E. LE TERRORISME : UN DÉFI PERMANENT À LA SÉCURITÉ ET À L'AUTORITÉ DE L'ÉTAT

La lutte contre le terrorisme est définie par la loi d'orientation comme une des missions prioritaires de la police. En application de ce texte, le Parlement a d'ailleurs complété cette année l'arsenal juridique de répression du terrorisme (loi n° 96-647 du 22 juillet 1996).

Durant l'été et l'automne 1995, la France a subi une vague d'attentats graves (9 actions entre le 11 juillet et le 17 octobre, imputables à des extrémistes islamiques) ayant causé la mort de 10 personnes et des blessures à 114 autres. Votre rapporteur renvoie sur ce point aux développements figurant dans son avis budgétaire de l'année dernière.

Le terrorisme interne a également été actif en 1995, avec notamment 535 actions violentes liées au séparatisme corse, dont 184 ont été formellement revendiquées par 8 organisations. Toujours en 1995, 15 assassinats ou tentatives ont également été commis dans le cadre des rivalités intestines au sein des mouvements séparatistes, en particulier celles opposant les tenants du FLNC « historique » et ceux du FLNC « canal habituel ».

Force est de reconnaître que depuis le début de l'année 1996, la tension en Corse est très loin d'être apaisée. On estime déjà le nombre des attentats à environ 350, dont plusieurs ont été commis non pas en Corse même mais sur le continent.

A nouveau, les pouvoirs publics se sont mobilisés contre cette situation inacceptable. L'Assemblée nationale a constitué en octobre 1996 une mission d'information commune sur la Corse et le Gouvernement a réaffirmé à plusieurs reprises sa ferme volonté à remédier par différentes mesures aux difficultés que connaît l'île (y compris des mesures économiques comme la création d'une zone franche).

Comme il l'avait déjà très clairement indiqué au Sénat dans sa déclaration de politique générale le 8 octobre 1996, le Premier ministre, M. Alain Juppé, a confirmé le 4 novembre 1996 devant l'Institut des hautes études de sécurité intérieure (IHESI) « l'absolue détermination du Gouvernement, de tout Gouvernement à lutter contre la violence en Corse ». Acte lui en est donné.

F. LA LÉGÈRE AMÉLIORATION DU TAUX D'ÉLUCIDATION OBSERVÉE EN 1994 NE S'EST PAS CONFIRMÉE EN 1995


En 1994, parallèlement au tassement de la criminalité globale, le taux d'élucidation s'était légèrement amélioré, atteignant 34,8 % contre 32,2% en 1993.

Cette évolution positive, que votre rapporteur souhaitait durable dans son précédent avis budgétaire, ne s'est malheureusement pas confirmée en 1995, puisque le taux global d'élucidation est retombé à 32 %, avec néanmoins de gros écarts selon le type d'infraction.

C'est ainsi que l'élucidation des viols a atteint 88 % en 1995, en hausse par rapport à 1994. Celle des cambriolages n'est que de 12 % (en baisse) et seulement 8 % des vols à la roulette constatés en 1995 ont été élucidés.


• Là encore, des données purement statistiques ne rendent qu'imparfaitement compte de l'efficacité réelle de l'action policière, d'autant qu'en matière d'élucidation, des facteurs externes altèrent la portée des pourcentages.

Ainsi, nombre de multidélinquants ne reconnaissent qu'une partie de leurs délits, ce qui fait classer comme « non élucidées » des affaires dont les auteurs ont pourtant été arrêtés. On estime que pour une personne mise en cause, l'élucidation réelle porte sur 1,8 affaire, ce qui donne d'ailleurs une idée de l'ampleur de la multidélinquance.

Inversement, un nombre considérable d'affaires ne sont pas signalées à la police ou à la gendarmerie. Elles échappent aux statistiques et resteront, par définition, non élucidées.


• Dans cette optique, le non-dépôt de plainte est sans doute celui qui fausse le plus la connaissance du phénomène criminel. Il affaiblit aussi le crédit que nos concitoyens portent à l'action policière.

Ainsi que votre rapporteur l'observait l'année dernière, le non-dépôt de plainte a tendance à se généraliser, car beaucoup de victimes ont le sentiment -hélas trop fondé- que leur démarche restera sans suite : l'affaire ne sera jamais élucidée ou, si elle l'est, fera l'objet d'un classement pur et simple.

Quant à la perspective de réparation du dommage par l'auteur de l'infraction, elle est généralement illusoire, au point qu'un dépôt de plainte n'est souvent plus considéré que comme une simple formalité administrative indispensable pour l'envoi de la déclaration du ministre à son assureur.


La réponse judiciaire à l'action policière est très loin d'être satisfaisante.

Force est de reconnaître que le traitement des dossiers d'infraction au stade des Parquets ne peut qu'accréditer cette conception : sur ce point, l'efficacité de la police bute sans aucun doute, en aval, sur l'insuffisance des réponses fournies par la Justice, faute de moyens.

Dans leur tout récent rapport au nom de la mission d'information de la commission des Lois, chargée d'évoluer les moyens de la justice - » Quels moyens pour quelle justice ? »- nos excellents collègues, MM. Charles Jolibois, Président et Pierre Fauchon, rapporteur, révèlent parfaitement l'ampleur du problème : face à la prolifération d'une délinquance de masse où les délits représentent l'essentiel (81,6 %), le classement sans suite des affaires dont l'auteur est pourtant connu est devenu un instrument de régulation contre l'encombrement des tribunaux.

C'est la technique dite « du robinet », aboutissant au classement sans suite d'une moyenne de 44,8 % des affaires pénales élucidées en 1995, ce taux atteignant même près de 80 % dans certains tribunaux visités par la mission d'information.

Cette situation est extrêmement préjudiciable à tous les points de vue. Elle discrédite l'action de l'État dans deux de ses fonctions régaliennes les plus fondamentales, la Police et la Justice, elle décourage les policiers et développe chez les délinquants un sentiment d'impunité incitant à la récidive.

Qu'elles soient juridiques ou financières, toutes les mesures prises pour accroître l'efficacité de la police risquent fort de demeurer vaines si la justice n'a pas les moyens de traiter efficacement les dossiers qui lui sont transmis.

Aussi, pour ce qui le concerne, votre rapporteur souscrit-t-il pleinement aux propositions formulées par la mission d'information en matière d'amélioration de la justice pénale, car la lutte contre l'insécurité est une chaîne ne tolérant pas de discontinuité.

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