3. Un hors-bilan un peu mieux appréhendé

L'année dernière, votre commission avait rappelé qu'il convenait d'ajouter à la dette actuelle les engagements " hors-bilan " de l'Etat , qui pour une part sont conditionnels (les garanties accordées aux établissements publics, aux crédits à l'exportation, à certaines formes d'épargne etc.) et pour d'autres sont certains (les structures de défaisance, les primes d'épargne-logement, ou les charges de remboursement de la dette de Réseau ferré de France), mais également, et surtout, les engagements en assurance-vieillesse et en assurance-maladie liés au vieillissement de la population.

A ce titre, la question du coût des pensions de la fonction publique 13 ( * ) illustre le problème budgétaire majeur auquel l'État sera confronté dans un avenir finalement très proche : celui du " hors-bilan ", ou de la " dette publique invisible " 14 ( * ) .

L'encours de la dette garanti par l'Etat stricto sensu

Si la structure et l'évolution du bilan de l'Etat peuvent être appréhendées et contrôlées de façon objective, le " hors-bilan ", quant à lui, fait l'objet d'une grande imprécision.

Cette situation a été dénoncée par l'Assemblée nationale. Le groupe de travail, qu'elle avait constitué à l'initiative, et sous la présidence de M. Laurent Fabius, sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, estimait ainsi (1) , que la dette est " sous-évaluée " , l'Etat pratiquant " une politique de provisionnement minimal, alors que le principe de sincérité budgétaire milite pour qu'apparaissent, à la lecture du bilan de l'Etat, les causes d'éventuels déséquilibres futurs ".

En effet, le gouvernement apprécie actuellement le " hors-bilan " d'une manière extrêmement restrictive, ne s'en tenant qu'à une simple définition juridique.

D'après des informations fournies à votre rapporteur général, le gouvernement ne prend en compte que la notion de dette garantie par l'Etat inscrite aux sous-comptes 801 (emprunts intérieurs) et 802 (emprunts extérieurs) de la comptabilité de l'Etat, qui est publiée chaque année au compte de la dette publique. Il s'agit ainsi des seuls engagements de sociétés françaises, entreprises nationales, collectivités et établissements publics bénéficiant de la garantie de l'Etat, ce dernier s'étant engagé, dans l'hypothèse d'une défaillance du débiteur, à effectuer lui-même le règlement.

Au 31 décembre 1999, cette dette inscrite " hors-bilan " s'élevait à 246,05 milliards de francs contre 311,54 milliards de francs au 1 er janvier 1999 , soit 207,79 milliards de francs d'emprunts intérieurs, et 38,26 milliards de francs d'emprunts extérieurs.

(1) Rapport d'information du 27 janvier 1999, page 160.

Votre commission rappelait également que le " hors-bilan " faisait l'objet, jusqu'à présent, d'une grande imprécision , empêchant les citoyens de connaître précisément la situation financière exacte de l'État, en raison de chiffres épars et déterminés de façon incertaine. Or, le gouvernement a annoncé des mesures visant à améliorer la connaissance de la réalité de la situation financière de l'Etat.

Ces mesures s'inscrivent dans le cadre d'une réforme de la comptabilité de l'Etat, actuellement en cours, et qui poursuit quatre objectifs :

- essayer de doter l'Etat d'un système comptable plus proche du droit commun ;

- intégrer dans les comptes une information enrichie sous l'angle économique ;

- soutenir une démarche de performance dans la gestion des services publics ;

- assurer un meilleur suivi et une plus grande lisibilité des engagements de l'Etat à moyen et long terme.

Le compte général de l'administration des finances (CGAF) pour 1999 , annexé au projet de loi de règlement de ladite année, comporte des premiers éléments répondant à ces objectifs : il continue de reposer sur une comptabilité de caisse, mais l'enrichit d'éléments patrimoniaux grâce à l'introduction d'éléments exprimés en termes de bilans et de comptes de résultat .

Une première prise en compte du hors-bilan

Le compte général de l'administration des finances pour 1999 comporte, pour la première fois, une annexe qui tente de préciser les engagements à moyen et long terme de l'Etat.

Trois secteurs d'intervention ont été retenus :

- les retraites des fonctionnaires de l'Etat des régimes spéciaux : toutefois, aucune indication chiffrée ne figurera dans l'annexe, seule une méthodologie étant précisée !

