B. LES RETARDS DANS LA MISE EN PLACE DES OUTILS DE LA MAÎTRISE MÉDICALISÉE

Le Gouvernement semble peu pressé de mettre en place les outils d'une maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Trois dossiers témoignent de cette inertie coupable : la tarification à la pathologie, la nomenclature des actes, les réseaux et filières de soins.

1. La tarification à la pathologie

L'article 55 de la loi du 27 juillet 1999 portant création de la couverture maladie universelle a prolongé, pour une période de cinq ans, les expérimentations en matière de tarification à la pathologie.

Le financement à la pathologie consiste à rémunérer les établissements en fonction de leur activité médicale effective et ceci à un coût égal pour l'assurance maladie, pour une pathologie donnée, quel que soit le lieu de production des soins.

Il s'agit de :

- fonder les financements des établissements de santé sur la juste mesure de leur activité,

- permettre la mise en oeuvre de modes de régulation plus efficaces en vue d'améliorer les mécanismes de régulation macro-économiques actuels,

- corriger les effets néfastes des modes de financement et de régulation distincts entre les secteurs public et privé.

Ces trois objectifs répondent aux difficultés résultant des modes de financement actuels des établissements de santé : hôpitaux publics sous dotation globale et cliniques privées à but lucratif sous objectif quantifié national (OQN) avec une facturation à la journée et à l'acte.

En effet, ces modes de financement, déconnectés de l'activité médicale, sont à l'origine de nombreux effets pervers :

- inégalités figées, rentes de situation, frein au dynamisme et prime au plus dispendieux dans le secteur public,

- tarification complexe, prime à la durée de séjour, disparités et sédimentations tarifaires historiques dans le secteur privé.

Sur ce dossier pourtant essentiel, le Gouvernement prend son temps. Un cahier des charges définissant les modalités de cette expérimentation devrait être établi pour la fin de l'année 2000 afin de permettre la mise en oeuvre effective d'opérations de simulation financière pour la campagne budgétaire 2002...

2. La nomenclature des actes

Le codage des actes des professionnels de santé admis au remboursement par l'assurance maladie a été rendu obligatoire par la loi du 4 janvier 1993. L'activité des médecins de ville est décrite par la nomenclature générale des actes professionnels des médecins (NGAP). Obsolète et imprécise, elle ne peut servir au codage. Le catalogue des actes médicaux (CDAM) utilisé dans les hôpitaux, notamment pour le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), bien que plus détaillé, ne couvre qu'une partie trop spécifique de l'activité médicale ; il est inutilisable en pratique de ville. C'est pourquoi, il a été décidé, en 1996, de fondre ces deux instruments en un, la classification commune des actes médicaux (CCAM).

Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2000 62 ( * ) , la Cour des comptes a étudié l'état d'avancement des travaux. Elle souligne que la quatrième -et dernière- phase, celle de la valorisation 63 ( * ) , doit débuter en principe début 2001.

Compte tenu de sa complexité, cette phase devrait durer plusieurs mois. Ce n'est donc qu'au début de 2002 que peut être espérée une application de la nouvelle CCAM. Encore, souligne la Cour, ne faut-il pas sous-estimer les difficultés : une incertitude subsiste sur le processus en cas d'absence d'accord entre caisses et syndicats médicaux sur la phase de valorisation.

La Cour relève en outre que des travaux importants demeurent à mener : la réforme la nomenclature des actes cliniques ; celle de la tarification des cliniques privées, une partie de leur rémunération étant calculée par rapport aux actes de la nomenclature ; la refonte de la nomenclature des actes des professions prescrites (infirmiers, masseurs,...).

Devant l'étendue des difficultés prévisibles, les ministres ont confié, le 23 février 2000, au professeur Escat, président de la commission permanente de la nomenclature des actes professionnels, une mission d'expertise sur les différents scénarios possibles d'achèvement de la réforme, et de propositions sur la gestion de la CCAM, une fois la réforme appliquée, sujet qui avait fait l'objet du rapport Prieur/Portos en 1997.

La Cour conclut qu'un important travail technique a été entrepris pour établir la classification commune des actes médicaux mais, faute de moyens, il se sera étalé sur plus de quatre années au moins.

La Cour souligne l'importance des travaux qui restent à mener tant pour faire déboucher effectivement le codage des actes médicaux que pour lancer et réaliser celui des actes des autres professions de santé. Au rythme actuel, il aura fallu au moins dix ans pour mettre, effectivement, en place une obligation résultant de la loi de 1993. En cas de blocage des négociations entre l'assurance maladie et les syndicats médicaux, d'autres solutions devraient être recherchées pour que ne soit pas encore repoussée une réforme indispensable, en tout cas dans le cadre d'un remboursement à l'acte.

La Cour rappelle également qu'au codage des actes doit être associé un codage des pathologies, problème en partie plus simple puisqu'il existe une classification internationalement reconnue (la classification internationale des maladies).

* 62 p. 24 et suivantes.

* 63 La hiérarchisation des actes et le calcul du coût de la pratique doivent déboucher sur des valeurs d'honoraires objectives mais néanmoins dépendantes de l'enveloppe financière totale, allouée à la rémunération des actes techniques, prise comme référence initiale de calcul. Il appartiendra aux caisses d'assurance maladie et aux syndicats médicaux de négocier un passage, étalé sur plusieurs années, des honoraires de l'actuelle NGAP aux honoraires cibles de la CCAM.

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