CHAPITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 10 A (nouveau)
(art. 21-1 nouveau de
l'ordonnance
n°58-1270 du 22 décembre 1958)
Voies
complémentaires de recrutement
aux premier et second grades
Inséré par l'Assemblée nationale, à
l'initiative du Gouvernement, cet article prévoit l'introduction au sein
de l'ordonnance organique, à titre permanent, de
deux nouvelles voies
de recrutement
des magistrats respectivement aux premier et second grades.
Actuellement, en dehors des voies d'accès à la magistrature
prévues par l'ordonnance statutaire, seule une loi organique
spécifique peut autoriser un recrutement exceptionnel de magistrats de
l'ordre judiciaire.
Ainsi la loi organique n° 80-844 du 29 octobre 1980
70(
*
)
a ouvert des concours exceptionnels en
1980 et en 1982, permettant le recrutement de 166 magistrats. La loi organique
n° 91-358 du 15 avril 1991 a autorisé deux concours
exceptionnels au cours de cette année et partant, le recrutement de 93
magistrats. De même, plus récemment, trois concours
exceptionnels
71(
*
)
aux
différents grades pour chacune des années 1998 et 1999 ont
été organisés conformément à la loi
organique n° 98-105 du 24 février 1998, grâce
à laquelle 200 magistrats supplémentaires ont pu être
intégrés
72(
*
)
. Au
total près de 460 magistrats ont été recrutés par
cette voie.
L'article 10 A constitue une véritable novation puisqu'il s'agit
d'inscrire dans l'ordonnance statutaire de nouvelles possibilités
permanentes pour recruter des magistrats. Ainsi, il sera désormais
possible d'éviter de recourir à une loi organique
spécifique, seule alternative pour organiser un recrutement en dehors
des voies classiques définies jusqu'à présent par
l'ordonnance statutaire.
Deux voies nouvelles s'ajouteront aux quatre autres modes de recrutement
prévus par l'ordonnance statutaire, en l'état actuel du droit en
vigueur .
- L'accès à la magistrature par l'Ecole nationale de la
magistrature constitue la source de recrutement principale du corps des
magistrats. 190 postes ont été ouverts pour l'année 2000.
Trois concours organisés chaque année permettent d'y
accéder :
• le premier concours (article 17, 1°, de l'ordonnance statutaire)
s'adresse aux candidats âgés de 27 ans au plus, au 1
er
janvier de l'année du concours, titulaires soit d'un diplôme
sanctionnant une formation équivalente à quatre années
d'études supérieures après le baccalauréat,
d'origine nationale ou délivré par un Etat membre de la
Communauté européenne et reconnu comme équivalent par le
Garde des Sceaux après avis d'une commission, soit d'un diplôme
d'un institut d'études politiques, soit du titre d'ancien
élève d'une école normale supérieure ;
• le deuxième concours (article 17, 2,° de l'ordonnance
statutaire) est réservé aux fonctionnaires et agents de l'Etat,
âgés de 40 ans au plus au 1
er
janvier de l'année
du concours et justifiant à cette date de quatre années de
services en ces qualités ;
• le troisième concours (article 17, 3°, de l'ordonnance
statutaire
73(
*
)
) est ouvert aux
candidats âgés de 40 ans au plus au 1
er
janvier de
l'année du concours, justifiant durant huit années au total d'une
ou plusieurs activités professionnelles, d'un ou plusieurs mandats de
membre d'une assemblée élue d'une collectivité
territoriale ou de fonctions juridictionnelles exercées à titre
non professionnel.
Chaque année, des auditeurs de justice peuvent également
être recrutés sur titres en application de l'article 18-1 de
l'ordonnance statutaire
74(
*
)
.
- L'intégration directe dans le corps judiciaire permet des
nominations de magistrats aux différents grades : l'article 40 de
l'ordonnance statutaire concerne les magistrats intégrés hors
hiérarchie, son article 24 permet un recrutement au second groupe du
premier grade, son article 23 vise l'intégration au premier groupe du
premier grade et son article 22 au second grade. Cette procédure
est néanmoins très peu utilisée, puisque moins d'une
trentaine de magistrats par an en sont issus.
- Des recrutements de magistrats exerçant leurs fonctions pour une
durée limitée ont été ouverts en 1992 et en 1995.
Il s'agit des fonctions de conseillers et avocats généraux
à la Cour de cassation en service extraordinaire
75(
*
)
, de conseillers de cour d'appel en
service extraordinaire, de magistrats exerçant à titre
temporaire
76(
*
)
, ainsi que de
certains magistrats des premier et second grades
77(
*
)
recrutés par détachement
judiciaire. Dans la pratique, ces voies de recrutement n'ont pas
été beaucoup utilisées, le nombre de recrutements
étant resté faible.
Il convient de rappeler qu'à l'initiative de votre commission, a
été introduit en première lecture un article additionnel
destiné à doubler le nombre maximum de conseillers à la
Cour de cassation en service extraordinaire, que l'Assemblée nationale a
complété en l'étendant aux magistrats du parquet (cf infra
article 10).
Par ailleurs votre commission regrette que la Chancellerie n'ait pas davantage
favorisé le recrutement de magistrats à titre temporaire qui
présentait outre l'avantage d'une grande souplesse, d'un faible
coût, la garantie de choisir des candidats dotés d'une solide
expérience. En 1998, seuls 4 candidats, contre 8
78(
*
)
en 1999 et 2
79(
*
)
en 2000 ont été
nommés en cette qualité.
L'article 10 A
définit l'ensemble des conditions
permettant
l'accès aux deux nouveaux concours :
• L'âge exigé pour être candidat, au 1
er
janvier de l'année du concours, est plus élevé que pour
les autres concours d'accès à l'Ecole nationale de la
magistrature, soit 40 ans au moins pour le concours permettant l'accès
au second grade, et 50 ans au moins pour celui permettant l'accès au
premier grade. Ainsi, ces recrutements présenteront l'avantage de lisser
une pyramide des âges menacée d'un rétrécissement
très net du sommet, compte tenu de l'accroissement prévisible des
départs en retraite à partir de 2007.
