TROISIÈME PARTIE :

RÉGULATION DE L'ENTREPRISE

Cette troisième partie du projet de loi est pour partie issue d'un avant-projet de loi sur le droit des sociétés, en chantier à la Chancellerie depuis plusieurs années et qui n'était jamais passé en Conseil des ministres. Elle comprend deux titres : le titre premier relatif au droit des sociétés commerciales et le second comprenant les dispositions relatives au secteur public.

Le titre premier a pour ambition d'apporter des améliorations dans le sens d'une meilleure prise en compte de la problématique dite du " gouvernement des entreprises " dans le droit des sociétés. Il s'agissait de procéder à la démocratisation des entreprises et de rendre le fonctionnement de leurs organes dirigeants plus transparent. Ce titre pèche néanmoins par excès de prudence en ne proposant pas de conception globale du droit des sociétés.

En effet, votre rapporteur ne peut que rappeler les termes et le contenu du rapport qu'il avait remis en 1996 au Premier ministre 8 ( * ) et qui visait à procéder à une modernisation du droit des sociétés et en l'espèce à celle de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.

On peut en effet regretter que, à défaut de reprendre l'ensemble des préconisations qui y figuraient et sur lesquelles s'était dégagé un assez large consensus, le gouvernement n'ait pas retenu la méthode qui sous-tendait ce rapport et consistait à avoir une vision d'ensemble de ce sujet, en se référant à quelques orientations essentielles, de nature à promouvoir le développement des entreprises. A l'évidence, le chantier de la réforme du droit des sociétés, dont les " entrepreneurs " et donc l'économie française ont besoin, n'est pas prêt d'être achevé.

La modernisation du droit des sociétés

Rapport remis par M. Philippe MARINI au Premier Ministre en juillet 1996

La loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales a trente ans. Elle privilégie une approche institutionnelle dans laquelle la société est porteuse d'un intérêt social distinct de celui des associés. Elle comporte de ce fait une forte proportion de règles d'ordre public sanctionnées par un arsenal répressif très développé. Le cadre qui en résulte est certes garant de la sécurité juridique, mais il est également particulièrement rigide.

Aujourd'hui, les impératifs de l'ouverture internationale et la nécessité pour nos entreprises d'évoluer dans un cadre juridique compétitif appellent à une remise en question de ce modèle afin de laisser plus de place à la liberté contractuelle. Une telle démarche apparaît d'autant plus nécessaire que l'on peut se demander si l'intérêt social, censé transcender les intérêts des actionnaires, n'est pas devenu l'alibi d'un nouveau " despotisme éclairé ".

C'est dans ce contexte qu'est intervenue cette mission portant sur la modernisation du droit des sociétés.

Le rapport, élaboré après de nombreux entretiens avec des professionnels, des praticiens et des représentants des autorités publiques, propose un ensemble de réformes pragmatiques, entre refonte globale et évolution spontanée, qui s'articulent autour de trois thèmes :

favoriser la liberté d'entreprendre ;

améliorer le fonctionnement des sociétés ;

promouvoir un meilleur équilibre des pouvoirs et des responsabilités au sein de l'entreprise.

Introduit par l'Assemblée nationale contre l'avis du gouvernement, l'article 55 A vise à attribuer une action au comité d'entreprise afin de lui accorder l'ensemble des prérogatives et des procédure ouvertes aux actionnaires minoritaires. Votre commission vous proposera de le supprimer. Votre commission vous propose également deux articles additionnels après l'article 55 bis pour alléger les modalités d'une part de transformation d'une SAS en société anonyme et, d'autre part, d'émission d'obligations. Les principaux axes retenus par le chapitre premier visent à assurer un meilleur équilibre des pouvoirs entre les organes dirigeants. S'agissant de l'article 56 A qui limite à dix huit contre vingt-quatre actuellement le nombre maximal de membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, il convient de ne pas le maintenir. L'article 56 procède à une clarification de la mission du conseil d'administration et de son président dont votre commission vous proposera d'améliorer la rédaction, tandis que l'article 57 pose le principe de la dissociation dans les sociétés anonymes des fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général. Leurs statuts pourront y déroger en prévoyant la nomination d'un Président directeur général (PDG) et en tout état de cause, les sociétés anonymes auront 18 mois après la publication de la présente loi pour se mettre en conformité avec celle-ci. Votre commission vous proposera de modifier la rédaction de cet article afin de faire de la dissociation des fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général une faculté offerte aux entreprises. Il reviendra aux statuts d'habiliter le conseil d'administration à choisir entre les deux modalités d'exercice de la direction générale. La démission d'office du PDG de ses fonctions de président du conseil d'administration prévue à l'article 70 est supprimée et remplacée par une injonction de faire, auprès du conseil d'administration, si ce dernier n'a pas convoqué l'assemblée générale extraordinaire dans les délais.

