Avis n° 90 (1996-1997) de M. Louis BOYER , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 27 novembre 1996

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N° 90

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 1997, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME II

SANTÉ

Par M. Louis BOYER,

Sénateur.

Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Mmes Michelle Demessine, Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Claude Huriet, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents ; Jean Chérioux, Charles Descours, Roland Huguet, Jacques Machet, secrétaires ; François Autain, Henri Belcour, Jacques Bialski, Jean Bizet, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Georges Dessaigne, Mme Joëlle Dusseau, MM. Guy Fischer, Alfred Foy, Serge Franchis, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Alain Gournac, André Jourdain, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0ème législ.) : 2993, 3030 à 3035 et TA. 590 .

Sénat : 85 et 86 (annexe n° 39 ) (1996-1997).

Lois de finances

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mardi 5 novembre 1996, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a procédé à l'audition de M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, accompagné de M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale sur les crédits de son département ministériel pour 1997, consacrés aux affaires sociales et à la santé.

M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale, a présenté le projet de budget de la section « santé publique et services communs ».

Il a indiqué que les crédits de cette section s'élevaient à 8,1 milliards de francs pour 1997, soit environ 3 milliards de francs pour la santé et 5 milliards de francs pour les crédits de fonctionnement de l'administration sanitaire et sociale.

M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale, a d'abord évoqué les crédits de la santé, qui s'accroissent de 4,5% à structure constante, progression qui témoigne de l'importance accordée par le Gouvernement à la santé publique. Des moyens très importants ont été concentrés sur trois priorités.

La première priorité est l'amélioration de la protection sanitaire, c'est-à-dire le renforcement de la veille sanitaire et de la sécurité sanitaire. Ainsi, le réseau national de santé publique verra sa dotation augmenter de 50%. La vaccination des détenus contre l'hépatite B bénéficiera de 11,4 millions de francs de mesures nouvelles, et les crédits du ministère destinés à améliorer la prise en charge sanitaire des personnes démunies progresseront de 20,4 millions de francs en 1996 à 44,4 millions de francs en 1997.

La deuxième priorité est le renforcement de la lutte contre les fléaux sanitaires et les dépendances. Ainsi, les crédits consacrés à la lutte contre le Sida augmentent de 5,3%, ceux de la lutte contre la toxicomanie de 8,5% et les crédits consacrés à la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme sont stabilisés.

La troisième priorité réside dans la mise en oeuvre des réformes structurelles du système de santé, avec l'ouverture de crédits destinés aux nouvelles institutions que sont l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé et les agences régionales de l'hospitalisation.

Evoquant ensuite les crédits de l'administration sanitaire et sociale, M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale, a indiqué qu'ils étaient stabilisés à 5 milliards de francs. Si l'administration sanitaire et sociale contribue à l'effort général de diminution de l'emploi public par la suppression nette de 100 postes budgétaires, les moyens des services déconcentrés sont accrus de 30 millions de francs.

M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a demandé au ministre si le réengagement de l'État dans la lutte antituberculeuse prévu dans l'avant-projet de loi sur la cohésion sociale correspondrait à un allégement des charges pour les départements. Il a regretté la stabilisation des crédits de lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme. Faisant référence aux priorités définies par la conférence nationale de la santé, il s'est inquiété de l'ampleur des crédits destinés à l'amélioration de la lutte contre le cancer et à la prévention des suicides. Remarquant que la ligne budgétaire correspondant au financement de l'agence pour le développement de l'évaluation médicale disparaissait dans le budget pour 1997, il a demandé s'il était réaliste de prévoir l'installation au 1er janvier 1997 de l'agence nationale d'accréditation en santé, qui prendra le relais de cet organisme. Enfin, il l'a interrogé sur les mesures que prendrait le Gouvernement afin de favoriser une « remédicalisation » des hôpitaux publics dans lesquels un grand nombre de postes de praticiens hospitaliers était vacant.

Répondant au rapporteur pour avis, M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale, a indiqué que le réengagement de l'État dans la prévention anti-tuberculeuse devait être neutre sur le plan financier. Il a reconnu que l'institution d'une assurance maladie universelle aurait des conséquences sur l'aide médicale, et a porté à la connaissance de la commission l'existence d'une mission d'étude consacrée à ce sujet.

Evoquant la lutte contre le cancer, il a fait référence à l'augmentation des moyens alloués au comité français d'éducation pour la santé et au renforcement de la cellule chargée du cancer à la direction générale de la santé. Il a indiqué qu'une partie des 21 millions de francs affectés aux programmes régionaux de santé serait consacrée à la prévention des suicides et à la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme.

Il a estimé réaliste de prévoir une installation rapide de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, mais a reconnu qu'il faudrait gérer une période de transition.

Il a fait siens les propos du rapporteur pour avis concernant les postes vacants de praticiens hospitaliers.

M. François Autain a demandé au ministre s'il n'était pas paradoxal que les crédits budgétaires de la lutte contre l'alcoolisme ne progressent pas alors que les taxes sur les alcools sont relevées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il l'a également interrogé sur les accidents domestiques.

M. Alain Vasselle s'est interrogé sur la réalisation de l'objectif de suppression de 60.000 lits d'hôpitaux excédentaires.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a regretté que les associations qui mettaient en oeuvre des expériences novatrices, telles que les appartements thérapeutiques ou la mise en place de « réseaux ville-hôpital », se retournent essentiellement vers les collectivités locales pour obtenir les financements en complément de l'État. Elle a regretté que la lutte contre l'alcoolisme soit en bien des cas essentiellement orientée vers une prise en charge psychiatrique, qui n'est pas toujours la seule adaptée.

M. Claude Huriet s'est interrogé sur la sous-médicalisation des hôpitaux publics et sur la mise en cohérence du projet de loi de finances et du projet de loi de financement. Il a demandé au ministre quelles mesures il comptait prendre en faveur des médecins étrangers exerçant à l'hôpital.

M. Charles Descours a fait sienne la question de M. Claude Huriet sur les médecins étrangers. Il a interrogé le ministre sur l'importance des infections nosocomiales et sur les maladies iatrogènes. Il a rappelé que, malgré le vote des parlementaires intervenu au sujet des buvettes dans les stades, le Gouvernement avait pris au cours de l'été une mesure réglementaire allant en sens contraire.

M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État chargé de la santé et de la sécurité sociale, a ensuite répondu aux orateurs sur les crédits de la santé. Il a estimé qu'il n'y avait pas d'incohérence entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement au sujet de l'alcool et qu'une prise en charge psychiatrique n'était pas toujours adaptée pour répondre à tous les problèmes rencontrés par les personnes alcooliques. Il a indiqué que la politique du Gouvernement visait à réduire de 20% en trois ans le nombre des accidents domestiques. Evoquant les restructurations hospitalières, il a affirmé que la notion de lit n'était pas la plus adaptée pour apprécier l'état de l'offre hospitalière. Evoquant la situation des médecins étrangers, il a estimé qu'il conviendrait de prendre des mesures afin que des médecins étrangers ne se voient pas refuser l'accès au concours de praticien adjoint contractuel au motif, par exemple, d'un défaut de présentation de l'original de leur diplôme alors qu'ils bénéficient du statut de réfugié. Il a enfin annoncé la mise en oeuvre d'un second plan de lutte contre les infections nosocomiales.

II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mardi 19 novembre 1996 sous la présidence de M. Jean Pierre Fourcade, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Louis Boyer sur le projet de loi de finances pour 1997 (santé).

M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a d'abord indiqué que, compte tenu de l'adoption de la réforme constitutionnelle qui s'était traduite par l'examen d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale, il n'examinerait cette année que l'évolution des seules actions étatiques en matière de santé publique.

Il a rappelé que le budget de la santé publique et des services communs n'échappait pas au contexte de rigueur budgétaire, même si les crédits relatifs à la santé publique progressaient d'un peu plus de 4 % à structure constante.

Les crédits de fonctionnement du ministère des affaires sociales n'augmentent en effet que de 0,40 % par rapport à ceux ouverts en loi de finances initiale pour 1996, cette stabilisation se traduisant par la suppression de 100 emplois, qui, pour les trois quarts d'entre eux, étaient vacants ou gelés.

M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de budget préparait la mise en place des agences régionales de l'hospitalisation : une ligne nouvelle de l'article 10 du chapitre 47-19 leur était ainsi consacrée. Elle est dotée de près de 100 millions de francs.

Il a estimé que l'installation des agences régionales de l'hospitalisation entraînerait probablement une réforme des missions et des structures de la direction des hôpitaux du ministère de la santé.

Tirant les conséquences de la réforme hospitalière, le budget de la santé pour 1997 prévoit la mise en place de la future agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES). Ainsi, la ligne budgétaire du chapitre 47-11 qui correspondait à l'agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale (ANDEM) est supprimée alors qu'est créée une nouvelle ligne dotée de 35 millions de francs, destinée à l'ANAES.

M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il était difficile de dire si les 35 millions de francs prévus par le projet de budget étaient suffisants. En effet, on ne connaît pas encore la structure de financement de cette future institution, et notamment le volume de crédits qui sera apporté par l'assurance maladie. Si celui-ci était insuffisant, il apparaîtrait évident que l'ANAES ne pourrait accomplir ses missions dans de bonnes conditions, qu'il s'agisse de l'accréditation des établissements ou de la préparation des références professionnelles.

M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué la lutte contre les grands fléaux.

Il a observé que si la lutte contre le Sida et la toxicomanie faisait, cette année encore, l'objet d'un effort accru, des causes semblaient « laissées pour compte », à savoir la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme et la lutte contre le cancer.

Ainsi, les crédits destinés à lutter contre le Sida progresseront de façon significative en 1997, avec une augmentation de 26 millions de francs, soit un taux d'évolution de 5,3 %. Ils représentent désormais près de 475 millions de francs.

M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a présenté les principales statistiques concernant l'épidémie ainsi que les politiques de prévention et d'aide à la vie quotidienne des malades et les trithérapies.

Il a indiqué à cet égard que la prescription d'antiprotéases était en croissance forte : alors qu'elle concernait 2.804 patients fin avril 1996, 11.671 patients en recevaient à la fin du mois de juillet.

Il a précisé qu'une bithérapie coûtait entre 29.000 francs et 44.602 francs par an et par malade et une trithérapie entre 42.216 francs et 56.634 francs.

Il a évoqué les crédits de la lutte contre la toxicomanie qui bénéficient d'une très forte progression de 8,5 % et indiqué que cette augmentation visait essentiellement à poursuivre la politique de substitution et à permettre la mise en service du plan gouvernemental de lutte contre la drogue annoncé le 14 septembre 1995.

M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a ensuite regretté que la lutte contre le cancer ne fasse l'objet, ni d'une individualisation budgétaire, ni d'une véritable stratégie, avec des objectifs et des moyens associés.

