M. CLAUDE HURIET, RAPPORTEUR

Art. 28 sexies (nouveau)
(art. L. 4214-6 du code de la santé publique)
Poursuites disciplinaires contre un médecin
ayant dénoncé des sévices contre des enfants

Objet : Cet article tend à protéger le médecin contre d'éventuelles sanctions disciplinaires qui résulteraient du simple fait du signalement des sévices qu'il a constatés sur un enfant.

I - Le dispositif proposé

Cet article additionnel introduit par l'Assemblée nationale en première lecture résulte d'un amendement présenté par M. Philippe Nauche, rapporteur.

Il complète l'article L. 4124-6 du code de la santé publique, relatif aux peines disciplinaires que peuvent infliger les ordres professionnels, par un alinéa consacré aux procédures disciplinaires engagées du fait du signalement par un médecin de sévices ou privations sur un enfant.

Cet alinéa prévoit qu'en l'attente de la décision définitive prononcée par la juridiction pénale, les sanctions disciplinaires ne peuvent être prononcées lorsque les procédures disciplinaires ont été engagées du fait du signalement par un médecin de cas de sévices ou privations qu'il a constatés sur le plan physique ou psychique dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques ou sexuelles de toute nature ont été commises.

II - La position de votre commission

Votre rapporteur approuve l'objectif visé par le présent article.

En effet, conformément à l'article 226-14 du code pénal, la révélation du secret professionnel ne peut être reprochée :

1° à celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique ;

2° au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices qu'il a constatés dans l'exercice de sa profession et qui permettent de présumer que des violences sexuelles de toute nature ont été commises.

Pour votre rapporteur, il apparaît donc normal qu'en pareil cas, le médecin ne puisse faire l'objet de sanctions disciplinaires du simple fait du signalement des sévices qu'il a constatés. Compte tenu du principe d'indépendance de la juridiction disciplinaire de l'ordre, qui résulte de l'article L. 4126-5 du code de la santé publique, il semble de fait nécessaire d'inscrire clairement ce principe de la loi.

Naturellement, si le signalement de sévices ne peut en lui-même être reproché au médecin, les conditions dans lesquelles ce dernier l'a fait peuvent relever de la procédure disciplinaire, par exemple en cas d'affirmation non vérifiée sur l'auteur présumé ou de remise d'un certificat à l'un des parents et non aux autorités mentionnées par le code pénal.

La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale soulève un certain nombre de difficultés juridiques.

Ainsi, il serait préférable de se référer dans le texte de l'article aux signalements prévus par le code pénal. Les mentionner en des termes différents, comme c'est le cas de la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, pourrait être une source de difficulté d'interprétation. Elle pourrait notamment laisser croire que la révélation d'informations couvertes par le secret professionnel est autorisée en cas de signalement de violences autres que sexuelles sur la personne d'un adulte en mesure de se protéger, ce qui n'est pas exact en l'état actuel du code pénal.

De même, lorsque des poursuites pénales sont engagées contre le médecin pour violation du secret professionnel ou toute autre infraction commise à l'occasion d'un signalement, l'instance disciplinaire, si elle est parallèlement saisie, doit surseoir à statuer jusqu'à la décision définitive de la juridiction pénale, afin d'éviter toute contradiction dans l'appréciation des faits. Il convient là encore de mentionner la nature des poursuites pénales qui entraînent le sursis à statuer afin que la juridiction disciplinaire connaisse exactement l'étendue de son obligation.

Votre rapporteur vous propose en conséquence une nouvelle rédaction de cet article, comportant deux alinéas.

Le premier prévoit qu'aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée du fait du signalement de sévices par le médecin aux autorités compétentes dans les conditions prévues à l'article 226-14 du code pénal.

Le second précise que lorsque l'instance disciplinaire est informée de l'engagement, à la suite d'un tel signalement, de poursuites pénales pour violation du secret professionnel ou toute autre infraction commise à l'occasion de ce signalement, elle surseoit à statuer jusqu'à la décision définitive de la juridiction pénale.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

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