ANNEXE II :

MISSION DE L'INSPECTION GENERALE DES SERVICES JUDICIAIRES SUR LA MISE EN APPLICATION
DE LA LOI DU 15 JUIN 2000
RELATIVE AU RENFORCEMENT DE LA PROTECTION
DE LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
ET DES DROITS DES VICTIMES

Décembre 2000

Dans la perspective de l'entrée en vigueur des principales dispositions de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, Mme la garde des sceaux a, par lettre de mission du 8 novembre 2000, chargé l'inspecteur général des services judiciaires d'opérer, après examen concret de la situation des juridictions, tous constats nécessaires à un éventuel plan d'ajustement des moyens répondant tant à la diversité des besoins de chaque site qu'à chacun des volets de la loi. L'acte de saisine précisait que les investigations pourraient avoir lieu dans les juridictions suivantes :

- cour d'appel de Bourges et les tribunaux de grande instance du ressort, Bourges, Châteauroux et Nevers ;

- cour d'appel de Rouen et, dans son ressort, les tribunaux de grande instance du Havre et d'Evreux ;

- tribunal de grande instance de Bobigny ;

- tribunal de grande instance de Lyon ;

- tribunal de grande instance d'Angers ;

- tribunaux de grande instance de l'Aisne (Laon, Saint-Quentin, Soissons).

Il était ultérieurement spécifié que l'étude devrait porter sur les quatre principaux volets de la réforme : la garde à vue, la création du juge des libertés et de la détention (JLD), le recours en matière criminelle et la juridictionnalisation de l'application des peines.

Tous les inspecteurs des services judiciaires ont participé à cette mission. Ils ont rencontré les chefs des cours, des présidents de cour d'assises et de chambre d'accusation, les chefs de juridictions, les chefs de greffe, des magistrats et greffiers directement concernés par l'entrée en vigueur de la loi. Des entretiens ont également eu lieu avec les bâtonniers et les représentants des organisations professionnelles de magistrats et de fonctionnaires qui en ont fait la demande.

A la faveur de l'exécution d'une autre mission, des inspecteurs se sont en outre rendus dans d'autres cours d'appel et tribunaux de grande instance, de sorte que les investigations ont été étendues au-delà de l'échantillon initialement sélectionné.

Compte tenu des délais impartis, la démarche suivie, sous forme d'entretiens et de recueils de données chiffrées, n'a eu d'autre objectif que de repérer les difficultés concrètes les plus prévisibles, en l'état des moyens humains et matériels réels des juridictions visitées. Ces investigations ont donné lieu, pour chacune des juridictions de l'échantillon proposé dans la lettre de mission, à la rédaction d'un compte rendu. En l'état du recensement opéré par l'administration centrale des besoins en locaux, la mission a limité les développements consacrés à cette question, dont elle a toutefois pris la mesure de l'importance selon les sites.

Au-delà des spécificités locales, il résulte de l'ensemble des éléments recueillis, que chacun des quatre volets de la réforme aura des répercussions de divers ordres sur le fonctionnement des juridictions. Si, au vu des constatations faites, certaines difficultés paraissent pouvoir être résolues, ou tout au moins largement atténuées, au bénéfice de quelques ajustements, d'autres devront conduire à un renforcement significatif des effectifs, plus particulièrement dans les greffes.

Le présent rapport de synthèse examinera successivement les conséquences à attendre de l'entrée en vigueur des trois principales dispositions de la loi du 15 juin 2000, pour les magistrats du siège et pour le greffe, et consacrera des développements particuliers aux contraintes générées par l'ensemble pour le parquet.

1. Le juge des libertés et de la détention

Cette réforme qui est d'initiative gouvernementale a été accompagnée de créations de postes de vice-présidents et de greffiers, affectés par anticipation, à la suite d'une étude d'impact conduite par la direction des services judiciaires. Pour cette raison, et moyennant quelques ajustements, elle ne devrait peser que modérément sur le fonctionnement des juridictions.

a) Les magistrats du siège

Les localisations opérées dans ce cadre s'avèrent adaptées à la situation observée, sous réserve d'une part que ces postes aient été ou soient effectivement pourvus, et que les vacances existantes soient par ailleurs comblées.

