2. Une recommandation aisée à mettre en oeuvre

Devant l'Assemblée nationale, M. Daniel Vaillant, ministre de l'Intérieur, a estimé que cette exigence justifiait le report des élections législatives après les élections présidentielles :

"  (...) l'élection présidentielle, en application de l'article 7 de la Constitution, ne peut être organisée en 2002 que les 14 et 28 avril, ou bien les 21 avril et 5 mai.

" Si pour répondre à la préoccupation exprimée par le Conseil constitutionnel , la date la plus tardive était choisie, les présentations des candidats au Conseil constitutionnel pour les élus habilités seraient fixées, en application des textes en vigueur, au 2 avril à minuit. Cette conséquence ne constitue pas en soi une difficulté insurmontable mais le législateur se doit d'avoir une vue à long terme, dans la perspective de la perpétuation d'un tel calendrier électoral. Il droit prendre en compte le fait que cette difficulté technique, mineure en 2002 (...) ne fera que s'aggraver ensuite parce que la date de passation des pouvoirs entre le nouveau Président de la République et le Président sortant s'est toujours faite avant la date d'expiration des pouvoirs de ce dernier, ce qui entraîne une avancée dans le temps de la date de l'élection présidentielle (...).

" Cet effet mécanique qui conduit à ce qu'en 2002, l'élection présidentielle ait lieu quatorze jours plus tôt que dans l'année 1974 ne permettra pas, à terme, de respecter les exigences de clarté des " parrainages " affichés par le Conseil constitutionnel, à moins de réduire de plus en plus le temps laissé aux élus pour effectuer les présentations des candidats, ce qui finirait par causer une difficulté insurmontable " 20 ( * ) .

Observons tout d'abord qu'il est singulier que pareil argument soit avancé à l'occasion de la discussion de la présente proposition de loi organique.

Pour tenir compte des observations du Conseil constitutionnel formulées en juillet dernier, le Gouvernement a déposé un projet de loi organique relatif à l'élection du Président de la République actuellement en cours de discussion. Le Gouvernement n'a pas cru utile ou nécessaire, dans ce texte pourtant spécifiquement destiné à mettre en oeuvre les recommandations du Conseil, de formuler une proposition quelconque à propos des dates des scrutins. Il a même demandé le retrait d'un amendement tendant à modifier l'ordre des consultations électorales lors de l'examen de ce projet de loi en première lecture par l'Assemblée nationale.

Il est surtout difficile de percevoir où se situe la difficulté évoquée par le ministre de l'Intérieur. Une difficulté dans l'organisation des parrainages des candidats à l'élection présidentielle ne pourrait surgir que si le Gouvernement, compétent pour fixer les dates des élections, retenait parmi les dates possibles la plus tardive pour l'organisation des élections législatives et la plus précoce pour l'organisation de l'élection présidentielle.

En se fondant sur cette hypothèse, M. Bernard Roman, rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi organique, a estimé que le calendrier prévu soulèverait des difficultés pratiques :

"(...) si, à l'issue des élections à l'Assemblée nationale, l'un des candidats, pressenti ou officiellement en lice, tirait les conclusions de ce scrutin en décidant de ne pas se présenter au bénéfice d'une autre personnalité, le recueil des signatures nécessaires à cette nouvelle candidature ne serait plus possible. On peut présager de la confusion qui naîtrait d'une telle situation. Si, par exemple, le premier tour des présidentielles se déroulait le 14 avril, les cinq cents signatures devraient être recueillies avant le 27 mars alors que le second tour des législatives pourrait avoir eu lieu le 31 mars. De plus, on voit mal comment le Conseil constitutionnel pourrait alors exercer les contrôles adéquats " 21 ( * ) .

Assurément, l'hypothèse envisagée par le rapporteur de l'Assemblée nationale (élections législatives les 24 et 31 mars - élection présidentielle les 14 et 21 avril) soulèverait des difficultés sérieuses pour l'organisation des parrainages des candidats à l'élection présidentielle et ne permettrait pas de répondre au souhait du Conseil constitutionnel.

