C. LA DÉLINQUANCE DES MINEURS CONNAÎT UN ACCROISSEMENT INQUIÉTANT


On ne peut qu'être très préoccupé par l'augmentation de la part des mineurs -parfois très jeunes- dans la criminalité globale.

Globalement, en 1995, 15,91 % des 793 000 personnes mises en cause -soit environ 126 000- étaient des mineurs.

La délinquance en milieu scolaire n'est qu'un des aspects de cette criminalité. Sans même évoquer certains drames qui ont marqué l'actualité récente, votre rapporteur relève par exemple que les vols avec violences sur la voie publique, en augmentation de 2,19 % en 1995, ont impliqué des mineurs dans plus de 41 % des mises en cause.

Ce taux n'est qu'un signe parmi beaucoup d'autres d'un phénomène d'autant plus alarmant qu'il a tendance à se radicaliser, ainsi que l'observent tous les services concernés (la Police, la Justice, l'Éducation nationale, la Protection judiciaire de la jeunesse, etc.).

Pour certaines infractions, la proportion des mineurs demeure sans doute très faible, voire insignifiante (2,38 % pour les infractions économiques et financières, par exemple). Pour d'autres, en revanche, elle est anormalement élevée, comme le révèlent les quelques taux ci-après :

Infractions

% imputable à des mineurs

Stupéfiants (toutes infractions confondues)

11,4 %

agressions sexuelles

17,7 %

vols (toutes catégories)

27,6 %

attentats à l'explosif contre des tiers publics

49 %

incendies volontaires

64,8 %

Les agressions en milieu scolaire avec arme ont augmenté de 40,98 % entre 1986 et 1995, le racket scolaire de 45,25 % entre 1990 et 1995, etc..


• Au total, la criminalité et la délinquance des mineurs constatées
dans les zones à police d'État en 1995 n'ont cessé de croître depuis dix
ans. Elles ont augmenté sur cette période de 57,24
%.

D. LA DROGUE : UN FLÉAU QUI PERSISTE ET DONT LES STATISTIQUES USUELLES NE DONNENT SANS DOUTE QU'UNE IDÉE APPROXIMATIVE

D'année en année, votre rapporteur constate ce qu'il qualifiait en 1995 de véritable « montée en puissance de la drogue ».


L'année 1995 n'a pas fait exception à cette tendance à la hausse,
avec 79 000 faits relevés, soit + 11,8 % par rapport à 1994.

Faits constatés

1994

1995

%

Trafic

2 155

1 757

- 18,47

Usage-revente

5 237

5 416

+ 3,42

Consommation

28 306

35 247

+ 24,52

TOTAL

35 698

42 420

+ 18,83

Le volume des saisies effectuées en 1995 a en revanche diminué par rapport à 1994, exception faite pour l'ecstasy. Il est vrai que 1994 avait été marquée par plusieurs saisies exceptionnelles qui faussent peut-être quelque peu l'interprétation des statistiques de 1995.

Substances

1994

1995

%

Cannabis

(toutes formes confondues)

58 tonnes

42,2 tonnes

-27,1 %

Héroïne

661 kg

498 kg

- 24,5 %

Cocaïne

4,7 tonnes

0,8 tonnes

-81,7 %

LSD.

74 000 doses

70 000 doses

-5,1 %

Crack

10 kg

8,6 kg

- 15,6%

Ecstasy

254 800 doses

273 700 doses

+ 7,4 %


D'après les premières indications disponibles pour 1996, il apparaît que le trafic des stupéfiants soit en nette recrudescence en comparaison des six premiers mois de l'année 1995, exception faite semble-t-il du cannabis.

Pour les autres drogues, les pourcentages d'accroissement des saisies durant le premier semestre 1996 sont assez éloquents pour dispenser de commentaires :

- héroïne, + 35,2 % ;

- cocaïne, + 145 % (avec il est vrai une saisie record de 890 kg aux Antilles en juin 1996) ;

- LSD, + 228 % ;

- ecstasy, + 25,8 % (cette substance marquant une progression continue depuis quelques années).

Le crack, naguère marginal, figure aujourd'hui dans la panoplie des stupéfiants courants dans certaines zones, notamment à Paris et en banlieue parisienne.

