II. UN EFFORT BUDGÉTAIRE IMPORTANT DONT L'EFFICACITÉ N'EST PAS ÉVIDENTE

A. UN EFFORT BUDGÉTAIRE IMPORTANT

1. Une contribution publique comparativement élevée

Lors de sa présentation à la presse du budget de la recherche pur 2001, le ministre M. Roger-Gérard Schwartzenberg a précisé que la France se situait au 2 ème rang, parmi les grands pays de l'OCDE, en matière de dépense publique de recherche civile, derrière l'Allemagne.

2. Une participation relativement insuffisante du secteur privé

Le tableau suivant montre , en revanche, que nous ne figurons qu'au quatrième rang du classement de ces mêmes pays (et aussi derrière la Suède) s'agissant de la part de la DIRD 5 ( * ) en pourcentage du PIB marchand, celle-ci ayant, en outre, reculé depuis 1993 (de 2,01 à 1,83 %).

3. Un résultat global à améliorer

C'est donc bien, comme le dit le ministre, l'insuffisance des dépenses de recherche des entreprises qui explique, principalement, notre place en queue de peloton de tête des principaux pays industrialisés.

La baisse, depuis 1996, de la part des administrations dans le financement de la DNRD 6 ( * ) n'a cependant évidemment pas amélioré cette situation.

Même si notre rang a été maintenu, notre effort, un pourcentage du PIB n'en a pas moins diminué, de façon inquiétante, de 1991 à 1998, tandis que celui des pays mieux classés s'accentuait.

Quant au partage des dépenses entre les administrations et les entreprises, il a évolué de la façon suivante :

Il ressort des tableaux précédents que la part des entreprises dans le financement de la R&D française a bel et bien augmenté mais insuffisamment pour que :

- leur effort rejoigne, en pourcentage du PIB marchand, celui de leurs concurrentes étrangères ;

- nos résultats globaux et notre classement s'en trouve amélioré.

Le ministre en tire comme conclusion qu'" il importe d'amplifier l'effort de recherche public et privé pour conforter la place de notre pays parmi les grandes nations scientifiques ".

Le jugement de votre commission des finances, dans sa majorité, serait plutôt qu'il convient d'inciter les entreprises, par un allégement de leurs charges et une amélioration de leur environnement économique, à augmenter leurs dépenses de R&D tout en évitant, pour ménager les deniers publics, de trop mettre à contribution le budget de l'Etat.

B. DES DÉPENSES PUBLIQUES DONT L'EFFICACITÉ N'EST PAS ÉVIDENTE

Lors de l'examen de ce budget en commission (voir compte-rendu in fine), le Président Alain Lambert et le rapporteur général, Philippe Marini, ont insisté, le premier, sur l'efficacité décevante de l'important effort budgétaire accompli en matière de recherche, le second, sur l'absence de progrès en matière d'évaluation des dépenses des Fonds d'intervention du ministère .

L'appréciation de l'efficacité de la recherche et l'évaluation des dépenses publiques effectuées en sa faveur, directement ou par l'intermédiaire d'organismes, sont effectivement des problèmes importants.

1. Des résultats qui peuvent sembler décevants

Le tableau suivant extrait du dernier rapport de l'OST (Observatoire des Sciences et Techniques) révèle que pour un financement public de sa recherche de près de 50 %, la France arrive loin derrière l'Allemagne, les Etats-Unis et le Japon, où les financements privés sont largement majoritaires, en terme de publications et de brevets.

En outre, selon la même source, si la part mondiale des publications scientifiques de la France s'est améliorée depuis 1982, il n'en va pas du tout de même en matière de brevets ou, à l'exception de la chimie fine et de la pharmacie, le repli français est sensible dans tous les domaines technologiques, depuis 1994, y compris les technologies clé, particulièrement dans les domaines des technologies de l'information.

2. Une évaluation encore insuffisante

a) Un point de vue partagé

Parmi les dix orientations prioritaires pour la recherche qu'il a défini dans sa conférence de presse du 4 mai 2000, le ministre, Roger Gérard Schwartzenberg a fait figurer l'amélioration de l'évaluation, condition, à ses yeux, d'une garantie de la qualité de la recherche par une politique de vérité et de transparence.

Le rapporteur spécial de l'Assemblée nationale, M. Christian Cuvilliez a évoqué, pour sa part, " le déficit d'évaluation des résultats de la recherche ".

Votre rapporteur, de son côté, avait largement abordé leur question dans son rapport de l'an dernier, rappelant que l'évolution, " clé de voûte " d'un système de recherche, selon l'expression de MM. Cohen et Le Déaut, était à la fois particulièrement difficile, en raison notamment de la complexité et de la faible lisibilité de notre système, et particulièrement nécessaire.

Il avait souligné la multitude d'évaluations possibles selon leur objet (évaluation stratégique d'une politique particulière ou des orientations d'ensemble de la recherche, d'un organisme ou des travaux d'un chercheur), le moment où elles se situent (préparation, suivi de l'application, appréciation ex post des résultats des décisions) ou, enfin en fonction de leurs destinataires (autorités de tutelle, instances dirigeantes des organismes, etc...)

Il est évident que les besoins du Parlement portent en priorité sur l'évaluation des orientations stratégiques de la politique de la recherche. Mais il doit être à même d'apprécier aussi :

- le bien-fondé des choix particuliers opérés en fonction de ces orientations (en terme d'avancée scientifique, de valorisation, de compétitivité) avec l'aide d'experts

- la conformité aux objectifs affichés des décisions prises et des actions menées

- l'efficacité, en terme de résultats, des dépenses effectuées

b) Une tâche difficile

Or, il est difficile de satisfaire à ces exigences, pourtant essentielles, en raison :

- de la complexité et de la technicité des sujets en cause

- du caractère de plus en plus concerté, collectif, démultiplié et déconcentré des actions menées souvent en réseau, qui pose des problèmes de remontée et de consolidation de leurs résultats

- de la multiplicité même des instances compétentes soulignées, l'an dernier, par votre rapporteur (CSRT, CNER, CNE, Conseil national de la science, etc...)