• En matière de diplôme, sont posées des exigences
identiques à celles prévues pour les candidats au premier
concours de l'Ecole nationale de la magistrature, telles qu'elles
résultent du 1° de l'article 16 de l'ordonnance statutaire.
• Les candidats doivent être de nationalité
française, jouir de leurs droits civiques et être de bonne
moralité, se trouver en position régulière au regard du
service national et enfin satisfaire aux conditions d'aptitude physique,
être reconnus indemnes de toute affection donnant droit à un
congé de longue durée, comme l'ensemble des candidats aux
concours d'entrée à l'ENM.
• Enfin, une justification d'une expérience professionnelle dans
le domaine juridique, administratif, économique et social qualifiant
spécialement les candidats pour exercer des fonctions judiciaires, d'une
durée respective de 10 ans pour le concours d'accès aux fonctions
du second grade et de 15 ans pour le concours d'accès aux fonctions du
premier grade, est requise.
Les conditions relatives à la durée minimum d'activité
professionnelle existaient déjà lors des précédents
recrutements exceptionnels. Cependant, on peut souligner qu'une qualification
professionnelle particulière pour prétendre à la
magistrature est exigée, comme lors des concours exceptionnels de 1980
et 1991. En revanche, aucune précision quant à la nature de
l'activité exercée antérieurement ne figurait dans la loi
n°98-105 du 24 février 1998 précitée puisque les
candidats devaient justifier uniquement de 8 années d'activités
professionnelles quelle qu'elles soient.
Ce nouveau mode de recrutement constituera sans doute
" une
avancée très positive, en permettant enfin d'ouvrir le
recrutement à des personnalités non issues de la forme de
recrutement classique
80(
*
)
",
comme l'a souligné le
rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale.
Votre commission considère que ces règles offrent les garanties
d'un recrutement à la fois plus diversifié et de qualité,
et semblent conformes à la jurisprudence du Conseil constitutionnel dans
sa décision n° 98-396 DC du 19 février 1998
précitée, pour qui "
les règles de recrutement des
magistrats de l'ordre judiciaire fixées par le législateur
organique doivent concourir, notamment en posant des exigences précises
quant à la capacité des intéressés, conformes aux
conditions découlant de l'article 6 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen, à assurer le respect tant du principe
d'égalité devant la justice que de l'indépendance dans
l'exercice de leurs fonctions
".
A cet égard, votre rapporteur souhaite attirer l'attention du
Gouvernement afin que les épreuves retenues pour sélectionner les
candidats à ces concours porte davantage sur leur capacité
à analyser des cas concrets ainsi qu'à rédiger des
jugements plutôt que sur l'étendue de leurs compétences
théoriques.
L'article 10 A précise également l'ensemble des dispositions
relatives à la formation des candidats admis aux deux nouveaux concours,
dispensée à l'Ecole nationale de la magistrature. Ils sont
rémunérés pendant cette période.
Comme pour les auditeurs de justice, des stages se déroulant dans les
conditions fixées par les articles 19 et 20 de l'ordonnance statutaire
sont prévus. Au cours de ces stages, les candidats admis participent
à l'activité juridictionnelle, sans toutefois recevoir
délégation de signature. Ils pourront assister les juges
d'instruction ou les magistrats du ministère public, siéger en
surnombre et participer avec voix consultative aux
délibérés des juridictions civiles et correctionnelles,
présenter devant celles-ci des réquisitions et des conclusions et
assister aux délibérés des cours d'assises. Ils seront
également tenus au secret professionnel. Ils devront
préalablement à toute activité juridictionnelle
prêter serment devant la cour d'appel et jurer de conserver le secret de
tous les actes qu'ils auront à connaître durant leur stage.
L'article 10 A définit les règles de nominations qui s'imposent.
Elles doivent s'effectuer, conformément aux dispositions prévues
à l'article 28 de l'ordonnance statutaire, par un décret du
Président de la République, pris sur proposition du Garde des
sceaux après avis conforme de la formation compétente du Conseil
supérieur de la magistrature s'agissant des magistrats du siège
et après avis simple de la formation compétente du même
Conseil s'agissant des magistrats du parquet.
A l'instar des auditeurs de justice, la procédure dite de
" transparence " prévue à l'article 27-1 de
l'ordonnance statutaire, qui exige la diffusion à l'ensemble des
magistrats des projets de nomination émanant de la Chancellerie,
accompagnés de la liste des candidats, ne leur est pas applicable.
Une reprise des années d'activité professionnelle exercées
antérieurement pour leur classement indiciaire dans leur grade, ainsi
que pour leur avancement, est également prévue. Cette mesure ne
fait que s'inscrire dans le prolongement des propositions du Sénat. Par
souci d'équité, celui-ci avait en effet introduit un article
additionnel prévoyant des dispositions similaires à
l'égard des magistrats recrutés par la voie des deuxième
et troisième concours ou admis sur titre
81(
*
)
.
L'article 10 A étend également la prise en compte des
années antérieures d'activité au calcul du droit à
pension, en application des dispositions de l'article 25-4 de l'ordonnance
statutaire. Cette disposition s'inscrit dans le même esprit que celui qui
avait conduit votre commission à compléter en première
lecture l'article 5 du présent projet de loi (adopté
conforme par l'Assemblée nationale), afin d'offrir aux magistrats
recrutés par concours exceptionnels la possibilité de racheter
leurs droits à pension.
A cette occasion, le Gouvernement avait exprimé une certaine
réserve à l'égard d'une mesure qui nécessitait
selon lui, "
une expertise
"
82(
*
)
. Il semble néanmoins qu'en
introduisant une telle disposition au bénéfice des magistrats
issus des nouveaux concours, il ait été sensible aux arguments de
votre rapporteur qui s'était montré soucieux d'éviter une
désaffection de certaines voies de recrutement.
