Administration territoriale de l'État » augmente de 64 millions d'euros, ce qui permet de financer la création de 50 ETP supplémentaires et de poursuivre le rattrapage du retard d'investissement dans l'immobilier de l'administration territoriale de l'État, ainsi que la modernisation des infrastructures de services numériques.
Les crédits du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » diminuent quant à eux de 134 millions d'euros, notamment en raison de la révision du calendrier de paiement des grands projets, en particulier celui du site unique de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), ou à cause de la prise en compte des taux de couverture en matière de vidéoprotection. Les moyens alloués permettront de poursuivre l'effort en matière numérique dans le contexte du déploiement à venir du réseau Radio du futur, mais aussi de financer la mobilisation de l'intelligence artificielle pour optimiser les processus métiers, le portage des projets du site unique de la DGSI et d'Universeine, où le regroupement de plusieurs administrations centrales permettra de réaliser à terme des économies de 35 millions d'euros par an. Enfin, nous poursuivons l'effort en matière d'action sociale, avec une hausse de plus de 10 millions d'euros, et nous créons 50 emplois visant à assurer la réinternalisation des compétences, notamment en matière numérique, qui permettront de futures économies.
Ainsi que je l'indiquais, les crédits du programme « Vie politique » augmentent de 200 millions d'euros pour financer l'organisation des élections municipales et sénatoriales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le constatez, le budget du ministère de l'intérieur pour 2026 permet de poursuivre la modernisation et la dynamisation des services dans le souci de rendre le meilleur service au public, tout en garantissant de bonnes conditions de travail aux personnels présents sur l'ensemble du territoire national. Je le souligne, le ministère parvient à trouver un équilibre entre sa contribution au redressement des comptes publics - j'ai souligné les efforts importants en la matière - et le maintien du financement de ses priorités.
Enfin, j'appelle votre attention sur les mesures de la première partie du projet de loi de finances qui concernent le ministère de l'intérieur. Elles visent notamment à augmenter les frais administratifs payés par les étrangers, afin que le coût d'obtention d'un titre - qu'il s'agisse du timbre fiscal pour la demande d'une carte de séjour, des frais appliqués pour l'échange de permis de conduire étrangers ou des demandes de naturalisation, etc. - s'inscrive dans la moyenne européenne et soit supérieur aux coûts des titres nationaux actuellement pratiqués, pour tenir compte de l'augmentation des frais de gestion. Ces recettes supplémentaires soumises à votre vote bénéficieraient au budget du ministère de l'intérieur et serviraient à renforcer la politique d'intégration, en permettant notamment aux préfets d'accompagner la mise en oeuvre de la circulaire du 26 juin 2025 sur l'insertion professionnelle des étrangers en situation régulière, qui, ainsi que je l'affirmais à l'instant lors de la séance de questions au Gouvernement, n'est évidemment pas remise en cause.
M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la mission « Sécurités ». - Monsieur le ministre, afin que nous comprenions mieux la répartition des crédits entre les programmes 152 « Gendarmerie nationale » et 176 « Police nationale », j'aurai quatre questions à vous poser.
Premièrement, je constate avec satisfaction que le budget proposé pour 2026 respecte les ciblées fixées par la Lopmi, voire les dépasse dans certains cas. Pour autant, la Lopmi avait également pour objectif de rééquilibrer les dépenses au profit du fonctionnement et de l'investissement. Or le déséquilibre entre ces dernières et la courbe ascendante des dépenses de personnel ne semble pas se résorber, faisant courir à long terme un risque sur le maintien des capacités opérationnelles. Quelles actions comptez-vous engager pour rééquilibrer la répartition des dépenses, comme le préconisait la Lopmi ?
Deuxièmement, les cibles de recrutement fixées par la Lopmi pour l'année 2025 n'ont pas été respectées : les schémas d'emplois des programmes 152 et 176 étaient neutres. Si la création de 1 000 ETP pour la police nationale permet un rattrapage partiel en 2026 de cette année blanche, il n'en va pas de même pour la gendarmerie qui, avec seulement 400 postes créés, voit cette année blanche « confirmée ». Quelles raisons ont présidé à cet arbitrage, qui revient de facto à privilégier la sauvegarde de la trajectoire du programme 176 sur celle du programme 152 ? Un rattrapage est-il prévu en 2027 ? Quel sera l'impact de cette décision sur le respect du plan de création de 239 brigades de gendarmerie, dont près de la moitié, à savoir 101, devront être financées durant la dernière année de programmation ?
Troisièmement, le renouvellement du parc automobile accumule les retards. Si les crédits ouverts pour la police nationale sont pour la première fois en trois ans supérieurs au seuil de renouvellement - 2 900 acquisitions de véhicules sont programmées, pour un seuil fixé à 2 500 -, ils ne combleront que partiellement les manques de 2024 et de 2025. Les chiffres sont encore plus dégradés pour la gendarmerie, pour laquelle entre 600 et 700 acquisitions de véhicules sont programmées en 2026, quand le seuil de renouvellement du parc est fixé à 3 750 véhicules. Monsieur le ministre, vous le savez très bien pour être un ancien de la maison, le vieillissement accéléré du parc a déjà des conséquences opérationnelles. Quels leviers d'action comptez-vous employer pour inverser cette tendance ?
Enfin, quatrièmement, le renouvellement de la flotte d'hélicoptères de la gendarmerie nationale, les fameux AS350 Écureuils, est pressant : les 26 aéronefs, dont la moyenne d'âge approche les 40 ans, sont soit déjà hors service soit en passe d'être retirés du service. Faute de moyens suffisants, la gendarmerie pourrait rapidement subir une rupture capacitaire majeure dans les airs. Ma question est donc simple : les financements vont-ils être mis sur la table, et quand ? Il y a désormais urgence ; je le rappelle, il manque encore 355 millions d'euros pour financer ce renouvellement.
M. Bruno Belin, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Sécurités ». - Lors de la présentation des crédits de cette mission, la commission des finances a soulevé les mêmes points qu'Henri Leroy vient de mentionner. Un effort soutenu est réalisé pour la police nationale : dont acte. En ce qui concerne la sécurité routière, le montant prévu de 10 ETP supplémentaires semble très faible devant les difficultés pour faire passer les examens du permis de conduire.
Effectivement, les crédits affectés à la gendarmerie nationale posent d'importants problèmes. Bien sûr, un effort particulier a été fait sur l'immobilier, grâce notamment à un rapport sénatorial - veuillez excuser ce manque d'humilité, mais si les travaux commencent enfin à Dijon ou à Satory, c'est bien parce que le sujet de l'immobilier a été soulevé par le Sénat.
Ainsi qu'Henri Leroy l'a indiqué, en ce qui concerne les moyens humains, les postes dont la création est prévue par le PLF 2026 sont en réalité ceux qui étaient prévus dans le budget de l'année passée. Il y a un décalage, et la différence est donc nulle : il n'y a pas de création de postes.
En outre, de grosses difficultés concernent les matériels : rien n'est prévu pour le remplacement des Famas, les fusils d'assaut de la manufacture d'armes de Saint-Étienne ; or je ne vois pas comment des militaires sont utiles s'ils n'ont pas d'armes. Par ailleurs, les arbitrages ont fait que, sur les 26 nouveaux hélicoptères prévus par le budget de l'an passé, 24 ont été attribués à la sécurité civile. Même si ce choix était sans doute justifié, nous nous accordons tous pour dire que ces hélicoptères sont indispensables pour la surveillance du territoire. Il y a là un vrai point d'alerte.
Enfin, nous lançons une autre alerte au sujet de la réserve opérationnelle, tant de la police nationale que de la gendarmerie nationale. Nous trouvons les moyens humains, mais il faut aussi équiper les 40 000 à 50 000 volontaires qui souhaitent y entrer. Nous insistons en particulier sur les véhicules : il faudrait 3 000 véhicules supplémentaires pour assurer le renouvellement de la flotte, mais seulement 600 nouveaux véhicules sont prévus, soit 6 par département...
M. David Margueritte, rapporteur pour avis de la mission « Immigration, asile et intégration ». - Monsieur le ministre, mon collègue Olivier Bitz et moi-même avons cinq questions à vous poser.
Premièrement, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » augmentent de manière significative, notamment pour accroître les capacités de rétention et le nombre de zones d'attente. Nous nous en réjouissons, car il s'agit en effet d'une priorité. Néanmoins, cette augmentation doit être mise en regard de la sous-consommation chronique des crédits liés à l'investissement dans ces programmes immobiliers, qui semble, d'après les premiers éléments dont nous disposons, se poursuivre en 2025. L'atteinte de l'objectif de 3 000 places en CRA en métropole a été décalée de deux ans -de 2027 à 2029 - par rapport au calendrier fixé par la Lopmi, en raison notamment des difficultés rencontrées dans certains territoires, qu'il s'agisse de problèmes fonciers ou d'acceptabilité des projets. Monsieur le ministre, pouvez-vous garantir que ces 3 000 places pourront bien voir le jour d'ici à 2029 ?