L'article 58 prévoit par ailleurs la possibilité pour l'assemblée générale comme pour le conseil de surveillance de révoquer le directoire. Votre commission vous proposera la suppression de cette disposition. Il est également prévu à l'article 59 d'adapter les règles pour le calcul du quorum et de la majorité afin d'autoriser le conseil d'administration et le conseil de surveillance à prendre certaines décisions par " visioconférence ". Votre commission vous proposera d'assouplir davantage le dispositif en permettant l'utilisation des moyens de " visioconférence " même si les statuts n'ont pas été modifiés afin de prévoir cette faculté.

Le chapitre II regroupe les mesures destinées à limiter le cumul des mandats. Ainsi les dispositions de l'article 60 limitent le cumul des mandats d'administrateur ou de membre d'un conseil de surveillance : le chiffre de huit mandats figurant dans le texte initial a cependant été réduit à l'issue de l'examen par l'Assemblée nationale à cinq. Cette règle s'appliquait également aux représentants permanents d'une personne morale. Votre commission vous proposera de garder ce chiffre tout en introduisant une dérogation aux règles de limitation du cumul des mandats au sein des groupes, dont la liberté d'organisation interne doit être garantie. Votre commission a également légèrement assoupli le dispositif relatif au cumul des mandats de président du conseil d'administration, de membre du directoire et de directeur général unique. Ces derniers peuvent cumuler deux mandats, et une dérogation est prévue lorsque lesdits mandats sont exercés au sein d'un groupe.

Il est par ailleurs envisagé de doter les sociétés d'un fonctionnement plus transparent. Le chapitre III concerne ainsi la prévention des conflits d'intérêt et son article 61 prévoit d'étendre le champ d'application des conventions réglementées soumises à l'autorisation préalable du conseil d'administration ou, le cas échéant, au conseil de surveillance. Votre commission vous proposera un dispositif qui évitera que les discussions sur les conventions " normales " ne perturbent le fonctionnement des assemblées générales tout en garantissant le droit à la communication aux actionnaires de ces dernières. Votre commission vous proposera d'améliorer la rédaction de l'article 61 bis qui vise à transmettre les conventions passées par les associations et les personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique avec l'un de leurs administrateurs ou leurs dirigeants, au représentant légal ou au commissaire aux comptes de ces dernières. Un rapport de ces conventions doit être établi sur lequel statuera l'organe délibérant.

Le chapitre IV regroupe les mesures touchant aux droits des actionnaires.

Ainsi l'article 62 vise à renforcer les pouvoirs des actionnaires minoritaires. Pour cela, les seuils permettant d'accéder à certains droits sont abaissés de 10 % à 5 %, qu'il s'agisse de l'intérêt à agir, d'une demande d'inscription d'un sujet à l'ordre du jour de l'assemblée générale, d'une demande de convocation d'une assemblée générale, etc... Par ailleurs, il modifie d'une part les modalités d'exercice de ces droits, en introduisant au préalable une procédure de question écrite. Il en étend, d'autre part, le champ d'application en autorisant les actionnaires d'une société mère à poser des questions sur des opérations de gestion de ses filiales.

L'article 63 autorise la participation des actionnaires aux assemblées générales par " visioconférence " ou par support électronique et supprime la faculté donnée aux statuts d'exiger la détention d'un nombre minimum d'actions pour participer aux assemblées générales. Cet article, ainsi que l'article 59 précité, visent à faciliter l'utilisation de nouvelles technologies dans les sociétés, en autorisant l'introduction du vote électronique et le développement de la " visio-communication " pour les décisions du conseil d'administration. On peut néanmoins se demander si de telles mesures ne relèvent pas plus de " l'effet d'affichage " que d'une véritable réforme du droit des sociétés que le gouvernement n'ose pas mettre en oeuvre. Votre commission vous proposera un amendement précisant que les moyens de télécommunication utilisés pour participer à distance aux assemblées générales doivent permettre d'identifier l'actionnaire.

Enfin, il est désormais fait obligation (article 64) de publier dans le rapport annuel le montant des rémunérations versées à chaque mandataire social par la société ou l'une des sociétés du groupe et de joindre la liste des mandats et fonctions exercées par les mandataires sociaux. Cette disposition vise effectivement à accroître la transparence dans le fonctionnement des entreprises, par une meilleure information des actionnaires sur les rémunérations et les fonctions exercées par les mandataires sociaux. C'est la raison pour laquelle votre commission a exclu du champ de cette obligation les rémunérations individuelles des 10 salariés les mieux rémunérés. L'article 64 bis donne valeur législative au principe qui figure déjà à l'article 93 du décret n° 67-236 du 23 mars 1967 selon lequel le conseil d'administration répartit entre ses membres la somme fixée annuellement par l'assemblée générale pour rémunérer les administrateurs de leur activité et l'article 64 ter consiste à faire présenter les comptes consolidés à l'assemblée générale par le conseil d'administration ou le directoire.