Cependant, les voies normales de recrutement des magistrats demeureront celles
des trois concours de l'Ecole nationale de la magistrature. En effet, l'article
10 A fixe des plafonds afin de limiter les admissions par la voie de ces
nouveaux recrutements. Le nombre de places au concours d'accès au second
grade de la hiérarchie judiciaire ne pourra dépasser le seuil
d'un quart du nombre total d'auditeurs de justice recrutés
l'année précédant ce concours.
De même l'inscription au tableau d'avancement demeure la règle de
l'accès au premier grade puisque le nombre de places offertes au
concours de recrutement au premier grade de la hiérarchie judiciaire ne
pourra excéder un dixième du nombre total de nominations en
avancement au premier grade prononcées au cours de l'année
précédente.
Enfin, un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions
d'application de ces mesures.
*
A cet égard, il convient de revenir sur la décision du Conseil
constitutionnel précitée n° 98-396 DC du
19 février 1998, qui était assortie d'une
réserve d'interprétation quant aux modalités du
recrutement exceptionnel. Le Conseil avait précisé que le pouvoir
réglementaire devrait veiller à ce que soit strictement
appréciée, outre la compétence juridique des
intéressés, leur aptitude à juger. Votre commission ne
manquera pas d'attirer l'attention du Gouvernement sur ce point.
Elle tient également à souligner l'évolution des
intentions annoncées par le Gouvernement encore très
récemment, à l'occasion d'une réponse à une
question écrite de l'un de nos collègues
83(
*
)
. Le Garde des Sceaux avait alors
affirmé qu'il n'était pas prévu d'organiser un nouveau
concours exceptionnel, arguant des contraintes imposées par le recours
à la loi organique. Il n'avait pas fait état dans sa
réponse d'une quelconque volonté de créer des voies de
recrutement complémentaires.
Sans remettre en cause les garanties qu'offrent le recrutement par concours,
votre commission entend souligner les insuffisances de la formation
dispensée aux futurs magistrats. Il apparaît regrettable que
l'ensemble de ces formations n'accordent pas une plus grande place à
l'expérience professionnelle, et notamment à l'activité
des cabinets d'avocats, poste privilégié d'observation en
matière de contentieux.
Votre rapporteur s'est d'ailleurs interrogé, à l'occasion de
l'examen de ce texte sur l'opportunité de présenter un amendement
concernant la formation. Il y a renoncé, compte tenu de l'urgence des
recrutements, tout en estimant, pour l'avenir, qu'on ne saurait faire l'impasse
sur cette question.
Sous réserve des ces observations, votre commission des Lois estime que
les dispositions de l'article 10 A permettront d'alléger la
procédure de recrutement de magistrats par concours exceptionnels.
Compte tenu de l'urgence de ces recrutements dans un contexte marqué par
la persistance de difficultés de fonctionnement de la justice,
exacerbées par l'entrée en vigueur depuis le
1
er
janvier 2001 de la loi n° 2000-516 du 15
juin 2000 relative à la présomption d'innocence, elle vous
propose d'adopter l'article 10 A
sans modification
.
Article 10
(art. 40-1 de l'ordonnance n° 58-1270
du
22 décembre 1958)
Recrutement des conseillers et des avocats
généraux
à la Cour de cassation en service
extraordinaire
Inséré par le Sénat en première
lecture
sur la proposition de votre commission des Lois, puis complété
par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des
Lois et de Mme Catala, cet article a pour objet de
doubler le nombre maximum
de conseillers et d'avocats généraux à la Cour de
cassation en service extraordinaire
prévu par l'article 40-1 de
l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958.
Les dispositions de l'article 40-1, issu de la loi organique
n° 92-185 du 25 février 1992, permettent à
toute personne justifiant de vingt-cinq années au moins
d'activité professionnelle et remplissant les conditions
générales d'accès à l'Ecole nationale de la
magistrature, que ses compétences et son activité qualifient
particulièrement pour l'exercice de fonctions judiciaires à la
Cour de cassation, d'être nommée conseiller ou avocat
général dans cette juridiction à titre temporaire, pour
cinq ans non renouvelables.
Leur nombre ne peut excéder respectivement plus du vingtième de
l'effectif des magistrats du siège hors hiérarchie
84(
*
)
pour les conseillers en service
extraordinaire ou des magistrats du parquet hors hiérarchie
85(
*
)
pour les avocats
généraux en service extraordinaire à la Cour de cassation.
Au maximum, quatre postes de conseillers en service extraordinaire peuvent donc
actuellement être occupés. C'est ainsi que deux professeurs des
universités, un maître de conférences, et plus
récemment un inspecteur général des finances, ont
été recrutés en cette qualité par la Cour de
cassation.
Il existe un poste d'avocat général en service extraordinaire,
mais il n'est pas pourvu actuellement.
Dans le souci d'adapter les moyens mis à disposition de la Cour de
cassation à ses besoins, le Sénat, en première lecture,
avait proposé de porter au dixième de l'effectif des magistrats
du siège hors hiérarchie le nombre maximum de conseillers en
service extraordinaire, permettant ainsi le recrutement de cinq nouveaux
magistrats.
L'Assemblée nationale a complété la rédaction du
Sénat par souci de symétrie en prévoyant que les effectifs
des avocats généraux à la Cour de cassation en service
extraordinaire pourraient être augmentés dans les mêmes
proportions jusqu'au dixième de l'effectif des magistrats hors
hiérarchie du parquet, ce qui porterait leur nombre à deux .
Considérant que la proposition de l'Assemblée nationale ne fait
que renforcer la volonté du Sénat d'assurer à la Cour de
cassation un fonctionnement satisfaisant, votre commission vous propose
d'adopter l'article 10
sans modification
.
