TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MME ELISABETH GUIGOU, MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ

Réunie le mardi 3 avril 2001, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , sur le projet de loi n° 185 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de modernisation sociale .

Dans son propos liminaire, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a souligné que la modernisation sociale était au coeur de l'action du Gouvernement, comme l'attestent les différentes réformes entreprises, depuis 1997, en ce domaine. Elle a également indiqué que, dans les prochaines semaines, d'autres réformes seraient soumises à l'examen du Parlement en ce qui concerne, notamment, la protection et l'accompagnement des personnes âgées dépendantes ou la reconnaissance des droits des malades.

Mais elle a considéré que la modernisation sociale passait également par une adaptation permanente des droits et des régimes sociaux. Elle a estimé que le projet de loi comportait à ce titre deux domaines fondamentaux : d'une part, la sécurité des personnes face aux risques de la vie et du travail et d'autre part le droit à l'emploi.

Mme Elisabeth Guigou a, tout d'abord, présenté les différentes dispositions du projet de loi relatives au système de santé, considéré tant du point de vue des professionnels que des patients.

En ce qui concerne les établissements publics de santé, elle a rappelé l'attention toute particulière accordée par le Gouvernement à la situation des personnels hospitaliers, qui s'est concrétisée par la signature de protocoles en mars 2000 et mars 2001. Le projet de loi de modernisation sociale définit donc les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de ces protocoles. L'inscription systématique dans les projets d'établissement d'un volet social portant sur les conditions de travail est ainsi prévue avec la formation et l'évolution des qualifications. Comme les autres volets du projet d'établissement, ce volet social fera l'objet d'une concertation interne approfondie et servira de base aux contrats d'objectifs et de moyens conclus avec les agences régionales d'hospitalisation. Par ailleurs, le projet de loi entend également répondre au souci légitime de mobilité et de promotion des cadres et agents hospitaliers, en les faisant bénéficier de bilans de compétences qui, à l'instar des salariés du secteur privé et des fonctionnaires de l'Etat, leur permettront d'orienter leurs évolutions professionnelles et leurs carrières.

Evoquant le rôle essentiel de l'hôpital dans la formation des professionnels de santé, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que le Gouvernement, favorable aux demandes exprimées par ces derniers, propose également de réformer les études médicales, afin d'y redonner toute sa place à la médecine générale, qui doit être une discipline au même titre que l'ensemble des spécialités. L'internat concernera ainsi l'ensemble des étudiants en médecine. Enfin, et dans le même ordre d'idées, le Gouvernement souhaite permettre aux praticiens de s'inscrire dans des démarches de qualité. A cette fin, le projet de loi de modernisation sociale contient des dispositions relatives à la qualification des professionnels de santé et à l'observation des règles de sécurité indispensables pour le bon accomplissement de certains actes chirurgicaux particulièrement délicats (chirurgie esthétique ou pose d'implants dentaires, notamment).

Mme Elisabeth Guigou a ensuite présenté les dispositions du projet de loi visant, d'une part, à permettre aux personnes en garde à vue ou en centre de rétention de bénéficier de soins par le biais de l'aide médicale de l'Etat et celles relatives, d'autre part, à l'accueil familial des personnes âgées et des personnes handicapées. Sur ce dernier point, elle a précisé que le projet de loi prévoit de renforcer les droits sociaux des familles accueillantes tout en assurant, aux personnes âgées ou handicapées, les conditions d'un accueil de qualité.

Elle a également indiqué que le projet de loi de modernisation sociale était l'occasion, pour le Gouvernement, de réaffirmer son attachement au système de retraite par répartition, en y inscrivant l'article relatif à l'abrogation de la loi n° 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite, dite " loi Thomas ", qui avait été initialement introduit dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, mais que le Conseil constitutionnel avait censuré au motif que cet article n'entrait pas dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale.

S'agissant, par ailleurs, de l'article 8 du projet de loi relatif à la Caisse des Français de l'étranger, elle a présenté le nouveau dispositif visant à permettre aux expatriés disposant de ressources modestes d'adhérer à cette caisse dans des conditions financières plus favorables. Ce dispositif sera financé sur les crédits du ministère des affaires étrangères, complétés par une dotation initiale financée par la Caisse des Français de l'étranger. Elle a souligné l'utilité de cette mesure de justice sociale en faveur des expatriés, qui ne sont pas tous des diplomates, des travailleurs hautement qualifiés ou des artistes de notoriété internationale.