Les juridictions comptant plus de deux vice-présidents et qui devront faire face à cet aspect de la réforme à effectif constant, devraient pouvoir absorber cette charge de travail supplémentaire, prise isolément.

En revanche, dans les plus petites juridictions, il s'avère nécessaire de procéder à une mutualisation des moyens pour assurer les fonctions de JLD, pendant les fins de semaine et le service allégé, voire en permanence, en cas de postes vacants ou d'indisponibilités.

Même si cette mutualisation n'était pas possible à droit constant, les chefs de cour et les chefs des juridictions concernées avaient, toutefois, la plupart du temps, anticipé l'adaptation des textes, en décidant une mise en commun des moyens humains, généralement au niveau départemental, en faisant observer qu'en cas d'indisponibilité juridique avérée, la réforme ne pouvait être mise en oeuvre dans ces juridictions.

Les textes en cours de vote devraient, à quelques exceptions près, permettre de résoudre les problèmes de disponibilité.

Toutefois, si la taille de chaque juridiction ne justifie pas la création d'un poste de vice-président, un tel renforcement dans l'une des juridictions qui mettent en commun leurs moyens pourrait néanmoins être envisagé pour faciliter la mutualisation, au regard des contraintes légales et des autres charges de ces juridictions.

Les situations d'incompatibilité pour le jugement des affaires correctionnelles devront être réglées soit par la délocalisation des procédures, soit par des délégations ponctuelles. L'une et l'autre de ces solutions ne sont pas sans inconvénients sur la gestion des audiences et, au-delà, sur le fonctionnement des juridictions.

Cependant, l'ampleur de la difficulté doit être relativisée, au regard du nombre de mandats de dépôt délivrés sur une année dans ces petites juridictions en matière correctionnelle ; elle ne devra pas être perdue de vue lorsqu'il s'agira de composer les formations des cours d'assises, s'agissant de l'incidence des mandats de dépôt criminels.

Il y a là, pour les chefs de cour, une obligation nouvelle de veiller à une bonne coordination entre les juridictions mutualisées et à l'établissement de règles de fonctionnement claires et équilibrées.

b) Le greffe

Plus préoccupante est la situation du greffe, souvent en sous-effectif (budgétaire ou réel) dans les juridictions visitées, même lorsque des postes ont été créés par anticipation.

Quelle que soit l'organisation retenue, les tâches de greffe, même si elles sont en théorie simplement transférées, seront plus " consommatrices " de temps, notamment d'attente : disponibilité du JLD, lecture du dossier, déplacements des personnes présentées... Il en résultera aussi nécessairement des récupérations liées à la tardiveté de présentation de certains déférés, aggravée par la double comparution.

Pour les prolongations de détention, doit être pris en compte non seulement le temps d'audience, mais encore celui des convocations, extractions, notifications, et autres formalités.

En conclusion sur ce point :

1) globalement, s'agissant des magistrats du siège, ce volet de la réforme est compatible avec la situation des juridictions visitées, sous réserve de certains cas particuliers. Il sera plus difficilement absorbé par le greffe, en raison des vacances de postes recensées et de l'impact des temps de récupération.

2) la création du juge des libertés ne sera certainement pas sans incidence sur le fonctionnement général des juridictions, notamment pour celles qui devront recourir à la mutualisation de leurs moyens.

3) lorsqu'il aura été décidé de répartir le contentieux de la détention, entre plusieurs vice-présidents, des disparités de traitement pourront apparaître, d'un jour sur l'autre pour des affaires de même type, voire dans la même affaire, et pourront conduire à une multiplication des demandes de mise en liberté.

Enfin, une attention particulière doit être accordée à l'incidence qu'aura, dans certaines juridictions, l'attribution au JLD, le 16 juin 2002 au plus tard, du contentieux de la rétention des étrangers : c'est ainsi qu'au tribunal de grande instance de Bobigny, le nombre de décisions rendues sur le fondement des articles 35 bis et 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 est passé de 2.905 en 1998 à 5.305 en 1999, pour atteindre 6.325 au 20 novembre 2000, soit une progression de 118 % en moins de deux ans.

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