Article 11
(art. L. 151-1, L. 151-3 du code de
l'organisation judiciaire et
Titre XX du Livre IV du code de
procédure pénale)
Saisine pour avis de la Cour de cassation
en matière pénale
Inséré par le Sénat, à
l'initiative de
MM. Haenel, Gélard et les membres du groupe du RPR, cet article
prévoit
l'extension à la matière pénale de la
saisine pour avis de la Cour de cassation
initialement prévue
à l'article L. 151-1 du code de l'organisation judiciaire,
issu de la loi n° 91-491 du 15 mai 1991.
Cette loi a permis aux juridictions de l'ordre judiciaire de saisir la Cour de
cassation pour avis, sur
une question de droit nouvelle présentant
une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux
litiges
. Cet avis doit être rendu dans les trois mois suivant la
saisine. La juridiction, à l'origine de la demande surseoit à
statuer sur le fond de l'affaire jusqu'à l'émission de l'avis ou
à défaut jusqu'à l'expiration du délai de trois
mois.
Cette procédure s'applique aux matières civile, commerciale,
sociale et prud'homale à l'exclusion de la matière pénale
conformément au troisième alinéa de
l'article L. 151-1 du code de l'organisation judiciaire. Elle a
démontré son utilité en permettant de résoudre les
difficultés d'interprétation soulevées par certains textes
et en évitant les contentieux qui auraient pu en
découler
86(
*
)
.
Le Sénat a souhaité étendre cette procédure
à la matière pénale, d'une part dans le souci de
prévenir les difficultés que pourrait occasionner l'application
de la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence,
d'autre part, après avoir constaté que les juridictions
pénales pouvaient être confrontées à des questions
de droit civil intéressant le procès pénal.
•
Le premier paragraphe
tel qu'il avait été
adopté par le Sénat n'a pas été modifié par
l'Assemblée nationale. Suivant la position du Sénat, elle a
accepté la suppression du dernier alinéa de
l'article L. 151-1 du code de l'organisation judiciaire qui excluait
la matière pénale du champ d'application de la procédure
de saisine pour avis.
A l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a
inséré
un paragraphe I bis
afin de modifier la
rédaction de l'article L. 151-2 du code précité
qui définit la composition de la formation de la Cour de cassation
appelée à formuler un avis.
La présidence de la formation chargée d'examiner les demandes
d'avis en cas d'empêchement du président de la Cour de cassation
reste confiée au président de chambre le plus ancien
87(
*
)
.
En revanche, il est établi
une distinction pour les autres membres de
cette formation selon que celle-ci est appelée à se prononcer
dans une matière autre que pénale ou dans une matière
pénale,
afin de garantir la composition la plus qualifiée
possible pour rendre l'avis.
Pour les matières autres que pénales, la composition de la
formation actuellement prévue à l'article L. 151-2 du
code de l'organisation judiciaire reste la même, comprenant les
présidents de chambre et deux conseillers désignés par
chaque chambre spécialement concernée.
En matière pénale, il est proposé d'assurer une
représentation majoritaire des magistrats de la chambre criminelle. Le
président de la chambre criminelle, un président de chambre
désigné par le premier président, quatre conseillers
de la chambre criminelle et deux conseillers désignés par le
premier président appartenant à une autre chambre composeraient
la formation chargée de se prononcer sur la demande d'avis. Il est
ajouté qu'en cas d'empêchement du président de la chambre
criminelle, il serait remplacé par un conseiller de cette chambre
désigné par le premier président ou à défaut
par le président de chambre qui le remplacerait. L'Assemblée
nationale a donc traduit le souci d'assurer une forte représentation de
la chambre criminelle dès lors qu'un avis serait demandé sur des
questions de droit pénal.
•
Le paragraphe II
a été adopté sans
modification par l'Assemblée nationale. L'article L. 151-3 du
code de l'organisation judiciaire renvoyait à un décret en
Conseil d'Etat la définition des modalités de la saisine pour
avis. Le Sénat a pris soin d'y préciser que les juridictions
pénales étaient exclues de cette disposition, compte tenu des
exigences posées par l'article 34 de la Constitution aux termes duquel
la procédure pénale relève du domaine législatif.
•
Le paragraphe III
vise en conséquence à
insérer dans le livre quatrième du code de procédure
pénale un titre vingtième définissant les modalités
de mise en oeuvre de cette saisine pour avis en matière pénale.
Le Sénat avait prévu que le champ d'application en serait
réduit puisque les juridictions d'instruction et celles qui statuent en
matière de détention provisoire ou de contrôle judiciaire
ainsi que les cours d'assises en étaient exclues. En particulier, votre
rapporteur avait estimé que cette procédure était
difficilement compatible avec le mode de fonctionnement d'une cour d'assises
qui ne pourrait s'interrompre jusqu'à l'émission de l'avis de la
Cour de cassation.
L'Assemblée nationale, dans le même esprit, l'a réduit
encore plus strictement en excluant la demande d'avis lorsque dans l'affaire
concernée, une personne serait placée en détention
provisoire ou sous contrôle judiciaire, allant au-delà de la
proposition du Sénat qui avait exclu les seules juridictions statuant en
ces matières. Elle a en effet souhaité que la procédure ne
subisse aucun retard supplémentaire dans ces affaires.
• Enfin,
les dispositions du paragraphe III
auxquelles
l'Assemblée nationale n'a apporté que des modifications
rédactionnelles reprennent pour la matière pénale les
dispositions du décret n° 92-228 du 12 mars 1992
relatif aux modalités d'application de la procédure de saisine
pour avis en matière civile
88(
*
)
. Il est donc prévu une
information des parties et du ministère public, avec l'obligation pour
le juge de recueillir les observations écrites des parties et les
conclusions du ministère public avant de solliciter la demande
d'avis
89(
*
)
. Le juge sursoit
à statuer jusqu'à réception de l'avis
2
.
