CHAPITRE 2
DISPOSITIONS RELATIVES AUX COMPÉTENCES
DE LA
COLLECTIVITÉ TERRITORIALE
SECTION 1
De l'identité culturelle
Sous-section 1
De l'éducation et de la langue corse
Article 4
(art. L. 4424-11, L. 4424-12 et L. 4424-15
du
code général des collectivités territoriales)
Carte
scolaire des établissements
secondaires
Cet
article a principalement pour objet de préciser les attributions
reconnues à la collectivité territoriale de Corse en
matière d'élaboration de la carte scolaire et des programmes
d'investissement correspondants.
Il s'articule en 4 paragraphes.
Le paragraphe
I
modifie l'intitulé du chapitre IV du titre II
(«
La collectivité territoriale de Corse
»)
du livre IV («
Régions à statut particulier et
collectivité territoriale de Corse
») de la
quatrième partie («
La Région
») du
code général des collectivités territoriales.
L'intitulé de ce chapitre IV «
Attributions
»
devient «
Compétences
».
Le paragraphe
II
intitule «
Identité culturelle de
la Corse
» la section 1 de ce chapitre IV et la divise en
trois sous-sections : «
Education
»,
«
Culture et communication
», et
«
Sport et
éducation populaire
».
Le paragraphe
III
modifie l'article L. 4424-11 qui, par l'effet du
réaménagement évoqué ci-dessus, devient l'article
L. 4424-1. Cet article porte sur la planification scolaire.
• Le droit en vigueur
On examinera successivement les dispositions de droit commun qui
régissent la planification scolaire en France, les dispositions du
statut de 1991, et leur originalité.
1. Les dispositions du code de l'éducation
La planification scolaire dans les régions et départements est
régie par plusieurs dispositions du code de l'éducation, dont le
contenu a été précisé par une circulaire du
18 juin 1985.
Cette planification repose sur quatre documents.
Le
schéma prévisionnel des formations
a pour objet de
définir, à un horizon donné et au niveau de la
région, les besoins qualitatifs et quantitatifs, de formation qui
peuvent être offerts par les collèges, les lycées, les
établissements d'éducation spéciale et les écoles
de formation maritime et aquacole. Aux termes de l'article L. 214-1 du
code de l'éducation, c'est au
conseil régional
qu'il
convient de l'établir, après accord des départements, puis
de le transmettre au représentant de l'Etat dans la région.
Le
programme prévisionnel des investissements
assure la mise en
oeuvre des orientations du schéma prévisionnel en
définissant, à un horizon choisi, la localisation des
établissements, leur capacité d'accueil et le mode
d'hébergement des élèves. Le code de l'éducation
précise qu'il revient au
conseil général, pour les
collèges
(art. L. 213-11) et au
conseil régional
pour les lycées
(art. L. 214-5) d'inscrire à ce
programme les principales opérations d'investissement qu'ils envisagent,
et en particulier celles de reconstruction, de construction ou d'extension
d'établissements.
La
structure pédagogique générale des
établissements
définit les types de formations
dispensées dans chaque établissement. Elle est, aux termes de
l'article L. 211-2 du code précité, arrêtée
chaque année par les autorités compétentes de l'Etat -le
recteur
, ou, pour les établissements de formation maritime et
aquacole, le directeur régional des affaires maritimes- en tenant compte
du schéma prévisionnel des formations.
La liste annuelle des opérations de construction ou d'extension
des établissements que l'Etat s'engage à pourvoir des postes
qu'il juge indispensables à leur fonctionnement administratif ou
pédagogique est, aux termes de l'article L. 211-2
précité, arrêtée par
le représentant de
l'Etat dans la région
en tenant compte des programmes
prévisionnels. L'inscription sur cette liste d'une opération ne
restreint pas le pouvoir de la collectivité compétente pour
décider des investissements qu'elle engagera, mais constitue une
garantie apportée par l'Etat quant à l'affectation des personnels
dont il conserve la pleine maîtrise.
2. Le dispositif issu des articles 50, 51 et 54 du statut de 1991 et du
décret de 1992
L'article 50 du statut de 1991
, codifié à
l'article L.
4424-11
du code général des collectivités
territoriales confie à l'Assemblée de Corse la
responsabilité d'arrêter, sur proposition du représentant
de l'Etat et après consultation des départements et communes
intéressés, ainsi que du Conseil économique, social et
culturel de Corse, la
carte scolaire
d'un certain nombre
d'établissements : collèges, lycées,
établissements d'enseignement artistique, établissements
d'éducation spéciale, écoles de formation maritime et
aquacole, établissements d'enseignement agricole.