Puis Mme Elisabeth Guigou a abordé les dispositions du projet de loi visant à donner au droit à l'emploi une extension nouvelle.

Elle a, tout d'abord, souligné les résultats considérables obtenus sur le front de l'emploi depuis trois ans, sous l'effet des politiques volontaristes de soutien à la croissance, de lutte contre le chômage et de développement de l'emploi (35 heures, emplois-jeunes, programmes de trajets d'accès à l'emploi (TRACE) en faveur des jeunes et " nouveau départ " en faveur des chômeurs de longue durée). Avec une baisse d'un tiers du nombre de chômeurs depuis juin 1997 (soit 1.045.000 demandeurs d'emploi de moins) et un taux de chômage ramené de 12,6 à 8,8 % fin février 2001, la France se situe ainsi en tête des pays européens. L'année 2000, au cours de laquelle 500.000 emplois ont été créés, a d'ailleurs été particulièrement exceptionnelle.

Tout en se félicitant de ces résultats, Mme Elisabeth Guigou a néanmoins rappelé que le droit à l'emploi n'est pas toujours garanti à tous, notamment à ceux qui sont victimes de licenciements et à ceux qui demeurent dans une situation de précarité, car cantonnés dans des contrats de travail de courte durée et tenus à l'écart des emplois permanents. Elle a tout d'abord affirmé la volonté du Gouvernement de légiférer contre les licenciements abusifs, soulignant que l'actualité récente mettait en évidence la nécessité et l'utilité de définir des règles strictes en ce domaine. Evoquant, à cette occasion, le cas particulier des licenciements annoncés par le groupe Marks et Spencer, elle a indiqué que le Gouvernement avait demandé à l'inspection du travail d'ouvrir une enquête à ce sujet, tout en regrettant, par ailleurs, que les arguties juridiques soulevées par le Royaume-Uni aient empêché, jusqu'à présent, l'adoption de règles européennes garantissant notamment une meilleure information préalable des représentants du personnel et des salariés dans de telles situations.

Estimant que, si les licenciements, toujours traumatisants pour les salariés, étaient parfois nécessaires à la survie de l'entreprise, ils étaient révoltants lorsqu'ils devenaient des actes de gestion courante. Il en était ainsi lorsque ces licenciements n'étaient pas liés aux difficultés des marchés, lorsque l'entreprise annonçait des résultats florissants ou lorsqu'ils intervenaient après des efforts très importants de productivité demandés aux salariés.

Mme Elisabeth Guigou a ensuite exposé les différentes dispositions du projet de loi de modernisation sociale visant à mieux garantir les droits des salariés en cas de licenciements, à savoir :

- l'obligation, pour les employeurs, de conclure, ou du moins de négocier, un accord sur la réduction du temps de travail préalablement à tout plan social (si cette obligation n'est pas respectée, les représentants du personnel auront la faculté de saisir le juge de référés qui pourra, dès lors, suspendre la procédure en cours) ;

- le renforcement substantiel, lorsque les licenciements sont cependant devenus inévitables, des compétences des représentants du personnel pour garantir les droits des salariés en améliorant, d'une part, l'implantation des institutions représentatives du personnel et en favorisant, d'autre part, l'information, la plus précoce possible, des représentants du personnel ;

- la nécessité de rechercher toutes les opportunités de reclassement en préalable à tout licenciement économique, l'employeur devant, d'une part, procéder à cette recherche non seulement dans son entreprise mais, si tel est le cas, dans l'unité économique et sociale ou le groupe dans lesquels l'entreprise est intégrée et, d'autre part, mettre en place un plan social mobilisant tous les moyens dont il dispose.