La transmission de la demande d'avis au greffe de la Cour de cassation est
assurée par le greffier de la juridiction. Elle est notifiée,
ainsi que la date de transmission du dossier aux parties, par lettre
recommandée assortie d'un accusé de réception
90(
*
)
. L'affaire est communiquée au
procureur général près la Cour de cassation. Celui-ci est
informé de la date de la séance. La Cour de cassation dispose
d'un délai de trois mois pour rendre son avis
91(
*
)
, qui peut mentionner son
éventuelle publication au Journal officiel. L'avis est adressé
à la juridiction qui l'a sollicité et à son
ministère public, au premier président de la cour d'appel, ainsi
qu'au procureur général lorsque la demande ne procède pas
de la cour. Le greffe de la Cour de cassation le notifie aux parties.
Votre commission, constatant les améliorations apportées par
l'Assemblée nationale au dispositif introduit à l'initiative de
notre excellent collègue Hubert Haenel, vous propose d'adopter l'article
11
sans modification
.
Article 11 bis (nouveau)
( art L. 131-6 du code
de
l'organisation judiciaire)
Introduction d'une procédure
d'admission
des pourvois en cassation
Cet
article, issu de deux amendements analogues présentés par
M. Jean-Pierre Michel et Mme Nicole Catala, adoptés en
dépit de l'avis défavorable de la commission des Lois de
l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'en étant remis à
la sagesse des députés,
institue une procédure nouvelle
d'admission des pourvois en cassation destinée à écarter
les pourvois irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux
.
Cette initiative répond au souhait exprimé par M. Guy
Canivet, Premier président de la Cour de cassation, notamment à
l'occasion de l'audience solennelle de rentrée de la Cour le
8 janvier 2001, de remédier à l'encombrement chronique
de la Cour de cassation.
Le nombre d'affaires restant à juger au 31 décembre a plus
que doublé en 10 ans, passant de 17.856 en 1982 à 36.209 en 1993
et à 40.586 en 1999
92(
*
)
.
Cette croissance exponentielle a par voie de conséquence, affecté
la durée moyenne d'examen d'un pourvoi, qui est de plus de deux
années, soit, d'après M. Guy Canivet, "
le double de ce
qui serait le rythme normal d'instruction
et de
jugement
".
Une
formation spécifique, appelée chambre des
requêtes
93(
*
)
,
chargée d'examiner les pourvois et d'admettre un renvoi devant le
Conseil des parties
94(
*
)
, a
existé de 1738 à 1947
95(
*
)
. Elle a été
supprimée en raison de difficultés de fonctionnement après
s'être peu à peu érigée en structure autonome,
développant une jurisprudence propre, parfois contradictoire avec celle
des chambre civiles. De surcroît, un très net ralentissement des
instructions avait pu être observé, lié à un examen
des pourvois de plus en plus approfondi.
Compte tenu de l'inflation du contentieux , l'idée de la
création d'une formation d'admission des pourvois auprès de la
Cour de cassation est néanmoins réapparue dans un projet de loi
portant réforme de l'organisation de la Cour de cassation
déposé en 1994. Il tendait à créer une formation
d'admission des pourvois en cassation au sein de chaque chambre civile,
chargée de rejeter les pourvois manifestement irrecevables ou
dépourvus de tout moyen sérieux. Ce dispositif n'avait pas
vocation à s'appliquer à la chambre criminelle, compte tenu de la
spécificité du droit pénal
96(
*
)
. Ce texte n'a jamais abouti :
adopté par le Sénat
97(
*
)
qui s'était efforcé d'en
améliorer le dispositif, il a cependant été retiré
de l'ordre du jour après un rejet par l'Assemblée nationale des
principaux articles, le 22 novembre 1994.
On peut signaler qu'une procédure préalable d'admission des
pourvois a été mise en place au Conseil d'Etat par la loi
n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du
contentieux administratif. Ce mécanisme constitue un filtre utile qui a
prouvé son efficacité, permettant d'écarter chaque
année près des trois quarts des pourvois en cassation devant le
Conseil d'Etat.
En l'état actuel du droit en vigueur, il n'existe pas de
procédure de filtrage proprement dite. Afin de réagir contre
l'asphyxie menaçant la Cour de cassation, la loi n°97-395 du
23 avril 1997
98(
*
)
relative à l'examen des pourvois devant la Cour de cassation a
instauré une procédure de traitement
accéléré des pourvois en cassation en modifiant la
rédaction de l'article L. 131-6 du code de l'organisation
judiciaire. Le renvoi systématique des affaires à une formation
restreinte de trois magistrats a été préféré
à l'instauration d'une procédure de filtrage. Actuellement,
toutes les affaires relevant d'une chambre civile sont donc renvoyées
d'office à cette formation, avant d'être examinées en
audience par cette chambre
99(
*
)
.
Cette formation est chargée de statuer lorsque la solution
s'impose : elle peut non seulement rejeter un pourvoi mais
également casser une décision. En revanche, une affaire qui lui
paraît plus complexe est examinée en audience. Toutefois, le
premier président, ou le président de chambre, ou leurs
délégués, d'office, ou à la demande du procureur
général ou de l'une des parties, peuvent renvoyer directement une
affaire à l'audience de la chambre par décision non
motivée.
La loi du 23 avril 1997 précitée a cependant
prévu un mécanisme différent pour la chambre criminelle.
L'examen d'une affaire en audience constitue la règle. Le traitement
accéléré des affaires par une formation restreinte de
trois magistrats n'est qu'une faculté. Il appartient en effet au premier
président ou au président de la chambre, lorsque la solution lui
semble s'imposer, de décider de renvoyer une affaire à une
formation restreinte, conformément au dernier alinéa de l'article
L. 131-6 du code précité. Cette formation restreinte peut ensuite
décider du renvoi de l'affaire à l'audience de la chambre
à la demande de l'une des parties.