Il a formulé les mêmes regrets pour la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme, dont les crédits sont simplement reconduits en francs courants et qui baissent donc en francs constants.

Après avoir étudié les crédits en faveur de la santé des populations qui progressent de 8 %, et ceux de la veille sanitaire, au sein desquels il a souligné la très forte progression (+ 50 %) de ceux qui seront accordés au réseau national de santé publique, il a évoqué la politique hospitalière de l'État.

Il a indiqué que, sur le plan budgétaire, les crédits du ministère destinés aux investissements sanitaires régressaient une nouvelle fois de manière très importante.

Il a d'abord observé que l'on méconnaissait l'importance du nombre de postes non pourvus, en feignant d'ignorer qu'au niveau local, les vacances de postes permettaient de disposer de marges de manoeuvre budgétaires mais occasionnaient une surcharge de travail.

Il a ensuite souligné l'importance des vacances de postes de praticiens hospitaliers qui conduit les hôpitaux à recruter des médecins étrangers.

Il a enfin constaté que toutes les décisions prises en matière de fonction publique étaient automatiquement répercutées sur la fonction publique hospitalière, et donc sur les budgets des hôpitaux.

Il s'est donc déclaré favorable à un décrochage de la grille de la fonction publique hospitalière par rapport au reste de la fonction publique.

Mme Joëlle Dusseau a félicité le rapporteur pour avis pour son rapport qu'elle a qualifié de complet et raisonnablement critique. Elle a souligné le manque d'appartements thérapeutiques pour les toxicomanes et les malades du Sida, s'est interrogée sur la présence de crédits destinés à la prévention du Sida et de la toxicomanie dans les prisons et s'est déclarée choquée par la baisse des crédits de la lutte contre l'alcoolisme.

M. Alain Vasselle, après avoir félicité le rapporteur pour avis, a souligné le manque de lisibilité de la politique de lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme. Il a considéré qu'il était difficile d'expliquer que l'on augmente les droits sur l'alcool et le tabac alors que les crédits budgétaires de la lutte contre ces deux fléaux régressent. Il a aussi évoqué la politique hospitalière et souligné la nécessité d'un redéploiement des moyens.

M. Bernard Seillier a fait part de ses doutes quant à la pertinence de la notion de décrochage de la grille de la fonction publique hospitalière.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a déclaré avoir apprécié les propos du rapporteur pour avis sur l'absence de politique de lutte contre le cancer. Il lui a demandé de les reprendre avec force lors de son intervention en séance publique.

M. Jean-Louis Lorrain a demandé au rapporteur pour avis si le projet de budget prenait en compte le futur transfert de compétences entre les départements et l'État en matière de prévention de la tuberculose.

Répondant aux orateurs, M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a admis le manque d'appartements thérapeutiques. Il a souligné l'importance des entraves à leur création qui résultaient notamment de leur cofinancement par l'État et l'assurance maladie. Il a confirmé que les moyens de la lutte contre le Sida et la toxicomanie dans les prisons étaient bien inclus dans le projet de loi de finances. Il a déclaré partager les propos d'Alain Vasselle, soulignant la contradiction entre l'augmentation des taxes sur la consommation du tabac et de l'alcool et la régression des crédits budgétaires de la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.

Il a indiqué que le budget ne tirait pas les conséquences du transfert de compétences en matière de tuberculose dans la mesure où la loi qui le prévoyait n'avait pas encore été adoptée par le Parlement.

Sur proposition de M. Jean-Pierre Fourcade, président, M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il inscrirait dans le rapport la nécessité de réviser la grille de la fonction publique hospitalière qui est aujourd'hui obsolète.

M. Bernard Seillier a souligné le fait que, par la taxe sur les salaires prélevée sur les hôpitaux, l'État créait une charge supplémentaire pour l'assurance maladie.

M. Jean Chérioux a indiqué qu'il convenait de bien mettre en évidence l'importance des crédits de la lutte contre le Sida, car elle était souvent contestée.

Sur la proposition de M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la santé et des services communs pour 1997.

Mesdames, Messieurs,

L'adoption de la réforme constitutionnelle qui a consacré le légitime droit de regard du Parlement sur les finances de la sécurité sociale et s'est traduite, dès cette année, par l'examen du premier projet de loi de financement de la sécurité sociale, a conduit votre commission à retenir, pour le présent rapport, une approche stricte de la notion de « crédits de la santé ».

Alors que, dans le passé, le rapport budgétaire examinait, non seulement les crédits du ministère (quelque huit milliards de francs avec les services communs), mais aussi les dépenses de l'assurance maladie (environ 600 milliards de francs pour le risque maladie), il s'en tiendra désormais à l'examen de l'évolution des seules actions étatiques en matière de santé publique.

Le projet de loi de finances pour 1997 vise à réduire à 283,7 milliards de francs le déficit budgétaire, grâce à une réduction des dépenses qui se traduit notamment par la réduction des effectifs civils d'environ 6.500 postes.

Le budget de la santé publique et des services communs n'échappe pas à ce contexte de rigueur. Avec 8,116 milliards de francs en 1997, les crédits sont en baisse d'1,5 % par rapport à l'an dernier : les crédits ouverts en loi de finances initiale représentaient en effet 8,24 milliards de francs en 1996.

Certes, les crédits relatifs à la santé publique, qui s'élèvent à 3 milliards et 20 millions de francs, sont épargnés par les restrictions budgétaires et progressent d'un peu plus de 4 % à structure constante.

Parmi les crédits d'intervention sanitaire, les progressions les plus significatives sont celles dont bénéficient le Réseau national de santé publique (environ 50 % d'augmentation), le Comité français d'éducation sanitaire (+ 7,3 %), la lutte contre la toxicomanie (+ 8,5 %) et la lutte contre le Sida (+ 5,3 %).

En revanche, les crédits de fonctionnement du ministère des Affaires sociales, qui s'établissent à 5,20 milliards de francs, ne progressent que de 0,40 % par rapport à ceux qui avaient été ouverts en loi de finances initiale pour 1996 ; cette stabilisation se traduit par la suppression de 100 emplois, qui, pour les trois quarts d'entre eux, étaient vacants ou gelés.

Le rapport s'attachera à analyser les conséquences institutionnelles de l'ordonnance portant réforme hospitalière, et notamment la création des Agences régionales de l'hospitalisation et de l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES).

Il évoquera ensuite le renforcement de la lutte contre certains grands fléaux (Sida et toxicomanie), d'autres étant plus délaissés sur le plan budgétaire (tabagisme, alcoolisme, cancer).

Sans préjuger des conclusions de la mission d'information de votre Commission consacrée à l'étude des conditions du renforcement de la sécurité des produits thérapeutiques et de la veille sanitaire, il analysera enfin l'évolution des crédits de la veille sanitaire.

I. LES BASES BUDGÉTAIRES DU RENOUVEAU DE LA POLITIQUE HOSPITALIÈRE

Le projet de budget pour 1997 prévoit les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de l'ordonnance portant réforme hospitalière. Il comprend les crédits destinés à la mise en place des agences régionales de l'hospitalisation et de l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES). Le volet du budget consacré aux subventions à l'équipement sanitaire est, pour sa part, en constante régression.

1. La création de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES)

L'article 2 de l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée a créé une Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé. Cet établissement public a reçu plusieurs missions :

1° favoriser, tant au sein des établissements de santé publics et privés que dans le cadre de l'exercice libéral, le développement de l'évaluation des soins et des pratiques professionnelles ;

2° mettre en oeuvre la procédure d'accréditation des établissements de santé ;

3° élaborer avec des professionnels, selon des méthodes scientifiquement reconnues, valider et diffuser les méthodes nécessaires à l'évaluation des soins et des pratiques professionnelles ;

4° élaborer et valider des recommandations de bonnes pratiques cliniques et des références médicales et professionnelles en matière de prévention, de diagnostic et de thérapeutique ;

5° donner un avis sur la liste des actes, prestations et fournitures qui sont pris en charge ou donnent lieu à remboursement par les organismes d'assurance maladie, à l'exception des médicaments ;

6° réaliser ou valider des études d'évaluation des technologies relatives à son domaine de compétence ;

7° proposer toute mesure contribuant au développement de l'évaluation, notamment en ce qui concerne la formation des professionnels de santé ;

8° diffuser ses travaux et favoriser leur utilisation.

Cette Agence prendra le relais de l'Agence Nationale pour le Développement de l'Evaluation Médicale (ANDEM), association créée en 1989 et régie par la loi du 1er juillet 1901 qui, en vertu de la loi hospitalière du 31 juillet 1991 et de ses statuts, s'est vu confier deux missions :

- l'évaluation des technologies, des stratégies médicales (préventives, diagnostiques, thérapeutiques) et des pratiques professionnelles, la diffusion des résultats, la formation des professionnels, par la mise en oeuvre de méthodes et leur validation ;

- l'évaluation hospitalière (fonctions, organisation des soins, pratiques professionnelles).

L'Agence dispose d'un conseil scientifique dont le rôle principal est de donner un avis scientifique sur les projets de travaux qui lui sont soumis. Son conseil d'administration est composé de représentants des administrations (santé, éducation, recherche, agriculture), des organismes d'assurance maladie, de la Mutualité, du Haut Comité médical de la sécurité sociale et du Comité national pour l'évaluation médicale.

En 1995, le budget de TANDEM s'est élevé à 29.192.000 francs. La subvention de fonctionnement allouée par l'État a été de 11.840.000 francs. Le solde est apporté, pour l'essentiel, par les divers régimes d'assurance maladie, notamment la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés. En 1996, le budget prévisionnel de TANDEM s'établissait à 31 millions de francs, alimenté notamment par une subvention de l'État d'un montant d'environ 13 millions de francs.

L'ANDEM devant disparaître au profit de l'ANAES, la ligne budgétaire du chapitre 47-11 qui correspondait à TANDEM est supprimée alors qu'est créée une nouvelle ligne, dotée de 35 millions de francs, destinée à l'ANAES.

Cette substitution repose sur l'hypothèse que TANDEM serait supprimée au 31 décembre prochain et que l'ANAES serait créée au 1er janvier 1997.

Il est probable qu'il n'en sera pas ainsi. Lors de son audition budgétaire, M. Hervé Gaymard, Secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale, l'a reconnu et a promis qu'il serait procédé à un aménagement destiné à ménager une transition.

A ce jour, votre commission ignore les modalités de cet « aménagement ».