S'agissant de la lutte contre le recours abusif aux emplois précaires, Mme Elisabeth Guigou a indiqué que le projet de loi renforce le principe, qui figure déjà dans la loi, selon lequel des emplois temporaires ne peuvent être substitués à des emplois permanents liés à l'activité normale de l'entreprise. D'autres mesures du projet de loi répondent à une préoccupation identique, qu'il s'agisse, notamment, de la définition plus stricte du délai de carence ou des dispositions visant à garantir l'égalité, à qualification et formation identiques, entre travailleurs temporaires et titulaires d'emplois permanents.

Elle a précisé que la politique du Gouvernement pour l'emploi s'inscrivait également dans une perspective dynamique, comme l'atteste la validation des acquis de l'expérience professionnelle qui, associée à d'autres dispositions en matière de formation professionnelle, favorisera la mobilité des salariés, la reconnaissance de leur qualification et de leur progression professionnelles.

Enfin, Mme Elisabeth Guigou a souligné l'importance des dispositions du projet de loi relatives à la reconnaissance, dans le code du travail, du harcèlement moral. Elle a indiqué qu'elle avait reçu M. Michel Debout, auteur du rapport du Conseil économique et social, devant lequel elle doit prochainement s'exprimer sur ce sujet. Elle a également précisé que les travaux des principaux experts concernés, ainsi que les arguments d'un certain nombre de parlementaires, l'avaient conduite à souhaiter l'engagement d'un travail législatif en ce domaine. Elle a ainsi rappelé le dispositif déjà adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, qui est organisé autour des éléments suivants :

- une définition du harcèlement moral, sans portée pénale, mettant l'accent sur la notion de répétition des agissements, dont l'objet ou l'effet est de porter atteinte à la dignité du salarié et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;

- la nullité des sanctions disciplinaires et de la rupture du contrat de travail qui serait la conséquence d'un harcèlement moral ou de son refus ;

- la responsabilité, incombant au chef d'entreprise, de la prévention du harcèlement (en rappelant, notamment, le principe d'exécution de bonne foi des contrats).

Concluant son propos introductif, Mme Elisabeth Guigou a exprimé le souhait que ce dispositif puisse, lors de son examen devant le Parlement, être complété sur certains points particuliers : la victime, ou le témoin, pourrait ainsi bénéficier d'un régime d'aménagement de la charge de la preuve devant le juge du contrat, et ce, afin de rendre compatible la législation nationale avec les directives communautaires ; les organisations syndicales et les associations pourraient saisir le juge du contrat au lieu et place de la victime ; enfin, de nouvelles prérogatives pourraient être reconnues aux élus du personnel en vue de prévenir le harcèlement moral dans l'entreprise.

M. Claude Huriet, rapporteur, a indiqué que l'article 6 ter du projet de loi instaurait, lors de l'appel de préparation à la défense, un examen médical et des tests psychotechniques. Il s'est interrogé sur les finalités de cet examen et de ces tests et sur les moyens que le Gouvernement entendait consacrer pour la mise en oeuvre de cette disposition.

Après avoir rappelé que l'article 38 de la loi portant création d'une couverture maladie universelle autorisait les aides-opératoires à accomplir des actes d'assistance auprès d'un praticien au cours d'une intervention chirurgicale lorsqu'ils avaient exercé cette activité professionnelle depuis une durée au moins égale à six ans et qu'ils avaient satisfait, avant le 31 décembre 2002, à des épreuves de vérification des connaissances dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, il a souligné que l'article 6 quater du projet de loi prolongeait de deux années cette échéance, en la portant au 31 décembre 2004. Il a souhaité connaître la justification de cette disposition et les raisons pour lesquelles le décret en Conseil d'Etat n'était toujours pas publié près de deux ans après le vote de la loi CMU.

M. Claude Huriet, rapporteur, a enfin souhaité connaître l'analyse que formulait le Gouvernement au sujet de l'article 28 sexies du projet de loi qui suspend, en l'attente de la décision définitive prononcée par la juridiction pénale, les sanctions susceptibles d'être infligées par l'Ordre lorsque les procédures disciplinaires ont été engagées du fait du signalement par un médecin en cas de sévices ou privations qui lui permettent de présumer que des violences physiques ou sexuelles ont été commises.

