C. LA DÉFENSE DES DISPOSITIFS DE SOUTIEN DANS LES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES INTERNATIONALES

1. Les échéances internationales : le prochain cycle de négociations de l'organisation mondiale du commerce

Le prochain cycle des négociations commerciales de l'OMC sera lancé lors de la conférence de Seattle qui se tiendra du 30 novembre au 3 décembre prochain et qui arrêtera la portée, les modalités et le calendrier des futures négociations.

Lors du précédent cycle de négociations dit l'" Uruguay round ", la Communauté européenne et les Etats membres n'avaient pas pris d'engagement de libéralisation dans le secteur des services audiovisuels. Par ailleurs, des exceptions à la clause de la nation la plus favorisée prévue par l'accord sur les services (GATS) avaient été stipulées dans le souci de préserver la réglementation européenne (directive TSF), les instruments communautaires de soutien (plan MEDIA) mais également les dispositifs nationaux de soutien à l'industrie cinématographique et audiovisuelle. En conséquence, les Etats membres et la Communauté européenne n'étaient jusqu'ici pas liés par des obligations spécifiques d'accès au marché ou par une clause de traitement national dans le domaine des services audiovisuels.

Votre rapporteur s'était félicité l'an dernier de la fermeté dont le gouvernement français avait fait preuve pour défendre le principe désigné alors sous le terme d'" exception culturelle "  lors des négociations de l'accord multilatéral sur les investissements conduite dans le cadre de l'OCDE qui finalement n'ont pas abouti.

L'enjeu des négociations qui s'ouvrent est de savoir si les services culturels entrent, au même titre que l'ensemble des services, dans le champ de l'accord général sur le commerce des services et donc de déterminer s'ils seront soumis aux mêmes règles et principes, à savoir la clause de la nation la plus favorisée et la non-discrimination. De tels principes interdiraient la mise en oeuvre de politiques culturelles dans le secteur audiovisuel reposant sur des accords de coproduction avec certains pays, l'instauration de quotas de diffusion d'oeuvres selon leur origine ou l'octroi de subventions sélectives.

Dans la mesure où elle ne sera présente dans la négociation qu'au travers de l'Union européenne qui négocie au nom des quinze, la France devra faire partager à ses partenaires sa position sur le principe d'exception culturelle.

A cet égard, votre rapporteur se félicite des termes du compromis fixant le mandat confié par le conseil à la commission afin de préparer le nouveau cycle de négociations adopté le 26 octobre 1999. Ce texte précise que :  " l'Union veillera, pendant les prochaines négociations de l'OMC, à garantir, comme dans le cycle d'Uruguay, la possibilité pour la communauté et ses Etats membres de préserver et de développer leur capacité à définir et mettre en oeuvre leurs politiques culturelles et audiovisuelles pour la préservation de leur diversité culturelle ".

Votre rapporteur relève qu'il est sans précédent que les Etats de l'Union s'accordent aussi clairement sur le maintien du principe d'exception culturelle obtenu lors du précédent cycle de négociations. Il s'agit là sans doute du fruit du travail de persuasion entrepris par la France auprès de ses partenaires.

Le mandat donné par le conseil à la commission répond à deux exigences posées par le gouvernement. En premier lieu, il affirme l'objectif de la préservation de la " diversité culturelle ", concept nouveau destiné à éviter les confusions entre une méthode de négociation à savoir l'absence d'offre de libéralisation en matière culturelle et la finalité même de la négociation. En second lieu, il signifie en pratique une absence d'offre de libéralisation de l'Union européenne dans les secteurs de la culture ou de l'audiovisuel et le maintien des précédentes exceptions à la clause de la nation la plus favorisée afin de permettre le traitement préférentiel de certains Etats. Par ailleurs la formulation retenue permet d'offrir des garanties notamment si de nouveaux sujets devaient être abordés dans la négociation tels l'investissement et les subventions.

En effet, sur cette dernière question, la plus grande vigilance est de rigueur. Au-delà de l'objectif du maintien d'une clause d'exception culturelle dont bénéficierait, comme lors de l'accord signé en 1993, les services audiovisuels, le gouvernement devra veiller à ce que des décisions prises dans d'autres secteurs soumis à négociation ne soient pas susceptibles d'avoir des incidences sur les mécanismes de soutien dont bénéficient les services audiovisuels.