En ce qui concerne le volume des crédits étatiques destinés à la future ANAES, à savoir 35 millions de francs, il est difficile de dire si cette somme est suffisante. En effet, on ne connaît pas encore la structure de financement de cette future institution, et notamment le volume des crédits qui seront apportés par l'assurance maladie. Ainsi qu'il a été dit, l'assurance maladie contribue aujourd'hui au financement de l'ANDEM à hauteur des deux tiers. Si la dotation de l'assurance maladie était insuffisante, il apparaît évident que l'ANAES ne pourrait accomplir ses missions dans de bonnes conditions, qu'il s'agisse de l'accréditation des établissements ou de la préparation des références professionnelles.

2. La mise en place des agences régionales de l'hospitalisation

Les agences régionales de l'hospitalisation ont été créées par l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée, sous la forme de groupements d'intérêt public entre l'État et les organismes d'assurance maladie, dont au moins la caisse régionale d'assurance maladie du régime général, ainsi que, dès sa création, l'union régionale des caisses d'assurance maladie. Leurs directeurs, nommés en Conseil des ministres, ont comme première mission la mise en place des agences, et l'élaboration de leurs conventions constitutives, qui doivent être conclues au plus tard le 31 décembre 1996.

Chaque convention constitutive doit prévoir en particulier les modalités de la contribution des membres de l'agence au bon fonctionnement de celle-ci et au plein exercice de ses missions, ainsi que les formes de leur contribution à ses moyens propres, sous forme de concours financier ou de mises à disposition à titre gratuit de personnel, de locaux, de matériel ou de logiciels. Il n'est par conséquence pas possible de dire d'ores et déjà comment la charge de fonctionnement des agences doit se répartir entre ses différents membres, État et organismes d'assurance maladie.

En année pleine, les besoins de fonctionnement des agences régionales de l'hospitalisation sont évalués, au titre de leurs moyens propres, à 97,7 millions de francs, montant prévu au nouveau chapitre 47-19. Les charges de personnel sont évaluées à 74,7 millions de francs pour 180 agents, y compris les directeurs. Les autres charges représentent 23 millions de francs. La répartition régionale de cette enveloppe dépend de l'évaluation qui sera faite des besoins de fonctionnement de chaque agence, et notamment des effectifs qui leur seront attribués.

La mise en place effective des agences a été engagée avant la conclusion des conventions constitutives. Ainsi, les directeurs nommés en Conseil des ministres sont dans un premier temps chargés de la mise en place des agences. Ces directeurs vont très rapidement devoir procéder à quelques recrutements, afin de pouvoir mener dans les délais impartis l'élaboration des conventions constitutives et de leurs annexes, ainsi que l'installation des agences. Les dépenses correspondantes, afférentes à la gestion 1996, seront imputées sur le titre III du budget du ministère du travail et des affaires sociales. Elles sont intégralement financées par redéploiement de crédits.

Les personnels propres des agences seront essentiellement, comme le prévoit l'ordonnance, des fonctionnaires de l'État placés en position de détachement ou des agents des caisses d'assurance maladie, détachés ou mis à disposition selon leur statut propre. A titre exceptionnel et subsidiaire, les agences peuvent recruter des contractuels. Ce recrutement -à hauteur d'environ 6 personnes par agence-, est contrôlé par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Le personnel propre des agences pourra aussi compter, le cas échéant, des praticiens hospitaliers ou des fonctionnaires territoriaux, dans les conditions prévues par leurs statuts respectifs.

A cette équipe restreinte devraient s'ajouter, dans les régions où cela serait décidé, les agents du service de la DRASS qui seraient placés sous l'autorité directe du directeur de l'agence. Mais, la plupart des personnes collaborant aux travaux des agences continueront à dépendre, en termes budgétaires et hiérarchiques, de leur service actuel. Le nouvel article L. 710-23 du code de la santé publique, introduit par l'ordonnance, prévoit en effet, dans son premier alinéa, que les services départementaux et régionaux de l'État compétents en matière sanitaire sont mis à la disposition du directeur de l'agence, qui adresse directement ses instructions au chef de service concerné. Les conventions constitutives prévoiront des dispositions comparables pour les agents des organismes d'assurance maladie membres de l'agence. Ces agents des services de l'État et des organismes d'assurance maladie seront ainsi mis collectivement et en tant que de besoin à disposition du directeur de l'agence.

La convention constitutive type, arrêtée par un décret en Conseil d'État qui sera publié prochainement, prévoit, entre l'État et les organismes d'assurance maladie membres de l'agence, une large obligation mutuelle de transparence et de libre accès. Elle prévoit également les conditions selon lesquelles les directeurs et les membres des agences pourront solliciter de leurs partenaires des informations utiles à l'exercice de leurs attributions.

En contrepartie de la constitution d'une dotation de 100 millions de francs pour financer la mise en place des agences, les crédits de la tutelle hospitalière, qui représentaient 30 millions de francs, ne sont pas reconduits cette année. En outre, les dotations des services déconcentrés de l'État (DDASS et DRASS) sont réduites. Cette réduction n'est que très partielle, les DDASS et les DRASS continuant d'exister pour leurs missions propres et continuant d'assumer la responsabilité hiérarchique et budgétaire de ceux de leurs agents qui travailleront effectivement au service des agences régionales.

L'installation des agences régionales de l'hospitalisation va probablement entraîner une réforme des missions et des structures de la direction ministérielle des hôpitaux. Cette direction emploie aujourd'hui 300 agents, dont plus de la moitié appartiennent à la catégorie A de la fonction publique. Son rôle a déjà évolué avec l'amoindrissement de ses compétences en matière d'investissements hospitaliers et le renforcement de ses compétences en matière de planification et d'information hospitalières (PMSI) ou encore de prise en charge du Sida.

On concevait mal qu'il ne soit pas redéfini compte tenu de la nouvelle organisation de la tutelle hospitalière définie par l'ordonnance précitée du 24 avril 1996.

3. La politique budgétaire de l'État en direction des hôpitaux

La politique budgétaire de l'État en direction des hôpitaux appelle trois observations :


la politique d'investissement sanitaire

Les crédits d'investissement sanitaire de l'État, inscrits au chapitre 66-11, régressent une nouvelle fois : l'évolution des autorisations de programme et des crédits de paiement depuis plusieurs années annoncent l'extinction prochaine de la politique de subvention à l'équipement hospitalier.

Ainsi, le niveau des autorisations de programme, avec 66 millions de francs, est en réduction de 80 % par rapport à l'an dernier, celui des crédits de paiement baissant d'un quart avec un peu plus de 240 millions de francs.

Seuls les articles 10 et 20 du chapitre 66-11 (modernisation et humanisation des CHR, des établissements d'intérêt national, de soins et de cure) bénéficient d'autorisations de programme. La psychiatrie extra-hospitalière et la lutte contre la toxicomanie et l'alcoolisme, par exemple, n'en bénéficient plus.

En matière de crédits de paiement, l'article 20 (modernisation et humanisation des établissements de soins et de cure) est le mieux doté avec 153 millions de francs.

Il faut en outre tenir compte du fait que les dotations du chapitre 66-11 ne sont jamais certaines, ce chapitre étant un des plus affectés par les mesures de régulation budgétaire en cours d'année.

Ce désengagement de l'État ne doit pas surprendre : il traduit une volonté de favoriser l'autofinancement, les investissements de modernisation et, bien sûr, le redéploiement des moyens.


vacances de postes et marges de manoeuvre budgétaires

Votre rapporteur tient à revenir sur ce sujet, occulté depuis trop longtemps.

D'une part, on méconnaît l'importance du nombre de postes de personnels non pourvus, en feignant d'ignorer qu'au niveau local, les vacances de postes permettent de disposer de marges de manoeuvre budgétaires mais occasionnent une surcharge de travail pour le personnel, débouchant sur une diminution de la sécurité et de la qualité des soins.

D'autre part, il faut regretter le nombre de vacances de postes de praticiens hospitaliers, dont l'importance conduit les hôpitaux à recruter des médecins étrangers, alors que l'on constate parallèlement une pléthore médicale nationale.


la politique salariale de l'État

Toutes les décisions prises en matière de fonction publique sont automatiquement répercutées sur la fonction publique hospitalière, et donc sur les budgets des hôpitaux. Cette année, alors que le taux directeur sera fixé à un niveau très rigoureux, les hôpitaux subiront les conséquences des augmentations décidées pour la fonction publique par le Gouvernement.

En outre, votre rapporteur tient à mettre l'accent sur l'obsolescence de la grille hospitalière qui n'a pas évolué parallèlement aux métiers de l'hôpital public : il conviendrait de la dépoussiérer dans les meilleurs délais.

II. COMBATTRE LES GRANDS FLÉAUX : DES DOTATIONS TRES IMPORTANTES POUR LUTTER CONTRE LE SIDA ET LA TOXICOMANIE, MAIS INSUFFISANTES POUR VAINCRE LE TABAGISME, L'ALCOOLISME ET LE CANCER

Si la lutte contre le Sida et la toxicomanie fait, cette année encore, l'objet d'un effort accru, votre rapporteur tient à mettre l'accent sur des causes qui semblent « laissées pour compte », à savoir la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme et la lutte contre le cancer.

A. LA LUTTE CONTRE LE SIDA : UNE NOUVELLE PROGRESSION DES CRÉDITS DE 5,3 %

Cette année encore, les crédits destinés à lutter contre le Sida progresseront de façon significative, avec une augmentation de 26 millions de francs. Ils représentent désormais près de 475 millions de francs.

La politique menée en 1997 se traduira par une grande déconcentration des actions. En effet, alors que les dépenses non déconcentrées, qui s'élèvent à 160 millions de francs, régressent de 25 millions de francs, les dépenses déconcentrées progressent de 48,5 millions de francs pour s'établir à 290 millions de francs. Les moyens des consultations de dépistage seront, eux aussi, en progression de 3 millions de francs et atteindront ainsi 23,6 millions de francs.

1. Le point sur l'évolution de l'épidémie

a) Les nouvelles contaminations

Selon les estimations, 110.000 personnes seraient atteintes par le VIH en France. L'épidémie concerne encore majoritairement deux groupes de population : les personnes homosexuelles ou bisexuelles et les usagers de drogue par voie injectable. Près des deux tiers appartiennent en effet à ces deux groupes alors qu'un quart seulement a été contaminé par voie hétérosexuelle.

L'étude du poids de l'épidémie dans chacune des populations concernées montre que la population des usagers de drogue est de loin la plus touchée. Elle était, en 1995, 5 fois plus atteinte que la population homosexuelle ou bisexuelle et 500 fois plus atteinte que la population hétérosexuelle.

La dynamique de diffusion du virus dans ces populations a été différente. L'épidémie a progressé très rapidement chez les homosexuels et les usagers de drogue pour atteindre un point culminant entre 1983 et 1986 pour les homosexuels ou bisexuels et entre 1984 et 1987 pour les usagers de drogue. Depuis cette date, le nombre de nouvelles contaminations diminue chaque année et de façon particulièrement nette chez les usagers de drogue.