Cette distinction entre les chambres civiles et la chambre criminelle avait
été introduite à l'initiative de notre excellent
collègue Charles Jolibois
100(
*
)
. Il avait exprimé le souci de
prendre en considération
" le particularisme du contentieux
soumis à la chambre criminelle ",
compte tenu des
règles de procédure, des délais d'examen des pourvois et
de la nature des affaires ayant trait à la liberté individuelle.
*
L'article 11 bis du présent projet de loi propose
d'attribuer
aux formations restreintes de trois magistrats prévues par l'article
L.131-6 du code de l'organisation judiciaire,
la possibilité nouvelle
de déclarer non admis les pourvois irrecevables ou non fondés sur
un moyen sérieux de cassation, tant en matière civile qu'en
matière pénale
.
Votre commission des Lois ne peut que se réjouir de l'introduction d'une
procédure de filtrage, qui constituera un instrument de
régulation du contentieux indispensable pour remédier à la
croissance exponentielle des recours devant la Cour de cassation.
On peut observer que rien ne s'oppose à la création d'un tel
dispositif. La jurisprudence européenne de la Cour européenne des
droits de l'homme a d'ailleurs estimé que la mise en place d'un
mécanisme de filtrage était compatible avec les exigences
posées par l'article 6-1 de la Convention européenne des droits
de l'homme
101(
*
)
. Suivant cette
logique, elle a d'ailleurs accepté le mécanisme institué
au Conseil d'Etat
102(
*
)
.
Ce dispositif remplit les conditions exigées par la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l'homme pour admettre des limitations au
droit d'accès à une juridiction
103(
*
)
:
- l'instauration de ce dispositif doit tendre à
" un but
légitime "
, auquel correspond tout à fait le souci
de donner au justiciable une réponse dans un délai raisonnable.
- la cour européenne exige également
" un rapport
raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le
but visé "
. L'article 11 bis respecte cette exigence dans la
mesure où il ne bouleverse pas l'organisation des chambres de la Cour de
cassation.
Votre commission des Lois considère que le mécanisme
proposé offre des garanties permettant le respect du principe du
contradictoire. Conformément au premier alinéa de l'article L.
131-6 du code précité, le dépôt préalable des
mémoires des parties
104(
*
)
est en effet exigé avant tout
examen de l'affaire par la formation restreinte de trois magistrats.
Par ailleurs, l'application de ce dispositif à la Chambre criminelle
sera de moindre ampleur que pour les Chambres civiles, puisque le renvoi
à une formation de trois magistrats n'est pas la règle, mais
reste soumis à l'appréciation du premier président ou du
président de chambre.
Votre commission estime cet aménagement souhaitable dans la mesure
où l'introduction d'une sélection des pourvois au cas par cas,
respecte la singularité du contentieux de la chambre criminelle et ne
nuira pas à l'autorité de cette chambre. De plus, votre
commission tient à souligner que la chambre criminelle ne connaît
pas une asphyxie comparable aux autres chambres de la Cour de
cassation
105(
*
)
. La mise en
place d'une sélection systématique des pourvois n'apparaît
donc pas nécessaire. Votre commission approuve donc le dispositif
retenu, qu'elle juge adapté aux spécificités de cette
chambre.
Votre commission des Lois tient néanmoins à souligner les limites
pratiques du mécanisme proposé en l'état actuel du droit
en vigueur. Si les pourvois manifestement dépourvus de pertinence
doivent être soustraits à l'examen de la Cour de cassation, il
apparaît indispensable d'assurer aux recours fondés un
accès au juge plus effectif. Elle estime nécessaire d'engager une
réflexion globale sur les moyens d'assurer à chaque plaideur la
possibilité de présenter, argumenter et soutenir utilement ses
moyens de cassation . Une réforme plus ambitieuse doit être
mise en oeuvre afin d'assurer le bon fonctionnement du mécanisme de
filtrage dans le respect de l'égalité des droits des parties
devant la Cour de cassation.
A l'heure actuelle, certaines affaires sont dispensées de
représentation obligatoire, notamment en matières sociale et
criminelle. Les plaideurs peuvent donc déposer leur pourvoi sans
obligation d'être assistés d'un avocat à la Cour de
cassation. Ceux-ci risqueront d'autant plus de voir leur pourvoi
déclaré irrecevable. Votre commission juge indispensable de
réfléchir aux moyens de permettre aux parties de
bénéficier d'une assistance qualifiée quelle que soit la
chambre devant laquelle elles déposent leur pourvoi.
Dans le même esprit, votre commission souhaite que le Gouvernement engage
une réforme de l'aide juridictionnelle, afin qu'elle soit
accordée plus facilement et revalorisée, de manière
à éviter des disparités trop évidentes entre les
pourvois et permettre aux parties un accès au droit plus satisfaisant .
De plus, votre commission tient à rappeler que le troisième
alinéa de l'article 7 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991
relative à l'aide juridique précise qu'
" en
matière de cassation, l'aide juridictionnelle est refusée au
demandeur si aucun moyen de cassation sérieux ne peut être
relevé "
: un mécanisme de filtrage existe
déjà pour les parties demandant à bénéficier
de l'aide juridictionnelle. Votre commission ne peut donc que se réjouir
que toutes les parties sans exception soient désormais soumises aux
mêmes règles de procédure de sélection des pourvois.
Votre commission approuve cependant le principe de l'institution d'un
mécanisme de sélection des pourvois, consciente de la
nécessité de préserver la Cour de cassation des pourvois
dilatoires et de lui garantir les meilleures conditions de fonctionnement. Une
justice rapide n'est pas nécessairement une bonne justice mais une
justice trop lente est nécessairement mauvaise.
Elle vous propose d'adopter l'article 11 bis sans modification.
Article 13
(art. 39 de l'ordonnance n° 58-1270
du 22
décembre 1985)
Nomination des conseillers ou substituts
généraux des cours d'appel
de Paris et Versailles aux
fonctions de magistrat
hors hiérarchie à la Cour de
cassation
L'Assemblée nationale, dans un souci de meilleure
cohérence rédactionnelle, a souhaité
regrouper
l'ensemble des mesures transitoires au sein de l'article 6 et a donc
supprimé l'article 13
.