Ce risque ne doit pas être minimisé ; il est en effet fort probable que des tentatives de démantèlement de notre dispositif de soutien au secteur audiovisuel se manifestent notamment lors d'éventuels débats sur le commerce électronique et les nouveaux services. A cette occasion, des Etats pourraient être tentés d'exclure du régime des services les services offerts par internet au motif qu'il s'agirait en fait de biens virtuels dont le régime relèverait du GATT qui va plus loin dans la libéralisation que le GATS. Ainsi pourraient être exploitées les incertitudes liées à la convergence technologique pour remettre en cause la spécificité des secteurs audiovisuels et, en compartimentant les supports, obtenir des engagements de libéralisation motivés par le souci de ne pas entraver le développement des nouveaux services. Face à ces risques, la France devra faire admettre un principe de neutralité technologique afin d'éviter qu'à chaque support de diffusion soient attachées des règles commerciales spécifiques.

De même, lors des éventuels débats sur les subventions et sur les investissements, la France sera attentive à ce que la logique de plafonnement des subventions propre aux accords du GATT sur les marchandises ne soit pas transposée à l'accord sur les services, ce qui ne manquerait pas d'avoir des conséquences non négligeables sur nos dispositifs de soutien à l'industrie cinématographique qui dépassent aujourd'hui largement les plafonds envisagés à l'OMC.

A l'évidence la contradiction qui existe entre les objectifs de diversité culturelle défendus par la France et les principes du libre échange qui président à ces négociations apparaît de plus en plus difficile à réduire notamment en raison des évolutions technologiques qui affectent le secteur de l'audiovisuel et des télécommunications.

Compte tenu de la complexité des négociations à venir et des risques de remise en cause de notre politique culturelle qu'elles comportent, votre rapporteur ne peut que souscrire aux conclusions du rapport sur les négociations commerciales multilatérales remis par Mme Catherine Lalumière et M. Jean-Pierre Landau au ministre de l'économie et des finances qui plaide pour que " soit défini, pour les échanges internationaux de biens culturels, un régime spécifique et approprié " qui pourrait être négocié dans le cadre de l'UNESCO et dont " les principes et les modalités (de ce nouvel instrument juridique) pourraient éventuellement ensuite être transférés dans le système de l'OMC ".

Votre rapporteur souhaite donc que les efforts du gouvernement soient soutenus afin que les acquis du cycle de l'Uruguay puissent être maintenus lors des négociations à venir. A ce titre, il exprime le souhait que le Parlement soit informé dans les délais les plus brefs du déroulement des négociations. Compte tenu des enjeux qu'elles représentent, la représentation nationale ne peut être tenue à l'écart de ces négociations. Les assemblées parlementaires constituent en effet un relais indispensable pour informer l'opinion publique de leur déroulement, ce qui permettra de mieux en faire comprendre les enjeux.

2. Le renforcement des dispositifs européens

La défense du principe de diversité culturelle dans les négociations commerciales à venir dépend pour une large part de la capacité de la France à convaincre ses partenaires européens du bien-fondé de ses positions.

A cet égard, le renforcement des dispositifs communautaires de soutien à l'industrie cinématographique européenne apparaît déterminant pour conduire nos partenaires à admettre la pertinence des interventions publiques en ce domaine.

Pour l'heure, le programme européen d'aides cinématographiques et audiovisuelles, MEDIA II, qui a débuté en 1996 et s'achèvera à la fin de l'an 2000 poursuit des objectifs modestes. Les aides remboursables à la production sont de faibles montants et les aides à la distribution encore insuffisamment développées pour promouvoir une véritable politique de circulation des oeuvres européennes à l'intérieur de l'Union.

Votre rapporteur souhaite que les orientations du nouveau programme Média III pour les années 2001 à 2005 prennent en compte la nécessité de renforcer les aides à la distribution et, éventuellement, à la diffusion télévisée ce qui permettra au dispositif de soutien européen de renforcer de manière significative au sein de l'Union l'audience des oeuvres des Etats membres.

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