CHAPITRE DEUX - L'ÉVOLUTION DE L'EXCÉDENT COMMERCIAL

I. 1994 : UN EXCÉDENT DE CROISSANCE

A. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE

En retrait de - 4,4 % en 1994, l'excédent commercial n'en atteint pas moins un excellent niveau pour la deuxième année consécutive, avec + 83,8 milliards de francs (contre + 87,5 milliards de francs en 1993).

Cette relative stabilité de notre solde s'inscrit toutefois dans un contexte macroéconomique radicalement différent. L'intensité de la reprise, sensible tant en France (+ 2.5 % de croissance du PIB en 1994, après - 1 % en 1993) qu'à l'étranger, a eu pour conséquence une forte croissance de nos flux (+ 10 % en valeur pour les exportations et + 10,7 % pour les importations), alors que 1993 avait été caractérisée par une forte contraction de nos échanges (respectivement - 4,6 % à l'export et - 9,4 % à l'import).

À 107 % , le taux de couverture s'est stabilisé et cette performance demeure à un niveau inégalé dans l'histoire de notre commerce extérieur depuis plus de 30 ans. À un excédent de récession succède ainsi un excédent de croissance.

Ces données doivent cependant être relativisées pour trois raisons :

- les expéditions de la Métropole vers les DOM-TOM sont comptabilisées comme des exportations, alors que les flux de ceux-ci vers les pays tiers ne sont pas comptabilisés. Il en résulte une amélioration artificielle de notre solde commercial de près de 30 milliards de francs par an ;

- des fraudes importantes à la TVA perturbent le système statistique mis en place depuis 1992 entre les pays de la Communauté, ce qui devrait avoir pour conséquence de minorer sensiblement nos importations, d'un montant difficile à évaluer, mais qui pourrait atteindre plusieurs milliards de francs d'importations non recensées ou d'exportations frauduleusement déclarées comme telles ;

- on a vu que les dévaluations compétitives de certains des partenaires européens de la France, ainsi que la fluctuation du dollar, auraient affaibli la compétitivité des entreprises françaises et leurs efforts à l'exportation.

B. L'ÉVOLUTION SECTORIELLE

Le secteur agro-alimentaire enregistrant une forte baisse de son excédent, le solde commercial positif s'explique surtout par le maintien à un bon niveau du solde industriel et, de façon plus marginale, par une contraction du déficit énergétique.

1. Une forte baisse de l'excédent agro-alimentaire

Après le résultat record de 1993 (+57,1 milliards de francs), l'excédent agro-alimentaire a diminué de -22,3 % en 1994, pour atteindre + 46,7 milliards de francs.

Ceci s'explique par une double évolution :

- une amélioration de l'excédent des produits des industries agroalimentaires (IAA) de + 6 % ;

- mais une chute spectaculaire, de - 70 %, du solde des produits agricoles.

a) L'amélioration de 1'excédent des produits des industries agri-alimentaires

L'excédent des produits des IAA s'est donc amélioré, grâce à une bonne progression (+9 %) des exportations françaises. Il atteint + 41,2 milliards de francs et constitue 88 % du solde global bénéficiaire de la balance commerciale agricole et alimentaire et 72 % des exportations agroalimentaires totales.

L'excédent des vins et spiritueux, avec + 29,7 milliards de francs, est supérieur de 2,2 milliards de francs à celui de l'année précédente, qui s'était contracté.

Les excédents des secteurs des produits laitiers (+ 12,4 milliards de francs) et des viandes de volailles (+ 5,5 milliards de francs) sont également en expansion, avec des exportations en augmentation de 8 % environ. Le sucre, qui a profité de cours à la hausse, enregistre un excédent record de + 6,1 milliards de francs.

On peut aussi se féliciter de la contraction du déficit traditionnel des conserves et épicerie sèche (à - 2 milliards de francs).

Parmi les points faibles, on peut toutefois citer l'aggravation du solde déficitaire des huiles et corps gras.

b) La chute spectaculaire du solde des produits agricoles

Avec une chute de - 70 %, le solde des produits agricoles n'est que de + 5,5 milliards de francs, marquant une perte pour la France de 12,7 milliards de francs. Les ventes de céréales en sont les principales responsables, qui reculent de 22 % en volume et de 26 % en valeur.

En effet, l'excédent céréalier baisse de - 28 % et s'établit à + 21,5 milliards de francs contre + 29,9 milliards de francs en 1993. Si le maïs atteint un solde excédentaire assez proche de celui de l'année dernière, avec + 8,6 milliards de francs, celui du blé n'est plus que de + 9,5 milliards de francs (contre + 16,8) et celui de l'orge de + 2,9 milliards de francs contre + 4,1). Cette réduction de l'excédent céréalier résulte essentiellement de la combinaison de trois facteurs :

- l'effet mécanique, sur le plan intra-communautaire de la baisse des prix des céréales induite par l'application de la réforme de la PAC, dans un contexte de recul sensible des quantités livrées à nos partenaires (- 10 %) ;

- l'effet gel des terres, qui avait été masqué l'année précédente par d'importants stocks d'intervention ;

- la diminution importante des quantités vendues aux pays tiers (- 40 %), liée notamment à la chute sévère des achats de la Russie et des pays d'Europe centrale et orientale.

Pour l'avenir, il semble que les conséquences des accords de l'OMC doivent être limitées, dans la mesure où les engagements à l'exportation ne portent que sur les exportations subventionnées vers les pays tiers, qui ne représentent que 20 % des exportations totales.