Deuxièmement, malgré l'amélioration qui se dessine en 2025 en matière d'exécution des mesures d'éloignement, le compte n'y est pas encore, au moins pour deux raisons. D'une part, il faut tenir compte de l'insuffisante capacité de rétention dans les centres. Durant la séance de questions au Gouvernement, nous avons d'ailleurs entendu Marie-Carole Ciuntu s'interroger sur le rôle des associations et rappeler que sa proposition de loi relative à l'information et l'assistance juridiques en rétention administrative et en zone d'attente, adoptée par le Sénat, a été transmise à l'Assemblée nationale. D'autre part, plus essentiellement, le compte n'y est pas en raison de l'absence de coopération des États tiers, notamment de l'Algérie, d'où 40 % de la population des CRA est originaire. Le refus d'appliquer le protocole d'accord sur les réadmissions de 1994 et l'arrêt de la coopération consulaire posent de vraies difficultés. Quelles mesures concrètes proposez-vous pour restaurer le rapport de force avec les autorités algériennes ?
Ma troisième question concerne le pacte européen sur la migration et l'asile, qui entrera en application le 12 juin prochain. 85 millions d'euros sont inscrits au PLF 2026 pour l'application de ce pacte, mais en décembre dernier il était plutôt question de 150 millions d'euros. Comment expliquez-vous cet écart ? En outre, tous les acteurs que nous avons reçus nous ont fait part de leurs incertitudes quant à l'application de cette nouvelle réglementation : quand sera déposé un projet de loi visant à préciser ses conditions d'application ?
Quatrièmement, le PLF 2026 prévoit un budget constant en ce qui concerne la formation linguistique et civique, dans un contexte d'augmentation des exigences prévue par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Il semblerait que l'on constate une dégradation de la qualité des formations, liée à leur passage intégral dans un format distanciel - à l'exception de celles destinées aux non-lecteurs et non-scripteurs. Pourriez-vous nous rassurer quant aux conséquences de la transition vers des formations entièrement en distanciel ?
Enfin, avec ma dernière question, je me fais le relais des élus du littoral de la Manche et de la mer du Nord. Les difficultés s'accroissent en raison de l'augmentation manifeste du nombre de migrants qui cherchent à joindre illégalement le Royaume-Uni. Quelles actions pouvez-vous mettre en place d'urgence, et quel premier bilan tirez-vous de l'accord franco-britannique signé l'été dernier ?
Mme Muriel Jourda, présidente. - Monsieur le ministre, mes chers collègues, je me permets de me substituer à nos rapporteurs pour avis qui n'ont pas pu assister à notre réunion.
Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis de notre commission sur le programme « Sécurité civile », souligne que l'acquisition d'avions bombardiers d'eau au niveau européen dépend actuellement d'un acteur canadien, en l'absence d'une production industrielle sur le territoire de l'Union européenne. Le ministère de l'intérieur a signé des lettres d'intention à destination de certains porteurs de projets européens. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer plus précisément quelles suites pourraient être apportées à cette démarche et s'il sera possible, à plus ou moins court terme, de passer commande auprès de ces porteurs de projets européens ?
Monsieur le ministre, Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE), souhaite vous interroger sur le rôle du préfet, renforcé par des mesures réglementaires publiées durant l'été 2025. Devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, vous aviez indiqué vouloir faire vivre cette politique à travers le prochain acte de décentralisation, ce qui nous convient. Toutefois, aucun moyen budgétaire spécifique n'est prévu pour accompagner cette ambition. Comment le préfet peut-il devenir le patron des services de l'État sans les moyens budgétaires associés ?
Par ailleurs, nous achevons le cycle 2022-2025 des missions prioritaires des préfectures. À moins que ces missions ne disparaissent, ce dont je doute, quel cap entendez-vous désormais donner aux agents de l'administration déconcentrée ?
Concernant les effectifs de l'administration territoriale de l'État, les schémas d'emplois déjà réalisés, conjugués aux redéploiements réalisés en 2024 et à l'annonce de la création de 50 ETP en 2026, ont permis de déployer 365 postes supplémentaires depuis 2023. Cette administration, qui compte près de 30 000 ETP, a perdu 4 700 ETP entre 2010 et 2020 alors que sa charge d'activité ne cesse de croître. En dix ans, le nombre de titres de séjour délivrés a augmenté de 56 %, tandis que les effectifs des services ont progressé de 30 %. On peut certes avancer qu'il faut tenir compte d'une amélioration de la productivité, mais cela provoque en réalité un allongement des délais et une détérioration du service. Un quart des sous-préfectures ne sont plus en mesure d'accueillir du public, alors que la proximité constitue le fondement de l'État territorial - je sais que vous partagez cette opinion, monsieur le ministre. Dès lors, comment enrayer la dégradation des services, qui pèse à la fois sur les usagers et sur les agents ?
M. Laurent Nunez, ministre. - Messieurs les sénateurs Leroy et Belin, vous avez raison : même si un certain nombre d'hélicoptères de la sécurité civile ont été renouvelés, le renouvellement de la flotte d'hélicoptères de la gendarmerie nationale est un enjeu opérationnel pour le ministère. Ainsi que je l'ai annoncé au directeur général de la gendarmerie nationale et aux représentants de la gendarmerie nationale, des travaux sont en cours pour déterminer le volume d'hélicoptères, notamment les H145, qu'il est nécessaire de commander. Nous allons lancer des travaux supplémentaires afin d'ouvrir la discussion avec le ministère des comptes publics dans la perspective du projet de loi de finances pour 2027. Pour autant, nous avons débuté le renouvellement de la flotte d'hélicoptères de la gendarmerie nationale. Dans le cadre du plan de relance, nous avons commandé dix H160 et six H145 en 2024 pour débuter le remplacement de la flotte d'Écureuils, deux d'entre eux ayant d'ailleurs été financés dans le cadre des accords de Sandhurst.
Le renouvellement du parc automobile est effectivement une question extrêmement sensible, d'autant plus que ces équipements structurants n'ont pas été renouvelés de manière linéaire ces dernières années. Des efforts très importants ont été faits dans le cadre du plan de relance en 2021-2022, permettant l'acquisition de 12 000 véhicules. Aujourd'hui, dans le contexte financier contraint actuel, la programmation des moyens mobiles s'organise en deux temps. Comme vous l'avez rappelé, dans un premier temps, le PLF pour 2026 prévoit le renouvellement de 2 900 véhicules pour la police nationale et de 600 véhicules pour la gendarmerie. En accord avec le ministre Bruno Retailleau, dont je prolonge l'action, la gendarmerie a privilégié la poursuite du renforcement des moyens financiers alloués à l'immobilier, lesquels augmentent de 100 millions d'euros. Une seconde étape est évidemment prévue. Je ne peux pas m'engager sur des chiffres, mais, ainsi que nous l'avons indiqué aux représentants de la gendarmerie, des commandes complémentaires seront passées dans le cadre du projet de loi de fin de gestion, en fonction des moyens financiers qu'il sera possible de dégager. Nous donnerons alors clairement la priorité aux moyens mobiles. Les travaux sont en cours et, dans ce cadre, il sera possible de procéder à des acquisitions supplémentaires.
Pour ce qui concerne l'évolution du schéma d'emplois, le ministère de l'intérieur a bénéficié d'un arbitrage favorable dans le PLF 2026. Je le répète, même si nous ne respectons pas forcément les trajectoires prévues par la Lopmi, ces arbitrages nous permettent de créer 1 600 ETP, dont 1 450 seront affectés au bénéfice des missions de sécurité - 1 000 pour la police nationale, 400 pour la gendarmerie nationale et 50 pour la sécurité civile. En outre, même si ces emplois ne sont pas portés par la mission « Sécurités » et bien que le chiffre paraisse insatisfaisant, nous avons tout de même prévu la création de 10 emplois d'inspecteurs du permis de conduire.
La répartition de ces créations d'emplois repose sur une démarche pragmatique. Nous avons voulu nous concentrer sur nos priorités. Pour la gendarmerie, 400 emplois sont créés au bénéfice des nouvelles brigades, dont nous poursuivons la création. Une centaine d'entre elles ont déjà été créées, et nous prévoyons d'en créer 58 autres en 2026. Il y aura évidemment une troisième année et un troisième cycle de création. Nous avons fléché ces crédits sur les brigades territoriales, qu'elles soient fixes ou mobiles.
Au sujet des moyens de la police aux frontières, nous avons également prévu la création d'effectifs pour armer les CRA. Deux CRA seront créés, et deux autres seront étendus. Il s'agit également d'armer les équipes pour assurer le déploiement du système européen d'entrée et de sortie (EES).
Nous prévoyons ensuite le renforcement de la filière investigation en matière de police. Je présenterai prochainement le « plan investigation » préparé par mon prédécesseur aux organisations syndicales. Ce plan me convient ; évidemment, je devrai également en discuter avec le garde des sceaux, lui aussi concerné. L'affectation de nos ETP correspond donc à la volonté de répondre à nos priorités. Nous avons d'ailleurs attribué une trentaine d'ETP pour assurer la montée en puissance du quatrième régiment de sécurité civile.
Monsieur le sénateur Leroy, vous avez raison de souligner l'éviction des dépenses salariales sur les dépenses de fonctionnement et d'investissement. Nous avons subi les effets de certaines mesures salariales générales, notamment les mesures dites Guerini, c'est-à-dire la revalorisation du point d'indice et l'ajout de cinq points d'indice majorés pour chaque fonctionnaire à compter du 1er janvier 2024. Ainsi, la masse salariale a augmenté : elle représentait 75,6 % des crédits de la mission « Sécurités » en LFI 2023, et s'est établie à 76,1 % dans la LFI 2024. Depuis 2025, nous avons réalisé un effort pour la maîtriser : dans le cadre du PLF 2026, elle représente 74,8 % des crédits de la mission « Sécurités ».
