III. LES RÉFORMES DE STRUCTURE ET L'APPLICATION DE LA LOI SUR L'INNOVATION ET LA RECHERCHE

A. DES RÉFORMES DE STRUCTURES LIMITÉES AU CNRS

Comme il est rappelé ci-dessus, M. Claude Allègre avait fait de la réforme des structures de la recherche française un préalable à l'augmentation de ses moyens budgétaires.

Or, à ce jour, le CNRS, seul a fait, depuis l'an dernier, l'objet d'une réforme importante qui est, d'ailleurs, seulement en train d'entrer en application.

1. La réforme du CNRS

a) L'échec d'un précédent projet

La réforme envisagée par le prédécesseur du ministre actuel avait dû être ajournée en raison de l'hostilité des chercheurs qui y voyaient la transformation du centre en simple agence de moyens et une tentative de renforcement du contrôle du ministère.

M. Claude Allègre avait en conséquence été contraint d'édulcorer son projet initial, notamment en ce qui concerne les laboratoires propres du CNRS qu'il n'était plus question de supprimer, tout en continuant de souhaiter un réaménagement des procédures de recrutement des chercheurs ainsi qu'une plus grande mobilité, appelée à devenir un élément déterminant de l'évolution des carrières, vers l'enseignement supérieur.

b) La réforme annoncée le 25 octobre

Sur proposition du ministre de la recherche, le Conseil des ministres a adopté, le 25 octobre 2000, un projet de décret modifiant l'organisation et le fonctionnement du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) approuvé préalablement par le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie.

Cinq objectifs principaux ont été privilégiés :

- clarifier la répartition des compétences entre le président et le directeur général ;

- étendre les attributions du conseil d'administration ;

- renforcer l'autonomie du CNRS ;

- assurer l'ouverture du CNRS vers l'extérieur et sur la communauté scientifique internationale ;

- instituer un Comité d'éthique au CNRS.

Le président du Centre anime et coordonne la réflexion conduisant à la définition de la politique générale du Centre. Il veille à l'application des orientations définies par le conseil d'administration. Par ailleurs, il gère le relations du CNRS avec ses partenaires socio-économiques ainsi qu'avec les universités et les organismes de recherche étrangers ou internationaux.

Pour sa part, le directeur général assure la direction scientifique, administrative et financière du Centre.

Les attribution du conseil d'administration sont élargies. Le Conseil d'administration fixe les grandes orientations du budget annuel du Centre et définit les principes qui régissent ses relations avec les organismes extérieurs. Il détermine le fonctionnement des deux nouvelles instances que constituent le comité d'évaluation externe et le comité d'éthique et en propose la nomination des membres.

Les instances scientifiques de l'établissement bénéficient d'un renforcement de leurs attributions et d'un allégement de la tutelle administrative.

Le conseil scientifique du CNRS ne comportera plus ainsi de représentants de l'administration.

La création des départements scientifiques et des instituts nationaux du CNRS ne relèvera plus désormais d'un arrêté du ministre de la recherche, mais d'une décision du directeur général après approbation par le conseil d'administration.

Plusieurs mesures assureront une ouverture accrue du CNRS sur l'extérieur et sur la communauté scientifique internationale.

Un comité d'évaluation externe est créé. Composé de personnalités scientifiques françaises et étrangères extérieures au Centre, il évaluera, au moins tous les quatre ans, les activités de celui-ci.

Le conseil scientifique du CNRS comprendra 30 membres : 8 seront des personnalités scientifiques étrangères dont 5 au moins exerçant leur activité dans un pays de l'Union européenne autre que la France ; par ailleurs, trois personnalités appartenant au monde économique siègeront dans ce Conseil.

De même, les conseils scientifiques de département comprendront eux aussi des personnalités étrangères, dont la moitié au moins exerçant leur activité dans des pays de l'Union européenne autres que la France.

Enfin, le CNRS est doté d'un Comité d'éthique. L'avis de ce comité pourra être demandé parle conseil d'administration et le conseil scientifique. Ce comité pourra se saisir de toute question qu'il jugera pertinente.

c) Les priorités

La nouvelle Directrice générale du centre, Mme Geneviève Berger, entend lui insuffler un nouveau dynamisme en le rendant plus audacieux et plus interdisciplinaire.

Deux priorités ont été fixées, qui sont dès cette année privilégiées en terme de créations d'emplois : les sciences de la vie, et les technologies de l'information et de la communication qui devraient faire l'objet de la création, au sein de l'établissement, d'un département spécialisé.

Principales données concernant le CNRS

25.000 agents, 15,8 milliards de francs de budget

- Effectifs . Un peu plus de 25.000 agents, dont 11.300 chercheurs et 14.000 ingénieurs, techniciens et administratifs.

- Unités de recherche . 1.230, dont la majorité en partenariat avec l'enseignement supérieur.