M. Bernard Seillier, rapporteur, concernant la réforme de l'accueil familial prévue à l'article 14, s'est interrogé sur la possibilité de se référer au code du travail pour qualifier juridiquement les prestations de services effectuées par les accueillants familiaux et sur l'amélioration du régime de formation professionnelle de ces derniers. S'agissant de l'article 28 ter relatif au stationnement des personnes handicapées, il s'est inquiété des risques d'abus dès lors que l'accès aux places réservées pourrait être accordé par le maire sur seule présentation d'un certificat médical. Enfin, il s'est interrogé sur l'absence de mise en place de la réforme de la composition des tribunaux des contentieux de l'incapacité parallèlement à celle de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAT) prévue à l'article 10 quater.

M. Alain Gournac, rapporteur, après avoir rappelé que, lors de son audition par la commission le 21 novembre 2000, la ministre avait déclaré, en réponse à une question de M. Louis Souvet, rapporteur pour avis des crédits consacrés au travail et à l'emploi du projet de loi de finances, que " le Gouvernement allait présenter sans tarder un projet de loi comportant des modifications des dispositifs visés par la nouvelle convention d'assurance chômage ", a souhaité savoir quand le Gouvernement prévoyait de présenter ces dispositions au Parlement et pourquoi il n'avait pas souhaité les introduire dans le présent projet de loi.

Revenant sur les méthodes employées récemment par certaines grandes entreprises pour réorganiser leur activité sans se soucier des salariés, qu'il a jugées indignes, il a souhaité savoir dans quelle mesure le dispositif de l'article 32 du projet de loi aurait permis d'apporter une réponse aux " affaires " récentes dont le Premier ministre s'était largement fait l'écho.

M. Alain Gournac, rapporteur, a ensuite évoqué l'article 73 du projet de loi qui autorise les communes et les départements à accorder des subventions aux syndicats, en soulignant qu'il portait atteinte tant à l'indépendance des syndicats qu'à la libre administration des collectivités locales.

Estimant qu'il constituait, par ailleurs, une source de confusion dans le débat ouvert récemment sur les modalités de financement des syndicats, il a interrogé la ministre sur son éventuelle suppression.

Il a également souhaité connaître, de façon générale, la position du Gouvernement concernant un financement public des syndicats.

M. Alain Gournac, rapporteur, a enfin interrogé la ministre sur l'introduction dans le code du travail de la notion de harcèlement moral. A cet égard, tout en soulignant la gravité du sujet qui appelle une extrême vigilance, il s'est interrogé sur la nécessité de légiférer en la matière, considérant que la jurisprudence permettait déjà d'apporter des réponses, mais aussi sur le caractère parcellaire des dispositions adoptées à l'Assemblée nationale.

Mme Annick Bocandé, rapporteur, s'est interrogée sur l'articulation entre les dispositions relatives à la formation professionnelle du projet de loi et la négociation nationale interprofessionnelle lancée par les partenaires sociaux sur ce sujet.

Elle s'est également interrogée sur le bilan des expérimentations menées par le Gouvernement en matière de validation des acquis professionnels.

En réponse à M. Claude Huriet, rapporteur, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que l'article 6 ter du projet de loi résultait d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale et auquel le Gouvernement avait donné un avis défavorable. Elle a dit comprendre les motivations de cet article, qui répondait à un souci de santé publique, mais a souligné les difficultés de sa mise en oeuvre. Elle a considéré que la journée d'appel de préparation à la défense pourrait être l'occasion d'une information systématique à l'intention des jeunes, sur les sujets de santé les concernant, ce qui serait probablement plus utile qu'un examen médical.

Evoquant l'article 6 quater du projet de loi, elle a rappelé que l'article 38 de la loi CMU avait été adopté contre l'avis du Gouvernement et que les organisations représentatives des infirmiers de bloc opératoire demandaient toujours son abrogation. Elle a précisé que le décret en Conseil d'Etat prévu audit article 38 n'avait toujours pas été publié en raison de la forte opposition de ces organisations. Elle a souligné que le Gouvernement poursuivait les négociations sur ce texte et que l'article 6 quater adopté par l'Assemblée nationale se limitait à prolonger l'échéance de deux années sans augmenter en rien la population concernée par cette disposition.

