PREMIÈRE PARTIE
-
ÉQUILIBRES FINANCIERS GÉNÉRAUX

I. LA SÉCURITÉ SOCIALE EN 1999 ET EN 2000 : UN REDRESSEMENT FRAGILE DES COMPTES

La sécurité sociale est désormais en excédent, pour la première fois depuis dix ans.

Ce résultat comptable s'explique aisément : il est à mettre à l'actif de la croissance et au recul du chômage, quasi ininterrompu depuis fin 1996 : les prélèvements progressent encore plus rapidement que les dépenses.

Au-delà de cette bonne nouvelle, la France ne dispose pas d'une sécurité sociale en meilleure santé pour au moins deux raisons.

Première raison, la branche maladie du régime général reste déficitaire, alors qu'elle bénéficie pourtant d'un surcroît de recettes important ; les excédents se concentrent sur la branche famille et la branche vieillesse.

Deuxième raison, le déséquilibre des retraites, qui s'annonce à partir de 2006, n'a toujours pas fait l'objet de mesures sérieuses tendant à anticiper ce choc financier.

A. L'EFFET MÉCANIQUE DE LA CROISSANCE ET UN ALOURDISSEMENT DES PRÉLÈVEMENTS AFFECTÉS À LA SÉCURITÉ SOCIALE EXPLIQUENT L'APPARITION D'UNE " CAGNOTTE SOCIALE "

1. Une croissance importante de la masse salariale, portée par la création d'emplois

En septembre 1998, le Gouvernement avait retenu pour 1999 une prévision très optimiste de croissance de la masse salariale, compte tenu de la crise asiatique. En raison d'un " trou d'air " finalement beaucoup moins important que prévu, cette prévision a été respectée.

Prévisions successives de la croissance de la masse salariale en 1999

septembre 1998

mai 1999

septembre 1999

mai 2000

septembre 2000

Salaire moyen par tête

2,5

2,1

2,2

nd

1,8

Effectifs salariés

1,8

1,3

1,5

nd

2,3

Masse salariale secteur privé

4,3

3,4

3,7

nd

4,1

Effet emplois-jeunes - RTT (*)

nd

0,4

0,4

nd

0,2

Assiette encaissements du secteur privé du régime général

4,3

3,8

4,1

4,1

4,3

(*) Cet effet s'applique aux effectifs, mais a été " individualisé " par la Commission des comptes en mai et septembre 1999. En septembre 2000, l'effet ne joue que sur les emplois-jeunes.

Il convient de noter que, comme en 1998, elle n'a été obtenue que par le dynamisme de la création d'emplois (+ 465.000). La progression modérée du salaire moyen par tête s'explique par l'effet d'anticipation de la modération salariale exigée par les trente-cinq heures.

En revanche, la " moindre " croissance de l'année 1999 n'a pas ralenti -bien au contraire- le processus de création d'emplois ; comme le souligne le ministère de l'économie et des finances, " depuis 1993, l'économie française a créé 700.000 emplois de plus que ne l'avait suggéré la relation historique entre activité et emploi. (...) L'enrichissement de la croissance en emploi résulte aussi des réductions de charges sociales sur les bas salaires, qui ont représenté près de 0,75 point de PIB en 1999 -dont 0,50 point au seul titre de la ristourne dégressive- et ont conduit à une forte baisse du coût du travail non qualifié, d'environ 12 % au niveau du SMIC " 1 ( * ) .

Les propos peu amènes tenus en 1997 par le Gouvernement à l'encontre de la " ristourne Juppé " semblent désormais appartenir au passé.

Cette modération salariale, qui avait été présentée par Mme Martine Aubry comme l'une des trois conditions de la " réussite " des trente-cinq heures, est reconnue par le Gouvernement : " elle peut être aussi la contrepartie d'une modération des salaires avant la mise en place des trente-cinq heures " 2 ( * ) .

La croissance de masse salariale 2000 retenue en septembre 1999 se situait à 4,4 % (2,3 pour le salaire moyen par tête, 1,7 pour les effectifs, 0,4 pour les emplois-jeunes). La nouvelle prévision de masse salariale, retenue en septembre 2000, est de 5,6 % (2,1 pour le salaire moyen par tête, 3,2 pour les effectifs, 0,2 pour les emplois-jeunes).

Prévisions successives de la croissance de la masse salariale en 2000

septembre 1999

mai 2000

septembre 2000

Salaire moyen par tête

2,3

2,5

2,1

Effectifs salariés

1,7

2,65

3,2

Masse salariale secteur privé

4,3

5,2

5,3

Effet emplois-jeunes (*)

0,4

0,2

0,2

Assiette encaissements du secteur privé du régime général

4,4

5,4

5,6

(*) Cet effet s'applique sur les effectifs, mais a été individualisé par l'administration.

La modération salariale due aux trente-cinq heures fait désormais l'objet d'analyses économiques. Entre mi-1997 et mi-1999, la hausse du pouvoir d'achat se situait entre un demi-point et un point ; il est depuis mi-1999 tombé à zéro en raison de la reprise de l'inflation. Le salaire moyen par tête a progressé ainsi de 0,3 % au premier trimestre 2000 contre 0,5 % au dernier trimestre 1999 (parallèlement, l'inflation se situait à 0,5 % au premier trimestre 2000 contre 0,3 % au dernier trimestre 1999).

Le bilan des accords Aubry I effectué par la DARES montre que si 93,4 % des accords signés dans le cadre de cette loi optent pour une compensation salariale intégrale, 42,7 % s'engagent sur un gel des salaires et que 28 % bénéficient d'augmentations programmées, mais modérées. La modération salariale est ainsi la règle dans plus de 70 % des cas.

La croissance de la masse salariale est portée par le processus de création d'emplois : il reste à vérifier que ce rythme élevé de création d'emplois ne s'essouffle pas au cours de l'année 2000.

On pourra objecter que le processus de création d'emplois est directement lié aux trente-cinq heures .

Il n'en est rien. Le rapport économique, social et financier du projet de loi de finances pour 2001 3 ( * ) mentionne un chiffre " cumulé sur la période 1999-2001 " de 220 à 250.000 créations nettes d'emploi liées à la réduction du temps de travail.

Au-delà des doutes légitimes portant sur ce chiffre, qui n'est pas étayé de savants commentaires et qui ne mesure pas les " effets d'aubaine ", il suffit de rappeler que la création d'emplois sur la période est d'environ 1.200.000 pour se rendre compte que, de l'aveu même du Gouvernement, les trente-cinq heures comptent seulement pour un cinquième dans le processus de création d'emplois.

Entre un effet sur l'emploi faible et un effet sur la progression du salaire moyen par tête certain , il reste à déterminer si les trente-cinq heures n'auraient pas, au contraire, handicapé la progression de la croissance de la masse salariale.

* 1 Rapport économique, social et financier du projet de loi de finances pour 2001, p. 130.

* 2 Rapport économique, social et financier du projet de loi de finances pour 2001, p. 128.

* 3 Rapport économique, social et financier du projet de loi de finances pour 2001, p. 132.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page