Cet effort en matière de crédits de fonctionnement et d'investissement permet tout de même de répondre aux ambitions de la Lopmi et de respecter les engagements pris. L'effort immobilier est notamment maintenu à un niveau assez haut, ce qui permet de porter des projets immobiliers majeurs pour la police nationale, notamment l'ouverture de l'hôtel des polices de Nice. Il permet également de remettre à niveau l'immobilier de la gendarmerie nationale : 279 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus dans le PLF 2026, contre 176 millions dans la LFI 2025. Nous poursuivons évidemment les efforts en matière de modernisation des équipements numériques et de développement des systèmes d'information, dont le réseau « Radio du futur » et d'autres solutions d'intelligence artificielle. Par exemple, nous fondons beaucoup d'espoir sur le logiciel Parole, qui permet de retranscrire les procès-verbaux d'audition.
Monsieur le sénateur Belin, je prends note de votre remarque sur le besoin de créer des postes d'inspecteurs du permis de conduire. Dans le contexte budgétaire contraint, nous faisons tout de même un effort avec la création de 10 ETP. En ce qui concerne le remplacement des Famas, mes services réuniront davantage d'éléments.
Quant aux réserves opérationnelles, elles restent effectivement une de nos priorités. Les crédits augmentent de 25 millions d'euros pour la gendarmerie, pour atteindre 100 millions d'euros ; pour la police, ils passent de 39 à 46 millions d'euros. Nous comptons déjà 40 000 réservistes dans la gendarmerie et 10 000 dans la police, et nous avons pour objectif d'atteindre le plus vite possible 30 000 réservistes dans la police et 50 000 dans la gendarmerie. À mes yeux, cela reste une priorité, car les réserves ont maintenant un rôle opérationnel majeur.
J'en viens aux questions de M. le sénateur David Margueritte sur l'immigration. Nous avons bon espoir - en tout cas, j'y veillerai - de voir le plan de création de 3 000 places en CRA aboutir en 2029. Notre programme me semble réaliste au regard des prévisions. Ainsi que je l'indiquais, nous créerons en 2026 les CRA de Bordeaux et de Dunkerque, et nous étendrons ceux de Rennes et de Metz pour atteindre 2 299 places en 2026. En 2027, nous créerons le CRA de Dijon, qui comptera 140 places et nous permettra d'atteindre 2 439 places. En 2028, les CRA de Nantes, de Béziers, d'Oissel et du Mesnil-Amelot permettront d'atteindre 2 923 places. L'ouverture du CRA d'Aix-Luynes, avec ses 140 places, nous permettra d'atteindre 3 063 places en 2029. Effectivement - je reprends mon ancienne casquette de préfet de police, chargé de certains de ces projets pour la région d'Île-de-France -, les aléas immobiliers, des questions d'urbanisme, des autorisations diverses et variées et des procédures environnementales peuvent évidemment provoquer un certain nombre de retards, lesquels ont entraîné une sous-consommation de crédits, ce qui a conduit à rééchelonner le déploiement des projets sans aller toutefois au-delà de l'échéance fixée à 2029. Nous veillerons donc à atteindre l'objectif ambitieux que s'était fixé le Gouvernement.
En ce qui concerne la lutte contre l'immigration clandestine (LIC), 70 272 personnes ont été impliquées en 2024 dans des tentatives de traversée de la Manche à destination du Royaume-Uni, dont 5 156 via le seul vecteur routier, par l'intermédiaire des ferries ou du tunnel sous la Manche, et 65 116 à bord d'embarcations. La majorité des passages - 93 % des tentatives - se fait donc à bord d'embarcations de fortune, appelées small boats. Au total, 36 759 personnes ont réussi la traversée et sont parvenues au Royaume-Uni, tandis que 28 357 personnes en ont été empêchées par les forces de sécurité intérieure. Je le rappelle, le dispositif concerne 1 200 effectifs, policiers et gendarmes, présents en permanence. L'action de ces forces a permis d'intercepter 68 % des tentatives de départ d'embarcation. En 2024, nous déplorons 89 décès, 78 étant intervenus sur le seul vecteur maritime.
En 2025, l'activité migratoire sur la Manche a connu une augmentation soutenue. Le 31 octobre dernier, 36 949 personnes étaient arrivées au Royaume-Uni, soit une augmentation de 19 %. Cette hausse est due moins à celle du nombre des traversées qu'à celle de la capacité des navires, qui met en péril la sécurité de ceux qui se risquent sur la Manche : en 2024, les embarcations transportaient en moyenne 53 personnes, contre 61 personnes au cours du premier semestre 2025. Voilà pour le constat.
Dans le cadre de la lutte contre l'immigration clandestine en mer du Nord et sur la Manche, nous déployons d'importants moyens humains et matériels, dont une part importante est financée par les Britanniques au titre de l'accord de Sandhurst, en cours de renégociation. C'est dans ce sens que Bruno Retailleau avait relancé les discussions ; j'espère poursuivre dans cette voie et parvenir à une hausse des crédits britanniques.
Parmi les 1 200 effectifs de police et de gendarmerie, 850 postes sont financés par les Britanniques. Ils sont déployés quotidiennement sur le littoral afin d'empêcher les traversées irrégulières. Nous avons également développé des moyens de surveillance aérienne - drones, hélicoptères, avions -, en grande partie financés par le Royaume-Uni, qui permettent d'optimiser l'intervention au sol de nos forces de sécurité intérieure. Celles-ci sont ainsi guidées par les moyens aériens, avec des images transmises directement au centre de coordination zonal basé à Lille.
Les accords de Sandhurst prévoient également le financement d'un certain nombre d'équipements pour nos forces au sol. Ces crédits financent aussi la construction de projets immobiliers, notamment celle du CRA de Dunkerque, ainsi que celle de certains centres de formation de réservistes et une brigade de gendarmerie.
Nous devons faire évoluer notre doctrine d'intervention en mer - particulièrement attendue par la partie britannique -, afin de sécuriser et d'augmenter l'efficacité de l'intervention de nos forces de sécurité intérieure, puisque nous assistons de plus en plus à des départs qui s'effectuent en mer, avec des navires qui viennent récupérer les migrants déjà à l'eau. J'y travaille ardemment avec le secrétariat général de la mer (SGMer) et nous espérons aboutir rapidement.
L'accord conclu par mon prédécesseur et signé à la fin du mois de juillet dernier prévoit la réadmission légale sur le territoire national de personnes arrivées au Royaume-Uni en small boat et dont la demande d'asile sur ce territoire a été rejetée, en contrepartie de l'acceptation, par ce même État, dans le cadre d'une immigration légale, d'un certain nombre de ressortissants de pays tiers présents en France et souhaitant le rejoindre.
Depuis l'entrée en vigueur de l'accord, nous avons reçu de la part des autorités britanniques 304 demandes de réadmission sur notre territoire. Nous relevons que les nationalités afghane, érythréenne, iranienne et soudanaise sont les plus représentées. Dans le même temps, nous avons enregistré 1 455 demandes d'admission sur le territoire britannique. Au total, ce sont 94 individus qui ont été réadmis en France et 60 autres qui ont été admis légalement au Royaume-Uni.
Je resterai prudent, car l'accord est expérimental, son application ne fait que commencer et nous devons encore en évaluer les effets. Je dois en discuter avec mon homologue britannique dans les jours qui viennent et ma position n'est pas encore tranchée.
Comme mes prédécesseurs, mon souhait est aussi d'obtenir l'implication de l'Union européenne dans ce dossier. Nous gérons en effet, avec les Britanniques, dans le cadre d'un accord bilatéral, une frontière extérieure de l'Union - ce qui peut légitimement surprendre nos concitoyens et, a fortiori, la représentation nationale.
Toujours est-il que cet accord sera au programme des discussions relatives au renouvellement, pour la période 2026-2029, des accords de Sandhurst.
En ce qui concerne les mesures d'éloignement du territoire national, leur nombre augmente année après année, cette progression atteignant 24 % en 2025. Vous avez signalé les difficultés que nous rencontrons, au premier rang desquelles l'insuffisance des places en CRA. Soulignons aussi l'embolie dans ces mêmes centres, des personnes y restant toujours plus longtemps pour des raisons procédurales ou parce que les États ne délivrent pas les laissez-passer consulaires et n'admettent pas leurs ressortissants. Le constat n'est pas propre à nos seules relations avec l'Algérie et les préfets se mobilisent partout sur le territoire national auprès des différents consulats, afin d'obtenir ces laissez-passer. Nos concitoyens doivent comprendre la difficulté de les obtenir.
Certes, l'Algérie est impliquée dans 40 % - nous avons même atteint la proportion de 42 % - des cas d'étrangers en situation irrégulière dans les CRA. Nous espérons évidemment un déblocage de la situation. Il passera sans doute par la rediscussion avec nos partenaires algériens de l'accord de 1968 et de son avenant de 1994. Le Premier ministre l'a d'ailleurs annoncée. J'y participerai pour ma part, sans a priori, pour les sujets ayant trait à la sécurité. Nous serons jugés au résultat.