Le chapitre V comprend les mesures relatives à l'identification des actionnaires. L'article 65 autorise ainsi les actionnaires non résidents à se faire représenter aux assemblées générales par un intermédiaire inscrit. En outre, il renforce les moyens d'identification des actionnaires par les sociétés. La commission vous proposera deux amendements visant à supprimer la référence à l'arrêté du ministre chargé de l'économie pour la fixation de la rémunération de la SICOVAM et à permettre aux sociétés d'identifier les détenteurs de titres financiers autres que les titres aux porteurs identifiables qu'elles émettent.

L'article 66 qui compose à lui seul le chapitre VI sur les dispositions relatives au contrôle permet de prendre en compte l'action de concert pour déterminer le contrôle conjoint d'une société. Votre commission vous proposera un amendement visant à préciser les conditions dans lesquelles deux concertistes sont reconnus comme déterminant le contrôle conjoint d'une société. Votre commission vous présentera également un article additionnel après l'article 66 visant à clarifier la notion d'action de concert.

Au chapitre VII figurent les mesures concernant les injonctions de faire. Il autorise les actionnaires, les associés et les obligataires à recourir à la procédure des injonctions de faire pour obtenir les documents qui auraient dû leur être communiqués (article 67) et pour procéder aux appels de fonds nécessaires afin de réaliser la libération intégrale du capital et de déposer certaines pièces obligatoires au registre du commerce et des sociétés (article 68). Les dispositions de l'article 68 bis visent à favoriser la création d'entreprises en autorisant la libération du capital sur cinq ans. Tout en jugeant cette disposition inopportune, en raison de la sous-capitalisation fréquente des sociétés nouvellement crées, votre commission a réservé sa position.

Le chapitre VIII, concernant les dispositions diverses et transitoires comprend paradoxalement des articles qui ne figuraient pas dans le projet de loi initial mais sur lesquels il a été, que ce soit dans l'enceinte de l'Assemblée nationale ou dans d'autres cénacles, abondamment discuté mettant, à cette occasion en relief les contradictions qui existent au sein de la majorité plurielle.

En effet, les articles 70 bis et 70 ter issus de laborieux compromis visent à remettre sur le métier, une fois encore et pour des motifs étrangers à l'intérêt économique de notre pays la question des " stock-options ". En ce domaine, la position de votre commission est claire et a fait l'objet déjà de nombreux débats qui ont recueilli une très large approbation sur les bancs du Sénat. Il s'agit tout à la fois, de renforcer la transparence de ce dispositif et d'assurer son efficacité économique en le rendant attractif fiscalement. Dans ce cadre, votre commission vous fera des propositions qu'elle estime conformes à l'intérêt des bénéficiaires, des entreprises, et partant, à celui de l'économie française. Ainsi, elle a estimé inopportune la publication des options nominatives consenties aux dix plus importants bénéficiaires salariés et des options levées par ces derniers.

L'article 69 vise à sanctionner les comportements fautifs des dirigeants d'une société par actions simplifiée. L'article 69 bis définit le délai d'application de la réduction du nombre maximal des membres du conseil d'administration et du conseil de surveillance et l'article 70 celui applicable aux dispositions relatives aux cumuls de mandats et au mandat de directeur général délégué (voir supra).

L'article 70 quater vise à étendre le régime des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise (BSPCE) à l'ensemble des jeunes entreprises de croissance, quelle que soit la nature de leur activité, et d'autre part, à pérenniser ledit régime. Cette disposition avait déjà été proposée par le gouvernement lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2000, mais elle avait été rejetée par l'Assemblée nationale, contre l'avis du Sénat qui en avait mesuré toute l'importance économique.

Votre commission vous proposera un amendement qui précise que le seuil minimal de 25 % de détention du capital par une personne physique nécessaire pour l'attribution desdits bons de souscription doit être appréciée la date d'attribution des bons. Votre commission vous proposera également trois articles additionnels après l'article 70 quater visant à étendre les modifications de la présente loi à l'outre mer, à relever les plafonds de déductibilité fiscale des jetons de présence et à renforcer le contrôle de l'Etat sur les entreprises de réassurance.

Le titre II concerne les dispositions relatives au secteur public qui ont pour objet en principe de transposer à ce secteur les règles adoptées pour les sociétés commerciales . Il semble en réalité s'agir à l'image de l'ensemble de ce texte d'un " patchwork " de mesures disparates, sans vision globale et d'un intérêt limité. En particulier, votre commission vous proposera de supprimer deux articles ( articles 72 et 73 ) relatifs aux contrats d'entreprise pluriannuels signés entre l'Etat et les entreprises publiques.

Il convient néanmoins de relever la disposition introduite par voie d'amendement gouvernemental à l'Assemblée nationale concernant les activités et le statut de la Caisse des Dépôts et Consignations ( article 75 ). La création de CDC - Finance permettra ainsi de regrouper les activités concurrentielles de la Caisse tout en reprécisant par ailleurs les missions d'intérêt général qui sont les siennes.

* 8 " La modernisation du droit des sociétés ", rapport remis au Premier ministre (La Documentation française, juillet 1996).

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