II. UNE PROPOSITION DE LOI QUI AMÉNAGE LE RÉGIME DE LA CHARGE DE LA PREUVE

A. UN ÉQUILIBRE FRAGILE QUI DOIT ÊTRE PRÉSERVÉ

1. Les textes européens ont cherché à établir un équilibre entre plusieurs objectifs

Ce nouveau régime ne constitue pas une inversion " pure et simple " de la charge de la preuve.

Autant dans notre droit, il incombait au plaignant d'établir la preuve de ses dires, autant la nouvelle procédure cherche à établir un certain équilibre afin d'obliger les parties à présenter chacune leurs arguments pour permettre à une tierce partie de se faire son opinion et de trancher.

Il s'agit là néanmoins d'un changement déjà considérable et qui n'est pas sans risque.

Ce changement trouve sa justification dans les difficultés que connaissent les plaignants à prouver leurs dires comme en témoigne le faible nombre des recours devant les tribunaux et le nombre encore plus faible des décisions de justice favorables aux plaignants.

Les risques sont cependant évidents. L'aménagement de la charge de la preuve, en obligeant l'employeur à se justifier sur sa décision, ouvre la porte à des recours qui pourraient ne pas tous être mus par le désir de réparer une injustice mais qui s'expliqueraient également par la volonté d'obtenir raison d'une décision défavorable rendue sur des critères légitimes tenant, par exemple, à une différence de formation, d'aptitude, d'expérience voire même à une différence plus subjective tenant au profil, au tempérament ou à la sympathie.

En cela, l'aménagement du régime de la preuve accroît le contrôle sur les décisions de l'entrepreneur et fait même peser sur lui comme une présomption de culpabilité.

Chacun sait en effet que, dans notre société, le fait d'avoir à rendre des comptes à la justice équivaut trop souvent à une condamnation aux yeux d'une partie de l'opinion. Qui pourra affirmer qu'un chef d'entreprise obligé de se justifier de n'avoir pas agi selon des visées racistes, puis innocenté, n'aura pas à subir la même opprobre ?

Pour limiter les risques de dérive, le législateur européen a fort heureusement prévu que le plaignant devra " établir (...) des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination " 11 ( * ) . Par faits, il convient de comprendre des faits connus qui servent à constituer la preuve par présomption.

Un fait, comme un indice, est plus aisé à établir ou à rassembler qu'une preuve. Néanmoins, il se distingue du soupçon, de l'impression voire de la rumeur. On peut donc estimer que le législateur européen a trouvé un bon équilibre et qu'il convient de ne pas s'en écarter.

* 11 Voir annexe n° 2, art. 8 de la directive du 29 juin 2000, p. 65.

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