S'agissant de l'article 28 sexies, elle a considéré que son principe était bon et qu'il convenait effectivement d'améliorer la protection juridique des professions de santé amenées à effectuer des signalements. Elle a néanmoins jugé que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale n'était pas satisfaisante et méritait d'être améliorée.

Répondant à M. Bernard Seillier, rapporteur, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé que l'article 14 du projet de loi réformait le dispositif de la loi n° 89-475 du 10 juillet 1989 relative à l'accueil par des particuliers, à leur domicile, à titre onéreux, de personnes âgées ou handicapées adultes afin de le rendre plus lisible et de valoriser la qualité de l'accueil, notamment par l'élaboration d'un contrat-type d'accueil sur le plan national.

S'interrogeant sur les conséquences juridiques du lien de subordination prévu dans un contrat de travail dans le cas de l'accueil familial, elle a rappelé que le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de l'Assemblée nationale sur l'amendement en cause. Elle s'est déclarée favorable à ce qu'une institution sociale et médico-sociale puisse jouer le rôle d'employeur vis-à-vis d'accueillants familiaux en accord avec les conseils généraux.

Concernant l'article 28 ter, elle a rappelé que les maires pourraient délivrer des autorisations de stationnement sur les places réservées aux personnes handicapées, aux titulaires de la carte " station debout pénible " ainsi que, pour une période limitée, aux personnes victimes d'une limitation importante mais temporaire de mobilité. Elle a estimé que le sens de la responsabilité des maires permettrait d'éviter les abus.

S'agissant de l'article 10 quater relatif à la CNITAT, elle a indiqué que cet article avait pour but de donner une assise juridique plus solide à cette instance contentieuse. Elle a estimé que la composition des tribunaux du contentieux de l'incapacité devrait également être revue mais que cette réforme devrait être mise en oeuvre progressivement au fur et à mesure de la mise en place de moyens financiers nouveaux.

En réponse aux questions de M. Alain Gournac, rapporteur, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a expliqué que le Gouvernement n'avait pas souhaité intégrer les modifications législatives rendues nécessaires par la nouvelle convention d'assurance chômage afin de ne pas surcharger le présent projet de loi. Elle a en revanche annoncé que le Parlement devrait examiner très prochainement un projet de loi spécifique ayant vocation à être adopté avant le 1 er juillet 2001 afin de permettre l'entrée en vigueur de la nouvelle convention d'assurance chômage.

Evoquant les récentes annonces de plans sociaux et de fermetures de sites, Mme Elisabeth Guigou a considéré que les dispositions prévues par le projet de loi de modernisation sociale avaient pour objet de prévenir les licenciements économiques, à défaut de pouvoir les empêcher, et d'accroître les obligations de reclassements.

Elle a considéré qu'il était nécessaire que les salariés soient informés en amont des projets de restructuration et puissent en débattre.

Revenant sur les plans sociaux annoncés récemment, elle a déclaré que le Gouvernement serait particulièrement vigilant quant au respect des obligations de reclassement et a évoqué les instructions précises adressées en ce sens aux préfets.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a souligné que l'annonce des fermetures de ses magasins en France par Marks et Spencer, sans aucune information préalable des représentants du personnel, était intolérable et inacceptable. A cet égard, elle a rapproché l'attitude de cette entreprise britannique de celle du Gouvernement de M. Tony Blair en regrettant sa constante opposition à l'adoption par le Conseil du projet de directive relative à l'information et à la consultation des travailleurs.

Elle a observé que ce projet de directive élaboré voilà deux ans déjà par la Commission européenne avait été inscrit à l'ordre du jour du Conseil par Martine Aubry lors de la présidence française de l'Union européenne. Alors que les réticences de certains Etats membres avaient été levées, elle a regretté l'attitude du Royaume-Uni qui a obtenu le retrait de l'examen de ce texte de l'ordre du jour du Conseil de décembre pour des raisons de procédure.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a souhaité que ce projet de directive soit examiné à l'issue de la présidence suédoise en juin.