Le pacte européen sur la migration et l'asile entrera en vigueur en juin prochain et des crédits sont donc prévus pour 2026, afin de couvrir des dépenses d'investissement supplémentaires. Celles-ci seront notamment liées à l'adaptation des systèmes d'information, à l'acquisition de nouveaux équipements, à la formation des agents concernés par les nouvelles procédures ainsi qu'à l'harmonisation des garanties procédurales entre les États.
La discussion se poursuit, tant sur le mécanisme de solidarité que sur le futur règlement sur les retours. La France souhaite encore obtenir un certain nombre de « bougés », notamment, en matière de retours, l'inversion du principe actuellement appliqué du départ volontaire. Les échanges portent également sur l'acceptation sur notre territoire des décisions de reconduite prises par d'autres États.
L'application du pacte suppose des adaptations du système juridique français. À ce titre, la direction générale des étrangers en France (DGEF) élabore un projet de loi regroupant les différents règlements - procédure d'asile, conditions d'éligibilité à la protection internationale, contenu du statut de protection, filtrage et asile aux frontières, Eurodac, Dublin - ainsi que la directive Accueil. L'idée est de le déposer au début de l'année 2026, mais, compte tenu des points qui restent en discussion, le calendrier n'est à ce stade pas plus précisément défini. Une circulaire d'application globale accompagnera le dispositif.
Dans le domaine des formations linguistiques, rappelons que la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration avait prévu, à la charge des étrangers non européens primo-arrivants, une obligation de moyens, celle de se former, ainsi qu'une obligation de résultat, celle d'acquérir une maîtrise de la langue. L'offre de formation linguistique proposée aux signataires du contrat d'intégration républicaine (CIR) a été adaptée depuis le 1er juillet dernier pour répondre à ces nouvelles exigences ; elle n'est désormais plus obligatoire, mais est proposée à tous les signataires n'ayant pas le niveau A2, soit plus de 63 % d'entre eux, contre 45 % précédemment.
Votre question porte plus précisément sur les formations en distanciel. Une partie des publics est orientée vers ce type de formations et les publics les plus fragiles font l'objet d'une attention particulière. Le programme de 600 heures de formation, qui ne bénéficiait auparavant qu'à un faible nombre de signataires - ils étaient 9 000 en 2024, soit 8 % du total des signataires -, concerne désormais 35 % de ces signataires. Par ailleurs, l'atteinte du niveau requis s'inscrit dans une temporalité plus longue que celle du CIR, les étrangers pouvant renouveler leur titre temporaire jusqu'à trois fois pour le même motif.
Le PLF 2026 vise à renforcer la maîtrise de la langue française par les étrangers présents sur notre sol et à accélérer l'accès à l'emploi de ceux qui sont en droit de travailler, afin de favoriser leur autonomie, dans la continuité de la circulaire du 26 juin 2025 que j'évoquais tant dans mon propos introductif que, plus tôt dans la journée, à l'occasion des questions d'actualité au Gouvernement.
La flotte d'aéronefs de la sécurité civile comprend douze avions Canadair CL415, huit avions Dash, trois avions Beechcraft King 200 et trente-six hélicoptères bombardiers d'eau, dont treize H145-D3. Grâce au travail de fond mené par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) avec le prestataire chargé de leur entretien, le taux de disponibilité de ces équipements atteint aujourd'hui 80 %. Depuis 2023, s'ajoutent en location durant la saison de lutte contre les feux de forêt six avions et jusqu'à dix hélicoptères bombardiers d'eau supplémentaires.
Le PLF 2026 intègre l'acquisition sur fonds propres de deux nouveaux canadairs, après une précédente acquisition de deux appareils, réalisée avec le financement de l'Union européenne. En 2032, la flotte sera ainsi composée d'un total de seize canadairs, dont quatre aéronefs neufs, en propriété de l'État.
La réflexion stratégique se poursuit sur l'évolution de cette flotte, afin de l'adapter aux principaux risques à l'horizon 2035 et 2050. Elle intègre les principaux projets innovants qui sont ceux d'Hynaero, de Kepplair Évolution et de Positive Aviation, et qui nous permettront de disposer à l'avenir, dans le respect du code de la commande publique, d'une plus grande diversité de matériel.
Sur le rôle et les moyens des préfets, je confirme ma volonté forte de faire vivre et aboutir la réforme engagée par Bruno Retailleau durant l'été 2025, soutenue par le Président de la République et traduite par trois décrets du 5 septembre dernier, tendant à ériger ces préfets en pivot de la coordination interministérielle à l'échelon départemental. Je précise qu'elle mériterait d'être complétée par certaines dispositions législatives, la loi seule pouvant par exemple conférer aux préfets la responsabilité des opérateurs locaux.
Il y a parfois - je ne vous l'apprends pas - un écart entre les textes et la réalité du terrain. Je veillerai aux deux.
Quant aux moyens, nous estimons que le renforcement du rôle et des pouvoirs du préfet n'appelle pas nécessairement de crédits complémentaires. Nous ne saurions cependant dire que nous ne leur conférons aucun moyen nouveau : le programme « Administration territoriale de l'État » (ATE) comprendra en effet 50 agents supplémentaires et les crédits augmentent de 3,6 %.
Les missions prioritaires des préfectures sont réunies dans un référentiel qui a été distribué aux préfets pour la période 2022-2025, en vue d'appuyer leur travail de répartition des différents services préfectoraux. Dans ce travail, les préfets conservent évidemment une marge d'appréciation. Le cap que je fixe désormais aux agents consiste à poursuivre la trajectoire engagée au service des missions prioritaires qui ont été précédemment définies.
Sur le plan des moyens humains, l'ATE avait connu une perte d'effectifs de l'ordre de 15 % en dix ans. Cette évolution s'est arrêtée à partir de 2021 avec la stabilisation des effectifs ; depuis 2023, nous recréons des emplois. Ces créations représentent un total de 360 ETP, en incluant les 50 nouveaux ETP prévus pour 2026. C'est une première réponse et je serai attentif aux besoins humains de l'ATE.
Nous approfondirons l'étude d'autres moyens susceptibles d'améliorer son potentiel. De nombreuses expérimentations sont ainsi en cours en matière d'intelligence artificielle au sein du ministère de l'intérieur et dans les préfectures. Récemment, plusieurs de ces projets m'ont été présentés à la préfecture du Nord, à Lille. Ils représentent un gain dans l'action des services, au bénéfice à la fois des usagers et de nos agents.
M. Alain Marc. - Je m'interroge sur la distorsion qui existe entre, d'une part, l'augmentation annoncée des crédits du budget à venir et celle du nombre de policiers au niveau national, et, d'autre part, la réalité que nous observons dans nos départements.
Le maire de Rodez m'a alerté sur la situation qui le concerne : sa ville, de 23 000 habitants pour une circonscription de police d'environ 55 000 habitants, comptait en 2004 quatre unités de police - une brigade cynophile, deux brigades anticriminalité (BAC) et une police secours ; ne subsistent plus qu'une unique BAC, qui ne fonctionne plus après 1 heure du matin, ainsi qu'une police secours. Il y est parfois difficile d'obtenir un équipage entier. L'effectif a été réduit de trente agents entre 2004 et 2025.
La politique nationale que nous évoquons aujourd'hui se répercutera-t-elle véritablement jusque dans les préfectures ? En l'état actuel, les maires, tel celui de Rodez, sont contraints, pour suppléer aux carences de l'État, de recruter des policiers municipaux - ce que l'on ne manque ensuite pas de leur reprocher sous l'angle de la dépense publique.
Dans le cas précis que j'évoque, je souhaiterais que vous preniez attache avec le maire de Rodez pour lui expliquer votre démarche .
Les augmentations d'effectif dont vous faites état incluent les policiers adjoints, de même que les agents en arrêt de longue maladie. La réalité du terrain est bien celle que je décris.
Par ailleurs, la qualité du renseignement dans la gendarmerie me semble s'étioler par rapport à ce qu'elle était quelques années en arrière. Nos gendarmes, accaparés par des questions de procédure extrêmement chronophages, n'ont plus le temps d'entretenir des relations de proximité avec la population, qui, pourtant, leur permettent de savoir ce qui se passe exactement sur le terrain - notamment dans le domaine des violences intrafamiliales.
Peut-être faudrait-il que nous nous efforcions de convaincre les nouvelles générations de gendarmes de travailler autrement, en allant au contact direct des populations. Cela permettrait de relever significativement la qualité du renseignement, tout en étant peu onéreux.
Mme Isabelle Florennes. - Lors de notre récente audition du directeur général de la gendarmerie nationale, celui-ci a attiré notre attention sur le manque de crédits et ses conséquences sur la réserve opérationnelle. Depuis le début de ce mois de novembre, la gendarmerie ne peut apparemment plus payer ses réservistes opérationnels, ce qui est en contradiction avec le déploiement de cette même réserve, qui compte actuellement près de 39 000 personnes pour l'ensemble du territoire national, avec un recrutement performant et alors que l'on connaît le fort engouement dont jouissent auprès des jeunes les préparations militaires gendarmerie.
Comment comptez-vous concilier les crédits prévus pour 2026 avec la poursuite du recrutement de réservistes opérationnels, dont le nombre total devrait atteindre 50 000 en 2027 ? Des perspectives d'augmentation de ces crédits se dessinent-elles ? Le directeur général de la gendarmerie nationale nous a fait part de besoins qui seraient de l'ordre de 220 millions à 300 millions d'euros pour employer à un bon niveau la réserve opérationnelle dans l'ensemble du territoire.