- Départements . 7, couvrant tous les champs disciplinaires : sciences physiques et mathématiques ; physique nucléaire et corpusculaire (dont l'IN2P3, Institut national de physique nucléaire et de physique des particules) ; sciences de l'Univers (dont l'INSU, Institut national des sciences de l'univers) ; sciences pour l'ingénieur ; sciences chimiques ; sciences de l'homme et de la société. Un huitième département, des sciences et technologies de l'information et de la communication, est en projet.

- Interdisciplinarité . Des actions de recherches communes sont menées dans cinq domaines : le vivant et ses enjeux, l'environnement, la dynamique de la société, les télécommunications et la cognition, les matériaux et la technologie.

- Budget . 15,8 milliards de francs (2,4 milliards d'euros) en 2000 dont plus des trois quarts sont consacrés à la masse salariale. Les ressources propres de l'établissement s'élèvent à 1,77 milliard de francs.

- Valorisation . 3.230 brevets actifs, 470 licences et 2.600 contrats industriels en cours ; plus de 220 créations d'entreprises à partir de laboratoires du CNRS.

- Coopération internationale. 180 programmes internationaux de coopération scientifique ; 35 laboratoire européens associés et jumelés ; 5.000 stagiaires étrangers accueillis dans les laboratoires.

Mme Berger, ancienne directrice de la technologie du ministère, souligne qu'il n'y a pas de développement industriel réussi ou de bonne valorisation économique, sans l'apport solide de la recherche fondamentale qui constitue la mission du CNRS.

Elle se déclare attachée, plus particulièrement, en ce qui concerne les grands équipements, à la mise en place de réseaux de transmission de données à très haut débit et à l'édification d'une très grande biothèque du vivant.

2. Les autres changements nécessaires

a) Le décloisonnement des activités

Promouvoir l'interdisciplinarité et la mobilité fait partie des dix orientations prioritaires du ministre.

Dans son rapport sur la science et la technologie en France (sur les années 1998-2000), l'Académie des sciences affirme, pour sa part, que " la manière dont est abordée et sera résolue la pluridisciplinarité est pour l'heure le sujet principal qui se pose dans notre pays ".

Or, le cloisonnement excessif de la recherche française entre ses composantes privées et publiques, d'une part, et au sein de cette dernière, entre EPST, EPIC et universités, constitue l'une des faiblesses endémiques de la recherche française.

La génomique, enjeu scientifique majeur au niveau mondial, nécessite, par exemple, une collaboration étroite entre généticiens et bio-informaticiens.

Les sciences de l'information et de la communication concernent, d'autre part, à la fois, les spécialistes du langage, de l'informatique et de l'électronique.

L'Académie préconise la création de Contrats-programmes interorganismes (CPI) entre établissements publics de recherche, laboratoires universitaires et, dans certains cas, entreprises industrielles.

Lors de la discussion du budget de la recherche à l'Assemblée nationale, le député Jean Yves Le Déaut a estimé que l'insuffisance des postes d'accueil de chercheurs dans l'Université ou d'universitaires dans la recherche était sans doute le point le plus négatif de ce budget .

S'agissant de la mobilité des chercheurs vers les entreprises, elle dépend, en grande partie, de l'application de la loi de juillet 1999 sur l'innovation et la recherche dont tous les décrets nécessaires ne sont pas encore parus (voir plus loin).

b) Une programmation pluriannuelle des recrutements

" Rajeunir la recherche " constitue la toute première priorité du ministre.

De fait, la situation, comme l'avait analysé votre rapporteur l'an dernier, est préoccupante.

Une politique de l'emploi scientifique a certes été amorcée cette année avec la reprise des recrutements évoqué dans la première partie de ce rapport.

Mais, une vision pluriannuelle, de l'avis unanime, est nécessaire, comme l'ont réclamé les 1.401 scientifiques signataires de l'appel public du 2 novembre dernier.

C'est, en effet, à peu près la moitié des ressources humaines de la recherche publique et universitaire qui devront être renouvelées d'ici 2010 (30 %, dans certaines disciplines, d'ici cinq ans).

Cette situation offre, en même temps, une opportunité unique de redéploiement des effectifs vers des disciplines prioritaires et donne des marges de manoeuvre au budget de la recherche (le salaire d'un jeune chercheur étant inférieur à celui du scientifique partant à la retraite qu'il remplace).

Une programmation pluriannuelle des recrutements, en fonction des départs prévisibles et des besoins qui doivent être privilégiés, semble absolument nécessaire.

Or, à l'exception de la réforme du CNRS ou de mesures ponctuelles comme la mise en place des CNRT, le stade des déclarations d'intention ne semble pas avoir été vraiment dépassé et on attend des décisions à la hauteur des enjeux en matière de mobilité, d'interdisciplinarité et de programmation des recrutements .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page