Concernant l'article 73 du projet de loi qui reconnaît la possibilité pour les collectivités locales de subventionner les syndicats, elle a considéré que ses modalités d'application seraient définies par un décret en Conseil d'Etat. Elle a constaté que les syndicats approuvaient ce dispositif qu'ils ne considéraient pas comme susceptible de porter atteinte à leur indépendance. Elle a observé qu'un financement public des syndicats existait déjà sous la forme notamment de subventions en matière économique, sociale et syndicale.

S'agissant du harcèlement moral, Mme Elisabeth Guigou a reconnu que les juges se prononçaient déjà, mais rarement, sur ce sujet en se fondant sur le droit existant. Elle a cependant considéré que les bases juridiques actuelles se révèlent extrêmement générales. Elle a indiqué qu'elle était favorable à une législation spécifique en la matière et qu'elle en avait largement débattu avec les partenaires sociaux, précisant que les organisations syndicales y étaient favorables et que les organisations patronales n'affichaient pas de réticences fortes. Elle a exprimé le souhait d'une amélioration des dispositions votées à l'Assemblée nationale au cours de la navette. Elle a estimé que la récente enquête de l'Association nationale des directeurs et cadres de la fonction personnel (ANDCP) et la proposition d'avis déjà votée à l'unanimité par la section du travail du Conseil économique et social contribueraient utilement à ce débat.

En réponse à Mme Annick Bocandé, rapporteur, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que le volet formation professionnelle du projet de loi constituait un aménagement important au système français de formation continue datant de 1971. Elle a précisé que le Gouvernement ne souhaitait pas pour autant empiéter sur le champ des compétences des partenaires sociaux traditionnellement large en matière de formation professionnelle. Prenant l'exemple de la validation des acquis de l'expérience, elle a ainsi rappelé que le projet de loi se contentait de fixer le cadre de la validation laissant à la négociation le soin de définir les conditions du congé correspondant. Elle a en outre déclaré être intéressée par les discussions actuelles entre partenaires sociaux estimant que celles-ci ne manqueraient pas d'être fécondes.

S'agissant des expérimentations, elle a rappelé que le comité de coordination des programmes régionaux de formation et de l'apprentissage était chargé de les évaluer, mais qu'il était encore trop tôt pour en tirer un bilan définitif. Elle a toutefois signalé que les expérimentations en matière de validation s'étaient traduites par des accords avec les régions essentiellement afin d'améliorer l'information des usagers et avec trois branches professionnelles dans le souci de réaliser un inventaire des certifications actuelles, cet inventaire préfigurant en quelque sorte le futur répertoire national des certifications professionnelles.

M. Jean Chérioux s'est interrogé sur l'article 74 du projet de loi, relatif à la participation. Rappelant qu'il était favorable à un développement de la participation et une meilleure représentation des salariés actionnaires, il s'est toutefois interrogé sur le risque grave d'inconstitutionnalité des dispositions votées à l'Assemblée nationale.

M. Louis Souvet a souhaité connaître l'avis du Gouvernement concernant la compatibilité entre les dispositions prévues par l'article 32 relatif aux annonces publiques et les exigences du droit boursier.

Il a remarqué que les délais prévus pour réunir les institutions représentatives du personnel en cas de plan social pouvaient poser des difficultés pour certaines PME.

Il a dénoncé la brutalité des annonces de fermeture de sites par Marks et Spencer et s'est interrogé sur la légalité de la démarche suivie.

M. Alain Vasselle , observant que l'article 14 ter relatif aux droits fondamentaux des personnes handicapées mentionnait l'accès à un " minimum de ressources adapté ", s'est demandé si cette disposition conduirait à revaloriser le niveau des ressources des personnes handicapées placées en foyer occupationnel après prélèvement des frais d'hébergement.

Il s'est interrogé sur les dispositions de l'article 20 relatives à la fonction publique permettant le cumul entre une activité privée et une activité publique. Il a souhaité avoir communication des futurs décrets d'application estimant que la portée de la mesure dépendrait en définitive du contenu des textes d'application.

Il s'est également interrogé sur les conséquences de l'introduction de la notion de situation de famille à l'article 50 du projet de loi concernant la discrimination en matière d'attribution de logements et a souhaité des éclaircissements sur l'interprétation de cette notion.