En outre, à la suite d'Alain Marc, je dois signaler que les remontées du terrain nous indiquent que les collectivités territoriales compensent d'implacables problèmes de matériel, notamment au sein de la police nationale. Sous pression à l'approche des prochaines élections municipales, tout spécialement sur les questions de sécurité qui sont au premier rang des préoccupations de leurs administrés, les maires doivent consentir à de forts investissements. Je vous alerte à mon tour à ce sujet.
Mme Olivia Richard. - Je souhaite vous interroger sur le soutien budgétaire à trois organismes qui me semblent particulièrement importants : la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos), l'office mineurs (Ofmin) et l'office central pour la répression de la traite des êtres humains (Ocrteh). Le premier a reçu 111 000 signalements en un an, alors qu'il ne compte que 49 agents ; le deuxième est destinataire de 900 signalements par jour, pour un effectif d'à peine 35 agents quand il en souhaiterait le double ; au sujet du troisième, nous savons que la France devra l'année prochaine transposer une directive européenne relative à la lutte contre la traite des êtres humains et que des associations s'alarment de l'existence de peut-être 20 000 mineurs qui, dans notre pays, seraient victimes du système prostitutionnel. Nous serons tous d'accord pour dire qu'il faut engager des moyens dans cette lutte.
Mme Patricia Schillinger. - Vous parlez de moderniser, d'innover, d'être efficace et d'investir : il faut donc des budgets.
J'évoquerai spécifiquement les moyens consacrés aux gens du voyage. Il nous faut plus d'effectifs. Dans le département frontalier du Haut-Rhin, ce sont plus de 300 caravanes, dont certaines sont immatriculées en Suisse, qui bloquent communes et entreprises. Les moyens de police et de gendarmerie s'avèrent insuffisants, la situation accapare le sous-préfet de Mulhouse et, à l'approche des élections municipales, devient particulièrement préoccupante. Prévoyez-vous une enveloppe qui permette une meilleure gestion de cette problématique ? Car si se tiendra demain une réunion avec 150 chefs d'entreprise, les maires de l'agglomération, les élus et le sous-préfet, nous ne pourrons rien faire sans les moyens adéquats.
Mme Audrey Linkenheld. - Je partage assez largement le constat de nos collègues sur l'état du budget, sur la nécessité d'une hausse des effectifs, sur la trajectoire actuelle en regard de la Lopmi, sur le contraste qui prévaut entre la réalité du terrain et les budgets de la police nationale et de la gendarmerie nationale, ainsi que les remarques relatives aux dépenses de fonctionnement par rapport aux dépenses d'investissement.
J'insisterai sur trois points.
D'une part, vous avez déclaré le 13 octobre dernier que vous reteniez deux priorités particulières. La première concerne la lutte contre le narcotrafic, dont une partie des moyens relèvent de la mission « Justice » : jugez-vous suffisants ces moyens ? La seconde a trait à la sécurité du quotidien. À ce sujet, je perçois une contradiction avec les emplois prévus au budget de la police et de la gendarmerie : les emplois de la sécurité publique sont ainsi en baisse de 23 ETP dans le PLF pour 2026. Comment, dans ces conditions, comptez-vous répondre aux différentes demandes qui vous sont adressées ? Vous avez mentionné votre déplacement à Lille, dont le maire a attiré votre attention, comme il l'avait déjà fait avec vos prédécesseurs, sur le problème du sous-effectif chronique de policiers dans sa commune et dans son arrondissement.
D'autre part, les enjeux de la sécurité routière ne sont guère éloignés de ceux de la sécurité publique quotidienne. Nombre d'accidents sont sans doute liés au déficit d'actions de prévention et de sensibilisation, et la stabilité budgétaire dans ce domaine ne contribue certainement pas à renforcer ces actions.
Enfin, le groupe Socialiste, écologiste et républicain (SER) avait indiqué l'année dernière qu'il souhaitait des progrès en matière de formation initiale et continue des forces intérieures de sécurité, indispensables à l'amélioration de leur relation avec la population. On peut noter quelques progrès dans le PLF 2026, mais on peut aussi regretter un manque de transparence sur les crédits accordés à la formation, celle-ci étant désormais noyée dans le budget général de fonctionnement. Pouvez-vous nous expliquer ce choix curieux de présentation budgétaire ?
M. Patrick Kanner. - Vous avez évoqué les moyens en investissement relatifs à la sécurité civile. Je vous interrogerai plutôt sous l'angle des dépenses de fonctionnement.
En premier lieu, le PLF 2026 alloue 22 millions d'euros aux pactes capacitaires, une somme jugée stable, quoiqu'en légère baisse par rapport à la trajectoire initialement prévue. Estimez-vous que ces crédits, dans la situation financière actuelle des départements, répondent réellement aux besoins des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) en matière d'équipements structurants notamment destinés à la lutte contre les feux de forêt et à la lutte contre les risques technologiques ? Serait-il pertinent de transformer ces pactes capacitaires en dotations pluriannuelles, territorialisées, conventionnées, afin de mieux anticiper les besoins à long terme ?
En second lieu, les responsables de Sdis nous alertent régulièrement sur l'augmentation de leurs interventions au titre des carences ambulancières qui sont dénuées de caractère d'urgence, en raison de la désorganisation du système de santé. Êtes-vous en mesure d'évaluer la part des interventions de secours à personne qui relèvent des carences ambulancières, ce que nous avons pour notre part beaucoup de mal à faire ? Par ailleurs, soutenez-vous l'idée d'une contribution spécifique du ministère chargé de la santé ou de l'assurance maladie au financement du secours à personne, dans le cadre de la solidarité gouvernementale ?
M. Laurent Nunez, ministre. - M. le député Stéphane Mazars a également attiré mon attention sur la situation des effectifs de police et de gendarmerie à Rodez. J'ai d'ailleurs prévu de me rendre sur place pour y rencontrer les élus.
Une brigade de gendarmerie mobile a été créée en juin 2024, mais je partage vos propos sur les procédures qui accaparent nos militaires de la gendarmerie, qui ne sont plus assez présents sur le terrain, ce qui pose des difficultés dans le domaine du renseignement - au sens le plus large du terme. Les gendarmes que je rencontre me le confirment. C'est pourquoi il nous faut aussi tout faire pour améliorer, dans le sens d'une simplification, la procédure pénale.
Quant à la direction départementale de la police nationale (DDPN) de l'Aveyron, elle comptait 228 agents au 31 août 2025, soit 9 de plus et une progression de 4 % par rapport à 2016. Les effectifs sont donc à la hausse. Cependant, je ne connais pas précisément la situation de cette direction et de cette circonscription de Rodez, et il arrive certes que des brigades disparaissent. Je vous promets de m'en enquérir.
J'ignorais par ailleurs que nous n'étions plus en mesure de rémunérer les réservistes de la gendarmerie. Nous en restons pourtant bien aux crédits importants que je vous ai exposés tout à l'heure : + 25 millions d'euros, pour atteindre 100 millions d'euros ; la réserve opérationnelle de la police nationale voit pour sa part ses crédits passer de 39 millions à 46 millions d'euros. Les réserves opérationnelles sont pour moi une priorité et nous allons nous pencher sur la difficulté qu'éprouve la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).
Sur la situation des gens du voyage, nos concitoyens itinérants, rappelons que plusieurs types de procédures existent : intervention en flagrance, en cas d'installation en cours accompagnée de dégradations, et dans le cadre de laquelle les policiers peuvent procéder à une évacuation, et, quand l'installation a eu lieu, procédure judiciaire lorsque le terrain est privé ou procédure administrative lorsqu'il relève du domaine public.
Un groupe de travail, auquel des parlementaires participent, poursuit actuellement ses réflexions sur la question. Il s'est déjà réuni à de nombreuses reprises. Je m'engage à ce que nous aboutissions à proposer des mesures législatives aux solutions équilibrées, qui répondent aux attentes tout en participant à l'apaisement. Je porte du reste la plus grande attention à la situation que vous avez décrite et qui donnera lieu, demain, à une réunion.
Mme Richard, vous avez évoqué les moyens humains des offices. Je serai très clair : il importe de ne pas réduire la politique publique que nous menons en matière de sécurité et ses effets à la seule question des effectifs de telle ou telle structure, fût-elle spécialisée. Tous les services participent et doivent participer à la lutte contre la traite prostitutionnelle. Du reste, une partie des moyens financiers du « plan investigation » seront consacrés aux offices. Je ne peux cependant en dire davantage, car je dois encore en discuter avec les organisations syndicales.
La lutte contre le narcotrafic représente une priorité, chaque ministre de l'intérieur ayant apporté sa pierre à l'édifice : nous n'avons eu de cesse de renforcer les dispositifs dans ce domaine, d'autant plus que le narcotrafic alimente de très nombreux phénomènes délictueux - vols avec violence, cambriolages, séquestrations, règlements de comptes, homicides, etc. En outre, les réseaux de narcotrafic s'étendent sur l'ensemble du territoire national, avec des risques importants en termes de prise de contrôle de certains quartiers et de corruption.
