III. LE LOGEMENT LOCATIF SOCIAL : UNE SITUATION TRÈS PRÉOCCUPANTE QUE NE CORRIGE EN RIEN UN SIMPLE BUDGET DE RECONDUCTION

La place du parc social dans le logement est considérable. Plus de 9 millions de personnes vivent dans l'un des quelque 4,1 millions de logements locatifs sociaux. Le parc locatif social représentait, en 1996, 17,6 % du total des résidences principales et 44,3 % du parc locatif total.

Le rôle social du secteur HLM est incontestablement primordial. Le parc social offre en effet des loyers sensiblement inférieurs à ceux du parc privé. On estime ainsi que les ménages locataires en HLM devraient dépenser 35 milliards de francs supplémentaires chaque année s'ils étaient logés dans le parc privé alors même qu'ils versent 75 milliards de francs de loyer aux organismes HLM. On comprend alors pourquoi le parc social permet l'accès et le maintien dans le logement pour les ménages les plus modestes.

Pourtant, en dépit de l'importance des masses budgétaires, le budget pour 1999 ne cherche pas à apporter une réponse aux perspectives inquiétantes qui menacent le logement social.

A. LE BUDGET POUR 1999 NE PERMETTRA PAS DE RELANCER LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS LOCATIFS SOCIAUX

1. Le fléchissement de la construction dans le parc social

Depuis 1994, on assiste chaque année à une diminution à la fois continue et sensible du nombre de logements sociaux mis en chantier.

Cette tendance se vérifie pour l'année en cours. L'UNFOHLM 1( * ) évalue en effet à 45.000 le nombre de logements sociaux qui seront mis en chantier cette année alors que 80.000 étaient prévus par la loi de finances initiale.

Evolution de l'investissement locatif social financé par PLA depuis 1992

 

PLA BUDGÉTÉS

PLA

PLA MIS EN

Proportion de PLA effectivement mis

 

PLA normaux

PLA-I et PLA-TS
PLA-LM

TOTAL

FINANCÉS

CHANTIER

en chantier par rapport aux PLA budgétés

1992

80.000

10.000 PLA-I

90.000

83.876

63.000

70 %

1993

88.000

13.000 PLA-I

101.000

92.868

72.000

71 %

1994

80.000

20.000 PLA-TS

100.000

89.324

72.500

73 %

1995

60.000

28.000 PLA-TS

88.000

66.440

60.000

68 %

1996

60.000

20.000 PLA-TS

80.000

59.879

54.000

68 %

1997

50.000

30.000 PLA-TS

80.000

59.911

45.600

57 %

1998

50.000

30.000 PLA-LM et PLA-I

80.000

-

45.000*

56 %*

1999

50.000

30.000 PLA-LM et PLA-I

80.000

-

-

-

* : Estimation avancée par l'UNFOHLM en fonction de la tendance au 30.09.98 Source : Secrétariat d'Etat au logement

Or, il est à craindre que, sauf si une politique de relance de la construction de logements sociaux était décidée et rendue possible, ce fléchissement tendanciel se poursuive dans les années à venir.

Votre commission estime en effet que la crise actuelle de la construction de logements sociaux relève de facteurs structurels.

Ces facteurs structurels tiennent à la conjonction de deux effets opposés.

L'instabilité de la demande

Les besoins en logements sociaux restent importants dans notre pays. Le coût souvent élevé des loyers dans le secteur locatif privé rend difficile l'accès à ce secteur pour les ménages les plus modestes, tandis que le vieillissement progressif du parc HLM rend nécessaire son renouvellement.

Mais, paradoxalement, l'existence de besoins ne garantit pas la réalité d'une demande.

On observe en effet une vacance croissante dans le parc social : le taux moyen de vacance est passé de 1,9 % en 1993 à 2,7 % en 1997 dans le parc HLM. Cette vacance peut s'interpréter largement comme le signe de la plus faible attractivité du parc social pour les ménages. Elle s'expliquerait de deux manières :

- la dégradation de l'environnement urbain pousserait les ménages habitant les quartiers difficiles à quitter leur logement pour rejoindre des zones plus paisibles, fréquemment dans le secteur privé, même au prix de lourds sacrifices financiers. Or, près du tiers du parc HLM -soit un million de logements environ- est situé dans les zones urbaines sensibles (ZUS). Le parc social est alors la première victime du malaise urbain ;

- on assiste parallèlement à une progression de l'accession à la propriété. Entre 1992 et 1996, la proportion de ménages propriétaires de leur logement est passée de 53,8 % à 54,3 %. Le succès du prêt à taux zéro n'a, depuis, fait qu'accentuer cette tendance, notamment chez les ménages les plus modestes.

Il semble alors que le secteur HLM soit victime d'un double effet. D'une part, les ménages les plus aisés n'hésitent plus à quitter le parc social, soit pour une location dans le parc privé, soit pour accéder à la propriété. D'autre part, les plus défavorisés n'ont pas toujours les ressources suffisantes pour accéder au parc social.

Les carences de l'offre

De leur côté, les organismes HLM ne sont pas en mesure de proposer un développement de l'offre face à la volatilité croissante de la demande.

En premier lieu, la situation financière des organismes HLM tend à nouveau à se dégrader.

D'une part, les charges restent lourdes. Les taux d'intérêt réels sont élevés : les PLA ordinaires accordés par la caisse des dépôts sont actuellement versés à un taux de 4,3 %, ce qui se traduit par des taux réels supérieurs à 3 % au rythme actuel de l'inflation. La hausse des taxes foncières constitue également une charge croissante pour les organismes.

D'autre part, les ressources n'augmentent que très faiblement : les produits financiers stagnent alors que les impayés progressent (en 1996, le taux de non-recouvrement des loyers atteignait 4,5 % pour les offices publics d'HLM) et le manque à gagner lié à la vacance pèse lourdement.

Dans ces conditions, l'équilibre d'exploitation des constructions financées par les PLA n'est plus assurée dans la mesure où 80 % des loyers perçus par les HLM servent à financer le remboursement des PLA. L'équilibre d'exploitation des logements PLA repose en définitive sur les autres logements. La construction de logement est désormais plus considérée comme une charge que comme une ressource supplémentaire. C'est particulièrement le cas pour les PLA-LM et les PLA-I pour lesquels les risques d'impayés sont perçus comme plus importants.

En second lieu, face à la progression de la vacance, les organismes HLM privilégient bien souvent les opérations de réhabilitation de façon à mieux valoriser le parc existant .

En troisième lieu, la gestion des PLA se révèle souvent très complexe pour les organismes . Ainsi, la délivrance des agréments préfectoraux peut demander des délais importants pouvant parfois dépasser six mois, ce délai étant d'ailleurs fonction de la nature des PLA (il est plus long pour les PLA-LM et les PLA-I). De même, la multiplication des produits PLA tend à rendre l'offre plus opaque, et non à l'adapter à la demande.

Enfin, l'insuffisance de l'offre est parfois accentuée par les difficultés rencontrées par les organismes HLM pour acquérir du foncier . Certaines communes sont en effet réticentes à accepter l'implantation de nouveaux logements sociaux sur leur territoire. Cette réticence peut s'expliquer diversement, mais pour les petites communes, il est clair que la rigidité des normes techniques imposées -notamment en matière de sécurité- implique des travaux tellement lourds que le recours au PLA est ainsi découragé.

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