II. LA FRANCOPHONIE MULTILATÉRALE

A. LA RÉFORME DES INSTITUTIONS FRANCOPHONES PERMET LA MISE EN OEUVRE D'UNE POLITIQUE FRANCOPHONE INTERNATIONALE

1. La réforme des institutions francophones internationales

Les institutions internationales de la francophonie ont été réformées en profondeur lors du VII° Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage à Hanoi. S'inscrivant dans la nouvelle perspective ainsi posée, les opérateurs de la francophonie ont tenu à s'adapter à leur nouveau rôle au sein de l'organisation internationale de la francophonie.

a) L'adoption de la nouvelle charte de la francophonie : une étape déterminante pour la francophonie politique

Il a fallu plus de 30 ans pour que le concept de francophonie politique s'impose. En 1970, à Niamey, peu d'années après la principale vague d'indépendances d'anciens territoires français, et alors que les mouvements d'émancipation du Québec et d'autres communautés de langue maternelle française n'en étaient encore qu'à leurs débuts, le mouvement d'organisation de la francophonie ne pouvait pas se traduire immédiatement dans des institutions politiques.

Le VII° Sommet de Hanoi a donc marqué sinon un aboutissement, du moins une étape déterminante dans la réforme des institutions francophones en adoptant la nouvelle charte de la francophonie, préparée en décembre 1996, à Marrakech, par la conférence interministérielle de la francophonie (CMF). Elle a permis d'aborder le biennum 1998-1999 avec les institutions rénovées, présentées dans l'organigramme suivant :

ORGANIGRAMME DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES
DE LA FRANCOPHONIE


Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage (Sommet de la francophonie)

Conférence ministérielle de la francophonie

Conseil permanent de la francophonie présidé par le Secrétaire général de la francophonie

Secrétariat général de la francophonie

Agence de la francophonie

Assemblée consultative de la francophonie : APF

Opérateurs directs


AUF

TV5

Université Senghor d'Alexandrie

AIMF

De nombreux changements sont intervenus, amenant une redéfinition de la répartition des compétences au sein des institutions internationales de la francophonie.

La conférence ministérielle de la francophonie (CMF) est toujours chargée de préparer et de veiller à l'application des décisions arrêtées par les Sommets. En revanche, elle peut désormais siéger comme conférence du Sommet ainsi que comme conférence générale, et à ce titre nommer l'administrateur général de l'Agence de la francophonie sur proposition du Secrétaire général.

Le conseil permanent de la francophonie (CPF) est présidé par le Secrétaire général. Il est désormais composé des représentants personnels de tous les chefs d'Etat et de gouvernement. Tout en conservant sa mission initiale de préparation et de suivi des Sommets, sous l'autorité de la conférence ministérielle, il siège comme conseil d'administration de l'Agence de la francophonie. Jusqu'à présent, la CMF remplissait ce rôle mais ses réunions n'étaient pas assez fréquentes pour assurer un fonctionnement satisfaisant. De plus, cette organisation contribuait à diminuer les pouvoirs du Secrétaire général au sein du conseil d'administration de l'Agence : ce dernier n'a en effet pas voix délibérative au sein de la conférence ministérielle. L'administrateur de l'Agence aurait donc pu soumettre sa programmation directement aux ministres.

Le Secrétaire général de la francophonie est le plus haut responsable de l'Agence de la francophonie, et le président exécutif du CPF dont il prépare l'ordre du jour. A ce titre, il ne prend pas part au vote ; il veille à la mise en oeuvre des mesures adoptées et rend compte (art. 6 de la charte de la francophonie).

Il assure également deux grandes missions :

- il est le porte-parole politique et le représentant officiel de la francophonie au niveau international (art. 7 de la charte de la francophonie) ;

- il est l'animateur de la coopération francophone (art. 8 de la charte). Il lui revient de proposer aux conférences ministérielles et aux Sommets des orientations pour l'action des opérateurs et des arbitrages sur leurs propositions de programmation. Il le fait en concertation avec l'administrateur général de l'agence et avec les opérateurs directs reconnus.