Une fois ce rappel effectué, je ne veux pas laisser à penser que nous n'avons commencé ce combat qu'un ou deux ans auparavant. La loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic est un texte important qui était porté par les sénateurs, auxquels je tiens à rendre hommage : il comprend, à l'image de ce que nous avons déployé pour la lutte antiterroriste, la création d'un état-major permettant d'échanger des informations au plan national et de pouvoir identifier les ramifications des différents réseaux. Par ailleurs, cette loi a confié des prérogatives fort utiles aux préfets, prérogatives qui permettent aussi de renforcer la sécurité du quotidien avec notamment les interdictions de paraître et les fermetures de commerces.
La sécurité du quotidien, justement, ne se mesure pas uniquement en termes d'effectifs...
Mme Audrey Linkenheld. - Ma question n'était en rien un piège : je souhaite simplement savoir si vous considérez que les moyens accordés à la mission « Justice » dans le PLF sont à la hauteur.
M. Laurent Nunez, ministre. -Je ne vais pas me prononcer sur les crédits alloués à ladite mission dans la mesure où le garde des sceaux aura l'occasion de vous répondre directement sur ce sujet.
Pour en revenir à la sécurité du quotidien, je vais évidemment m'y atteler en poursuivant les politiques de présence sur la voie publique et de lutte contre les trafics, dans le cadre de partenariats et de continuums de sécurité. Lesdites politiques ne se mesurent pas en volumes d'effectifs : par le passé - je pense aux quartiers de reconquête républicaine (QRR) -, on a pu laisser penser que le volume faisait la différence, mais tel n'est pas mon avis, les méthodes de travail et la coordination me semblant essentielles. De surcroît, pour reprendre l'exemple de l'Aveyron, les effectifs sur la voie publique ont évolué à la hausse.
Monsieur Kanner, les carences ambulancières sont une problématique récurrente, le problème n'étant réglé dans aucun département, ce qui conduit les sapeurs-pompiers à prendre en charge des opérations de secours aux personnes. Cela renvoie plus largement à la problématique des secours d'urgence qu'il conviendra de clarifier avec les acteurs de la santé. C'est un sujet qui doit être traité dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile, préparé par Bruno Retailleau et François-Noël Buffet, qui devrait donner lieu à un projet de loi. Je souhaite qu'on traite cette question définitivement à cette occasion.
Les pactes capacitaires, quant à eux, induisent un soutien financier de l'État à hauteur de 150 millions d'euros. D'ici à 2027, 1 083 engins devront être livrés, 300 d'entre eux ayant déjà été livrés aux Sdis l'été dernier.
Pour ce qui est de la perspective d'une transformation en dotation, je suis très attaché au caractère partenarial de ces pactes.
M. Christophe Chaillou. - Je tiens à évoquer les centres de rétention administrative, pour lesquels empilons des moyens, avec une durée de rétention qui s'allonge, comme vous l'avez rappelé. Si nous disposons aujourd'hui d'une des plus importantes capacités d'Europe, le taux d'éloignement effectif est en même temps l'un des plus faibles, ce qui doit nous conduire à nous interroger.
Comme je l'ai constaté au CRA d'Olivet, dans le département du Loiret, la situation est tendue, avec entre autres des difficultés à retenir les effectifs de police et des conséquences très lourdes, notamment sur les tribunaux.
S'agissant des amendes forfaitaires délictuelles (AFD), qui connaissent une très forte montée en charge - 500 000 AFD ont été délivrées en 2024, selon les services statistiques de votre ministère -, nous ne disposons toujours pas de données consolidées quant à leur taux de recouvrement, qui serait a priori inférieur à 20 %. Un tel niveau nous interpelle fortement au moment où le Gouvernement prévoit d'étendre la possibilité de constater un certain nombre d'infractions pour les polices municipales. Il serait donc utile que le Parlement dispose de données exhaustives, afin d'évaluer l'efficacité du dispositif.
Par ailleurs, les délais d'obtention du permis de conduire posent de réelles difficultés dans un certain nombre de départements et appellent une adaptation des moyens, y compris dans des départements à dominante rurale tels que le Loiret.
En effet, alors que la loi a fixé un délai maximal de quarante-cinq jours, il s'élève au minimum à quatre-vingts jours dans mon département et peut dépasser cent jours, notamment pour les centres d'examen de Montargis, ce qui crée beaucoup de frustrations et de difficultés, en particulier pour de nombreux jeunes qui peuvent pourtant passer cet examen à partir de 17 ans. Or, comme nous le savons tous, l'accès à la mobilité est essentiel dans ces territoires et il serait donc urgent, monsieur le ministre, de renforcer les moyens dans ce domaine, afin d'appliquer réellement la loi.
Mme Mélanie Vogel. - Les orientations budgétaires de cette année sont-elles de nature à répondre aux questions suscitées par les révélations de la semaine précédente à propos de la manifestation de Sainte-Soline ? Grâce à la presse d'investigation, des vidéos issues des caméras embarquées des forces de l'ordre ont été publiées : elles accablent à la fois certains gendarmes, mais aussi certains de leurs supérieurs hiérarchiques et les ordres donnés, ainsi que, plus largement, la doctrine de maintien de l'ordre qui a été choisie lors de la manifestation à Sainte-Soline, le 25 mars 2023.
On y voit des gendarmes multiplier à dessein les tirs tendus de grenades, pourtant interdits, car potentiellement létaux pour les manifestants ; on entend aussi, ce qui est très préoccupant, des insultes et une forme de jubilation partagée à l'idée de blesser - voire pire - certains manifestants. Certaines gendarmes ont ainsi pu dire : « Je ne compte plus les mecs qu'on a éborgnés » ; « Un vrai kiff » ; « En pleine tête ! » ou encore « On va les manger, il faut qu'on les tue. » Je vous passe évidemment la liste complète des citations, qui est effrayante.
Ces vidéos ont évidemment choqué et ont aussi confirmé les récits des manifestants pacifistes qui étaient présents. Manifestement, des personnes au sein de la gendarmerie ont considéré qu'il était de leur devoir républicain de diffuser ces vidéos auprès du public, estimant que les comportements en cause n'étaient pas acceptables pour leur profession et pour la mission essentielle qu'elle remplit auprès de la population.
Comment en est-on arrivé là et que faire pour éviter que de tels comportements ne se reproduisent ? Mon collègue Thomas Dossus a été auditionné par l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) en décembre 2023, mais nous n'avons pas eu à ce jour de nouvelles de l'enquête : un manque de moyens est-il en cause ? Plus largement, quelles actions allez-vous mettre en place pour garantir aux citoyennes et aux citoyens que les gendarmes - et l'ensemble des forces de l'ordre - soient formés pour avoir à coeur de protéger l'ordre public tout en respectant les libertés fondamentales ?
M. Thani Mohamed Soilihi. - Nous savons à quel point le Gouvernement reste mobilisé pour assurer le maintien de l'ordre dans les territoires d'outre-mer, tâche rendue d'autant plus difficile par leur étendue et leur isolement relatif. Dans le cadre du PLF pour 2026, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour y renforcer la présence et les moyens des forces de l'ordre, notamment en matière de prévention de la délinquance et de lutte contre les trafics d'armes ?
J'en profite pour rendre hommage aux femmes et aux hommes qui accomplissent ces missions dans ces territoires, dans des conditions très difficiles. Je rappelle, de plus, que nos outre-mer font de la France la deuxième puissance maritime du monde : nos territoires sont convoités, ce qui justifie d'autant plus d'y renforcer la sécurité.
Comment le ministère entend-il mieux articuler l'action des forces de l'ordre avec la prévention et l'insertion, afin d'éviter que les fléaux que je viens d'évoquer ne s'enracinent durablement dans des territoires déjà fragilisés sur le plan social ?
S'agissant de Mayotte en particulier, moins d'une année après les ravages causés par le cyclone, la période d'accalmie s'achève et les violences reprennent, violences d'autant plus insoutenables qu'elles se déroulent en milieu scolaire. Lundi dernier, le rectorat a ainsi suspendu les cours à Kawéni, localité de Mamoudzou, en raison des violences survenues au sein et aux abords du lycée des Lumières. Parallèlement, le caillassage des bus scolaires reprend.
Le Gouvernement avait, en partenariat avec le conseil départemental, décidé de mobiliser des fonds pour sécuriser ces bus : où en sont les actions en la matière ? Par ailleurs, le plan « Mayotte debout » prévoyait 55 ETP pour la gendarmerie et 60 ETP pour la police : quid des affectations de ces ETP ?
Enfin, un camp de réfugiés africains a été démantelé à Tsoundzou, mais ils se retrouvent désormais dans la nature : quelles actions le Gouvernement entend-il mener pour lutter efficacement contre l'immigration irrégulière ?
J'ajoute qu'un important groupe de migrants en provenance de Dar es Salam est arrivé aux Comores, et qu'il risque de se diriger sous peu vers Mayotte ; je rappelle aussi que le Président de la République avait annoncé, lors de sa venue, une opération « Mur de fer » pour intercepter au plus loin les migrants avant leur arrivée à Mayotte, en complément de l'opération « Wuambushu ».
Mme Corinne Narassiguin. - S'agissant de l'hébergement des demandeurs d'asile, la suppression de 1 403 places est prévue alors que les besoins sont de plus en plus importants : la part des femmes dans la population migrante avoisine désormais 50 %, d'où des besoins de logements spécifiques et sécurisés, une grande partie d'entre elles ayant très souvent été victimes - et l'étant parfois encore, même sur le territoire français - de violences sexistes et sexuelles (VSS). Quelle est la justification de cette suppression de places d'hébergement ?
