4. L'urgence d'une réflexion sur le rôle et la place de la justice dans la société

A cet égard, la réflexion menée par la Cour de cassation sur l'augmentation permanente des flux de pourvois et la nécessité de les réguler est intéressante.

Les réflexions de la Cour des cassation sur la rôle de cette institution

L'augmentation considérable du nombre des recours depuis les 20 dernières années (75,98 %) eu égard aux possibilités de traitement de la Cour, rend indispensable l'instauration d'une procédure d'admission des pourvois. Il n'est, en effet, pas souhaitable qu'à chaque augmentation du contentieux réponde un accroissement des effectifs . Outre les difficultés budgétaires qu'elle pose, une telle solution, qui multiplie les formations de jugement et les décisions, n'est favorable, ni à l'autorité de la Cour, ni à la sécurité juridique qu'il lui appartient, au premier chef, de garantir.

Il est donc désormais inévitable d'introduire dans la procédure du pourvoi en cassation en matière civile, un dispositif de régulation qui permette d'écarter les pouvoirs irrecevables ou qui ne sont fondés sur aucun moyen sérieux.

Une telle procédure éviterait, en outre, à la Cour de cassation de rejeter cette catégorie de pourvois parasites, en y répondant par des motivations dites " brèves " ou " allégées ", rejetant en bloc, par une formule générale et unique, plusieurs moyens, motivations qui ne satisfont pas aux exigences de l'article 6§ 1 , de la Convention européenne des droits de l'homme, alors que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme n'écarte pas la possibilité, pour les cours régulatrices, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de refuser d'admettre l'examen au fond des recours manifestement dépourvus de sérieux. La position de principe de la CEDH est, en effet, que :

" l'article 6 n'interdit pas aux Etats contractants d'édicter des réglementations régissant l'accès des justiciables à une juridiction de recours, pourvu que ces réglementations aient pour but d'assurer une bonne administration de la justice. La réglementation relative à la saisie d'une juridiction de recours vise assurément à une bonne administration de la justice ".

Ce filtrage est pratiqué, sous une forme ou sous une autre dans de nombreuses cours suprêmes. Il est préconisé par la Cour de Justice des communautés européennes pour la régulation de son propre contentieux. Il doit être instauré si on entend soustraire la Cour de cassation à l'intensité d'activité décidée et imposée, dans la logique d'exercice d'une profession libérale par le corps d'avocats établi auprès d'elle.

En définitive, il s'agit, ni plus ni moins, d'introduire dans la procédure du pourvoi en cassation en matière civile, une disposition semblable à l'article 11, alinéa 1 er , de la loi du 31 décembre 1987, portant réforme du contentieux administratif qui prévoit que " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'État fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

[...]

Rendant moins de décisions significatives, la Cour de cassation serait en mesure d'élaborer une jurisprudence plus explicite dans sa motivation, plus sûre dans l'interprétation de la loi et plus cohérente entre ses diverses formations.

La réflexion menée par la Cour de cassation sur son rôle devrait être étendue à l'ensemble de la justice. En effet, l'augmentation des effectifs pour tenir compte de l'explosion des contentieux apparaîtra comme une mesure de " replâtrage " tant qu'aucune réflexion d'ensemble sur le rôle de la justice n'aura déterminé le coeur de ses missions et n'aura tracé le périmètre de son champ d'action par rapport aux autres services publics et aux professionnels privés. De même, l'augmentation régulière des crédits de la justice sera d'autant plus efficace que celle-ci maîtrise son volume d'activité et ses missions.

A cet égard, votre rapporteur tient à rappeler qu'un ancien Garde des Sceaux, M. Jacques Toubon, avait chargé M. Jean-Claude Casanova en juin 1996, remplacé ensuite par M. Alain Lancelot, d'une mission sur la définition des missions de la justice. Elle visait à redéfinir le champ d'intervention de l'institution judiciaire, notamment en dressant l'inventaire de l'ensemble des charges indues et des tâches inutiles ou obsolètes qu'il conviendrait que la Justice cessât d'exercer.

Il regrette qu'aucun rapport n'ait été publié et que le changement de majorité ait mis un terme à cette réflexion.

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