Les services spécialisés observent par ailleurs que la France devient progressivement un pays de transit, comme le démontrent les importantes saisies de drogues acheminées vers d'autres destinations finales (le LSD vers le Royaume-Uni, par exemple).


Les statistiques traditionnelles permettent-elles d'apprécier l'ampleur réelle du phénomène de la drogue ?

Alors que de l'avis de tous les policiers, le phénomène de la drogue a tendance à se répandre, votre rapporteur ne peut que s'interroger sur la baisse en volume des saisies opérées en 1995, de même que sur la signification exacte du pourcentage de diminution (- 18,47 %) du nombre des faits de trafic constatés en 1995.

Le phénomène de la drogue est extrêmement complexe à appréhender, et les indicateurs statistiques usuels paraissent n'en rendre compte que très partiellement.

On sait par exemple que 1'« action proactive » (c'est-à-dire la recherche et l'interpellation systématiques des usagers-revendeurs et des consommateurs simples) peut conduire à de gros écarts statistiques d'une année sur l'autre, sans refléter pour autant l'évolution réelle des trafics.

Votre rapporteur estime donc qu'il serait souhaitable de définir, en concertation avec toutes les parties intéressées, un ou plusieurs indicateurs synthétiques permettant au Parlement et à tous les pouvoirs publics de mieux apprécier l'ampleur exacte du phénomène de la drogue en France, ainsi que les succès rencontrés dans la prévention et la répression.


• Sur le plan législatif, il convient de rappeler que le Parlement a adopté trois lois qui renforcent l'arsenal juridique de la lutte contre les stupéfiants :

- la loi n° 96-359 du 29 avril 1996 relative au trafic des stupéfiants en haute-mer et aux nouvelles possibilités d'intervention dans ce domaine ;

- la loi n° 96-392 du 13 mai 1996 relative à la lutte contre le blanchiment et la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation des produits du crime et en particulier du trafic de stupéfiants. Ce texte a institué deux nouvelles infractions, l'une tenant au fait de ne pouvoir justifier de son train de vie, l'autre au fait d'utiliser des mineurs pour faciliter les trafics ;

- la loi n° 96-542 du 19 juin 1996 relative au contrôle de la fabrication et du commerce de certains produits chimiques susceptibles d'être utilisés pour la fabrication illicite de stupéfiants ou substances psychotropes.


Sur le plan international, votre rapporteur a aussi maintes fois eu l'occasion d'attirer l'attention sur l'ampleur des trafics en provenance des Pays-Bas et, plus globalement, sur les difficultés que suscite la politique hollandaise de la drogue vis-à-vis de ses partenaires de l'espace Schengen.

Certes, l'année 1996 est marquée par l'entrée en vigueur de la coopération bilatérale entre la France et les Pays-Bas dans le cadre d'un protocole d'accord, avec renforcement des structures opérationnelles (en particulier l'échange d'officiers de liaison drogue et la création d'une cellule de coordination dans la région Nord-Pas-de-Calais, placée sous l'autorité du préfet du Nord, préfet de région et du Procureur général de Douai).

Pour autant, les sujets d'interrogation et les motifs d'inquiétude sont loin d'avoir disparu, d'autant que la question ne se pose plus seulement pour le cannabis -dont les Pays-Bas sont directement producteurs (le niederwiet, avec un taux de substance active parmi les plus élevés du monde)- mais aussi pour l'héroïne et pour les psychotropes de synthèse.

Dans une réponse à un questionnaire budgétaire, le ministère de l'Intérieur relève ainsi que sur 498 kg d'héroïne saisis en France en 1995, environ 58 % proviennent des Pays-Bas. Ce taux est en augmentation par rapport à 1994 où il atteignait déjà 49 %.


• Sans méconnaître les difficultés de la lutte contre la drogue, votre rapporteur tient rappeler qu'il s'agit d'une des cinq missions prioritaires assignées à la police nationale par la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité du 21 janvier 1995. Tant en ce qui concerne l'action interne que la coopération internationale, la lutte contre la drogue passe par une mobilisation permanente de tous les personnels et de tous les moyens.

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