Il propose la répartition du Fonds multilatéral unique. Il veille enfin à l'harmonisation des programmes et des actions de l'ensemble des opérateurs, à cette fin, il préside un conseil de coopération qui réunit l'Agence de la francophonie et les opérateurs directs reconnus par le Sommet.

Il fait rapport au Sommet de l'exécution de son mandat.

L'Agence de la francophonie est la seule organisation intergouvernementale de l'organisation politique francophone et demeure à ce titre son principal opérateur.

• Il convient enfin de noter que l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française (AIPLF) a reçu par la charte de la francophonie le statut d'assemblée consultative de la francophonie. Une procédure de consultation et d'information réciproque est instituée dans cette perspective entre l'AIPLF et les instances décisionnelles de la francophonie.

b) L'adaptation des acteurs de la francophonie internationale à leur nouveau rôle

• Le Secrétaire général a entrepris de simplifier et de rendre plus lisibles et efficaces les organismes internationaux francophones. C'est ainsi que l'ACCT (Agence de coopération culturelle et technique) est devenue l'Agence de la francophonie, tandis que l'AUPELF-UREF (Associations des universités partiellement ou entièrement de langue française) s'appelle désormais l'Agence universitaire de la francophonie. Un effort d'évaluation a également été entrepris.

• L'administrateur de l'Agence de la francophonie devait préparer en 1998 un plan de réorganisation des structures existantes.

Le principe est de restructurer l'Agence en créant des directions, dont le découpage devra correspondre aux grands secteurs prioritaires définis par les Sommets de chefs d'Etat et de gouvernement de pays francophones, soit pour le biennum 1998-1999 les 5 programmes suivants : espace de liberté, de démocratie et de développement, espace de culture et de communication, espace de savoir et de progrès, espace francophonie, économie et développement et la francophonie dans le monde. La vocation des bureaux régionaux fait également l'objet d'une étude approfondie. Il conviendrait de mieux ajuster l'offre à la demande, tout en garantissant au siège le maintien de ses fonctions de conception, de coordination, d'autorité et d'évaluation.

La conférence ministérielle de Bucarest, qui aura lieu les 4 et 5 décembre 1998, devra examiner le projet de restructuration de l'Agence, présenté par son administrateur.

•  Lors de sa 24e session ordinaire à Abidjan, du 6 au 9 juillet 1998, l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française (AIPLF) a changé de nom pour devenir l'Assemblée parlementaire de la francophonie (APF). Cette nouvelle dénomination exprime mieux la mission politique de l'APF, qui est à la fois le lieu d'expression des attentes des élus et le lien démocratique entre les institutions et les peuples de la francophonie. La francophonie a jusqu'ici été soutenue par des personnalités exceptionnelles ou des gouvernements militants, tels le Québec. Au-delà de ces exceptions, l'adhésion à la communauté francophone était souvent " tiède, molle quand ce n'est pas ironique ". La nouvelle Assemblée parlementaire de la francophonie souhaite être un réseau d'élus décidés à agir dans leurs parlements respectifs parce qu'ils sont convaincus que la solidarité francophone est essentielle.

M. Boutros Boutros-Ghali a d'ailleurs tenu à saluer la nouvelle Assemblée parlementaire de la francophonie, insistant sur son rôle de relais entre les populations francophones et les instances de la francophonie, et sur son combat pour la démocratie, l'Etat de droit, et la paix.