En revanche, si l'épidémie chez les hétérosexuels a commencé en même temps que celle des homosexuels, elle a été beaucoup plus lente. Le nombre de nouveaux cas a augmenté faiblement chaque année pour atteindre un plateau depuis la fin des années 80.

Cependant, compte tenu de l'importance de la population hétérosexuelle (18 millions d'hommes et 19 millions de femmes), et malgré la lenteur de la diffusion de l'infection dans cette population, il est assez probable que, dans un avenir plus ou moins proche, le nombre de nouveaux cas annuels de contamination par le VIH chez les hétérosexuels soit supérieur à celui constaté chez les homosexuels, les bisexuels ou chez les usagers de drogue.

b) Les malades du Sida

En France, le système de surveillance du Sida a été mis en place en 1982 et repose, depuis 1986, sur la déclaration obligatoire des cas, faite par les praticiens. La déclaration est basée sur la définition OMS/CDC du Sida, qui a été révisée en 1993.

Depuis le début de l'épidémie et jusqu'au 30 juin 1996, 42.262 cas de Sida (41.618 adultes et 644 enfants) ont été enregistrés ; 62,3 % sont décédés. Le nombre de personnes vivantes atteintes de Sida est donc actuellement estimé entre 17.000 et 19.000.

Compte tenu de l'absence de déclaration obligatoire jusqu'en 1986, le nombre total de cas réels de Sida depuis le début de l'épidémie serait compris entre 48.500 et 53.000.

Le nombre de nouveaux cas de Sida diagnostiqués en 1994 était estimé à 6.400 et à 6.000 en 1995. Globalement, l'épidémie semble donc se stabiliser, même si la faible diminution observée en 1995 est encore trop récente pour être interprétée en terme de tendances.

La comparaison des courbes du nombre de nouveaux cas de Sida par année de diagnostic montre des évolutions différentes selon le mode de contamination.

Chez les homosexuels ou bisexuels, le nombre de nouveaux cas de Sida se stabilise depuis 1991 autour de 2.500 par an. Chez les usagers de drogues injectables, le nombre de nouveaux cas de Sida se situe autour de 1.500 depuis 1994. Dans le groupe des hémophiles ou transfusés, la diminution du nombre de nouveaux cas de Sida observée à partir de 1990 s'accélère depuis 1994.

Mais, chez les personnes contaminées par voie-hétérosexuelle, le nombre de nouveaux cas continue à progresser (le nombre de cas diagnostiqués en 1995 est estimé à 1.400).

Il faut toutefois rappeler que ces tendances concernent les formes tardives de l'infection par le VIH qui ne se développent, pour la moitié des individus, que plus de dix ans après l'infection. Les tendances de l'épidémie de Sida ne reflètent donc pas l'évolution actuelle des nouvelles contaminations.

2. Le bilan de l'activité des centres de dépistage gratuit

La mise en place de consultations de dépistage anonyme et gratuit de l'infection par le VIH depuis 1987-1988 traduit une politique de prévention et de dépistage basée sur le volontariat et la responsabilité des personnes. Les centres visent à favoriser l'accès au dépistage dans le cadre d'une démarche d'information et de conseil auprès des personnes qui les consultent.

Un dispositif de dépistage anonyme et gratuit au moins a été créé dans chaque département. Certains sont gérés par un établissement hospitalier, d'autres sont situés dans un dispensaire anti-vénérien et gérés par les conseils généraux.

Depuis 1992, l'accès à des consultations de dépistage gratuit du VIH a été étendu à des centres de protection maternelle et infantile et à des centres de planification et d'éducation familiale. Depuis 1993, les centres de dépistage interviennent aussi dans les établissements pénitentiaires.

Les centres ont reçu, depuis l'origine, 322.954 personnes pour information ou pour un test du VIH, la moyenne du nombre annuel de consultations étant passée de 323 à 1.076. En 1995, le taux de séropositifs rapporté à la population testée dans les consultations était de 0,6 %. Il variait selon le lieu de consultation, les taux les plus élevés étant observés dans les prisons (1,0 %).

Le taux de séropositifs dépistés dans les consultations diminue au cours du temps ; il est presque dix fois plus faible en 1995 qu'en 1998. Cette baisse est liée à l'augmentation très nette du nombre de consultants, le nombre de sujets positifs dépistés étant relativement stable (entre 1.700 et 2.100 selon les années).

3. La prise en charge des malades

a) L'aide à la vie quotidienne, le soutien et l'hébergement

Expérimentée en 1991, la politique d'aide à la vie quotidienne a été généralisée en 1996. Ses objectifs sont d'éviter les hospitalisations liées à l'impossibilité pour les malades de subvenir aux besoins de leur vie quotidienne, de favoriser les sorties précoces de l'hôpital après les phases de traitement intensif et de permettre la continuité des soins à domicile par l'hospitalisation à domicile, les services de soins infirmiers et le réseau libéral.

En 1995, 36 départements ont bénéficié de cette action (11 départements de plus qu'en 1994) et 2.030 malades ont été suivis dans l'année, bénéficiant au total de 360.000 heures de prestations (160.000 heures de plus qu'en 1994, soit 80 % d'augmentation).

L'aide à la vie quotidienne est complétée par des actions de soutien dont l'objectif est d'apporter un soutien psychologique, social et juridique aux personnes séropositives ou malades : elles ont été mises en oeuvre dans 64 départements en 1995 contre 52 en 1994.

Pour offrir un toit aux personnes atteintes du virus de l'immuno-déficience humaine, différentes solutions ont été mises en place quand les structures telles que les CHRS ou les dispositifs d'accueil d'urgence ne suffisaient pas.

Plusieurs solutions sont offertes en fonction de la situation des personnes concernées et de l'évolution de leur maladie. En 1995, environ 50 millions de francs ont été consacrés à l'hébergement des personnes séropositives ou malades. On comptait alors 476 places d'appartements relais, 107 places d'accueil familial, 8 services d'accompagnement social qui ont suivi 342 personnes après les avoir relogées dans un logement social et 18 places d'accueil temporaire permettaient des séjours de répit. Enfin, 363 personnes avaient bénéficié d'un accueil d'urgence.

Pour les personnes qui ont besoin de soins journaliers, isolées, sans logement ou sans ressources, la solution proposée à titre expérimental consiste en la mise à disposition d'appartements de coordination thérapeutique, cofinancés par l'État, à hauteur de 50 % et par l'assurance maladie (par un forfait global annuel calculé sur la base de 123 F/jour maximum) : 135 places ont ainsi été agréées le 30 août 1994 et 145 places nouvelles viennent d'être agréées.

Lors de son conseil d'administration du 28 mai 1996, la Caisse nationale de l'assurance maladie s'est prononcée pour la poursuite de cette expérimentation et a prévu les moyens nécessaires à la création de 50 places supplémentaires, soit un total de 330 places réparties sur l'ensemble du territoire, dans les zones à forte endémie.

Le nombre d'appartements thérapeutiques mis à disposition des malades n'est donc pas encore suffisant. Leur cofinancement et la lourdeur de la procédure de création sont peut-être en cause.

b) Les réseaux ville-hôpital et la mise à disposition de trithérapies


Les réseaux

Mis en place par la circulaire DH/DGS du 4 juin 1991, les réseaux sont aujourd'hui au nombre de 80. Ils sont financés, pour leur fonctionnement, par les crédits d'État, l'assurance maladie prenant à sa charge les postes de coordinateurs et les formations des médecins généralistes dans les centres hospitaliers.

Les réseaux ont pour objectif de regrouper les différents professionnels du soin et, de plus en plus, les professionnels du secteur social. Ils favorisent ainsi la continuité des soins entre l'hôpital et le domicile tout au long de l'évolution de la maladie et se sont révélés particulièrement adaptés à la prise en charge du Sida, à sa chronicité et à ses conséquences médicales et sociales pour les personnes qui en sont victimes.

La diffusion de l'épidémie, l'évolution de la maladie et des modes de prise en charge conduisent à prévoir la nécessité d'étendre ces réseaux dans une vingtaine de départements d'ici 1998.

En outre, l'ordonnance relative à la maîtrise des dépenses de soins a prévu la mise en place de procédures de prise en charge forfaitaire de pathologies lourdes : il est probable que le Sida sera concerné en premier lieu et que les pratiques de réseau seront, dans ce contexte, rapidement généralisées.


Le développement des trithérapies

De récents essais thérapeutiques ont permis d'évaluer l'efficacité thérapeutique de l'association de plusieurs molécules antivirales comparativement à une monothérapie de première intention ou à la poursuite d'un seul traitement en cours. Les associations triples ont pour la plupart une activité antivirale plus prononcée que les bithérapies.

Le traitement de référence des patients n'ayant jamais reçu de traitement antirétroviral antérieur est une bithérapie, les trithérapies étant recommandées chez les patients ayant déjà reçu une bithérapie, en cas de progression de la maladie.

La bithérapie comporte soit l'association de deux inhibiteurs nucléosidiques (AZT, ddl, ddC, 3TC, d4T), soit encore l'association d'un inhibiteur nucléosidique à une antiprotéase (Saquinavir, Indinavir, Ritonavir).

La trithérapie comporte soit l'association de trois inhibiteurs nucléosidiques (AZT, ddl, ddC, 3TC, d4T), soit l'association d'inhibiteurs nucléosidiques à des inhibiteurs non nucléosidiques, soit l'association de deux inhibiteurs nucléosidiques à une antiprotéase (Saquinavir, Indinavir, Ritonavir).

Il faut observer que les patients atteints par le VIH sont traités actuellement plus tôt et par association médicamenteuse. Ainsi, en juin 1995, 61 % des patients suivis en milieu hospitalier recevaient un traitement antirétroviral dont 31 % en association. Au premier trimestre 1996, ils sont 69 % à en recevoir un, dont les trois quarts en association médicamenteuse. Les associations sont plus souvent des bithérapies (94 %) que des trithérapies (6 %) et le pourcentage de patients traités sous trithérapies est plus élevé à Paris qu'en province.

La prescription d'antiprotéases est en croissance forte : alors qu'elle concernait 2.804 patients fin avril 1996, 11.671 patients en recevaient à la fin du mois de juillet.

Une bithérapie coûte entre 29.000 francs et 44.602 francs par an et par malade et une trithérapie entre 42.216 francs et 56.634 francs par an.

B. LES CRÉDITS DE LA L UTTE CONTRE LA TOXICOMANIE : UNE TRÈS FORTE PROGRESSION DE 8,3 %

Les crédits de la lutte contre la toxicomanie inscrits au budget du ministère s'élèvent à 694 millions de francs, en progression de 8,5 % par rapport à la loi de finances pour 1996. Il faut y ajouter 230 millions de francs affectés à la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie qui est désormais rattachée aux services du Premier ministre.

