II. LA RETRAITE PAR CAPITALISATION AUJOURD'HUI EN FRANCE

La possibilité de s'assurer un complément de retraite existe aujourd'hui en France, soit par le biais des fonds de retraite existants mais réservés à des catégories restreintes, soit par l'utilisation d'instruments d'épargne plus ou moins appropriés.

A. DES FORMULES ACTUELLES INSUFFISANTES

1. Les régimes existants

Différents régimes de retraite par capitalisation existent actuellement en France. Mais leur adhésion est à chaque fois limitée à un petit nombre de bénéficiaires . Cette situation est inéquitable au regard de la situation de l'immense majorité des actifs de notre pays qui n'y ont pas accès. Elle est d'autant plus injuste que ce sont les salariés du privé à qui on a demandé un gros effort pour l'application de la réforme de 1993 auxquels on refuse aujourd'hui les moyens de compléter leur retraite.

Il existe actuellement plusieurs systèmes de capitalisation destinés à des catégories souvent restreintes : les travailleurs indépendants, les non-salariés agricoles, les élus locaux, les employés des compagnies d'assurance, les agents de la fonction publique, etc.

Quelques régimes sont présentés ci-dessous.

a) La Préfon (Prévoyance de la fonction publique)19 ( * )

Créée en 1968, la PREFON (Prévoyance de la fonction publique) est le premier fonds de pension instauré en France. Il a été mis en place pour les fonctionnaires de l'Etat. Ses principales caractéristiques sont les suivantes : régime facultatif, alimenté exclusivement par les cotisations des adhérents, celles-ci sont déductibles de l'impôt sur le revenu, sortie en rente obligatoire.

Son développement a été jusqu'à présent peu spectaculaire puisqu'environ 3 % de la population concernée est adhérente, soit environ 150.000 personnes.

A côté de la Préfon, il existe deux autres régimes fonctionnant en semi-capitalisation : le CREF (complément retraite de la fonction publique) réservé aux adhérents d'une mutuelle de la fonction publique et qui compte 370.000 adhérents soit 7,4 % de la population concernée ; et le CGOS (complément retraite des hospitaliers).

b) Les " fonds Madelin "

La loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle dite " loi Madelin " a mis en place des fonds de pension pour les travailleurs indépendants (non-salariés non-agricoles). Ses principales caractéristiques sont les suivantes : franchise d'impôt sur le revenu, sortie obligatoire en rente, déductibilité des cotisations sociales sous plafond.

Environ 14 % de la population concernée a adhéré à ces fonds, soit environ 210.000 personnes.

c) L'ex-régime COREVA (complément de retraite volontaire agricole)

Le régime COREVA a été instauré en 1990 afin d'apporter une retraite complémentaire aux non-salariés agricoles. C'est un régime de capitalisation pure, à adhésion facultative et cotisations définies.

Un nouveau régime s'est substitué à COREVA

Par un arrêt du 8 novembre 1996, le Conseil d'Etat, suivant la Cour de justice des communautés européennes qu'il avait saisie d'une question préjudicielle 20 ( * ) , a annulé la majeure partie du décret du 26 novembre 1990, relatif aux contrats de retraite complémentaire facultative par capitalisation, dits " contrats COREVA ", dont la gestion avait été confiée à la Mutualité sociale agricole (MSA). Entre 1990 et 1996, 116.000 agriculteurs avaient adhérés à ces contrats de retraite complémentaire.

Fin 1997 21 ( * ) , a été prévu un nouveau régime complémentaire facultatif d'assurance vieillesse des exploitants agricoles qui se substitue au régime " COREVA ", supprimé à compter du 30 juin 1998. Les agriculteurs ont dorénavant la possibilité de conclure un contrat auprès de l'assureur de leur choix : société d'assurance ou mutuelle. Une petite vingtaine d'assureurs a pris le relais de la MSA et propose aujourd'hui des produits très proches des anciens " contrats COREVA ".

Les droits acquis auprès de " COREVA " jusqu'au 31 décembre 1996 sont intégralement maintenus par l'organisme repreneur de l'ancien contrat : une garantie intégrale des droits acquis par les adhérents de COREVA est apportée par la loi.