Depuis trente ans en effet, l'Assemblée mène une action de fond en faveur de ces valeurs, que ce soit à travers l'organisation d'échanges entre parlementaires du Nord et parlementaires du Sud, la formation des fonctionnaires parlementaires, ou le programme d'appui aux services documentaires des Parlements du Sud. Dans cette perspective, marquant son attachement aux principes de la démocratie parlementaire, l'Assemblée a décidé de suspendre les sections rwandaise et congolaise (Brazzaville) dont les parlementaires ne sont plus élus mais nommés. Elle s'inscrit ainsi dans la logique des actions en faveur du droit menées par le Secrétaire général de l'organisation internationale de la francophonie.

Les différents acteurs de la francophonie ont donc pris la mesure des bouleversements induits par la réforme institutionnelle de Hanoi et chacun s'est employé à répondre au mieux aux nouvelles orientations définies par le Secrétaire général pour la mise en oeuvre de l'organisation internationale de la francophonie, tout en préservant son originalité. Cette diversité étant la garantie d'une francophonie souple, adaptable et dynamique.

2. L'action du Secrétaire général pour l'affirmation de la politique francophone en 1999

Avec la réforme des institutions, la francophonie multilatérale s'est dotée de nouveaux moyens pour faire entendre sa voix. Il restait à les mettre en oeuvre, ce qui fut fait dès 1999. Ainsi, depuis sa nomination au Sommet de Hanoi, le Secrétaire général de la francophonie, M. Boutros Boutros-Ghali a mené une série d'actions visant à améliorer la visibilité de la francophonie et à mettre en place l'organisation internationale de la francophonie. Il convient de noter que le Secrétaire général de l'organisation internationale de la francophonie présentera son rapport d'activité lors de la conférence ministérielle de Bucarest les 4 et 5 décembre 1998.

a) La promotion de l'image de la francophonie

Le Secrétaire général a souhaité renforcer et clarifier l'image de la francophonie afin qu'elle bénéficie du plein appui des pays francophones et qu'elle soit mieux perçue par les organisations internationales, offrant ainsi plus de moyens à l'action francophone.

• M. Boutros Boutros-Ghali a réuni à Paris 16 responsables des plus importantes organisations régionales ou internationales lors de la journée internationale de la francophonie, le 20 mars 1998 pour leur présenter les principaux traits de l'organisation internationale de la francophonie naissante. Cette journée était le point culminant de la semaine francophone qui a contribué à renforcer le rayonnement de la francophonie à travers le monde : de nombreuses manifestations ont ainsi été organisées, y compris dans des pays non francophones, tels que les Etats-Unis ou le Kenya.

• Cette action pour la promotion de la francophonie a également donné lieu à des cycles de conférences, présidées par le Secrétaire général. On peut ainsi citer le symposium " Investir dans la diversité " qui s'est tenu à Genève les 5 et 6 novembre 1998. M. Boutros Boutros-Ghali y a présenté son action de défense de la langue française, à travers le plurilinguisme et la diversité culturelle.

b) Les prémices d'une concertation avec les institutions internationales et régionales

Le Secrétaire général s'est également efforcé d'asseoir les bases d'une coopération avec d'autres organisations, tant internationales que régionales, afin de décentraliser l'action internationale et de donner tout son poids à la francophonie politique sur la scène internationale. L'organisation internationale de la francophonie est en effet un véritable instrument politique, en matière de diplomatie préventive par exemple, qui doit être reconnu par les Etats et organisations internationales non francophones.

• Les actions menées dans cette perspective recouvrent :

- l'intervention du Secrétaire général devant les ministres des affaires étrangères de l'OUA (Organisation de l'Unité Africaine) à Addis Abeba en février 1998 ;

- la signature d'un protocole d'accord de coopération avec la ligue des Etats arabes en février 1998 ;

- la multiplication des contacts avec des organisations régionales : Communauté des Etats indépendants, Organisation des Etats américains, Commonwealth, Union européenne ;

- la participation du Secrétaire général à plusieurs grandes manifestations internationales, dont la réunion de l'ONU du 27 juillet 1998 sur les organisations régionales, et la conférence qui s'est déroulée à Rome en juin et juillet 1998 sur la création d'une cour criminelle internationale ;

- le rapprochement avec d'autres aires linguistiques, notamment la lusophonie, au titre de la défense de la diversité culturelle et linguistique.