Adopté par le Sénat à l'initiative du Gouvernement, cet
article prévoyait une disposition transitoire permettant aux actuels
conseillers ou substituts généraux des cours d'appel de Paris et
Versailles d'être nommés à un emploi hors hiérarchie
à la Cour de cassation, par dérogation aux nouvelles
règles de mobilité prévues par l'article 3.
Ces dispositions n'ont pas disparu, puisqu'elles figurent désormais au
dernier alinéa de l'article 6 du présent projet de loi.
Votre commission, approuvant toute démarche destinée à
clarifier les dispositions d'un texte, vous propose de
maintenir la
suppression de l'article 13
.
Article 14
(art. 3, 4 et 7 de la loi organique n°
94-100 du 5 février 1994)
Nouvelles règles
d'élection des représentants des magistrats au CSM
Cet
article, inséré par l'Assemblée nationale sur la
proposition conjointe de sa commission des Lois et de MM. Montebourg, et
Jean-Pierre Michel et avec l'avis favorable du Gouvernement, modifie les
règles relatives à l'élection des représentants des
magistrats " de base " du siège et du parquet au sein du CSM.
Il prévoit un scrutin de liste à la représentation
proportionnelle au plus fort reste, auquel s'ajoute l'exigence de la
parité entre hommes et femmes parmi les candidats.
En l'état actuel du droit en vigueur, la composition du CSM est
fixée par l'article 65 de la Constitution dans sa rédaction
résultant de la loi constitutionnelle n°93-952 du 27 juillet 1993
portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses
titres VIII, IX, X et XI. Le CSM comprend deux formations distinctes de douze
membres chacune, l'une compétente à l'égard des magistrats
du siège, l'autre compétente à l'égard des
magistrats du parquet.
Conformément à l'article 65 de la Constitution et à la loi
organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil
supérieur de la magistrature adoptée pour la mise en oeuvre de la
réforme constitutionnelle du 27 juillet 1993, outre les membres communs
aux deux formations que sont le Président de la République, qui
préside le Conseil
106(
*
)
,
le Garde des sceaux, vice-président, un conseiller d'Etat et trois
personnalités extérieures désignées respectivement
par le président de la République, le président du
Sénat et le président de l'Assemblée nationale, chacune
des formations est composée de six magistrats élus
107(
*
)
.
Le mode de désignation de ces magistrats avait suscité de
nombreux échanges lors de la révision constitutionnelle de 1993.
Il était ressorti des débats parlementaires une profonde
divergence entre le Sénat, soucieux d'éviter des dérives
politiques et corporatistes, qui était alors favorable au tirage au
sort, et l'Assemblée nationale qui préférait
l'élection.
Finalement, la loi organique de 1994 a tranché en faveur de
l'élection en organisant des collèges distincts par niveau
hiérarchique :
• La formation compétente à l'égard des magistrats
du siège comprend cinq magistrats du siège et un magistrat du
parquet élus selon les modalités suivantes :
- un magistrat du siège hors hiérarchie de la Cour de
cassation est élu par l'assemblée des magistrats du siège
hors hiérarchie de cette juridiction ;
- un premier président de cour d'appel est élu par
l'assemblée des premiers présidents ;
- un président de tribunal de grande instance est élu par
l'assemblée des présidents de tribunal de grande instance, de
première instance ou de tribunal supérieur d'appel ;
- deux magistrats du siège et un magistrat du parquet sont
désignés selon un mode de scrutin à deux
degrés : ils sont respectivement élus au scrutin uninominal
à un tour par les 160 membres du collège du siège et
les 80 membres du collège du parquet, ces collèges
étant eux-mêmes respectivement désignés selon le
même mode de scrutin par les magistrats du siège et les magistrats
du parquet dans le ressort de chaque cour d'appel
108(
*
)
.
• La formation compétente à l'égard des magistrats
du parquet est composée de cinq magistrats du parquet et d'un magistrat
du siège :
- un magistrat du parquet hors hiérarchie de la Cour de cassation
élu par l'assemblée des magistrats du parquet hors
hiérarchie de cette cour ;
- un procureur général près une cour d'appel
élu par l'assemblée générale des procureurs
généraux ;
- un procureur de la République près un tribunal de grande
instance élu par l'assemblée des procureurs de la
République ;
- deux magistrats du parquet et un magistrat du siège élus
dans les mêmes conditions que leurs collègues de la formation du
siège.
La durée du mandat des représentants des magistrats au CSM est
fixée à quatre années non renouvelables
immédiatement.
L'élection par leur pairs des représentants des magistrats de la
Cour de cassation ou exerçant des fonctions de chef de juridiction n'a
pas été source de difficultés particulières.
En revanche, les règles relatives au mode de scrutin retenues pour
l'élection des six magistrats représentant l'ensemble des
magistrats " de base " du siège et du parquet dans le ressort
de chaque cour d'appel, n'ont pas fait l'objet d'un consensus au sein des
organisations syndicales. Deux organisations syndicales représentatives
des magistrats, l'Association professionnelle des magistrats (APM) et le
Syndicat de la magistrature (SM) ont décidé de ne pas participer
aux élections de juin 1998, estimant les modalités retenues
inéquitables. Compte tenu de ces circonstances, un seul syndicat de
magistrats, l'Union syndicale des magistrats (USM) détient, de fait, le
monopole de la représentation de cette catégorie de magistrats.
Par comparaison, les résultats aux élections à la
commission d'avancement qui se sont déroulées en 1999 sont plus
diversifiées et reflètent davantage l'ensemble des principales
organisations syndicales, puisque l'USM, le SM et l'APM y sont
représentés. Cette commission est composée de
représentants de plusieurs collèges de magistrats et notamment 10
magistrats (trois du premier grade et sept du deuxième grade)
élus sur une liste unique à bulletin secret par un collège
choisi parmi les magistrats autres que ceux classés hors
hiérarchie.