Un décret d'application n° 92-1451 du 31 décembre
1992
a complété ce dispositif et précisé, en
particulier, son articulation avec les outils de programmation scolaire en
usage dans le reste du pays, examinés plus haut.
L'article premier
de ce décret précise que
«
la carte scolaire
des établissements du
second degré de Corse comprend le
schéma prévisionnel
des formations
et le
programme prévisionnel des
investissements
correspondant à ce schéma
».
L'article 2
ajoute que, «
pour la mise en oeuvre de la
carte scolaire, l'Assemblée de Corse arrête chaque année,
sur proposition du recteur, après avis des organismes compétents
la
structure pédagogique générale des
établissements
», en fonction de la répartition
des emplois opérée par le président du conseil
exécutif, en application de l'article L. 4424-15 du code
général des collectivités territoriales.
Enfin,
l'article 3
confie à l'Assemblée de Corse la
responsabilité d'arrêter le «
programme annuel des
investissements
immobiliers et des équipements en mobiliers
et appareils
».
L'article 51 du statut de 1991
, codifié à
l'article L. 4424-12
, confie à la collectivité
territoriale de Corse la responsabilité de financer, construire,
équiper et entretenir les établissements d'enseignement
secondaire évoqués ci-dessus. Il précise en outre qu'elle
peut confier la maîtrise d'ouvrage des travaux qui les concernent aux
départements et communes qui le demanderaient. Il fait obligation
à l'Etat d'assurer à ces établissements les moyens
financiers directement liés à leur activité
pédagogique.
L'article 54
, codifié à
l'article
L. 4424-15
, confie au président du conseil exécutif la
responsabilité de répartir entre les différents
établissements d'enseignement les emplois attribués par l'Etat.
3. Spécificités du dispositif du statut de 1991
Le dispositif institué par l'article 50 du statut de 1991 se
distingue du dispositif en vigueur sur le reste du territoire
métropolitain sur les points suivants :
-
la compétence de la collectivité territoriale de Corse
s'étend à l'ensemble des établissements secondaires,
y
compris les collèges
, qui, dans le droit commun, relèvent du
département ;
- le statut de 1991 reconnaît à la
collectivité
territoriale de Corse
en matière de
schéma
prévisionnel des formations
et de
programme prévisionnel
des investissements
une compétence comparable à celle qui est
dévolue par le code de l'éducation aux régions et
départements, à cette réserve près que cette
responsabilité s'exerce sur
proposition du représentant de
l'Etat
;
- les articles 2 et 3 du décret confient à la
collectivité territoriale de Corse en matière
d'établissement de la
structure pédagogique
générale des établissements
et de
programme annuel
des investissements
des compétences que l'article L. 211-2
confie respectivement au recteur et au représentant de l'Etat, dans le
reste du pays. On peut s'interroger sur la régularité de cette
dérogation opérée par voie réglementaire à
une règle posée par une disposition législative.
• Les modifications proposées par le projet de loi
Le paragraphe
III
modifie l'article L. 4424-11 qui devient
l'article L. 4424-1 et s'articule sur trois alinéas.
Le
premier alinéa
confie à la collectivité
territoriale de Corse la responsabilité de définir
«
la carte des implantations, les capacités d'accueil ainsi
que le mode d'hébergement des élèves
» pour
les établissements d'enseignement secondaire dont elle a la charge.
Ce dispositif appelle plusieurs remarques :
- ces attributions correspondent au contenu habituel du
«
programme prévisionnel des
investissements
» et correspondent donc à une
responsabilité déjà conférée à la
collectivité territoriale de Corse par le statut de 1991 à
travers la notion de « carte scolaire ».
Le projet de
loi n'évoque en revanche
pas explicitement
«
le schéma prévisionnel des
formations
» qui constituait l'autre versant de la carte
scolaire ;
- le projet de loi affranchit la collectivité territoriale de Corse du
pouvoir de proposition
reconnu par le statut de 1991 au
représentant de l'Etat
, mais aussi de la
consultation
préalable des collectivités territoriales
intéressées et du conseil économique, social et culturel
de Corse.
Le
second alinéa
reconnaît à la collectivité
territoriale de Corse la responsabilité d'arrêter
la
liste des opérations d'investissements
intéressant les
établissements secondaires dont elle a la charge, après avoir
consulté les communes intéressées et le conseil
économique, social et culturel, et après avoir recueilli l'avis
du représentant de l'Etat. Il confère donc opportunément
un statut législatif à une compétence que la
collectivité territoriale de Corse tenait jusqu'à présent
de l'article 3 du décret de 1992 précité.