• Cette volonté de coopération avec les autres institutions internationales s'est notamment concrétisée par l'organisation de missions conjointes d'observations des élections : aux Seychelles en mars 1998 avec le Commonwealth pour les élections présidentielle et législatives, au Togo en juin 1998 avec l'OUA pour l'élection présidentielle, et au Cambodge en juillet 1998 avec l'Organisation des Nations Unies pour les élections législatives.

c) La défense de l'Etat de droit

Les Etats membres de la francophonie, quels que soient la variété de leur histoire, le degré de leur développement économique, de leur puissance économique ou politique partagent les valeurs communes qui sont la liberté, la démocratie, le respect des valeurs de l'Etat de droit et la défense des droits de l'homme. M. Boutros Boutros-Ghali entend fonder l'espace politique francophone sur ces valeurs, afin que la communauté francophone se pense comme un véritable ensemble géopolitique.

• Dans le cadre de la mission de l'Observatoire du droit, dont la création a été décidée à Hanoi, des actions de surveillance des élections sont mises en oeuvre, comme ce sera le cas lors des prochaines élections au Burkina-Faso et en République Centrafricaine. En outre, le Secrétaire général s'attache aussi à apporter une aide technique aux médiateurs des pays francophones, et à soutenir la liberté d'expression de la presse.

• Aux termes des compétences que lui confère l'article 7 de la Charte de la francophonie, M. Boutros Boutros-Ghali a engagé des actions destinées à contribuer à la recherche de solutions dans des situations de crise, qui sont communément appelées " mission de bonne volonté " ou " mission de bons offices ".

Ainsi, M. Moustapha Niasse, ancien ministre sénégalais des affaires étrangères, a mené une mission de bonne volonté au Togo du 24 septembre au 2 octobre 1998 pour tenter de concilier les positions du gouvernement et de l'opposition sur les résultats du scrutin présidentiel du 21 juin 1998. Cette mission visait à analyser les positions et les propositions des différents protagonistes, à examiner les conséquences de la crise sur les prochaines élections législatives prévues en février 1999, et finalement à proposer des solutions consensuelles conformes au droit dans le cadre d'un Etat souverain. Cette mission de bonne volonté a eu de premiers résultats encourageants : les prémices d'une concertation, facilitée par les " médiateurs externes ", ont favorisé l'expression des exigences respectives de chacune des parties.

Un certain nombre de réformes importantes doivent encore être examinées, telles l'élaboration de textes portant " statut de l'opposition " et " statut des anciens chefs d'Etat ", et l'adaptation du code électoral, pour réformer notamment la composition, les attributions et le mode de fonctionnement de la Commission Electorale Nationale, dont le président et quatre membres avaient démissionné pendant le scrutin présidentiel.

La deuxième étape de la mission consisterait à engager un dialogue interne, élargi par des médiateurs extérieurs, sur la base d'un certain nombre de propositions concrètes.

M. Emile Derlin Zinsou, ancien Président du Bénin, a été mandaté en République démocratique du Congo du 2 au 5 octobre 1998 . Cette mission de bons offices avait pour objet :

- de contribuer, par l'écoute et le dialogue à la réconciliation nationale ;

- d'accompagner le processus démocratique ;

- d'entreprendre toutes les démarches diplomatiques utiles auprès des Etats et organisations internationales partenaires du Congo démocratique.

La mission a permis d'instaurer le dialogue entre les différentes parties. Ainsi, les autorités rwandaises ont souhaité rencontrer à leur tour le Président Zinsou, pour être associées aux négociations. Par ailleurs, le Président Kabila a annoncé son intention de favoriser le processus démocratique, les partis politiques suspendus devraient être rétablis, et des élections pourraient être organisées dans le courant de l'année 1999.

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