b) Les inconvénients d'une technique évolutive

Les composites s'améliorent sans cesse. « Au cours de ces dernières années, les composites ont subi des améliorations importantes grâce à la combinaison des avantages des générations antérieures ». Les nouvelles générations combinent des améliorations dans la composition et une plus grande facilité de prise. Paradoxalement, ces améliorations successives constituent un handicap. Trois arguments peuvent être évoqués pour illustrer ce phénomène :

- tout d'abord, ces changements continuels révèlent une technique encore hésitante . Tous les produits évoluent, y compris l'amalgame (l'amalgame « non gamma 2 », à prise plus rapide et à longévité supérieure, s'est pratiquement substitué à l'amalgame traditionnel...) mais les composites combinent une résine, un liant qui va assurer la polymérisation, et un adhésif qui va assurer le collage. Or, chacun de ces trois éléments évolue à son rythme, de telle sorte que depuis que les composites sont couramment utilisés en odontologie, dans les années 70, il n'y a pratiquement pas d'année où il n'y en ait eu de nouveaux, supposés plus performants que les précédents. Une telle succession suscite des interrogations légitimes, tant sur la qualité des anciens composites - eux aussi présentés en leur temps, comme meilleurs que ceux d'avant -, que sur la qualité de ceux d'aujourd'hui.

A partir du principe bien connu : le composite d'aujourd'hui est meilleur que celui d'hier... mais moins bon que celui de demain, autant donc attendre celui d'après demain. En outre, selon un intervenant, « tous les quatre mois, on développe un nouveau système. Ce rythme interdit des études épidémiologiques de longue durée ».

- ensuite, la famille des composites est très hétérogène . Alors que l'amalgame est un produit simple, parfaitement connu et fort peu évolutif (à l'exception du saut qualitatif du « non gamma 2 », et du mode de préparation, par capsules prédosées), les composites forment en réalité une famille de produits très divers.

Des différences majeures apparaissent tant dans la composition des produits que dans le mode de polymérisation. Plus de quarante substances différentes peuvent entrer dans la composition d'un composite (sans compter les différences de taille des particules et dans les proportions utilisées). On distingue ainsi les composites dits traditionnels à partir de macro particules, les composites « micro fins » incorporant des micro particules de silice (verre), et des composites hybrides , mélange des précédents. Cette catégorie est elle-même divisée en plusieurs sous-groupes puisqu'on ne compte pas moins de quinze composites hybrides différents.

Le mode de polymérisation est une autre source d'hétérogénéité puisque la polymérisation qui assure la « prise » du composite peut être réalisée soit par mélange chimique - par mélange de pâtes ou apport de liquide - soit par processus photochimique, par exposition à la lumière. Une lumière qui peut provenir soit d'ultraviolets soit d'une source lumineuse forte mais plus banale (la « lumière bleue »). Toutes ces techniques et tous ces matériaux coexistent dans les cabinets dentaires.

Chaque méthode a montré ses limites : la polymérisation chimique ne garantissait pas le mélange parfait des pâtes ; la polymérisation photochimique dépendait de la qualité de la lumière, ajoutait une exigence d'entretien supplémentaire (contrôle des lampes, dont la lumière diminue sensiblement avec le vieillissement...), n'était pas sans faille, puisque la profondeur de la polymérisation dépend du degré d'exposition à la lumière. Avant que ces inconvénients n'apparaissent à l'usage, des milliers de composites ont ainsi été posés et ont dû être refaits.

Il résulte de ces deux inconvénients -modifications fréquentes et hétérogénéité des produits- que l'observateur, et en particulier le scientifique, manque de recul pour juger de la validité et notamment de l'innocuité du produit.

Beaucoup de personnes auditionnées ont insisté sur ce point, en considérant que si le principe de précaution trouve à s'appliquer pour éviter la pose d'amalgame, qui est un matériau très ancien, il trouve à s'appliquer avec non moins de force dans le cas de composite qui est un matériau nouveau. Les « effets pervers » ne sont pas -tous et/ou encore- connus, mais ils existent.

L'une de ces inquiétudes concerne le comportement à long terme du composite après polymérisation, et en particulier le sort de ce qu'on appelle les « radicaux libres ». Une molécule se compose d'un noyau central et d'une sorte de bras, les « radicaux ». La polymérisation va permettre d'« agglomérer » les molécules entre elles, par l'intermédiaire de ces bras précisément, qui servent à « accrocher » la molécule voisine. Mais pour la partie du composite exposée à l'air, une partie des bras reste « dans le vide », puisqu'ils ne rencontrent pas d'autres bras et d'autres molécules avec lesquels s'agglomérer. C'est ce qu'on appelle les « radicaux libres ». A notre connaissance, il n'y a encore aucune étude sur les radicaux libres des composites.

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