Cette augmentation vise essentiellement à poursuivre la politique de substitution et à permettre la mise en oeuvre du plan gouvernemental de lutte contre la drogue annoncé le 14 septembre 1995.

1) La poursuite de l'augmentation des capacités de prise en charge des toxicomanes avec hébergement

Il convient de signaler que le manque de places d'hébergement constitue une des plus vives critiques portées au dispositif de prise en charge des toxicomanes. Outre le nombre de personnes insatisfaites, ce manque de places génère un délai d'attente (de 29 jours en moyenne) après le sevrage. Ce temps de latence entraîne une rupture dans la prise en charge et, trop souvent, mène à l'échec les démarches de soins qui ont été engagées.

Le plan triennal 1993-96 prévoyait le doublement des capacités de prise en charge avec hébergement, le nombre de places devant être porté de 620 à 1.240. Fin 1996, 1.217 places seront disponibles avec une diversification importante de cette partie du dispositif spécialisé. En effet, des communautés thérapeutiques résidentielles ainsi que des appartements thérapeutiques relais et de transition ont été créés pour répondre aux différentes demandes des patients toxicomanes.

2) La diversification des modes de prise en charge, notamment par le recours aux traitements de substitution

Les traitements de substitution constituent une modalité de prise en charge des personnes dépendantes, notamment des héroïnomanes. Ces traitements améliorent la situation du patient d'un point de vue social, affectif, somatique et concourent à la réduction des risques infectieux. Ils s'insèrent dans une stratégie thérapeutique d'ensemble de la dépendance visant, à terme, le sevrage.

Deux médicaments sont disponibles en 1996 : la Méthadone et le Subutex.

La Méthadone est le plus ancien des médicaments de substitution employés. Le dispositif de prescription et de délivrance de la Méthadone a évolué pour en faciliter l'accès aux toxicomanes qui en relèvent : tous les centres spécialisés de soins aux toxicomanes peuvent désormais la prescrire et la délivrer.

La première phase du traitement a lieu en centres spécialisés composés d'équipes pluridisciplinaires qui apportent toutes les prestations nécessaires à chaque patient.

Quand ce patient retrouve un équilibre personnel, sans consommation d'autres produits et avec des conditions sociales favorables, le médecin du centre peut lui proposer d'être suivi par son médecin de ville. Celui-ci est alors contacté par le médecin du centre pour organiser la poursuite du traitement ; le patient ne peut aller se faire renouveler ses prescriptions de Méthadone qu'auprès de ce seul médecin, qui a donné son accord et bénéficié d'une formation adaptée.

La dispensation du médicament a alors lieu dans une pharmacie d'officine du choix du patient, le pharmacien d'officine devant également avoir bénéficié d'une formation spécifique. En cas de problème, le patient pourra être réorienté vers le centre spécialisé de soins aux toxicomanes.

Ce dispositif impose que tous les centres de soins disposent du personnel nécessaire (médecins, infirmières) pour cette modalité de prise en charge. Actuellement, 110 centres spécialisés disposent effectivement du personnel en nombre suffisant pour le suivi de ces traitements dans de bonnes conditions, contre 3 seulement en 1990. Ils couvrent 62 départements.

Le Subutex, bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché depuis le 31 juillet 1995, est disponible en officine depuis février 1996 avec une indication de traitement de la pharmacodépendance majeure aux opiacés. Il s'adresse à des patients pour la plupart déjà suivis en médecine libérale. Le Subutex peut être prescrit par tout médecin traitant après un examen médical.

De surcroît, alors qu'une primo-prescription de Méthadone n'est pas autorisée en milieu pénitentiaire, même par un médecin d'un centre spécialisé de soins aux toxicomanes, une prescription de Subutex peut être indiquée en face d'une dépendance majeure aux opiacés.

3) Les réseaux toxicomanie/ville/hôpital

Les réseaux toxicomanie/ville/hôpital visent à assurer la continuité des soins entre les médecins généralistes, les centres spécialisés de soins aux toxicomanes et les différents services hospitaliers concernés par l'accueil des toxicomanes au sein d'un même hôpital. Ils s'inscrivent dans les stratégies liées au sevrage et aux prises en charge avec substitution. Depuis 1993, 32 réseaux ont été créés.

4) L'ouverture du secteur hospitalier à la prise en charge des
toxicomanes

Cette priorité a été affirmée par de précédentes directives visant à réserver un certain nombre de lits pour le sevrage de ces patients et lors de la création des réseaux toxicomanie/ville/hôpital. La circulaire du 3 avril 1996 poursuit cette politique : elle affirme que, « du fait de sa mission de service public, l'hôpital doit offrir aux patients toxicomanes les soins médico-psycho-sociaux qu'ils requièrent ».

Elle prévoit que le développement de la prise en charge hospitalière doit, en conséquence, s'articuler autour des priorités suivantes :

- la poursuite de la mobilisation des services hospitaliers sur leurs missions de sevrage,

- l'implication plus importante des consultations de médecine,

- la mise en place d'équipes de liaison et de soins aux toxicomanes,

- le renforcement de certains services hospitaliers impliqués dans la prise en charge des usagers de drogue et devant faire face à des situations de crise,

- la formation du personnel hospitalier.

5) La réduction des risques infectieux et la campagne de vaccination contre l'hépatite B

Depuis 1993, dans le cadre de la prévention des risques infectieux, 25 « boutiques », lieux refuges permettant de discuter, de se reposer, de se doucher, de laver son linge ou de prendre un café ont été ouvertes pour les toxicomanes les plus marginalisés. Elles offrent des soins infirmiers de première urgence, dispensent du matériel d'injection stérile et proposent une orientation vers le dispositif sanitaire et social.

6) Les injonctions thérapeutiques

L'intérêt du recours à l'injonction thérapeutique a été à plusieurs reprises rappelé aux Procureurs de la République et aux préfets. Le bilan de l'année 1995 montre ainsi une augmentation de près de 11 % du nombre des personnes ayant été orientées vers un service sanitaire suite à une interpellation pour usage de stupéfiants. Elles étaient au nombre de 6.500 en 1994 et 7.220 en 1995.

C. LES PARENTS PAUVRES DU BUDGET DE LA SANTÉ : LA LUTTE CONTRE L'ALCOOLISME ET LA LUTTE CONTRE LE TABAGISME

Les crédits de la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme sont reconduits par la loi de finances pour 1997 : le chapitre 47-17 sera doté, pour 1997, des mêmes 183,5 millions de francs dont il avait bénéficié en 1996. Seule la ventilation entre dépenses déconcentrées et dépenses non déconcentrées est modifiée au profit des premières et à hauteur de 2,8 millions de francs.

Cette reconduction en francs courants entraîne leur légère baisse en francs constants.

Certes, le secrétaire d'État chargé de la santé et de la sécurité sociale l'a rappelé lors de son audition budgétaire par votre commission, il faut ajouter aux crédits au chapitre 47-17 ceux qui seront engagés par le comité français d'éducation pour la santé et ses comités régionaux et départementaux.

Mais ce comité agissait déjà au cours des années précédentes, et, la progression de ses crédits en 1997 ne suffit pas à convaincre d'une augmentation des crédits de la lutte contre l'alcoolisme.

Les moyens sont donc insuffisants pour mener une véritable politique de prévention, qui ne peut se résumer à l'augmentation des droits de consommation, telle qu'elle est prévue dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997.

1. La politique de lutte contre l'alcoolisme demeure un impératif, malgré la diminution globale de la consommation

La consommation annuelle d'alcool pur des Français a régressé depuis 1985 :

Cette régression demeure insuffisante, d'autant qu'elle s'accompagne de phénomènes inquiétants chez les jeunes.

Ainsi, 50 % des 12-18 ans déclarent boire de l'alcool, de même que les trois quarts des jeunes de 18 ans.

Entre 14 et 18 ans, la consommation d'alcool des jeunes qui déclarent boire de l'alcool est évaluée à 2,7 verres par jour.

De surcroît, la part des jeunes consommateurs réguliers diminue alors que celle des jeunes consommateurs occasionnels augmente : ceux qui boivent consomment de plus en plus et recherchent fréquemment l'ivresse. Ainsi, 21 % des jeunes de 14 à 18 ans disent avoir été ivres au moins une fois au cours des trois mois précédant l'enquête réalisée par le ministère de la santé.

On connaît enfin l'importance de l'alcoolisme dans les facteurs de la mortalité prématurée évitable : la conférence de la santé a ainsi placé la lutte contre l'alcoolisme dans les dix priorités de santé publique définies pour l'année.

Le budget pour 1997 n'est pas le seul, ni le premier, à présenter des insuffisances en ce qui concerne la lutte contre l'alcoolisme : la stabilisation des crédits en loi de finances initiale et les mesures de régulation budgétaire intervenant en cours d'année à leur détriment font presque figure de tradition budgétaire.

Ainsi, à partir d'une base 100 en 1986, l'évolution des crédits ouverts en loi de finances initiale (francs constants) a été la suivante :

1986 100

1987 94,9

1988 98,7

1989 95,1

1890 98,4

1991 97,9

1992 95,2

1993 92,1

1994 95

1995 104

1996 Stabilisation en francs courants et gel

de 4,5 % (5,2 millions de francs)

en cours d'année

L'utilisation des crédits budgétaires de la lutte contre l'alcoolisme correspond, pour l'article 10 du chapitre 47-17, à des subventions versées à des associations pour leur lutte contre l'alcoolisme.

Les crédits de l'article 20, réévalués cette année aux dépens de ceux de l'article 10, sont déconcentrés dans les DDASS. Ils correspondent au financement du dispositif permanent de lutte contre l'alcoolisme qui repose sur les centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie et les comités départementaux de prévention de l'alcoolisme.

En outre, des crédits inscrits au chapitre 66-11 sont affectés à des subventions d'équipement sanitaire en psychiatrie extra-hospitalière et à la lutte contre l'alcoolisme (14 millions de francs directement inscrits à l'article 50).

2. La politique de lutte contre le tabagisme : 2 millions de francs seulement lui sont affectés.

De même que la consommation d'alcool, le tabagisme a régressé depuis vingt ans au sein de la population française.

Chez les adultes de 18 ans et plus, la proportion des fumeurs dans l'ensemble de la population est passée de 42 % à 34 % entre 1974 et 1993.

Cependant, si l'on affine par sexe, la baisse est beaucoup plus sensible chez les hommes, puisque la proportion de fumeurs diminue de 59 % à 40 % alors que, chez les femmes, elle augmente régulièrement, de 28 % en 1974 pour atteindre 35 % en 1991, année à partir de laquelle ce chiffre est régulièrement en baisse.