Je tiens également à évoquer le centre Primo Levi, menacé par le retrait du soutien financier historique du ministère de l'intérieur, qui s'élevait à environ 700 000 euros, soit un tiers de son budget. Outre le retrait en 2024, prolongé en 2025, des crédits de la direction générale des étrangers en France (DGEF), le centre a reçu la notification d'un avis défavorable de la direction de l'asile concernant la subvention du fonds européen « asile, migration et intégration » (Fami) pour 2026, ce qui représente une perte prévisionnelle de 500 000 euros par an, alors que la structure bénéficie de ce soutien de l'Union européenne depuis plus d'une décennie.
Il ne s'agit donc pas de crédits inscrits dans le PLF, mais bien de fonds européens qui sont distribués par le ministère de l'intérieur. La seule explication qui a été donnée étant un changement dans les priorités de la direction de l'asile, j'aimerais savoir si vous allez remettre celles-ci en bon ordre, afin que le centre Primo-Levi retrouve des financements absolument nécessaires. Il accomplit en effet un travail indispensable sur deux sujets spécifiques, à savoir l'accueil et l'accompagnement des femmes victimes de violences sexuelles d'une part, et l'accompagnement des troubles mentaux d'autre part, c'est-à-dire des missions essentielles pour les personnes qui ont connu des parcours d'exil très traumatisants.
Enfin, l'administration numérique pour les étrangers en France (Anef) connaît des dysfonctionnements chroniques depuis plusieurs années, comme l'a relevé la Défenseure des droits dans un rapport relativement récent. Malgré des investissements, les dysfonctionnements de cette application persistent : y consacrerez-vous les moyens nécessaires afin d'améliorer urgemment cette situation, qui crée non seulement une surcharge de travail dans les préfectures, mais aussi un véritable problème d'accès aux droits pour des étrangers, parfois plongés dans la précarité par des problèmes informatiques ?
Mme Anne-Sophie Patru. - Monsieur le ministre, de nombreux investissements immobiliers paraissent nécessaires pour la gendarmerie nationale, notamment dans les zones rurales.
Au vu des retards pris sur ces investissements, une planification des programmes immobiliers de la gendarmerie nationale est-elle prévue ? En effet, certains projets sont initiés depuis plus de trente ans - c'est le cas dans mon territoire - et génèrent non seulement de l'inquiétude, mais aussi une certaine impatience liée à l'immobilisation des réserves foncières sur de telles durées. Les élus locaux ont besoin de visibilité.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l'heure le fait qu'il ne fallait pas nécessairement évaluer l'efficacité des politiques publiques en fonction du nombre d'emplois ou des crédits alloués, affirmation sur laquelle je rebondis en vous interrogeant sur deux points.
Le premier concerne la politique que vous entendez mettre en place dans votre ministère contre les violences sexuelles commises par les forces de l'ordre. Nous avons tous entendu parler de cette affaire absolument terrible d'une personne qui se trouvait au dépôt du tribunal judiciaire de Bobigny et qui aurait été - l'enquête est en cours - agressée par deux membres des forces de l'ordre.
En l'espace d'une douzaine d'années, on dénombre 429 victimes et 215 agresseurs dans 130 villes : le phénomène n'est donc pas circonscrit à telle ou telle région et tous sont concernés, puisque les agressions visent à la fois des collègues, des proches, des personnes interpellées et des plaignantes. Pourtant, on ne trouve pas trace de mesures sérieuses, ni de circulaires ou de notes internes, et l'on ne connaît guère les sanctions adoptées.
Qu'entendez-vous donc faire en la matière hormis placer une fonctionnaire de police dans l'équipe de nuit du dépôt de Bobigny, ce qui envoie le signal effrayant selon lequel tous les hommes seraient des violeurs en puissance ?
J'en viens à la lutte contre l'usage détourné du protoxyde d'azote. D'après le porte-parole de la Chancellerie, il existe un problème de législation dans ce domaine. Or plusieurs propositions de loi ont été présentées et, pour certaines, adoptées : je pense notamment à la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, qui a été adoptée en mars 2025 et qui couvre précisément le champ nécessaire, avec la sanction pour consommation détournée, l'encadrement de la vente, la sanction du dépôt et de l'abandon sur la voie publique.
Allez-vous, monsieur le ministre, faire en sorte que ce texte ou un autre vienne en discussion afin que nous nous dotions d'une législation satisfaisante dans la lutte contre l'usage détourné du protoxyde d'azote ?
M. Laurent Nunez, ministre. - Les AFD constituent un instrument extrêmement efficace que nous envisageons d'étendre dans le cadre du projet de loi relatif à l'extension des prérogatives, des moyens, de l'organisation et du contrôle des polices municipales et des gardes champêtres. En revanche, nous ne sommes pas en mesure de connaître précisément le taux de recouvrement, mais il était à ma connaissance en augmentation grâce à la facilitation des moyens de paiement.
Concernant les permis de conduire, nous fournissons des efforts considérables afin de réduire les délais d'obtention, qui sont effectivement très élevés. Nous avons de plus saisi l'inspection générale de l'administration (IGA) afin qu'elle conduise une mission sur les dysfonctionnements constatés et les solutions susceptibles d'être adoptées. Rappelons, néanmoins, que nous avons créé 80 000 places supplémentaires d'examen et que la création de 10 postes d'inspecteurs est prévue.
S'agissant des événements de Sainte-Soline, une enquête est en cours et nous n'avons dissimulé aucun élément pendant deux ans. Des personnes ont été blessées pendant cette journée de manifestation, des plaintes ont été déposées et l'IGGN a saisi l'ensemble des vidéos dans le cadre d'une procédure judiciaire, ce qui explique pourquoi mon prédécesseur et moi-même n'y avions pas accès.
Les actes que vous évoquiez sont évidemment condamnables et des sanctions disciplinaires seront prises à la suite de l'enquête administrative en cours si les faits sont avérés. J'ajoute que cela n'exclut pas des suites judiciaires dans la mesure où, une fois encore, la justice est en possession de ces vidéos, le ministère n'ayant aucunement la volonté d'éluder quoi que soit dans cette affaire. Cependant, je tiens aussi à rappeler le contexte, caractérisé par de nombreuses violences - dont des jets de projectiles - contre les gendarmes, 48 d'entre eux ayant été blessés ce jour-là. Dans cette affaire, les propos et les gestes visibles dans ces vidéos ne sont pas acceptables, mais je ne souhaite pas que l'on généralise et que l'on condamne, à partir de ces extraits, la façon dont les gendarmes ont remarquablement travaillé à Sainte-Soline.
Pour ce qui concerne l'Anef, les dysfonctionnements sont importants, mais la situation s'améliore peu à peu grâce à une reprise en main qui doit permettre de supprimer les bugs d'ici à la fin 2026. Des interventions de nos brigades numériques ont lieu au quotidien pour améliorer le fonctionnement de cet outil.
Concernant l'hébergement des victimes de violences familiales, aucune suppression n'est en vue : au contraire, un appel à manifestation d'intérêt vient d'être lancé pour 50 places supplémentaires en 2026, en précisant que 300 places sont déjà disponibles.
Madame de La Gontrie, des sanctions disciplinaires sont prises dès lors que des violences sexuelles sont commises par des membres des forces de l'ordre, sans oublier des poursuites pénales systématiques. La hiérarchie est bien consciente de la nécessité d'être extrêmement réactive dans ces dossiers, en engageant les procédures qui s'imposent et en saisissant les tribunaux.
Le dépôt de Bobigny, plus précisément, a vu ses effectifs progresser significativement au cours des deux dernières années, avec environ 130 agents contre 80 personnels par le passé. Nous veillons à assurer la qualité du fonctionnement de ce dépôt, et je ne doute pas que mon successeur à la préfecture de police continuera dans cette voie.
Sur un autre point, des mesures législatives ad hoc sont effectivement nécessaires pour le protoxyde d'azote : il me semble qu'une proposition de loi a été adoptée au Sénat et qu'une autre lui a été transmise, et nous réunirons les parlementaires qui les ont portées afin d'identifier les dispositions qui pourraient être retenues par le Gouvernement. En tout état de cause, je vous confirme que les sanctions, les interdictions de vente et les interdictions d'usage sont des outils qui nous intéressent fortement.
J'en viens au centre Primo-Levi : en raison des annulations de crédits intervenues en février 2024, qui se sont traduites par une suspension de l'ouverture de nouvelles places d'hébergement, aucun nouvel appel à projets n'a été lancé et les financements précédemment octroyés à l'association n'ont pas été renouvelés dans la mesure où la convention était parvenue à échéance. Au regard des informations transmises par l'association, il n'a pas été possible de considérer qu'elle était éligible au Fami, notamment compte tenu du projet de budget qu'elle avait présenté.
La planification des programmes immobiliers de la gendarmerie, quant à elle, existe bel et bien : nous devons l'honorer par le biais de procédures administratives et juridiques, mais également par le budget voté par le Parlement.
J'en termine avec Mayotte, en rappelant que les effectifs y ont été durablement renforcés avec le déploiement de forces mobiles, tandis que l'acquisition d'un certain nombre d'intercepteurs doit nous permettre de mieux lutter contre l'immigration illégale.
