IV. LES DÉPENSES : L'ENGAGEMENT DE NOMBREUSES CHARGES NOUVELLES

Alors que le volet recettes du projet de loi de financement consiste essentiellement dans le recyclage des excédents conjoncturels de C3S résultant de la croissance, son volet dépenses comporte de nombreuses charges nouvelles, à caractère permanent.

A. LA BRANCHE FAMILLE

1. Le déplafonnement des allocations familiales

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a placé les allocations familiales sous condition de ressources. Les plafonds de ressources sont de 25.000 francs nets mensuels, majorés de 7.000 francs lorsque les deux parents travaillent ou s'il s'agit d'un parent isolé, et de 5.000 francs par enfant à charge à partir du troisième.

Ce plafonnement s'est appliqué à compter du 1er mars 1998 et a touché 566.000 familles, qui ont perdu en moyenne 13.000 francs d'allocations sur l'année.

L'économie afférente pour la branche famille est estimée à 5,11 milliards de francs en année pleine, et à 3,8 milliards de francs sur neuf mois.

L'article 13 du projet de loi de financement modifie l'article L.521-1 du code de la sécurité sociale de manière à rétablir l'universalité des allocations familiales.

Cette mesure a été annoncée par le Gouvernement dans le cadre de la conférence de la famille du 12 juin dernier. Son coût pour 1999 est estimé à 4,7 milliards de francs, sur 11 mois seulement.

Votre rapporteur pour avis est bien sûr favorable à la suppression du plafonnement des allocations familiales, auquel il s'était opposé l'an dernier, mais relève une certaine versatilité de la part du Gouvernement .

2. La budgétisation de l'allocation de parent isolé

Le projet de loi de financement intégre l'impact de l'article 82 du projet de loi de finances qui transfère au budget de l'Etat la charge du financement de l'allocation de parent isolé. L'API est une allocation différentielle versée sous conditions de ressources aux personnes seules qui assument la charge d'un ou plusieurs enfants. Elle est servie pendant un an, ou jusqu'au troisième anniversaire du dernier enfant. Le revenu mensuel garanti s'élève à 3.198 francs auquel s'ajoutent 1.066 francs par enfant. L'API bénéficie à 163.000 parents.

Ce transfert a pour objet de compenser le coût pour la CNAF du déplafonnement des allocations familiales. Il correspond également à la nature de l'API qui, en tant que garantie de ressources, peut relever plus directement de la solidarité nationale. Son coût est estimé à 4,2 milliards de francs pour 1999.

Cependant, cette charge budgétaire nouvelle serait financée par un abaissement du plafond du quotient familial de 16.380 francs à 11.000 francs, le plafond demeurant fixé à 20.270 francs pour les personnes célibataires, divorcées ou séparées.

Le Gouvernement fait valoir que les familles concernées par la diminution du quotient familial seraient moins nombreuses que celles bénéficiant du rétablissement des allocations familiales.

Effets du déplafonnement des allocations familiales et de l'abaissement du plafond du quotient familial







Les tableaux ci-dessus montrent que, jusqu'à 38.700 francs de revenu, les familles de deux enfants retrouveront l'intégralité des allocations familiales, alors qu'elles perdaient auparavant 682 francs par mois à partir de 25.000 francs de revenus ou de 32.000 francs pour les familles biactives. Jusqu'à 43.500 francs de revenus, les familles de trois enfants retrouveront l'intégralité des allocations familiales, alors qu'elles perdaient auparavant 1.500 francs par mois à partir de 37.000 francs de revenu ou de 44.000 francs pour les familles biactives.

Toutefois, les couples qui n'ont qu'un enfant sont pénalisés à partir de 36.300 francs de revenu, puisqu'ils ne perçoivent en tout état de cause aucune allocation familiale. Il en va de même pour les familles dont les enfants à charge sont trop âgés pour percevoir des allocations.

Au total, le déplafonnement des allocations bénéficierait à 386.000 familles, tandis que la baisse du plafond du quotient familial affecterait 500.000 familles. En net, 225.000 familles seraient bénéficiaires et 425.000 familles seraient perdantes. Le surcroît d'impôt sur le revenu résultant de la modification du quotient est estimé à 3,9 milliards de francs.

Votre rapporteur pour avis est défavorable à la mesure proposée en loi de finances pour compenser le coût de la budgétisation de l'API. Ce coût n'a pas à être supporté par les familles, alors qu'il pourrait parfaitement être financé dans le cadre d'un équilibre budgétaire global reposant sur d'autres choix que ceux du Gouvernement.

L'abaissement du plafond donne au quotient un effet de redistribution verticale, en fonction du niveau de revenu, alors qu'il doit avoir un effet de redistribution horizontale, en fonction du nombre d'enfants.

3. Les autres mesures

L'article 14 du projet de loi de financement prévoit d'étendre l'allocation de rentrée scolaire à toutes les familles. Actuellement, l'ARS n'est versée qu'aux familles déjà bénéficiaires d'une prestation familiale à un autre titre. Les familles qui n'ont qu'un enfant ne bénéficient pas des allocations familiales, et se trouvent ainsi en dehors de son champ.

L'extension de l'ARS aux familles n'ayant qu'un enfant à charge avait été annoncée à l'issue de la conférence nationale de la famille. Son coût pour la branche famille est estimé à 180 millions de francs.

Les objectifs de dépenses du projet de loi de financement intègrent par ailleurs le coût pour la branche famille de trois mesures d'ordre réglementaire :

Le relèvement des loyers plafonds pris en compte pour le calcul de l'allocation de logement familial (ALF). L'objectif est d'augmenter ces loyers-plafonds de 25 % sur trois ans, afin de les aligner sur ceux de l'allocation de logement social (ALS). Le coût de cette mesure, qui devrait bénéficier à 530.000 familles, est estimé à 220 millions de francs en 1999 et à 1,3 milliard de francs en année pleine.

Le fonds national d'action sociale (FNAS) de la CNAF sera abondé de 600 millions de francs supplémentaires, destinés notamment à la mise en place du réseau de soutien aux parents, à la réforme du financement des crèches, et au développement des contrats "temps libre" pour la prise en charge des enfants de 6 à 15 ans.

Le relèvement de l'âge limite d'ouverture du droit aux prestations familiales de 19 à 20 ans, pour les jeunes inactifs ou chômeurs. Le coût de cette mesure, qui devrait bénéficier à 60.000 familles, est estimé à 530 millions de francs pour 1999, et à 1 milliard de francs en année pleine.

Le recul d'un an des seuils de majoration pour âge des allocations familiales, qui seront portés respectivement de 10 et 15 ans à 11 et 16 ans. L'économie résultant de cette mesure est estimée à 870 millions de francs pour 1999, et à 1,8 milliard de francs en année pleine.

Votre rapporteur pour avis observe que la combinaison des deux dernières mesures aboutit à restreindre les prestations universelles que sont les allocations familiales, alors que les prestations sous condition de ressources sont par ailleurs améliorées. Il n'est pas favorable à cette orientation, qui assimile la politique familiale à une politique des revenus .

Au total, le solde de la branche famille se trouve dégradé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui réduit son excédent de 4 milliards de francs à 2,8 milliards de francs.

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