35,1 % des jeunes âgés de 12 à 18 ans fument. Parmi ceux-ci, 89,9 % ont une consommation tabagique régulière. La comparaison des taux de prévalence depuis 1977 chez les fumeurs occasionnels de cette tranche d'âge permet d'enregistrer une chute importante, ils sont en effet passés de 48 % à 31 % chez les garçons et de 43 % à 31 % chez les filles.

D'une façon générale, on enregistre une modification lente mais constante des comportements. Les campagnes de prévention axées autour d'une image positive du non-fumeur et les augmentations régulières des prix des cigarettes contribuent largement à la diminution du nombre de fumeurs.

Le tabagisme demeure fortement lié à l'activité professionnelle et au milieu social : chez les hommes, les ouvriers sont les plus nombreux à fumer (16 % de plus que la moyenne). Les cadres supérieurs et les agriculteurs sont en revanche très au-dessous de la moyenne.

Une fraction importante (les deux tiers) des crédits de la lutte contre le tabagisme sont utilisés pour subventionner le comité national de lutte contre le tabagisme. Ce comité, auprès duquel on peut considérer que l'État sous-traite la politique de lutte contre le tabagisme est une association cofinancée par le ministère de la santé et l'assurance maladie. Il a deux activités principales, qui reçoivent chacune la moitié des 1.360.000 francs de subventions étatiques :

- une activité judiciaire. Le CNCT mène en effet une action soutenue contre la publicité illégale en faveur du tabac dans le cadre de la loi du 10 janvier 1991 qui a autorisé les associations déclarées depuis plus de cinq années et dont l'objet est la lutte contre le tabagisme à se porter partie civile à l'encontre des infractions relatives à l'interdiction de publicité. Si l'action judiciaire du CNCT est légitime, on peut s'interroger sur le fait que son financement représente la moitié des crédits de la lutte contre le tabagisme ;

- une activité de prévention. L'autre moitié de la subvention de l'État soutient en effet les activités de prévention croissantes de cette association (brochure, affiches...), ainsi que les multiples enquêtes réalisées autour du thème du tabac.

D. LA LUTTE CONTRE LE CANCER NE FAIT PAS L'OBJET D'UNE VÉRITABLE POLITIQUE

Le rapport du Haut Comité de la santé publique de 1994 observe l'importance de la mortalité prématurée attribuable au cancer. Il est responsable de 140.000 décès chaque année tous âges confondus. Avant l'âge de 65 ans, c'est la première cause de mortalité avec 36 % des décès dont 9.000 cancers du poumon et 6.900 cancers des voies aéro-digestives supérieures, dont l'impact est une spécificité française, liée à l'association alcool-tabac. Ces deux cancers augmentent actuellement chez les femmes.

Une partie des décès attribuables au cancer peut être évitée, soit par des mesures préventives de réduction des comportements à risque, soit par une amélioration du système de soins ou du dépistage.

Retenu comme un des thèmes prioritaires dans bon nombre de conférences régionales de santé, la lutte contre le cancer est également l'un des dix objectifs prioritaires de la conférence nationale de santé.

Deux rapports IGAS de 1993 soulignaient le rôle de coordination que devrait reprendre l'État dans le domaine de la prévention, du dépistage et de l'organisation des soins et soulignaient la nécessité de clarifier, le cas échéant par des dispositions législatives ou réglementaires, le rôle des différents acteurs dans un système aujourd'hui trop disparate. Ces rapports faisaient le constat d'une absence de véritable politique de lutte contre le cancer au sens de la définition des objectifs et de priorités et de la coordination de l'utilisation des moyens.

Il convient donc de mettre en place une politique de lutte contre le cancer qui vise à développer la prévention et à améliorer l'organisation du dépistage et des soins pour une prise en charge de qualité accessible à tous les patients.

Certes, depuis trois ans, une meilleure prise de conscience des problèmes de lutte contre le cancer s'est faite avec le lancement en 1993 du programme national de dépistage systématique du cancer du sein, la création en 1995 du conseil national du cancer et en juin 1996 et la mise en place du comité scientifique sur le dépistage du cancer colo-rectal.

Par ailleurs, dès 1994, avec la thématique du cancer, l'Alsace a fait partie des trois programmes pilotes régionaux de santé ; elle a été suivie en 1995 sur le même sujet par la région Champagne-Ardenne.

1. L'information statistique

Le constat de l'insuffisance de statistiques disponibles dans le domaine du cancer a été dressé. Un groupe de travail issu du comité national des registres a donc élaboré des propositions pour la mise en place d'un système d'informations statistiques sur le cancer pour suivre de façon permanente les données nécessaires à la prise de décision, au suivi des actions mises en oeuvre et à leur évaluation : morbidité, mortalité, survie, facteurs de risque, statistiques sur les filières de soins... Un programme commun sera mis en oeuvre sur ce point entre le ministère de la santé et l'INSERM.

2. La prévention

En 1996, le ministère du travail et des affaires sociales s'est associé à la campagne européenne sur la prévention du mélanome et l'abus de l'exposition au soleil en diffusant des plaquettes d'information et d'affiches dans tous les départements français. Sur ce même aspect, un groupe de travail du conseil supérieur d'hygiène publique de France a élaboré un rapport sur les dangers des appareils de bronzage utilisant les rayonnements ultra-violets, qui a déjà eu des conséquences sur le plan réglementaire.

3. Le dépistage

Un financement de 6 millions de francs a été accordé en 1994, en 1995 et en 1996, en vue de mettre en place des actions dans le domaine du cancer et notamment le programme de dépistage du cancer du sein.

a) Dépistage du cancer du sein

Installé officiellement en mai 1994 avec la signature d'un accord entre l'État, les caisses d'assurance maladie, les conseils généraux et la mise en place d'un comité national de pilotage, le dépistage organisé du cancer du sein concerne aujourd'hui vingt départements. Une dizaine de départements s'apprêtent à se lancer dans un tel programme.

Sur le plan organisationnel, une cellule de gestion du programme a été mise en place à la Direction générale de la santé avec l'aide de la Ligue nationale contre le cancer pour l'évaluation et le suivi des actions départementales et le soutien logistique du groupe de pilotage. Un cadre de référence a été élaboré sous forme d'un cahier des charges rigoureux qui fait appel à l'assurance de qualité (formation des professionnels et contrôle de qualité des appareils, des clichés et de la lecture...) sur toute la chaîne de dépistage.

Par ailleurs, des plans de formation ont été élaborés pour les professionnels concernés, notamment les radiologiques et les manipulateurs-radio, les anatomo-pathologistes et les radio-physiciens et ingénieurs biomédicaux pour lesquels un cours spécifique est financé par le ministère. Pour les responsables départementaux de programmes, des séminaires annuels sont organisés pour faire le point sur les résultats. Ces formations devraient être poursuivies en 1997, ainsi que des formations spécifiques destinées à des experts.

Cependant, il apparaît désormais nécessaire de proposer sur tout le territoire national un dépistage de qualité à toutes les femmes concernées ; une réflexion sur les moyens réglementaires et financiers nécessaires à cette mise en oeuvre est en cours.

b) Dépistage du cancer colo-rectal

Si certains essais contrôlés avec une forte participation de patients volontaires ont pu mettre en évidence une réduction de la mortalité de ce cancer, le test qui permet le dépistage n'est pas très sensible ni très spécifique. Si son utilisation en pratique individuelle ou lors de campagnes de dépistage de masse était préconisée, elle devrait se faire avec beaucoup de rigueur et avec le support d'un cahier des charges garantissant la qualité des examens et du suivi des patients positifs à qui doivent être proposés des examens complémentaires. L'exemple du dépistage du cancer du sein témoigne de cette nécessaire rigueur. Le comité qui a été nommé en juin 1996 a pour mission d'élaborer un cadre de ce type.

4. Le contrôle de qualité des installations de radiothérapie : un retard surprenant

Dans le cadre de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 (J.O. du 5 février 1995), le contrôle de qualité des installations de radiothérapie a été rendu obligatoire. 2,4 millions de francs ont été réservés en 1994 pour la mise en place de ce contrôle. Votre rapporteur tient à souligner que le Parlement avait adopté ce dispositif à l'initiative du Gouvernement, qui invoquait alors l'urgence. Près de deux ans après le vote du Parlement, le décret d'application nécessaire à l'entrée en vigueur du dispositif n'est toujours pas publié.

5. Organisation des soins : le conseil national du cancer

Mis en place en 1995, le Conseil national du cancer a été saisi par la DGS d'un avis sur le dépistage du cancer du col de l'utérus. Les travaux du Conseil devraient permettre d'orienter l'action des pouvoirs publics dans le domaine de la cancérologie.

6. Les programmes régionaux de santé

Expérimentés à partir de 1994 par la région Alsace sur la thématique du cancer, puis par la région Champagne-Ardenne, ce sont des programmes qui associent l'ensemble des professionnels et institutions concernés par la lutte contre le cancer dans la région (statistiques, prévention, dépistage, soins en incluant la douleur et la qualité de la vie).

Ils intègrent des partenaires aussi divers que les observatoires de la santé, inspections d'académie, comités d'éducation à la santé, caisses d'assurance maladie, associations de malades, unions régionales, infirmières, établissements de soins, services déconcentrés, professionnels de santé...

Ils élaborent ensemble des objectifs qui passent par la définition de buts à atteindre et d'actions à mettre en oeuvre, devant faire l'objet d'évaluation sur la base d'indicateurs définis a priori. Ces programmes sont soutenus financièrement par les crédits du ministère de la santé. Ils sont appelés à se mettre en place progressivement sur tout le territoire national.

Cette analyse rend compte de la réalité des interventions publiques en faveur de la lutte contre le cancer. Elle révèle aussi à l'évidence qu'à la différence de la lutte contre le Sida ou la toxicomanie, la lutte contre le cancer ne fait l'objet, ni d'une individualisation budgétaire, ni d'un engagement financier de l'État à la hauteur du problème de santé publique posé, ni enfin d'une véritable politique, qui se traduirait par la définition d'objectifs à atteindre et des moyens pour y parvenir.

III. LES INSTITUTIONS CHARGÉES DE LA SÉCURITÉ ET DE LA VEILLE SANITAIRES : DES CRÉDITS GLOBALEMENT EN PROGRESSION

Sans anticiper sur les conclusions de sa mission d'information consacrée à l'étude des conditions du renforcement du contrôle de la sécurité des produits thérapeutiques et de la veille sanitaire, votre commission tient à souligner la progression des crédits destinés aux institutions de sécurité et de veille sanitaires dans le projet de budget pour 1997.

A. LES CRÉDITS DU RÉSEAU NATIONAL DE SANTÉ PUBLIQUE PROGRESSENT DE MOITIÉ

Si l'on peut regretter la simple reconduction des crédits des observatoires régionaux de la santé et des subventions aux Instituts Pasteur, il faut noter la considérable progression de la dotation du Réseau national de santé publique, qui s'élèvera à 21,6 millions de francs en 1997 au lieu de 14,8 millions de francs en 1996.