Toutefois, il n'est pas absolument certain que le Gouvernement choisira le dimanche de Pâques pour organiser le second tour des élections législatives, alors qu'il lui est loisible d'organiser ces élections entre le 3 février et le 31 mars !...

Les élections présidentielles ne peuvent, pour leur part, en vertu de la Constitution, être organisées que les 14 et 21 ou les 21 avril et 5 mai. Le choix de la date la plus tardive serait conforme aux solutions retenues lors des précédentes élections.

Dans cette hypothèse, il n'existe aucune difficulté pour faire en sorte que les citoyens habilités à présenter un candidat à l'élection présidentielle puissent le faire après avoir pris connaissance du résultat des élections législatives.

Les formulaires de présentation des candidats devront en effet être adressés au plus tard à minuit le dix-neuvième jour précédent le premier tour de l'élection, soit le 2 avril dans l'hypothèse d'un premier tour le 21.

Si le Gouvernement choisissait d'organiser les élections législatives en février, comme il peut le faire, le délai entre les deux consultations serait très étendu et permettrait d'organiser sans difficulté les parrainages.

Toutefois, le Gouvernement pourrait ne pas souhaiter organiser les élections législatives en février, dans la mesure où les nouvelles listes électorales sont arrêtées le dernier jour de février de chaque année.

Si le Gouvernement choisit d'organiser les élections législatives en mars, il peut aisément le faire en permettant aux citoyens susceptibles de présenter des candidats à l'élection présidentielle de procéder à cette présentation après avoir pris connaissance du résultat des élections législatives . Si le second tour des élections législatives est organisé le 10 mars, 23 jours sépareront ce second tour de la date limite d'envoi des formulaires de présentation. Dans l'hypothèse d'un second tour des élections législatives le 17 mars, 16 jours sépareront encore ce second tour de la date limite d'envoi des formulaires de présentation.

Rappelons que le législateur n'a décidé, en 1994, de reporter les élections municipales de mars 1995, que parce que les 36.000 maires de France n'auraient eu, dans l'hypothèse d'un maintien à la date prévue de ces élections, qu'une unique journée pour décider de parrainer un candidat à l'élection présidentielle.

La sage recommandation du Conseil constitutionnel peut donc être mise en oeuvre sans bouleverser l'ordre d'organisation des consultations électorales.

M. le ministre de l'Intérieur a fait valoir que, si les difficultés ne se posaient pas dès 2002, elles interviendraient nécessairement plus tard, dans la mesure où la passation des pouvoirs est en général organisée avant la date d'expiration du mandat du Président de la République, de sorte que les élections présidentielles sont organisées de plus en plus tôt.

A ce sujet, deux remarques peuvent être formulées. D'une part, ce scénario qui, en toute hypothèse, ne soulèvera des difficultés que dans de très nombreuses années, suppose qu'à l'avenir tous les présidents de la République achèvent leur mandat, de telle sorte que le moment de l'élection présidentielle ne soit jamais modifié. D'autre part, dans certaines hypothèses, ce phénomène d'avancée dans le temps de la date de l'élection présidentielle ne se produit pas. Ainsi, en 1988, M. François Mitterrand s'est succédé à lui-même de telle sorte que son nouveau mandat a commencé le jour de l'expiration du précédent. A l'avenir, rien n'oblige à devancer l'appel si cela présente un quelconque inconvénient.

Il n'existe en conséquence aucune difficulté pratique, aucun motif d'intérêt général susceptible de justifier une modification de la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale et donc une prorogation de la durée du mandat des députés. Il ne s'agit pas en l'espèce de savoir si le Gouvernement peut régler une difficulté pratique par d'autres moyens que la modification du calendrier électoral, mais de constater qu'il n'existe en fait pas de difficulté pratique.

* 20 JO Débats AN, 2 ème séance du 19 décembre 2000, pp. 10460-10461.

* 21 Rapport n°2791, p. 10.

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