V. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : UNE PROPOSITION BIENVENUE NÉCESSITANT QUELQUES MODIFICATIONS DE FORME ET DE FOND

A. UNE PROPOSITION BIENVENUE

L'absence d'unité de la jurisprudence, aggravée par la publication de la circulaire du 16 février 1999, justifie pleinement l'intervention du législateur pour éviter que ne continuent à se développer, dans un climat devenu passionnel, des situations juridiques inextricables.

Les règles proposées relatives à la reconnaissance des décisions étrangères, à la conversion d'une adoption simple en adoption plénière et au consentement qui doit être donné à l'adoption reprennent la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation. Elles rencontrent l'adhésion de votre commission.

Votre commission considère en outre qu'il est très difficile de ne pas prévoir l'interdiction d'adopter des enfants de statut personnel prohibitif . Même si la clarification apportée par la proposition de loi est douloureuse à plusieurs égards, il ne lui semble pas souhaitable d'imposer unilatéralement l'application du droit français à des États étrangers cultivant une conception contraire à la nôtre, à partir du moment où cette conception n'est pas contraire à notre ordre public.

Or, la Cour de cassation a reconnu que l'interdiction de l'adoption n'était pas contraire à l'ordre public français (voir dernièrement, 1ère chambre civile, 19 octobre 1999) . La solution à ce délicat problème devra être trouvée par négociation avec les États concernés. Certaines évolutions de leur part peuvent en effet être espérées.

Votre commission souhaite cependant apporter quelques modifications de forme et de fond au texte adopté par l'Assemblée nationale.

B. DES MODIFICATIONS SOUHAITABLES

Votre commission souhaite apporter quelques modifications à la règle de conflit de lois posée à l'article premier et préciser l'article 3 relatif au Conseil supérieur de l'adoption.

1. En rester à la loi nationale des adoptants s'agissant des conditions de l'adoption

Le dernier alinéa du texte proposé par l'article 1 er de la proposition prévoit que " la loi française s'applique aux conditions et aux effets de l'adoption si la loi du pays d'origine n'y fait pas obstacle ".

Outre les critiques formelles pouvant être adressées à cette disposition de compromis 5 ( * ) , on peut regretter qu'elle applique de manière unilatérale la loi française aux conditions et aux effets de l'adoption sans prévoir aucune condition de rattachement. Il semble qu'elle accorde à la loi française un domaine exorbitant alors même que le texte se veut respectueux des lois étrangères.

La règle posée s'écarte ainsi de la jurisprudence traditionnelle selon laquelle les conditions et les effets de l'adoption sont régis par la loi nationale de l'adoptant.

Or, s'agissant au moins des conditions de l'adoption , votre commission estime que cette règle traditionnelle appliquée à des personnes étrangères procédant à une adoption devant les juridictions françaises a le mérite de ne pas prononcer, dans l'intérêt de l'enfant, une adoption qui risquerait de ne pas être reconnue dans le pays d'origine des adoptants étrangers.

Votre commission considère qu'il y a encore plus de risque de créer une " adoption boiteuse " en ne respectant pas le statut des parents adoptifs qu'en ne tenant pas compte du statut de l'enfant, dans la mesure où l'adopté est logiquement conduit à vivre avec ses parents adoptifs selon les lois qui les régissent.

La collaboration instituée entre les États dans le cadre de la convention de La Haye est certes basée sur la résidence. Mais la convention ne détermine pas de règle de conflit de lois, se bornant à assigner aux États d'accueil la mission de garantir la capacité d'adopter des futurs parents adoptifs et aux États d'origine celle de s'assurer que l'enfant est adoptable. La convention comprend en outre un mécanisme de reconnaissance mutuelle des décisions dans l'ensemble des pays qui y sont parties.

Votre commission souhaite donc que les conditions de l'adoption continuent d'être régies par la loi nationale de l'adoptant.

Le corollaire de ce principe est l'interdiction d'adopter pour les personnes dont la loi nationale prohibe cette institution , sachant que des personnes intégrées dans la nation française peuvent échapper à l'application de leur loi nationale en France en demandant la nationalité française.

Votre commission juge utile de préciser en outre la loi applicable en cas d'adoption par deux époux. Cette loi serait celle qui régit leur union , sachant qu'il serait précisé que deux époux de loi nationale différente prohibant l'une et l'autre l'adoption ne pourraient cependant pas adopter.

S'agissant des effets de l'adoption , votre commission estime judicieux en revanche d'appliquer en France, comme l'a prévu l'Assemblée nationale, la loi française à l'ensemble des adoptions prononcées en France comme à l'étranger pour éviter la multiplication des statuts différents sur le territoire.

2. Prévoir des exceptions à la prohibition de l'adoption posée par la loi personnelle des adoptés

Considérant qu'il ne convient pas d'aller à l'encontre de la loi personnelle des adoptés, votre commission vous proposera d'affirmer ce principe de manière plus nette que ne le fait la proposition de loi.

En revanche, elle vous proposera quelques amodiations à ce principe :

- l'interdiction ne serait explicite que concernant les mineurs étrangers . Elle ne toucherait donc pas les majeurs et tomberait à l'égard de personnes acquérant la nationalité française, alors même qu'elles n'en perdraient pas pour autant leur nationalité d'origine ;

- elle ne s'appliquerait pas aux enfants nés en France et y résidant , compte tenu des liens particuliers que ces enfants, qui ont d'ailleurs vocation à devenir français de manière automatique, entretiennent avec la France ;

- elle ne s'appliquerait pas aux procédures engagées avant l'entrée en vigueur de la loi. Votre commission vous proposera à cet effet d'adopter une disposition transitoire dans un article additionnel après l'article premier .

3. Préciser le contenu du consentement et les caractéristiques de l'adoption plénière

Votre commission considère que le consentement à l'adoption plénière doit être donné en connaissance de cause du caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant pour éviter toute mauvaise interprétation de la part des parents biologiques. Une adoption prononcée à l'étranger ne pourrait en tout état de cause être assimilée d'emblée à une adoption plénière que si la loi locale prévoit une rupture complète et irrévocable du lien de filiation.

Il convient de préciser que ce n'est pas l'adoption elle-même qui doit être irrévocable dans le pays d'origine mais la rupture du lien de filiation. Le caractère irrévocable de l'adoption elle-même résultera en France de l'application de l'article 359 du code civil destiné à éviter qu'un enfant adopté plénièrement ne se retrouve sans filiation à la suite d'une révocation de l'adoption. Il ne concerne pas les parents biologiques ni l'État d'origine mais les seuls parents adoptifs.

4. Autres modifications

Sur la forme , il est apparu préférable de scinder l'article 370-3 du code civil en trois articles pour améliorer la lisibilité du code et de traiter d'abord des conditions du prononcé de l'adoption en France avant d'envisager les effets de l'adoption prononcée à l'étranger.

Votre commission vous proposera enfin de modifier l'article 3 relatif au Conseil supérieur de l'adoption pour inclure dans sa composition des associations regroupant des personnes adoptées, hors les pupilles de l'État, et attribuer certaines prérogatives, quant à son fonctionnement, au ministre chargé de la famille plutôt qu'au ministre des affaires sociales.

Votre commission vous proposera d'adopter la proposition de loi ainsi modifiée .

* 5 Se reporter à l'analyse effectuée dans la discussion des articles

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