Le Réseau national de santé publique, a été créé en 1992 sous la forme d'un groupement d'intérêt public constitué entre l'État (Direction générale de la santé et Direction des hôpitaux) et deux établissements publics (INSERM et Ecole nationale de la santé publique) pour renforcer le dispositif d'épidémiologie d'intervention en France. Il constitue un support technique important de la politique de santé publique en matière de sécurité sanitaire et de prévention.

Ses missions de surveillance et d'investigation épidémiologiques ainsi que d'évaluation des risques en matière de maladies infectieuses et de morbidité ou de mortalité d'origine environnementale ont été organisées autour de quatre fonctions principales :

- la gestion des systèmes d'information sanitaire (recueil systématique permanent et traitement des données épidémiologiques) ;

- l'animation de réseaux de professionnels de santé ;

- le développement d'une capacité d'investigation en situation d'urgence ;

- le développement d'une expertise méthodologique et technique d'épidémiologie et d'évaluation du risque.

1. Les moyens

Pour répondre à ses missions permanentes, le Réseau national de santé publique dispose d'une part de moyens propres dont le financement est assuré par l'État, sous forme d'une subvention de fonctionnement, d'autre part de moyens mis à disposition par les membres du groupement d'intérêt public.

Ainsi, le Réseau national de santé publique dispose d'un effectif global de 35 agents (soit 32 équivalents temps plein) dont 14 personnes mises à disposition contre 26 en 1994 et 28,5 en 1995.

Dans ce cadre, les activités propres du Réseau national de santé publique sont réalisées, soit directement par la mise en oeuvre de moyens permanents, soit indirectement en faisant appel à des moyens extérieurs. Il est alors fait recours à des conventions d'études passées avec des organismes extérieurs, en raison de leur compétence scientifique et de leur domaine d'activités en matière d'épidémiologie.

Le Réseau national de santé publique repose également sur les moyens mis en oeuvre par l'État qui a créé, au sein des DRASS, des cellules inter-régionales d'épidémiologie d'intervention.

Par ailleurs, au titre des missions générales qui lui sont confiées, le Réseau national de santé publique participe à la réalisation d'actions ponctuelles, pour lesquelles il bénéficie de ressources affectées. Il s'agit notamment de la gestion du Fonds d'intervention en santé publique (FISP), de l'exécution de projets européens (programme EPIET, programme Hépatite C) et du programme de surveillance du SIDA, au titre duquel le Réseau national de santé publique perçoit une subvention de l'État de 2,8 millions de francs.

2. L'activité

Dès sa création, la priorité du Réseau national de santé publique a été de développer les fonctions d'investigation et d'expertise, comme en témoignent notamment le contrôle de l'épidémie nationale de listériose au mois d'août 1993 et l'expertise sur l'hépatite C qui a débuté à la fin de l'année 1993.

Parallèlement et progressivement, le Réseau national de santé publique s'est attaché à développer ses missions de surveillance.

C'est ainsi que le Réseau national de santé publique s'est progressivement structuré en trois unités techniques opérationnelles :

- l'unité des maladies infectieuses (UMI), en 1993 ;

- l'unité « santé-environnement » (USE), en 1994 ;

- l'unité des systèmes d'information et de la communication (USIC), en 1995.

La capacité du Réseau national de santé publique à répondre à ses missions initiales a affermi sa crédibilité mais également révélé des besoins et suscité des attentes qui se traduisent actuellement par des sollicitations de plus en plus nombreuses, tant, au plan national, de l'État, des collectivités territoriales et des professionnels, qu'au plan européen et international, ce qui contribue, en tout état de cause, à un essor plus rapide que prévu de l'action du réseau.

Cette dynamique propre entraîne donc un décalage de plus en plus important entre l'évolution des missions confiées au Réseau national de santé publique et l'évolution de ses moyens.

3. Diffusion et communication des travaux

Dans l'immédiat, les travaux d'analyse et/ou d'expertise des données épidémiologiques recueillies et traitées directement par le Réseau national de santé publique ou réalisés, à la demande et sous la responsabilité scientifique du réseau, par des organismes extérieurs, font l'objet d'une diffusion adaptée et sélective. Ainsi, selon la nature des informations, cette diffusion peut être restreinte et s'adresser aux services compétents de l'État en vue de leur utilisation pour orienter la politique de santé publique, ou être plus large, sous forme notamment de publication dans des revues spécialisées.

Pour ce qui est de la gestion des données des maladies à déclaration obligatoire, gestion récemment confiée au Réseau national de santé publique par la Direction générale de la santé, il est prévu dans la convention liant les deux parties que : « le Réseau national de santé publique informe l'administration des résultats de la gestion de ces données, et recueille son accord préalablement à toute diffusion ou publication » (article 7).

B. LES INSTITUTIONS DE SÉCURITÉ SANITAIRE : STABILITÉ DU NIVEAU DES SUBVENTIONS ÉTATIQUES

Outre l'Office de protection contre les rayonnements ionisants, l'État s'est doté depuis 1993 de trois principales institutions chargées de garantir la sécurité sanitaire des produits thérapeutiques : l'Agence française du sang, l'Agence du médicament et l'Etablissement français des greffes.

1. L'Agence française du sang

L'Agence française du sang ayant été créée sous forme d'établissement public administratif de l'État par la loi du 4 janvier 1993, son bilan d'activité est étroitement lié à la réforme de la transfusion sanguine menée depuis lors. Elle vise au renforcement de la sécurité transfusionnelle, tout en consolidant les principes éthiques qui sont à l'origine du service public de la transfusion sanguine en France.

a) Bilan d'activité

L'Agence française du sang s'est vu confier plusieurs missions par la loi du 4 janvier 1993.

Elle contribue d'abord, sous la tutelle du ministère du travail et des affaires sociales, à la définition de la réglementation relative à la sécurité transfusionnelle. Elle contrôle, par les interventions de son service d'inspection, le respect de cette réglementation sanitaire par les établissements de transfusion sanguine (ETS) et gère le dispositif d'hémovigilance.

Elle développe et coordonne ensuite les missions d'intérêt général pour le secteur transfusionnel, telles que la promotion du don, la formation des personnels en liaison avec l'Institut national de la transfusion sanguine et la recherche transfusionnelle. Enfin, elle est chargée de concevoir et de mettre en oeuvre l'organisation territoriale des activités transfusionnelles. Elle tient les statistiques nécessaires au suivi des activités et des résultats économiques du secteur et concourt au développement des coopérations internationales en transfusion sanguine.

Depuis deux ans, les principaux éléments de son bilan d'activité sont les suivants :


La préparation des textes d'application de la loi

La mise en oeuvre de la loi du 4 janvier 1993 a nécessité plus d'une dizaine de décrets et une quinzaine d'arrêtés. Restent à ce jour en préparation ou en voie de publication le décret sur les importations de produits sanguins labiles et les décrets statutaires des établissements de transfusion spécifiques des Armées et de l'Assistance publique -Hôpitaux de Paris.


L'harmonisation des références médico-techniques

L'ensemble des règlements prévus par la loi ont été homologués par le Ministère de la santé : ils sont relatifs à la liste des 92 produits sanguins labiles, à leurs caractéristiques, aux bonnes pratiques de prélèvement, de préparation, de distribution et de qualification biologique des dons. Les recommandations relatives à la transfusion autologue et au suivi des receveurs ont été rédigées. Une révision des bonnes pratiques sera engagée à la fin de l'année 1996 afin de tenir compte des évolutions techniques et médicales.


La mise en place du dispositif de l'hémovigilance

La mise en oeuvre de l'hémovigilance a été réalisée par la nomination des coordonnateurs placés auprès des DRASS et des correspondants dans les établissements de santé et de transfusion et la mise en place de la traçabilité des produits sanguins labiles. Elle permet l'échange d'informations sur les produits transfusés et les receveurs entre les hôpitaux et les établissements de transfusion. Par ailleurs, un numéro de don unique qui permet de sécuriser les échanges de produits sanguins a été généralisé et les fiches d'incidents transfusionnels notifiées à l'Agence ont été informatisées.


Le développement des actions de recherche transfusionnelle

Pour assurer le développement des thérapeutiques et techniques nouvelles en transfusion, l'Agence a engagé le financement de projets de recherche qui ont été validés et évalués par son Conseil scientifique. Ces projets sont réalisés, d'une part par les établissements de transfusion, d'autre part par l'Institut National de la Transfusion Sanguine. Un programme de recherche scientifique sur les nouvelles hépatites a été engagé en 1996.


La mise en oeuvre de la nouvelle organisation transfusionnelle

La mise en place de l'ensemble du dispositif prévu par la loi du 4 janvier 1993 a été menée à son terme avec l'agrément des nouvelles structures transfusionnelles réalisé en mai 1995.

L'Agence a élaboré les schémas d'organisation de la transfusion sanguine dans chacune des régions métropolitaines et d'outre-mer ; ils ont été approuvés par les arrêtés ministériels du 27 février et du 22 mars 1995. Le regroupement des activités en vue de permettre une sécurité transfusionnelle homogène sur tout le territoire a permis la constitution d'un nombre plus restreint d'établissements de transfusion (43 contre 140).

En 1996, les directeurs de ces établissements ont été agréés par le Président de l'Agence. Par ailleurs, les établissements ont été autorisés à exercer en tant que de besoin des activités spécifiques non strictement transfusionnelles, conformément à l'article L. 668-4 du code de la santé publique.


La recherche du maintien de l'autosuffisance en produits sanguins labiles

Malgré une baisse régulière des prélèvements (- 6,91 % en 1994 et - 5,83 % en 1995), la France demeure autosuffisante en produits sanguins labiles du fait de la limitation des prescriptions de transfusion et des quantités de sang utilisées, même si des ajustements sont nécessaires entre établissements pour équilibrer l'offre et la demande de produits lors de certaines périodes de l'année. Des outils communs de promotion du don de sang sont en cours d'élaboration, ainsi qu'un travail sur l'optimisation de la gestion des stocks de produits sanguins.

b) L'inspection : effectifs et moyens

L'Agence est chargée de veiller au respect des textes normatifs. A cette fin, 17 agents habilités effectuent des missions d'inspections auprès des établissements de transfusion sanguine en liaison avec les services déconcentrés de l'État. Ces inspections sont à la fois médico-techniques, administratives et financières.

A l'automne 1996, tous les sites transfusionnels, soit 165 sites relevant de 43 établissements auront fait l'objet de contrôles par le service d'inspection. Ces contrôles ont pu déboucher sur des mesures correctives diverses allant de l'adaptation jusqu'à la suspension d'agrément, la cessation de certaines activités, et le transfert d'activités.

c) Le budget de l'établissement

Le budget de l'Agence, conformément à la loi du 4 janvier 1993, est alimenté par une subvention de l'État et une dotation en provenance de l'assurance maladie, seule autre ressource de l'établissement.