- les engagements de l'Etat en matière d'épargne-logement : l'engagement potentiel maximal a été estimé à 50 milliards de francs ;

- les garanties accordées par l'Etat aux entreprises, ainsi que les garanties à l'exportation passant par l'intermédiaire de la COFACE : ces engagements représentent 247 milliards de francs pour les premières et 534 milliards de francs pour les secondes.

Soit un total, hors pensions publiques, de 831 milliards de francs.

Il convient toutefois de préciser que le ministère de l'économie et des finances n'en est qu'à l'étape de la connaissance des engagements et pas de leur mode de comptabilisation.

Il s'agit notamment de :

- la meilleure valorisation des immobilisations non financières et l'introduction, pour la première fois concernant les matériels et les équipements, de dotations aux amortissements : par exemple, les avancées réalisées en 1999 ont permis de valoriser de 500 milliards de francs les immeubles détenus par l'Etat, et recensés au Tableau général permanent des propriétés de l'Etat (TGPE) ;

- l'amélioration de la lisibilité du compte qui retrace les dotations et participations de l'Etat, les comptes consolidés et pas seulement les comptes sociaux des principales entreprises publiques étant pris en considération ;

- la comptabilisation de la dette en droits constatés et non plus en encaissements/décaissements ; ainsi, la totalité des charges de la dette inscrites au budget de l'Etat est retraitée en droits constatés, en vertu du règlement communautaire relatif à la comptabilité européenne - le SEC 95 -, les intérêts courus non échus étant pris en compte ;

- la création d'une provision pour dépréciation des créances fiscales ;

- la présentation, pour la première fois, dans une annexe relative au hors-bilan, d'engagements à moyen et long terme de l'Etat.

Un exemple de " dette cachée " : la dette ferroviaire

Au 31 décembre 1999, l'endettement à long terme de la SNCF s'élevait à 44 milliards de francs et la dette du service annexe d'amortissement de la dette (SAAD) à 58,7 milliards de francs, soit au total 102,7 milliards de francs.

Par ailleurs, l'endettement de Réseau ferré de France (RFF) s'élève à 170 milliards de francs. La dette brute de RFF a fortement augmenté en 1999, en raison de la mise en place par l'établissement d'un programme de restructuration du profil de sa dette par la constitution d'un portefeuille d'actifs pour 20 milliards de francs.

Au total, l'endettement global du secteur ferroviaire atteint 253 milliards de francs au 31 décembre 1999.

Dette du secteur ferroviaire au 31 décembre 1999

(en milliards de francs)

SNCF

44

RFF

150

SAAD

59

TOTAL

253

Or, RFF ayant le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial, dont plus de la moitié des recettes est d'origine commerciale, sa dette n'est pas agrégée à la dette des administrations publiques.

Pour le moment, l'Etat se contente de " stabiliser " la dette de RFF autour de 160 milliards de francs, mais il devra bien trouver le moyen de la rembourser.

Une anomalie est également constituée par le service annexe d'amortissement de la dette ferroviaire. Les 59 milliards de francs de dettes qu'il représente ne figurent ni dans les comptes de la SNCF, ni dans les comptes de l'Etat ! Il s'agit, si ce terme a un sens, du " hors-bilan " de la SNCF. Ce " hors-bilan " s'accroît d'ailleurs puisqu'au 1er janvier 1999, 4,1 milliards de francs de dettes au bilan de la SNCF ont été transférés dans ce " hors-bilan ". Chaque année, l'Etat verse une dotation de 4,42 milliards de francs pour résorber cette dette dont on ne sait plus très bien si, juridiquement, elle lui appartient, ou si elle appartient à la SNCF.

Cet engagement apparaît à votre commission bien tardif et limité, des progrès restant à accomplir afin de doter l'Etat d'une véritable comptabilité patrimoniale.

* 13 Adopté à l'initiative de votre commission, l'article 117 de la loi de finances pour 1999 prévoit que le " jaune " budgétaire relatif à l'évolution des traitements dans la fonction publique doit désormais comporter des développements substantiels sur les retraites publiques. Ce document budgétaire ainsi enrichi, doit être déposé, pour la première fois dans le cadre du présent projet de loi de finances.

* 14 Selon un chiffrage réalisé en 1993 par l'OCDE, le montant de la " dette publique invisible " de la France serait de 216 % du PIB de 1990, contre 157 % pour l'Allemagne, 156 % pour le Royaume-Uni et 89 % pour les Etats-Unis.

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