(extrait du Rapport général fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances pour 1999, par M. Philippe Marini, rapporteur spécial : M. Joël Bourdin, n° 66, 1998-1999).

Le nouveau régime complémentaire d'assurance vieillesse facultatif des personnes non salariées des professions agricoles s'adresse aux chefs d'exploitation et d'entreprise agricoles relevant du régime de base d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions agricoles, ainsi qu'à leurs conjoints et aux membres de leur famille participant à l'exploitation. Les contrats peuvent être souscrits auprès d'une société d'assurance ou d'une mutuelle régie par les codes des assurances et de la mutualité. Seules les primes des contrats offrant des prestations sous forme de rente viagère sont susceptibles de bénéficier de la déduction des charges sociales de l'exploitant. Les rentes peuvent être réversibles en cas de décès au profit des conjoints survivants ou d'un bénéficiaire désigné si le contrat le permet. Aucune sortie en capital totale ou partielle n'est prévue par la loi.

d) Les régimes supplémentaires d'entreprise

Dans le silence de la loi, des contrats ont été développés par les professionnels de l'assurance et de la prévoyance sur le fondement d'articles du code général des impôts (articles 39, 82 et 83).

Ainsi, le régime de l'article 39 du code général des impôts permet aux entreprises de créer des fonds de retraite à prestations définies ; les cotisations ne sont payées que par l'employeur ; en cas de rupture du contrat de travail, le salarié perd tous ses droits.

Le régime de l'article 83 du code général des impôts permet aux entreprises de créer des fonds de retraite à cotisations définies ; les cotisations ne sont payées que par l'employeur ; en cas de rupture du contrat de travail, le salarié conserve ses droits acquis ; la sortie en rente est obligatoire.

Les avantages fiscaux des instruments d'épargne collectifs

Des possibilités d'accès de la population à des instruments collectifs d'épargne retraite existent aujourd'hui pour différentes catégories de la population : régime PREFON-RETRAITE, le complément de retraite fonction publique (CREF) pour les fonctionnaires, contrats Madelin en vue de la retraite pour les non-salariés, régimes supplémentaires d'entreprises (articles 39, 82 et 83 du CGI).

Ces régimes sont assortis d'avantages fiscaux qui prennent généralement la forme, pour le salarié, d'une déductibilité à l'entrée et d'une taxation des pensions à la sortie et, pour la société, d'une déductibilité de la base imposable de l'impôt sur les sociétés des cotisations de retraite versées à titre collectif à des organismes extérieurs à l'entreprise, ainsi que d'une exonération des charge sociales, dans la limite d'un plafond.

Malgré ces aides fiscales, ces instruments d'épargne collectifs restent relativement peu développés : 3 % des fonctionnaires sont affiliés à la PREFON, soit 150.000 personnes, 7,4 % au CREF soit 370.000 personnes, 14 % des travailleurs non salariés ont souscrit des contrats Madelin. Quant aux régimes supplémentaires d'épargne-retraite d'entreprise, ils demeurent en France très peu développés, le volume total annuel des contrats d'assurance-retraite entreprise étant limité à 12 milliards de francs en 1996. (...)

La première étape pour la constitution d'une importante épargne de long terme est la création de structures juridiques de portage applicables à l'ensemble des branches professionnelles, qui pourraient prendre la forme de nouveaux fonds salariaux, soit de fonds de pension.

(Extrait du dix-septième rapport au Président de la République du Conseil des impôts, " La fiscalité des revenus de l'épargne ", 1999).

2. Les instruments de substitution

En l'absence de fonds de retraite, différents produits d'épargne longue jouent le rôle de fonds de retraite pour ceux qui souhaitent se constituer un complément de retraite : le PEP (plan d'épargne populaire), le PEA (plan d'épargne en actions), le PEE (plan d'épargne entreprise), l'assurance-vie, etc.

