2. L'harmonisation du contentieux

Alors même que la question linguistique a été au coeur des débats en France, la tentative d'harmonisation du contentieux, tant au niveau européen que communautaire, constitue le volet principal des réformes engagées. Elle est d'importance équivalente à la réforme qui avait conduit à l'élaboration d'une procédure commune de délivrance des brevets au niveau européen en 1973.

La raison principale dissuadant les entreprises de breveter leurs inventions paraît ainsi être le manque d'effectivité de la protection conférée par le brevet, du fait des règles juridictionnelles existantes, plutôt que le coût des traductions. En effet, si la convention de Munich a permis la mise en place d'une procédure unique de dépôt, d'examen, de délivrance et d'opposition, l'harmonisation du contentieux reste en dehors de son champ.

La validité et la portée d'un brevet délivré par l'Office européen des brevets dépendent en cas de litige de la décision des tribunaux de chacun des pays désignés , ce qui représente pour les entreprises des surcoûts importants (il faudra intenter des procès dans chacun des pays concernés) et des aléas non négligeables (puisque l'interprétation donnée par les tribunaux pourra varier d'un Etat à l'autre).

L'instauration d'une procédure juridictionnelle communautaire, de telle sorte que la réparation ne dépende plus du lieu où le brevet est contrefait ou contesté, devrait permettre une meilleure sécurité juridique et une unité de jurisprudence dans l'ensemble de la Communauté.

Ceci sera particulièrement intéressant pour les entreprises françaises, comme on l'a vu précédemment.

a) La réforme du système juridictionnel du brevet européen

Dans le cadre de la conférence de révision de la convention de Munich, un groupe de travail coprésidé par l'Allemagne, le Luxembourg et la Suisse a été chargé, notamment, de définir les modalités permettant la création et le financement d'une entité commune que les juridictions nationales pourraient saisir à titre d'avis sur la partie du litige portant sur la validité et la contrefaçon et de présenter un projet de protocole facultatif à la CBE par lequel, pour les litiges concernant les brevets européens, les Etats signataires s'engageraient sur un système judiciaire intégré, comprenant des règles de procédure uniformes et une cour d'appel commune.

Les discussions sont actuellement dans l'attente d'un accord au niveau communautaire.

b) L'harmonisation du contentieux et le brevet communautaire

La sécurité juridique du brevet communautaire exige une communautarisation concomitante du système judiciaire en ce qui concerne les questions de validité des brevets et la contrefaçon.

Tirant les enseignements de l'échec de la convention de Luxembourg de 1975, où une juridiction nationale, sans expérience en matière de propriété industrielle, pouvait statuer sur la validité ou la contrefaçon du brevet communautaire, avec effet sur le territoire de la Communauté, ce qui avait suscité l'inquiétude des milieux professionnels et entraîné l'échec de la convention, la proposition de règlement se prononce cette fois-ci en faveur d'un système communautaire centralisé pour l'examen des questions concernant la validité et la contrefaçon du brevet communautaire .

La compétence de cette juridiction, appelée « tribunal communautaire de propriété intellectuelle », s'étendra à tout le territoire de la Communauté, s'agissant des questions portant sur les faits ou du droit. Il appliquera ses propres règles de procédure, ordonnera des mesures provisoires, déterminera les sanctions et octroiera des dommages-intérêts. Les jugements du tribunal auront force exécutoire.

La juridiction ne sera compétente que pour certaines catégories d'actions. Le tribunal pourra examiner simultanément les litiges relatifs à la contrefaçon et à la validité du brevet, puisque la nullité du brevet est pratiquement toujours invoquée comme moyen de défense par le défendeur dans une action en contrefaçon .

Chaque fois que l'action porte sur la validité ou la contrefaçon du brevet communautaire, le tribunal national saisi sera contraint de décliner sa compétence et de déclarer l'action irrecevable. Si la validité du brevet est une question préliminaire, le tribunal national devra surseoir à statuer.

La juridiction centralisée devrait également examiner les litiges relatifs à l'utilisation de l'invention durant la période courant entre la publication de la demande de brevet et sa délivrance. Il en est de même des demandes en limitation du brevet ou relatives à l'extinction du brevet.

Tous les autres litiges entre personnes privées seront examinés par les tribunaux nationaux des Etats membres (par exemple les litiges portant sur le droit au brevet ou sur le transfert du brevet ou sur les licences contractuelles).

Les procédures internes d'opposition et de recours de l'Office seront applicables au brevet communautaire. Les décisions de l'Office ne seront pas susceptibles de recours devant la juridiction communautaire centralisée.

Les dispositions envisagées ne prévoient pas de possibilité de pourvoi direct devant la CJCE contre les décisions de la chambre de recours du tribunal communautaire de propriété intellectuelle, ni de mécanisme de renvoi préjudiciel entre la nouvelle juridiction communautaire et la CJCE.

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