Il a atteint, en 1996, 99,75 millions de francs, dont 30,73 millions de subvention de l'État, contre 104,79 millions, dont 35,54 millions de subvention de l'État, en 1995.

Le montant de la subvention de l'État prévue par le projet de loi de finances pour 1997 est en recul de 4,5 % par rapport à celui qui avait été prévu en loi de finances initiale pour 1996.

Compte tenu des mesures de régulation budgétaire intervenues au cours de l'année 1996 et qui ont diminué de 4,5 % le montant de la subvention initialement prévue, l'on peut considérer que la dotation prévue pour 1997 est stable.

2. L'Agence du médicament

L'Agence du médicament a été créée par la loi du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicament. Elle est venue se substituer à la Direction de la pharmacie et du médicament et au Laboratoire national de la santé et constitue désormais le service public d'évaluation et de contrôle du médicament et du réactif de laboratoire.

a) Les missions de l'Agence

Les missions de l'Agence sont précisées par l'article L. 567-2 du code, résultant des lois du 4 janvier 1993 et du 18 janvier 1994. De très nombreuses dispositions réglementaires du code de la santé publique explicitent les compétences dont est investi rétablissements public. Celles-ci peuvent être regroupées autour de quatre fonctions essentielles.

L'Agence remplit tout d'abord une fonction de police sanitaire. La loi a entendu faire de l'Agence du médicament une autorité sanitaire déléguée chargée d'assurer la protection de la santé publique dans le domaine du médicament et du réactif de laboratoire. Cette fonction est exercée au nom de l'État par le directeur général de l'Agence en vertu de l'article L. 567-4 du code de la santé publique tel qu'il résulte de la loi du 18 janvier 1994.

L'Agence exerce également une fonction d'expertise pour le bon usage du médicament et du réactif de laboratoire. Elle assure l'évaluation pharmaco-économique du médicament et est chargée de contribuer à l'information et à la formation sur le médicament et le réactif de laboratoire.

L'Agence est aussi investie d'une fonction d'aide au développement des activités industrielles et de recherche.

L'Agence du médicament présente la particularité de comporter en son sein les trois pôles du dispositif d'évaluation et de contrôle : les services d'évaluation médico-technique et pharmaco-économique, l'inspection et les laboratoires de contrôle. Ses compétences dans la chaîne du médicament vont des essais cliniques à la pharmacovigilance en passant par l'autorisation de mise sur le marché et l'évaluation pharmaco-économique.

Elle bénéficie, en outre, d'un champ très large de compétence s'étendant des médicaments chimiques aux thérapies géniques, des réactifs de laboratoire au contrôle de qualité des analyses de biologie médicale.

L'ordonnance du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins confie à l'Agence l'élaboration des références professionnelles pour le domaine du médicament. Ces références médicales opposables (FMO), accompagnées de recommandations de bonne pratique, seront établies par l'Agence du médicament, à partir des évaluations réalisées pour délivrer l'AMM et pour apprécier le service médical rendu.

b) L'activité de l'Agence

Depuis sa création, l'Agence s'est attachée en priorité à réorganiser et renforcer les dispositifs de vigilance sanitaire. Elle a mis en place une cellule de veille sanitaire chargée de suivre les incidents et accidents concernant les médicaments ou les réactifs de laboratoire.

De même, le système de pharmacovigilance a été rénové et renforcé. Le nombre d'enquêtes diligentées par l'Agence a crû de 40 % en trois ans. Enfin, l'Agence a créé une fonction de réactovigilance et procédé à des réévaluations périodiques et systématiques des trousses de réactifs conduisant au retrait du marché de certains tests de dépistage.

Par ailleurs, la rénovation des procédures d'évaluation et le renforcement des moyens a permis d'accroître considérablement les capacités d'évaluation du service public. A titre d'exemple, l'Agence a pris en 1995 plus de 1.400 décisions relatives à des demandes d'AMM (octroi, refus, mesure intermédiaire) alors que ce chiffre était de l'ordre de 900 en 1992. De même, l'Agence a assuré l'enregistrement de plus de 3.000 réactifs de laboratoire en 1995 alors que ce chiffre oscillait chaque année entre 1.200 et 2.000 au début des années 1990. Au total, l'activité de l'Agence s'est traduite par près de 35.000 décisions en 1995.

L'Agence atteint son rythme de croisière en 1996, disposant d'un budget de 316 millions de francs auquel il convient d'ajouter 16 millions de charges de personnel demeurant, pour des raisons statutaires, à la charge de l'État et inscrits au budget du ministère du travail et des affaires sociales. L'effectif de l'établissement sera, fin 1996, de 530 agents.

c) L'équilibre entre évaluation interne et expertise externe

La création de l'Agence du médicament est venue conforter les principes qui ont fait la renommée du système français d'évaluation du médicament et les étendre aux réactifs de laboratoire. En effet, l'Agence bénéficie du concours d'une expertise externe constituée des dix commissions d'experts indépendants qui lui sont rattachées.

Ces commissions apportent à l'Agence l'expertise du plus haut niveau, et lui permettent, y compris dans les domaines les plus spécialisés, d'exercer pleinement les compétences qui sont les siennes en matière d'évaluation et de contrôle.

L'Agence a parallèlement mis en place des équipes d'évaluateurs internes par le recrutement de nombreux scientifiques et notamment de médecins et de pharmaciens. Ces services constituent l'expertise interne du service public.

L'Agence du médicament a institué des règles déontologiques strictes pour les personnels comme pour les experts externes. L'indépendance et la déontologie des membres et agents des commissions sont des facteurs essentiels de la crédibilité du système d'évaluation. Il a été demandé aux membres des commissions siégeant auprès de l'Agence d'adresser une déclaration d'intérêt retraçant l'ensemble des liens directs ou indirects les unissant, le cas échéant, à l'industrie pharmaceutique ou du réactif. Ces déclarations ont été rendues publiques, puis publiées en annexe du rapport d'activité de l'Agence pour 1995. De même, l'interdiction pour les membres des commissions de participer aux travaux et délibérations concernant un dossier dans lequel ils auraient un intérêt direct ou indirect a été rappelée.

Pour 1996, la subvention accordée à l'Agence par l'État s'élèvera à 73,5 millions de francs. Elle est en progression de 8,3 % par rapport à celle qui avait été prévue en loi de finances initiale pour 1996. Mais cette progression correspond aux conséquences du transfert de dix-neuf emplois du budget de l'État à celui de l'Agence : il y a donc, pour l'Agence du médicament, simple stabilisation du niveau de subvention de l'État.

3. L'Etablissement français des greffes

L'Etablissement français des greffes a été créé par l'article 56 de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994. Il s'agit d'un établissement public national, sous tutelle du ministre chargé de la santé. Il couvre le champ des greffes d'organes, de tissus, de moelle osseuse et de cellules et est notamment chargé de la promotion du don d'organes et de tissus, de l'enregistrement de l'inscription des patients en attente de greffe sur une liste nationale, de la gestion de cette liste et de l'attribution des greffons, qu'ils soient ou non prélevés sur le territoire français, en fonction de règles de répartition homologuées par le ministre. Il a aussi pour mission de préparer des règles de bonne pratique dans le domaine des transplantations, du prélèvement à la greffe, et d'évaluer les résultats des greffes.

a) Bilan d'activité

La mise en place effective de l'Etablissement a été réalisée au 1er décembre 1994. Depuis lors, l'Etablissement assure la responsabilité de la régulation nationale du prélèvement et de l'attribution des organes.

Les principales actions conduites par l'Etablissement, au-delà de la mise en place de la régulation nationale, concernent principalement deux domaines.

D'une part, les règles de répartition et d'attribution des organes prélevés sur une personne décédée ont été homologuées pour une année en 1995 et de nouvelles règles vont être homologués par le ministre chargé de la santé avant la fin de l'année.

D'autre part, le conseil médical et scientifique a travaillé à la rédaction des règles de bonne pratique en matière de prélèvement, de transformation et de conservation des tissus et des cellules. Ces règles sont prises en compte dans l'élaboration des décrets relatifs aux activités de prélèvement, de conservation, de distribution et de greffe des tissus et des cellules qui devraient être publiés d'ici la fin de l'année 1996.

Parallèlement, deux enquêtes ont été pilotées en 1995 et 1996 par l'établissement afin de mieux connaître les modalités actuelles d'organisation des activités dans le domaine des tissus et cellules.

Enfin, l'Etablissement participe activement au renforcement de la sécurité sanitaire des greffes, en tant qu'instance d'expertise technique, et à la mise en place du dispositif d'évaluation des résultats des greffes.

En 1997, les activités de l'Etablissement devraient être principalement axées sur la promotion du don, la mise en place effective d'un registre national automatisé des refus dont la gestion lui sera confiée, l'extension de la liste nationale des patients en attente de greffe d'organes aux greffes de cornées et de cellules souches hématopoïétique, l'évaluation des résultats des greffes. Il poursuivra également ses activités dans le domaine du renforcement de la sécurité sanitaire des greffes et de l'amélioration et de l'harmonisation des pratiques.

b) Modalités du contrôle du respect des bonnes pratiques

L'Etablissement français des greffes ne dispose pas de corps d'inspection en propre, contrairement à l'Agence française du sang ou à l'Agence du médicament. Ainsi, les contrôles dans les établissements de santé et les banques de tissus et de cellules du respect des bonnes pratiques seront effectués par les corps d'inspection de l'État.

c) Budget

Le budget de l'Etablissement français des greffes, conformément à la loi du 29 juillet 1994, est alimenté principalement par une subvention de l'État et une dotation en provenance de l'assurance maladie. La loi a aussi prévu la possibilité pour l'Etablissement de recevoir « des taxes et des redevances créées à son bénéfice » ainsi que « des produits divers, dons et legs ».

Le budget de l'Etablissement français des greffes a atteint, en 1996, 61,5 millions de francs, dont 20,5 millions de subvention de l'État, contre 54 millions de francs dont 18 de subvention de l'État en 1995. En outre, le compte financier 1995 de l'Etablissement fait apparaître des dons et legs pour une valeur de 35.840 francs. Pour 1997, le niveau de subvention de l'État est stabilisé avec 20,5 millions de francs de crédits.

Compte tenu du nécessaire contexte de rigueur budgétaire, les crédits consacrés à la santé et aux services communs ouverts par le projet de loi de Finances pour 1997 bénéficient d'une progression et d'une répartition propres à favoriser une politique de santé ambitieuse. Aussi, sous réserve des observations formulées dans le présent rapport, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

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