Ces instruments d'épargne ne sont toutefois pas bien adaptés à la constitution d'une épargne retraite :

. ils ne prévoient pas tous de sortie en rente,

. leur durée de vie est trop brève,

. les avantages fiscaux privilégient plus souvent l'épargne de moyen terme que l'épargne de long terme,

. pour les produits souscrits dans le cadre de l'entreprise, le changement d'employeur conduit à des ruptures dans le processus de constitution d'une épargne retraite.

Il y a donc aujourd'hui en France une inégalité criante entre ceux qui peuvent (parce qu'ils bénéficient déjà de fonds de pension ou parce qu'ils disposent de hauts revenus) et ce qui ne peuvent pas se constituer un complément de retraite.

B. DES ESSAIS DE GÉNÉRALISATION JAMAIS TRANSFORMÉS

1. Un sujet " parlementaire "

Les propositions de loi visant à instaurer des fonds de pension en France ont été particulièrement nombreuses ces dernières années.

En particulier, on rappellera :

1. la proposition de loi n° 222 (1992-1993) de votre rapporteur du 19 février 1993 (Sénat) ;

2. la proposition de loi n° 741 (1993-1994) de MM. Charles Millon et Jean-Pierre Thomas du 18 novembre 1993 (Assemblée nationale), devenue la loi n° 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite, dite " loi Thomas " ;

3. la proposition de loi n° 1039 (1993-1994) de M. Jacques Barrot du 2 mars 1994 (Assemblée nationale) ;

4. la proposition de loi n° 1301 (1998-1999) de M. Philippe Douste-Blazy du 22 décembre 1998 (Assemblée nationale).

Aujourd'hui ce sont deux nouvelles propositions de loi dont l'examen a abouti aux conclusions de la Commission des affaires sociales :

5. la proposition de loi n° 187 (1998-1999) de M. Charles Descours du 3 février 1999 (Sénat) ;

6. la proposition de loi n° 218 (1998-1999) de M. Jean Arthuis du 11 février 1999 (Sénat).

A l'exception d'un avant-projet de loi à l'été 1996, le Gouvernement a donc été coupablement absent de ce débat.

2. La " loi Thomas " en attente de décrets d'application, deux ans et demi après son vote par le Parlement

La " loi Thomas ", d'origine parlementaire, a été votée par le Parlement en février 1997. Suite au changement de gouvernement en mai 1997, elle n'a pas reçu ses décrets d'application et est donc inapplicable en l'état. C'est une situation relativement inédite dans laquelle tout un dispositif législatif, régulièrement voté par le Parlement et promulgué par le Président de la République, reste inappliqué par le seule volonté du gouvernement. Les deux ans et demi qui se sont écoulés depuis le vote de la " loi Thomas " dépassent manifestement le " délai raisonnable " dans lequel le juge administratif estime que les décrets doivent intervenir 22 ( * ) .

Le gouvernement aurait l'obligation juridique de publier les décret de la " loi Thomas ", il ne le fait pas ; il a pris l'engagement politique de demander au Parlement l'abrogation de cette loi, il ne le fait pas ; il s'est également engagé à proposer un système alternatif, il ne le fait pas non plus .

L'immobilisme est ainsi érigé en système et le statu quo est préjudiciable aux futurs retraités et à l'économie française dans son ensemble.

Gestion directe par le fonds

Gestionnaire pour compte de tiers

GESTION DES ACTIFS

- entreprise d'assurance

- société mutuelle d'assurance

- institution de prévoyance

- organisme mutualiste

Fonds

GARANTIE

Plan d'épargne retraite
(contrat)

SOUSCRIPTION

Souscripteurs

Comité de surveillance

- employeur

- groupement d'employeurs

contrat de travail de droit privé

ADHÉSION

Salariés liés par un contrat de droit privé et relevant d'un régime complémentaire obligatoire

* 19 Cf. rapport de la Commission des finances du Sénat, " L'épargne retraite des fonctionnaires ", n° 5, 1997-1998, M. Philippe Marini.

* 20 L'article 85 du traité de Rome sur la libre concurrence était invoqué.

* 21 Article 55 de la loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997 d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines.

* 22 Dans ses circulaires, le Premier ministre encourage régulièrement les services concernés à faire intervenir les décrets d'application dans les six mois suivants le vote de la loi.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page