B. LE PROJET DE RÉFORME DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

1. Contenu

Le projet de règlement présenté par la Commission européenne prévoit explicitement une réforme de l'OCM " sucre " en 2003, à l'occasion de la révision de l'Agenda 2000. L'exposé des motifs indique que cette réforme nécessitera un réexamen à la fois des quotas et du niveau des prix d'intervention.

Dans cette optique, la Commission présentera au Conseil un rapport évaluant le fonctionnement de l'OCM, en tenant compte des négociations appelées à se dérouler dans le cadre de l'Organisation mondiale du Commerce.

Par conséquent, le projet de règlement prévoit de ne reconduire le régime actuel de l'OCM que pour une durée de deux ans .

Maintenant à leur niveau actuel les prix minimaux et d'intervention, pour sa durée d'application, ce projet de règlement propose néanmoins dans l'immédiat des aménagements tendant à :

- diminuer les quotas de 115.000 tonnes

Le projet de règlement propose, en premier lieu de diminuer définitivement de 115.000 tonnes les quotas de production de sucre, ce volume correspondant à la moitié de l'excédent structurel communautaire.

La Commission définit cet excédent structurel comme la part de l'excédent de sucre produit sous quota -par rapport à la consommation européenne- qui ne peut être exportée avec des restitutions, compte tenu des contraintes définies dans le cadre de l'Organisation mondiale du Commerce. Elle l'estime, sur la base des chiffres de la campagne 1999-2000, à 230.000 tonnes de sucre.

Cette réduction devant s'effectuer selon la clef de répartition définie pour le déclassement, il en résulterait pour la France une diminution de 0,93 % du quota sucre.

A la différence de la réduction conjoncturelle permise par le système de l'ajustement annuel automatique des quotas, il s'agit ici d'une réduction définitive et structurelle des quantités de sucre autorisées à la production sous quotas.

- démanteler un certain nombre de mécanismes de gestion

La suppression du système de péréquation des frais de stockage

Le projet de règlement de la Commission européenne supprime le système de péréquation des frais de stockage. Les deux effets attendus de cette mesure sont, d'une part, l'accroissement de la concurrence entre les producteurs de sucre, en particulier dans les zones géographiques où plusieurs d'entre eux coexistent à proximité d'un grand marché, d'autre part une réduction de 300 millions de francs des dépenses annuelles du FEOGA.

La suppression de l'obligation de stockage minimal

Instauré en 1974, dans un contexte de pénurie mondiale de sucre, le régime du stockage minimal visait à garantir un approvisionnement normal du marché communautaire.

Fixé à l'origine à 10 % de la quantité de sucre produite annuellement par chaque entreprise, le taux de stockage minimal, progressivement réduit, s'élève actuellement à 3 %. Ce dernier taux, qui correspond à un stock d'environ 400.000 tonnes, représente onze jours de consommation pour le marché européen.

Les arguments invoqués par la Commission à l'appui de cette proposition de suppression sont, d'une part, le fait que cette situation de pénurie ne s'est plus répétée et, d'autre part, que ce régime génère des coûts administratifs trop importants.

La suppression du financement du stockage des sucres reportés

L'abolition du système de péréquation des frais de stockage aurait comme effet indirect de supprimer également le financement du stockage des sucres reportés.

Une partie de la production de sucre C peut en effet être stockée et reportée sur l'année suivante. Elle est alors considérée comme du sucre sous quota, au titre duquel peut être perçue la prime pour frais de stockage.

La Commission considère que cette facilité contribue à alimenter l'excédent structurel communautaire.

La suppression de la participation du FEOGA au financement des restitutions à la production de sucre versées à l'industrie chimique.

Comme les autres branches industrielles, l'industrie chimique européenne est soumise aux prix en vigueur sur le marché mondial, les droits de douane qui la protégeaient ayant été abolis.

La perte de compétitivité qu'elle subit en raison du surcoût lié à l'achat de sucre communautaire lui est compensée par le versement de restitutions à la production, à la charge des producteurs de la filière sucre.

Néanmoins, le FEOGA prend jusqu'à présent en charge une partie de ces restitutions à la production, dans la limite de 60 000 tonnes.

La Commission propose de supprimer cette franchise, dans la mesure où elle considère le sucre écoulé par l'industrie chimique comme du sucre exportable vers les pays tiers.

Le démantèlement de ces différents mécanismes de gestion est d'autant plus condamnable qu'il ne se fonde sur aucune étude préalable et qu'il concerne des dispositifs dont l'efficacité était jusqu'à présent reconnue, ainsi qu'en témoignent les exposés des motifs des règlements successifs relatifs à l'OCM " sucre ".

Par ailleurs, la proposition de règlement impose également aux Etats membres de prendre des mesures environnementales particulières destinées à la filière betterave-sucre et d'en rendre compte à la Commission avant le 30 juin 2002.

2. Les fondements de cette proposition de réforme

Les mesures proposées par la Commission sont guidées par des préoccupations relatives à l'impact de l'OCM " sucre " sur les consommateurs, la concurrence dans le secteur, les pays en développement, ainsi qu'elle l'énonce dans l'exposé des motifs de la proposition de règlement.

Impact sur les consommateurs européens

La réforme proposée par la Commission est avant tout fondée sur le constat d'une surélévation des prix communautaires du sucre par rapport aux prix mondiaux.

Cette situation s'explique par une diminution continue des prix du sucre sur le marché mondial, en relation avec l'apparition d'un excédent de production. Cet excédent se retrouve également sur le marché communautaire, dont la production annuelle de sucre blanc s'établit à 18 millions de tonnes, alors que la consommation européenne est inférieure à 13 millions de tonnes.

Le système de prix garantis à l'intérieur des quotas a pour conséquence une surélévation des prix communautaires par rapport aux cours mondiaux du sucre. Selon la Cour des comptes européenne, les prix européens seraient ainsi trois fois supérieurs aux prix mondiaux.

Il en résulterait un surcoût annuel pour les consommateurs européens estimé à 6,5 milliards d'euros.

Impact sur la concurrence du secteur sucrier

Une autre critique adressée à l'OCM " sucre " réside dans l'insuffisante concurrence qui prévaudrait entre les opérateurs de ce secteur, en raison de la segmentation du marché du sucre permise par l'existence des quotas, ainsi que de la concentration de l'industrie sucrière.

Impact sur les pays en développement

La Commission souligne également que le surplus de production exporté grâce aux restitutions à l'exportation pourrait avoir des effets pénalisants pour les pays en voie de développement.

Par ailleurs, le souci de prendre en compte les exigences de l'OMC n'est pas absent des motivations de la Commission, puisque celle-ci indique que le rapport d'évaluation du fonctionnement de l'OCM " sucre ", commandé pour 2002, devra tenir compte des négociations multilatérales appelées à se dérouler.

Enfin, comme le souligne le rapport du député européen Joseph Daul, rapporteur de la proposition de règlement au nom de la Commission de l'agriculture du Parlement européen, cette réforme répond également aux préoccupations budgétaires de la Commission, qui souhaite garantir la stabilisation financière décidée à travers l'accord de Berlin.

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