L'initiative de l'Assemblée nationale s'inscrit d'ailleurs dans une
démarche plus ancienne. La Commission de réflexion sur la
justice, présidée par M. Pierre Truche en 1997, avait
souligné que "
le mode de scrutin retenu pour la
désignation des membres du CSM doit garantir une représentation
aussi large que possible des magistrats
"
109(
*
)
. Le CSM lui-même dans son
rapport annuel 1997-1998 s'était prononcé en ce sens :
"
les magistrats siégeant au conseil (...) devraient aussi,
autant que faire se peut, représenter l'ensemble des sensibilités
professionnelles
"
110(
*
)
.
Dans le même esprit, un avant-projet de loi organique modifiant la loi
organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le
CSM
111(
*
)
, diffusé par le
Garde des sceaux en janvier 2000, prévoyait d'introduire un scrutin de
liste national à la représentation proportionnelle dans le cadre
d'une élection à un seul degré.
*
L'article 14 du présent projet de loi a pour objet de
modifier les règles applicables au mode de scrutin à deux
degrés concernant les six représentants des magistrats " de
base " du siège et du parquet dans le ressort de chaque cour
d'appel, composant les deux formations du CSM. Il ne concerne ni les
personnalités extérieures, ni les autres magistrats composant le
Conseil.
Le principe de l'élection à deux degrés est maintenu. Des
règles nouvelles sont posées pour le mode d'élection de
ces représentants, tant pour l'élection des membres des deux
collèges que pour celle des trois magistrats désignés par
chacun de ces collèges au sein de chaque formation. Le principe de
l'élection à bulletin secret au scrutin de liste à la
représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort
reste, sans possibilité de panachage ni de vote
préférentiel, est consacré.
Un seuil de 5 % des suffrages exprimés doit être atteint pour
prétendre à l'attribution des sièges.
De plus, la parité est exigée au sein des listes établies
pour élire les collèges, le nom du candidat d'un sexe devant
être suivi du nom d'un candidat de l'autre sexe. La parité
s'impose également pour la désignation des trois magistrats
élus pour siéger dans chaque formation, les deux sexes devront
être représentés dans chaque liste.
En cas d'égalité des suffrages, les sièges seront
attribués par tirage au sort. L'ordre de présentation de la liste
conditionne la désignation des membres élus.
La liste majoritaire choisit d'abord les sièges qu'elles veulent occuper
alternativement dans chacune des deux formations. Puis, les autres listes, dans
l'ordre décroissant du nombre de sièges auxquels elles peuvent
prétendre, exercent leurs choix dans les mêmes conditions.
L'article 14 définit en outre, les règles applicables en cas de
vacance survenant avant la date d'expiration des mandats. Les membres de chaque
collège doivent être remplacés dans un délai de
trois mois par une désignation complémentaire. Il est
prévu que le magistrat dont le nom suivait sur la liste celui dont le
siège est devenu vacant soit désigné. A défaut,
s'il n'existe plus de nom suivant sur cette liste, il est procédé
à une désignation complémentaire au scrutin uninominal
à un tour à bulletin secret, dans les limites imposées par
la parité puisqu'il ne pourra s'agir d'un candidat d'un autre sexe.
*
Votre
commission tient à souligner l'évolution de la position du
Gouvernement sur l'introduction de la parité au sein des organisations
professionnelles. A l'occasion de l'examen par l'Assemblée nationale en
séance publique, le 7 mars 2000, de la proposition de loi relative
à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
actuellement en cours d'examen devant le Parlement, le Gouvernement ne
s'était pas montré favorable à l'introduction de la
parité au sein des élections professionnelles organisées
pour la désignation des représentants du personnel dans les
Conseils supérieurs de la fonction publique
112(
*
)
.
Tout en étant favorable à la féminisation des
représentants de l'administration
113(
*
)
, il avait néanmoins
estimé que
"dans tous les organismes de la fonction publique de
l'Etat auxquels ils participent, les syndicats désignent chacun des
représentants en nombre déterminé par leurs
résultats aux précédentes élections, nombre qui
descend le plus souvent à un ou deux représentants pour l'un ou
l'autre des sept syndicats représentatifs de la fonction
publique
"
. Dès lors, il lui était apparu
impossible de leur imposer une obligation de résultat en matière
d'équilibre sexué, sachant que celui-ci ne pourrait être
atteint que s'ils partagent entre eux les obligations qui en
résulteraient à cet égard.
Considérant que la situation actuelle n'est pas totalement satisfaisante
eu égard à l'autorité du CSM dont on peut attendre qu'il
reflète l'ensemble des sensibilités au sein de la magistrature,
votre commission vous propose d'accepter la réforme du mode de scrutin
pour la désignation des membres représentant les magistrats du
siège et du parquet
et d'adopter l'article 14 sans modification.
Article 15
Entrée en vigueur des nouvelles règles d'élection des représentants des magistrats au CSM
Cet
article, introduit par l'Assemblée nationale sur proposition de sa
commission des Lois, précise que les nouvelles dispositions introduites
par l'article 14 relatives aux nouvelles règles d'élection des
représentants des magistrats au CSM s'appliqueront à compter de
son prochain renouvellement.
La composition du CSM a été renouvelée à deux
reprises depuis la réforme constitutionnelle du 27 juillet 1993 :
en 1994 et en 1998. La durée des mandats des représentants des
magistrats au CSM étant aux termes de l'article 6 de la loi organique
n°94-100 du 5 février 1994, d'une durée de quatre ans non
renouvelable immédiatement, les prochaines élections devraient
avoir lieu en 2002.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 15
sans
modification.
*
Au bénéfice de l'ensemble des ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous propose d'adopter le présent projet de loi organique .