Le troisième alinéa
précise les modalités
d'élaboration de
la carte des formations
: celle-ci est
définie chaque année par la collectivité territoriale de
Corse, et l'Etat lui fait connaître les moyens qu'il se propose
d'attribuer à cette fin à l'Académie de Corse. Cette carte
des formations ne devient définitive que lorsqu'une convention
définissant les moyens attribués par l'Etat a été
conclue entre le représentant de l'Etat et la collectivité
territoriale de Corse.
Ce dispositif appelle deux observations :
- si la notion de «
carte des formations
» recoupe
bien celle de «
structure pédagogique
générale des établissements
» visée
à l'article L. 211-2 du code de l'éducation, ce dispositif
donne une confirmation législative à une compétence que
lui reconnaissait déjà l'article 2 du décret de 1992
précité, mais supprime le pouvoir de proposition du recteur ;
- à travers le contrôle qu'il conserve sur les moyens, notamment
en personnel, qu'il affecte à l'Académie de Corse, l'Etat
participe à la construction de la carte des formations : celle-ci
ne devient définitive qu'une fois conclue une convention entre l'Etat et
la collectivité territoriale de Corse.
Le paragraphe
IV
modifie la numérotation de l'article
L. 4424-12 qui devient l'article L. 4424-2, et
abroge l'article
L. 4424-15
qui confie au
président du conseil
exécutif la compétence pour répartir
, sur proposition
de l'autorité compétente,
les emplois
attribués aux
établissements d'enseignement.
• La position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté plusieurs
amendements :
- deux
amendements rédactionnels
portant sur les trois premiers
alinéas (paragraphes
I
et
II
), et dont l'objet est,
notamment, de renvoyer par un souci de clarté les intitulés de la
« sous-section 2 : Culture et communication » et de la
« sous-section 3 : Sport et éducation
populaire » à la discussion des articles 8 et 11 du projet de
loi qui portent sur le contenu de ces divisions du code ;
- un
amendement
de la commission des lois de l'Assemblée
nationale a complété le texte du dispositif proposé par le
III pour l'article L. 4424-1 par un dernier alinéa qui
prévoit une
consultation préalable
du représentant
de l'Etat, du Conseil économique social et culturel de Corse, et des
communes intéressées pour la définition de la carte des
implantations et de la carte des formations ;
- un autre
amendement
a précisé, dans l'avant-dernier
alinéa, que la convention passée entre l'Etat et la
collectivité territoriale de Corse sur la carte des formations doit
également définir, outre les moyens attribués par l'Etat,
leurs
modalités d'utilisation
.
• La position de votre commission spéciale
1) Votre
commission spéciale vous propose de modifier l'intitulé de la
section 1 pour le rendre plus fidèle à son contenu qui porte sur
les attributions de la collectivité territoriale de Corse en
matière d'identité culturelle, et non, comme pourrait le laisser
penser le titre actuel, sur les composantes de l'identité culturelle.
2)
Le projet de loi ne reprend pas les termes du code de l'éducation
applicables dans le reste de la France en matière de planification
scolaire
. Dans la réponse écrite qu'il a apportée
à votre rapporteur, le Gouvernement indique que ce choix
rédactionnel «
tient à la précédente
rédaction du statut de la Corse, issu de la loi de 1991, qui
évoquait la notion de "carte scolaire"
».
Votre commission spéciale a rappelé les imprécisions
rédactionnelles du statut de 1991, qui ont conduit le pouvoir
réglementaire à expliciter le contenu de la notion de
« carte scolaire » par référence aux notions
définies par le code de l'Education. Elle ne souhaite pas que le
dispositif qui sera adopté en matière de planification scolaire
dans le projet de statut reconduise ces ambiguïtés. Elle estime
que, dans la mesure où
les outils de programmation utilisés en
Corse ont le même contenu que ceux qui ont cours dans le reste du
pays
-ce qui semble être le cas, d'après les réponses
écrites que le rapporteur a reçues- il n'est
pas
justifié de les désigner par des expressions
différentes
sauf à vouloir conférer, artificiellement,
à l'ensemble du dispositif une originalité de façade.
Le rapprochement des réponses écrites du Gouvernement et des
débats à l'Assemblée nationale illustre d'ailleurs les
inconvénients de cette terminologie originale et ambiguë.
