II. OBSERVATIONS

A. LES DOCUMENTS BUDGÉTAIRES RELATIFS AUX COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR NE DONNENT QU'UN APERÇU VAGUE ET INCOMPLET DES CONDITIONS RÉELLES DE LEUR EXÉCUTION

Il importe de souligner que les données relatives aux crédits ouverts par les lois de finances ne permettent pas d'appréhender la réalité budgétaire des comptes d'affectation spéciale en raison des particularités de leur régime et des conditions dans lesquelles s'exercent leurs opérations.

1. Le régime des comptes spéciaux du Trésor leur confère la nature " d'icebergs budgétaires "

Les comptes d'affectation spéciale " bénéficient " de reports de crédits pour un montant considérable. Ces reports qui n'apparaissent pas dans les documents budgétaires fournis à l'appui du projet de loi de finances initiale nuisent singulièrement à leur signification. Les comptes d'affectation spéciale constituent ainsi une série " d'icebergs budgétaires " dont la partie immergée, les reports de crédits, n'apparaît pas. Votre rapporteur a régulièrement souhaité qu'il soit remédié à cette "infirmité". Il a, en particulier, conseillé que le "bleu" consacré aux comptes spéciaux du Trésor comporte, pour information, une évaluation de ces reports. La réforme à l'étude de l'ordonnance organique devrait être l'occasion de trouver des solutions à ce problème.

La signification de ces reports est sans doute variable selon les situations mais, en l'état, il est difficile de l'appréhender correctement compte tenu de l'absence d'explications sur ce point.

Pour certains comptes, la formation d'importants excédents résulte de l'étalement de leurs dépenses qui s'explique par les modalités techniques de gestion des autorisations de programme rappelées plus haut. Mais, dans d'autres hypothèses les soldes traduisent des difficultés d'exécution des crédits ouverts en lois de finances, soit que les évaluations de départ aient été erronées soit que les opérations finançables se trouvent plus délicates à définir qu'escompté.

Les crédits de paiement des comptes d'affectation spéciale qui sont inscrits en loi de finances initiale excédent en effet systématiquement les crédits nécessaires. Les crédits ouverts en loi de finances sont, en effet, calibrés pour permettre l'engagement des autorisations de programme inscrites, engagement qui, du fait de la pratique des contrôleurs financiers, obligent à " réserver " l'ensemble des crédits de paiement nécessités par une opération d'investissement.

On aboutit ainsi à la situation pour le moins paradoxale où les crédits ouverts en loi de finances ne sont pas appelés à être consommés tandis que les crédits consommés ne sont pas débattus.

Autrement dit, alors que, pour le budget général, seuls sont ouverts pour une année, les crédits de paiement nécessaires à la couverture des engagements au cours de cette année, pour les comptes d'affectation spéciale, la pratique susmentionnée conduit à l'inscription de crédits de paiement dont seule une partie sera nécessaire.

Il faut souligner que cet excès de " provisionnement " est, dans son ampleur, une fonction directe de la part des crédits en capital dans le total des crédits des comptes d'affectation spéciale. Cette caractéristique n'est pas étrangère aux tentatives des gestionnaires d'accroître la proportion de leurs crédits de fonctionnement. Ces tentatives sont parfois couronnées de succès comme le démontrent les exemples du FNDS ou du Fonds national de l'eau (FNE). Elles réussissent, notons le, au détriment des investissements de l'Etat.

En toute hypothèse, le régime des comptes spéciaux du Trésor comporte des entorses au principe d'annualité budgétaire qui sont excessives.

L'importance des reports est confortée, pour certains comptes, par les effets d'une autre règle, particulière aux comptes d'affectation spéciale, édictée par l'article 25 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959. Selon cette disposition, l'exécution des crédits des comptes d'affectation spéciale est conditionnée par la constatation de recettes suffisantes. Or, certains comptes -le compte de cessions de titres publics, le FNDS, par exemple- connaissent un profil de recettes dans l'année tel qu'une proportion, variable mais significative de leurs crédits ne peut être engagée avant la date-limite fixée pour l'engagement des crédits.

La sous-consommation des crédits ouverts en loi de finances engendre des soldes qui, reportés d'un exercice à l'autre, constituent le socle de financement des crédits de l'année suivante. En effet, conformément à l'article 24 de l'ordonnance organique, sauf dispositions contraires de la loi de finances, les soldes des comptes spéciaux du Trésor sont reportés d'un exercice à l'autre et ne sont ainsi donc pas portés au compte des découverts du Trésor contrairement aux soldes des différents autres éléments du budget de l'Etat.

Cette règle générale est tempérée par l'obligation qui et posée par le même article de constater les pertes et profits réalisés par les comptes spéciaux du Trésor.

L'application de cette règle appelle un examen attentif tant elle laisse de marges d'appréciation au gouvernement. Mais, d'ores et déjà, il faut relever qu'elle est écartée pour les comptes d'affectation spéciale.

Il s'agit là d'une exception au principe de sincérité des comptes publics dont la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 devra décider du maintien ou de l'abrogation.

Au total, les soldes reportés en fin de gestion 1999 se sont élevés à 9,5 milliards de francs soit plus du cinquième des crédits ouverts en 2000.

Certains comptes enregistrent des reports de soldes considérables comme le FITTVN, le FNE et, à un moindre titre, le FNDS.

Il s'ensuit que les prévisions de recettes des comptes d'affectation spéciale n'ont qu'un lointain rapport avec leurs disponibilités.

Ainsi, malgré différentes opérations destinées à minorer l'excédent des comptes d'affectation spéciale en 1999, leur exécution a dégagé un solde positif de 3.295 millions de francs qui leur est acquis pour 2000 et s'ajoute à leur trésorerie. On relèvera qu'à l'inverse, les comptes d'avances et de prêts connaissent un important découvert. Celui-ci s'élève à 125,5 milliards de francs en cumulé.

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