Ceci étant, votre commission s'inquiète de cette chute inquiétante de l'excédent des produits agricoles et de la prudence avec laquelle la Commission européenne mène actuellement la politique d'exportation de céréales, qui a entraîné une récente baisse des volumes exportés.

2. Une stabilisation du solde industriel

Redevenu excédentaire en 1992, pour la première fois depuis 1986, le solde industriel s'établit à + 47 milliards de francs en 1994 (y compris le matériel militaire), soit - 4 % par rapport à 1993.

Il faut souligner que ce bon résultat en 1994 est obtenu dans un contexte de reprise de l'activité économique, qui conduit en général à une dégradation des soldes extérieurs.

Cependant, en volume, la hausse des exportations de produits manufacturés a été très légèrement inférieure à celle de la demande mondiale adressée à la France, ce qui devrait se traduire par une perte de parts de marché limitée à un demi-point en 1994.

L'augmentation parallèle des importations en volume (+ 8,2 %) reflète la reprise de la demande intérieure française. Il en résulte une légère progression du taux de pénétration des importations de produits manufacturés, qui passe de 37,7 % à 38,8 %.

La bonne tenue du solde industriel en 1994 masque des évolutions contrastées, comme le montre le tableau ci-dessous :

SOLDE DES ÉCHANGES INDUSTRIELS

- Le solde des biens intermédiaires s'est dégradé de- 10,4 milliards de francs en raison d'une hausse de l'ordre de 30 % en moyenne annuelle du prix des matières premières.

- Il a été compensé par de bonnes performances sur les biens d'équipement professionnel (+ 4,7 milliards de francs). Ce dernier poste témoigne d'une reprise de l'investissement plus précoce et soutenue chez nos partenaires qu'en France. Du fait d'une stabilisation de nos ventes d'Airbus à39 milliards de francs en 1994 (avec un nombre d'appareils vendus en repli de118 unités à 106). La construction aéronautique et navale enregistre un palier avec un excédent de + 35 milliards de francs en 1994 pour + 34 milliards de francs en 1993.

- L'excédent du matériel de transport terrestre a progressé (à 31,1 milliards de francs) du fait d'une reprise des exportations des voitures particulières, qui induit une progression de + 1,3 milliard de francs de l'excédent, et surtout de l'augmentation de + 3,6 milliards de francs de l'équipement automobile, qui représente notre deuxième excédent commercial depuis 1991.

- Le déficit des échanges de biens destinés aux ménages (équipement électrique et électronique des ménages et biens de consommation courante) se réduit fortement depuis 1992. L'amélioration constatée en 1994 provient pour l'essentiel à la fois d'une réduction du déficit du poste textile et habillement de 2 milliards de francs, et d'une amélioration de même montant du poste parachimie et pharmacie (la pharmacie avec un solde de + 11 milliards de francs représente notre cinquième excédent).

- Enfin, l'excédent du matériel militaire a connu une nouvelle chute de - 29,2 % et ne s'élève plus qu'à + 5 milliards de francs.

3. La contraction du déficit énergétique

L'amélioration du taux d'indépendance énergétique, la diminution des importations liée à la douceur du climat et la baisse des prix exprimés en dollars, expliquent la contraction du déficit énergétique : - 4,8 % par rapport à 1993.

Les importations de produits énergétiques représentent 7,9 % des importations totales en 1994, contre 9,1 % l'année précédente.

C. UNE STABILISATION DES SOLDES SUR LE PLAN GÉOGRAPHIQUE

Rappelons que, après s'être fortement dégradé dans les années 1980, le déficit avec les pays de la zone OCDE s'est transformé en excédent en 1993, avec + 2 milliards de francs.

Le commerce extérieur n'enregistre cependant pas de bouleversement majeur au niveau géographique en 1994. La baisse de - 2,4 milliards de francs de l'excédent dégagé sur l'Union européenne, qui représente 61 % de nos exportations, masque des évolutions très contrastées en phase directe avec l'intensité plus ou moins soutenue de l'activité en vigueur chez nos plus proches partenaires. On notera, à titre d'exemple, la très forte progression de l'excédent avec le Royaume-Uni (+ 8,1 milliards de francs), ce pays ayant enregistré une croissance de 4 % en 1994 et apparaissant comme très en avance dans le cycle économique. De façon inverse, l'excédent de + 2 milliards de francs dégagé sur l'Allemagne en 1993 s'est transformé en un déficit d'environ - 4 milliards de francs en 1994.

On notera toutefois les éléments positifs suivants :

- les performances de la France s'améliorent très sensiblement sur l'Asie en développement rapide, puisque ses exportations ont cru a un rythme de +20 % en 1994 et que le déficit s'est contracté de près de 6,6 milliards de francs pour atteindre le niveau le plus bas depuis 4 ans, à - 2,3 milliards de francs. Cette région étant la plus porteuse à terme (croissance proche de 8 % l'an), le redressement de nos positions relatives apparaît encourageant, mais il reste cependant insuffisant comme on le verra ci-après ;

- le creusement du déficit bilatéral avec le Japon s'est contracté de 2,1 milliards de francs pour atteindre - 21 milliards de francs en 1994 ;

- enfin, l'augmentation de nos échanges a été également particulièrement vive avec les pays d'Amérique du Sud (+ 15,1 % pour les exports et + 17,6 % pour les imports), l'excédent restant stable a + 5 milliards de francs.

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