Dans les précisions qu'il a apportées à votre rapporteur,
le Gouvernement écrit : «
Dans le projet de loi
actuel, on a tenté de clarifier les termes de carte scolaire en
supprimant cette expression et en précisant les compétences
concrètes de la collectivité territoriale de Corse en
matière de planification scolaire : «
la carte des
formations, les capacités d'accueil et le mode d'hébergement des
élèves
», correspondent en réalité au
programme
prévisionnel des investissements
(L. 214-5)
et au
schéma prévisionnel des
formations
(L. 214-1).
»
Cependant, lorsque, dans la discussion à l'Assemblée nationale,
M. Paul Patriarche a déposé un
amendement
proposant
que l'élaboration du
schéma prévisionnel des
formations
soit prévue par la loi, le rapporteur et le Gouvernement
l'ont repoussé, non pas au motif que cette proposition était
redondante, mais parce qu'il ne leur semblait «
pas
nécessaire d'introduire un nouveau document en sus de la carte scolaire
et de la carte des formations
» (débats A.N. -
2
ème
séance 16 mai 2001, p. 3012).
Votre commission spéciale souhaite éviter qu'à l'occasion
de l'adoption d'une disposition ambiguë, la collectivité
territoriale de Corse se trouve privée d'une compétence que lui
reconnaît le statut actuel, et que le code de l'Education attribue
d'ailleurs à tout conseil régional.
Elle vous proposera, en conséquence :
- de substituer aux expressions originales mais mal définies du
dispositif actuel, les dénominations habituelles et explicites du code
de l'Education ;
- de confirmer explicitement la compétence actuelle de la
collectivité territoriale de Corse en matière de
définition du schéma prévisionnel des formations.
Dans le texte proposé par le III de cet article pour l'article
L. 4424-1 du code général des collectivités
territoriales, elle vous proposera par
amendement
:
- dans le premier alinéa, de substituer les mots «
le
schéma prévisionnel des formations et le programme
prévisionnel des investissements
» aux mots
«
la carte des implantations, les capacités d'accueil ainsi
que le mode d'hébergement des élèves
» ;
- dans le troisième alinéa, de substituer les mots
«
la structure pédagogique générale des
établissements d'enseignement mentionnés au premier
alinéa
», aux mots «
la carte des
formations
».
3) Si la collectivité territoriale de Corse est compétente en
matière de planification scolaire, l'Etat conserve en revanche la
maîtrise des emplois. De façon à améliorer la
nécessaire concertation en amont sur la structure pédagogique
générale des établissements, votre commission
spéciale vous suggère d'adopter un
amendement
précisant que l'Etat fait connaître à l'Assemblée de
Corse, après concertation avec le Président du Conseil
exécutif, les effectifs qu'il se propose d'attribuer à
l'Académie de Corse.
4) Le projet de loi ne précise pas l'organe de la collectivité
territoriale de Corse habilité à signer la convention
passée avec l'Etat qui rend définitive la structure
pédagogique générale des établissements. Votre
commission spéciale vous suggère d'adopter un
amendement
confiant cette responsabilité au Président du Conseil
exécutif, agissant sur mandat de l'Assemblée de Corse.
Article 5
(art. L. 4424-13 du code général des
collectivités territoriales)
Actions de formation
supérieure
Cet article a pour objet d'autoriser la collectivité territoriale de Corse à organiser ses propres actions de formation supérieure et de recherche.
• Le droit en vigueur
Dans sa
rédaction actuelle, l'article L. 4424-13 du code
général des collectivités territoriales, issu de l'article
52 du statut de 1991, confie à l'Assemblée de Corse la
compétence pour établir, en fonction de ses priorités, la
carte des formations supérieures et des activités de recherche
universitaire. Elle établit cette carte à partir des propositions
formulées par le président du conseil exécutif.
L'université de Corse est étroitement associée à
son élaboration : le président du conseil exécutif
prend son avis avant de formuler des propositions ; la carte ne devient
définitive que lorsqu'elle a fait l'objet d'une convention entre la
collectivité territoriale de Corse, l'Etat et l'université de
Corse. Cette convention tripartite doit permettre de concilier la
compétence de la collectivité territoriale de Corse avec les
prérogatives de l'Etat en matière d'enseignement supérieur
et avec le principe d'autonomie des établissements universitaires.
• Les modifications proposées par le projet de loi
Le
projet de loi complète les dispositions de
l'article L. 4424-13 du code général des
collectivités territoriales -dont il modifie la numérotation par
coordination avec les dispositions de l'article 4 du projet de loi- par un
alinéa additionnel.
Celui-ci a pour objet d'autoriser la collectivité territoriale de Corse
par délibération de l'Assemblée, à organiser ses
propres actions de formation supérieure et de recherche, en passant des
conventions avec des établissements d'enseignement supérieur ou
avec des organismes de recherche.