Plus généralement, nous sommes préoccupés par la situation dans les territoires d'outre-mer, dans lesquels des effectifs sont déployés en masse. Nous continuerons dans cette voie, en lien avec la ministre des outre-mer et avec le garde des sceaux.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Merci pour vos réponses, monsieur le ministre.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Direction nationale de la police aux frontières (DNPAF)
Mme Valérie Minne, directrice
Direction générale des étrangers en France (DGEF)
Direction de l'asile
Mme Élise Adevah-Poeuf, directrice de l'asile
M. Cyril
Roule, chef du département de la performance et de la
coordination
M. Kaelig Lebreton, chef de la
section des affaires budgétaires et contrôle de gestion
Direction de l'immigration
M. Cyriaque Bayle, sous-directeur de la lutte contre l'immigration irrégulière
Mme Marjorie Autain, adjointe
au chef du bureau de la rétention et de l'éloignement
Direction de l'intégration
M. Frédéric Sampson, adjoint
à la sous-directrice de l'intégration
des étrangers
Service de la performance et des ressources
Mme Charlotte Bouzat, cheffe
du service de la performance et des
ressources
M. Frédéric Camol, adjoint
au chef du bureau du pilotage et de la synthèse budgétaire et
financière
Cour nationale du droit d'asile (CNDA)
M. Thomas Andrieu, président
Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)
M. Mathieu Mugnier, secrétaire général
Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII)
M. Didier Leschi, directeur général
Fédération des acteurs de la solidarité
M. Emmanuel Bougras, responsable du service stratégie et analyse des politiques publiques
LISTE DES DÉPLACEMENTS
CALAIS - JEUDI 27 NOVEMBRE 2025
Hôtel de ville de Calais
Place du Soldat Inconnu, 62107 Calais
- Table ronde avec les représentants du collectif des maires du littoral :
- Mme Natacha Bouchart, maire de Calais
- M. Olivier Majewicz, maire d'Oye-Plage
- M. Stéphane Pinto, maire d'Ambleteuse
- M. Guy Allemand, maire de Sangatte-Blériot
- M. Dimitri Louvet, adjoint au maire de Marck
- M. Marc Boutroy, maire d'Escalles
- M. Marc Sarpaux, maire d'Audinghen
- M. Thibaut Segard, maire de Tardinghen
Sous-préfecture de Calais
9 esplanade Jacques Vendroux, 62100 Calais
- Déjeuner de travail en présence de :
- Mme Agathe Cury, sous-préfète de Calais
- M. Olivier Alary, commandant du groupement de gendarmerie
- M. Laurent Simonin, directeur interdépartemental de la police nationale
- Mme Nathalie Chomette, directrice départementale de l'emploi, du travail et des solidarités
- M. Franck Berthez, directeur des migrations et de l'intégration
- Mme Chloé Duarté, cheffe du bureau en charge de la lutte contre l'immigration clandestine
Police aux frontières
101 Boulevard du Kent, 62231 Coquelles
- Rencontre avec les services de la police aux frontières et de la gendarmerie nationale et visite du centre de rétention administrative, en présence de :
- Mme Agathe Cury, sous-préfète de Calais
- M. Fabrice Mollet, chef du service interdépartemental de la police aux frontières
- M. Olivier Alary, commandant du groupement de gendarmerie
- M. Laurent Simonin, directeur interdépartemental de la police nationale
- M. Franck Berthez, directeur des migrations et de l'intégration
- Mme Chloé Duarté, cheffe du bureau en charge de la lutte contre l'immigration clandestine
- M. Lucas Lacombe, chef du bureau de la sécurité et du transmanche
* 1 En effet, le nombre de mesures exécutées ne comprend que celles qui reposent sur une action des services de l'État (omettant ainsi les retours volontaires non aidés). En outre, une part significative des OQTF ne sont pas notifiées, peuvent être abrogées subséquemment par l'administration ou annulées. Par ailleurs, une même personne peut faire l'objet de plusieurs mesures d'éloignement.
* 2 L'indicateur 5.1 du PAP ne comptabilise que les seuls retours aidés d'adultes depuis la France métropolitaine, ce qui exclut donc les mineurs et les retours aidés depuis l'outre-mer (qui sont pris en compte par l'OFII).
* 3 Cour des comptes, La politique de lutte contre l'immigration irrégulière, rapport public thématique, janvier 2024, p. 108.
* 4 Des majorations ont été prévues en 2025 au bénéfice des personnes réadmises en application de l'accord franco-britannique, des ressortissants de pays tiers soumis à visa en situation irrégulière dans le Nord et le Pas-de-Calais ainsi que des ressortissants du Bangladesh, du Sri Lanka et du Pakistan dans le Val-d'Oise.
* 5 Arrêté du 1er septembre 2025 modifiant l'arrêté du 9 octobre 2023 relatif à l'aide au retour et à la réinsertion.
* 6 Arrêté du 9 octobre 2023 relatif à l'aide au retour et à la réinsertion.
* 7 Deux CRA supplémentaires - situés à Goussainville et à Nice - sont prévus mais ne sont pas comptabilisés, en l'absence de maîtrise du foncier.
* 8 Prévues par l'article 14 de la loi n° 2025-797 du 11 août 2025, dont les dispositions entreront en vigueur le 1er juillet 2028, elles ont vocation à accueillir des mineurs accompagnés.
* 9 Défenseur des droits, « L'Administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) : une dématérialisation à l'origine d'atteintes massives aux droits des usagers », décembre 2024.
* 10 Résolution du 13 mars 2025.
* 11 Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France.
* 12 Si les primo-demandes baissent (- 14 %), les demandes de réexamen sont en forte hausse (+ 51 %), majoritairement portées par les ressortissants haïtiens. Quatre pays représentent plus d'un tiers (36 %) des demandes : la République démocratique du Congo (9,4 % des demandes ; + 37,5 % par rapport à 2024), l'Afghanistan (9,3 %), l'Ukraine (8,9 % ; + 20,9 % par rapport à 2024) et Haïti (8,5 % ; + 16,8 % par rapport à 2024). Les ressortissants de ces trois derniers pays comptent pour 49,3 % des protections accordées par l'OFPRA.
* 13 À la suite de la Cour de justice de l'Union européenne, la CNDA a jugé que l'ensemble des femmes afghanes peuvent être considérées comme appartenant à un certain groupe social au sens de la directive 2011/95, en tant que motif de la persécution, et ainsi se voir reconnaître la qualité de réfugiée (CNDA, 11 juillet 2024, n° 23014128) ; elle a récemment jugé qu'il en allait de même pour les femmes iraniennes (CNDA, 3 avril 2025, n° 24024165) et somaliennes (CNDA, 16 octobre 2025, n° 24015934).
* 14 Au 31 décembre 2024, ce stock s'élevait à 66 370, contre 53 570 fin 2023, soit une augmentation de 13 000 dossiers (+ 24 %) sous l'effet de la hausse du nombre de demandes.
* 15 L'ouverture des autres sites pilotes de Toulouse et Metz demeure à ce jour suspendue, en attente des moyens nécessaires et d'une première évaluation de l'EFA de Cergy.
* 16 Celle-ci a permis une augmentation du taux d'occupation moyen à 98,9 % en 2025 (contre 97,7 % en 2024) et une baisse de moitié des places vacantes (1 152 par mois en 2025 contre 2 499 en 2024).
* 17 Cour des comptes, Les relations entre l'État et les gestionnaires de structures d'hébergement, juillet 2024.
* 18 S'agissant des résultats de ce programme, le PAP 2026 fait état d'un taux de sorties positives en emploi et en logement pérennes, pour les BPI accompagnés depuis au moins 6 mois, de 37 %, un taux de sorties positives en emploi pérenne uniquement de 42 %, et un taux de sorties positives en logement pérenne uniquement de 67 %.
* 19 Cette mesure a été étendue à la procédure d'acquisition par déclaration à raison d'un mariage avec un ressortissant français par le décret n° 2025-648 du 15 juillet 2025 portant modification du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française.
* 20 Cette délivrance - comme celle de la carte de résident - est désormais subordonnée à la réussite de l'examen civique prévu par l'article L. 413-3 du CESEDA.
* 21 Ces obligations ne s'appliquent toutefois pas aux bénéficiaires de la protection internationale, aux apatrides ainsi qu'aux Algériens, les conditions de séjour de ces derniers étant régies par l'accord du 27 décembre 1968.
* 22 Décret n° 2025-647 du 15 juillet 2025 relatif aux dispositions de l'article 20 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration et autres mesures relatives à l'évolution du contrat d'intégration républicaine et arrêté du 22 juillet 2025 relatif aux formations civique et linguistique prescrites aux étrangers signataires du contrat d'intégration républicaine en France.
* 23 Audition du 12 novembre 2025.
* 24 Rapport d'information n° 772 (2023-2024) de Marie-Carole Ciuntu, au nom de la commission des finances du Sénat, septembre 2024, p. 37.
* 25 Article R. 413-13 du CESEDA dans sa rédaction issue du décret n° 2025-647 du 15 juillet 2025.
* 26 D'après les informations transmises aux rapporteurs par la DGEF ; le PAP 2026 comporte une estimation sensiblement inférieure, de 66 M€ en CP.
* 27 Résultant de 41,8 M€ de dépenses supplémentaires et d'économies évaluées à 16,6 M€.