Il importe absolument pour emporter l'adhésion de l'ensemble de la représentation nationale à l'effort public de la recherche :

- que le ministère et les organismes accentuent leurs actions de communication (qui passe par une " vulgarisation ", au bon sens du terme, des données scientifiques des problèmes de société : SIDA, prions, climatologie...)

- que soient mis en place des indicateurs simples et rapidement actualisés (les dernières statistiques exploitables de l'OST datent de 1997, c'est à dire d'il y a trois ans...)

c) L'ensemble des fonds d'intervention du ministère

L'an dernier, votre rapporteur avait souhaité que soient donnés au Parlement les moyens d'apprécier les actions financées par les crédits, en très forte augmentation, du fonds national de la science (FNS) et du fonds de la recherche technologique (FRT).

Le ministère Claude Allègre s'était engagé à tenir les assemblées informées de l'utilisation des crédits de ces fonds.

Il a tenu parole, mais les dossiers transmis aux parlementaires constituent davantage un rappel des priorités retenues et un inventaire des dépenses effectuées qu'un instrument de jugement de leur efficacité.

Les objectifs de ces fonds (soutien aux jeune chercheurs, aux recherches interdisciplinaires, aux sciences de la vie et aux technologies de l'information et de la communication), ne peuvent être qu'approuvés.

Mais qu'en est-il de la sélection des actions, de la qualité de la gestion des crédits, et des résultats des dépenses ?

S'agissant du Fonds national de la science, on sait que chaque directeur de programme est assisté d'un comité scientifique et que les priorités sont définies avec l'aide du Conseil national de la science (dont les membres sont cependant tous nommés par le ministre...)

Les modalités de sélection des priorités et de suivi de l'exécution des actions du FRT sont beaucoup moins bien connues.

Sans doute cela tient-il au fait que ce fonds finance essentiellement des réseaux et des opérations menées en partenariat, au niveau des régions.

La réorientation des interventions du fonds vers la création et le développement d'entreprises innovantes, le soutien aux PME, les réseaux associant structures publiques et privées, les sciences de la vie et les technologies de l'information, ne sauraient être critiquées.

Mais le problème de l'évaluation de la recherche technologique reste posé. En réponse à une interview au courrier de l'ANVAR 7 ( * ) Mme Geneviève Berger, nommée, depuis, à la tête du CNRS et alors directrice de la technologie avait déclaré :

" Nous devons disposer d'une vision plus claire des critères d'appréciation, à travers les produits et applications qui peuvent découler des résultats de la recherche comme au regard de leurs potentialités de transfert. C'est l'un des grands chantiers que je veux lancer. Au-delà de ce qu'on sait déjà identifier (brevets, licences, redevances, etc), il s'agit de définir de nouveaux indicateurs et de les pondérer de façon à ce que cette évaluation devienne plus objective : ce travail doit être conduit en fonction des spécificités propres à chaque secteur et en collaboration avec les organismes de recherche concernés ".

Votre commission approuve ces intentions mais constate qu'elles sont, pour le moment, restées sans effets.

De leur côté, le CNER et le CSRT, tout en approuvant certaines initiatives financées par les deux fonds (action concertée incitative en faveur des jeunes chercheurs, concours de création d'entreprises, réorientation vers les technologies de pointe essentielles à la compétitivité industrielle et vers les PME) ont fait part d'un certain nombre de préoccupations :

- souci d'une implication de toutes les structures de recherche et d'une bonne acceptation par la communauté scientifique, notamment en ce qui concerne les organismes publics qui peuvent craindre de voir diminuer les ressources qu'ils consacrent à certains programmes, compte tenu de leurs faibles marges de manoeuvre financières, alors qu'il s'agit de les inciter à s'associer à des équipes du secteur industriel ;

- regret de l'absence d'un suivi analytique de ces instruments permettant de mieux évaluer l'adéquation des recherches aux objectifs poursuivis , en terme notamment de coopération et de restructurations et souhait d'un bilan périodique dressé par des experts indépendants ;

- crainte que ne se trouve rigidifiées les interventions du FNS du fait de la pérennisation de certains soutiens (dans le domaine des sciences de la vie notamment), mais nécessité, en même temps, de trouver le moyen de prolonger des actions incitatives arrivées à leur terme (en les confiant à des organismes de recherche ou à des universités) ;

- problème de la coordination entre les priorités du Fonds et la mise à niveau des moyens des laboratoires concernés ;

- ajout, chaque année, de nouvelles priorités tendant à en banaliser la notion ;

- nécessité, enfin, d'assurer la réactivité des fonds, dont la souplesse doit être la principale qualité, aux attentes de la société.

Pour sa part, la Cour des comptes, comme le rappelle M. Cuvilliez, a également porté un jugement nuancé sur le fonctionnement de ces deux fonds.

L'absence de progrès réalisé depuis l'an dernier dans leur évaluation est l'une des principales raisons qui ont conduit votre rapporteur général à préconiser le rejet, cette année, des crédits de la recherche .

Il a également rappelé que les réformes de structures, posées par M. Claude Allègre, comme condition préalable à l'augmentation de ce budget, n'avaient pas beaucoup avancé.

* 5 Dépense Intérieure de Recherche Développement, effectuée sur le territoire français.

* 6 Dépense nationale de recherche et développement, effectuée en France et à l'étranger par des entreprises et administrations françaises.

* 7 N° 124 - avril 2000

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