M. Guy Fischer a estimé que les récentes annonces de plans sociaux modifiaient les enjeux de la discussion du projet de loi de modernisation sociale.

Il a considéré que ces annonces brutales de licenciements nourrissaient la colère des salariés et appelaient des réponses fortes de la part du Gouvernement, concernant notamment la lutte contre la précarité. Il a évoqué l'intention du groupe communiste républicain et citoyen de demander la discussion de la proposition de loi relative aux licenciements pour motif économique qu'il a déposée en septembre 1999. Il a souhaité obtenir des précisions concernant la publication des décrets d'application de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale le 21 décembre 2000 à l'initiative de M. Robert Hue qui institue une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises.

M. Philippe Richert, rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a souhaité connaître les éléments statistiques les plus récents concernant la répartition par sexe des salariés selon la nature de leur contrat de travail (contrat à durée indéterminée (CDI), contrat à durée déterminée (CDD), contrat d'intérim et travail à temps partiel). Il a également demandé à la ministre de préciser ses projets concernant les moyens de permettre aux femmes d'accéder à des emplois plus stables au sein du monde du travail.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué tout d'abord que les dispositions de l'article 74 allaient dans le sens d'un renforcement de l'actionnariat salarié et d'une meilleure représentation des salariés actionnaires. Elle a souligné que les employeurs n'y étaient pas opposés. Elle a en outre considéré que cet article ne lui semblait pas poser de problème particulier d'un point de vue constitutionnel.

S'agissant de la compatibilité entre l'information du personnel et le droit boursier, elle a estimé qu'il était normal que les représentants du personnel soient consultés sur les projets qui pouvaient avoir des conséquences sur l'emploi. Elle a observé que les délégués du personnel étaient tenus à la confidentialité, ce qui devait permettre de concilier les nouveaux droits reconnus aux salariés avec le respect du droit boursier.

Concernant le minimum des ressources des personnes handicapées, elle a rappelé que l'allocation aux adultes handicapés (AAH) assurait un minimum de ressources d'environ 3.650 francs par mois pour les personnes les plus lourdement handicapées. Elle a souligné que l'AAH avait été augmentée de 2,1 % au 1 er janvier 2001 et que l'évolution de cette prestation avait été plus forte en moyenne depuis juin 1997 que sur les périodes précédentes.

Elle a indiqué qu'elle lui ferait parvenir ultérieurement des réponses précises à ses questions concernant la fonction publique et le logement.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité a confirmé que le projet de loi renforçait la réglementation relative aux contrats de travail précaire afin de mettre un terme à certains abus concernant les conditions de rémunération de ces contrats ou leur renouvellement. Elle a cité, à cet égard, la pratique répandue consistant à compter le week-end comme délai de carence pour faire se succéder des contrats de cinq jours tous les jours ouvrables de la semaine.

Revenant sur l'annonce de la fermeture des implantations de Marks et Spencer, elle a réitéré la détermination du Gouvernement à veiller à l'application du droit du travail.

Elle a rappelé par ailleurs que plus de 1,5 million d'emplois avaient été créés depuis 1997 et que la part des CDI était en augmentation dans le total, ce qui illustrait l'amélioration de la qualité des emplois créés.

Elle a observé que le nombre de licenciements économiques avait diminué de 40 % en rythme annuel depuis 1997 et que le nombre de plans sociaux avait été ramené de 168 en juin 1997 à 70 en février 2001. En dépit de ces bons résultats, elle a fait part de sa préoccupation devant les annonces en cours et à venir.

Evoquant la proposition de loi adoptée à l'initiative de M. Robert Hue, elle a précisé que les décrets d'application étaient en préparation.

Elle a rappelé enfin que la réduction du temps de travail avait eu un effet bénéfique insuffisamment évoqué en matière de résorption de la précarité de l'emploi, puisqu'elle a notamment permis de créer 50.000 CDI qui se sont substitués à des emplois partiels ou instables.

Elle a cependant reconnu que près de 80 % des emplois non qualifiés du secteur tertiaire étaient occupés par des femmes, qui représentent globalement 9 % de la population active occupant des emplois précaires, les hommes en occupant 8 %.

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