• La position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté trois amendements
qui
ont modifié cet article et l'ont organisé en quatre paragraphes.
Un
amendement
de la commission des lois a substitué les mots
«
enseignement supérieur et recherche
» aux
mots «
formations supérieures et activités de
recherche
» dans les premier, deuxième et troisième
alinéas nouveaux du nouvel article L. 4424-3. D'après M.
José Rossi, qui l'a défendu devant la commission, cet amendement
(deux fois modifié) a pour objet «
uniquement d'harmoniser
les termes employés avec ceux figurant dans les autres textes relatifs
à ces questions
».
L'amendement
de la commission des lois adopté sur l'initiative de
M. Michel Vaxès précise, dans le texte proposé par le
IV pour le troisième alinéa de l'article L. 4424-3 que les
actions organisées en ce domaine par la collectivité territoriale
de Corse sont
complémentaires de celles de l'Etat.
Un
amendement
de M. Jean-Yves Caullet a précisé en outre
que ces actions sont organisées «
sans préjudice des
compétences de l'Etat en matière d'homologation des titres et
diplômes
».
• La position de votre commission spéciale
La
disposition qui autorise la collectivité territoriale de Corse à
développer des actions complémentaires en partenariat avec des
établissements d'enseignement supérieur et de recherche, n'est
pas dépourvue d'intérêt dans la mesure où elle
pourrait être l'occasion d'une fructueuse ouverture sur
l'extérieur, mais elle suscite de fortes réserves de la part de
l'Université de Corse.
Votre commission spéciale l'a cependant maintenue car elle se situe dans
le prolongement d'une pratique déjà très répandue
sur l'ensemble de notre territoire, et qui est conforme au principe de libre
administration des collectivités territoriales, et à celui de
l'autonomie des universités.
Elle vous propose, en conséquence, d'adopter cet article
sans
modification
.
Article 6
Financement des établissements d'enseignement
supérieur
et gestion des instituts universitaires de formation des
maîtres
Cet
article, qui comporte deux paragraphes, a pour objet de transférer
à la collectivité territoriale de Corse le financement des
établissements d'enseignement supérieur (
I
) et la gestion
des instituts universitaires de formation des maîtres (
II
).
Le premier paragraphe (
I
) de cet article introduit dans le code
général des collectivités territoriales un
nouvel
article L. 4424-4
qui transfère à la collectivité
territoriale de Corse
la compétence pour financer, construire,
équiper et entretenir les établissements d'enseignement
supérieur
figurant sur la carte des formations supérieures
qu'elle a établie. Ce transfert vient compléter le bloc de
compétences qui lui est déjà reconnu en matière de
financement des collèges, lycées, établissements publics
d'enseignement professionnel, établissements d'enseignement artistique,
établissements d'éducation spéciale, écoles de
formation maritime et aquacole et établissements d'enseignement agricole.
Le second paragraphe (
II
) transfère à la
collectivité territoriale de Corse les compétences
attribuées à l'Etat par les articles L. 722-1 à
L. 722-16 du code de l'Education
, à l'exception toutefois des
dispositions relatives aux personnels.
Ces dispositions du code de l'Education reprennent les 16 premiers articles de
la
loi du 4 juillet 1990
relative aux droits et obligations de
l'Etat et des départements concernant les instituts universitaires de
formation des maîtres (IUFM).
Alors que les bâtiments et certains personnels des anciennes
écoles normales étaient gérés par les conseils
généraux, les instituts universitaires de formation des
maîtres, qui sont rattachés aux établissements publics
d'enseignement supérieur, sont gérés par l'Etat. La loi
de 1990 décrit les modalités de transfert des biens meubles
et immeubles qui leur sont affectés et prévoit la
possibilité d'intégrer dans la fonction publique de l'Etat les
personnels affectés à leur entretien. Son article 2,
codifié à l'article L. 722-2, autorise cependant les
départements qui le souhaiteraient à conserver les
responsabilités qu'ils exerçaient précédemment
à l'égard des personnels et des biens affectés à
ces établissements, sous réserve de la passation d'une convention
avec l'Etat pour régler les conditions et les modalités de prise
en charge des dépenses correspondantes.
Tel est le cas, en Corse, pour les IUFM de Bastia et d'Ajaccio, qui sont
installés dans les locaux des anciennes écoles normales et
à l'égard desquels les deux conseils généraux
continuent, depuis 1991, d'exercer leurs obligations.
• Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté le
I
sans
modification.
L'Assemblée nationale a adopté un
amendement
de la
commission des lois qui procède à la réécriture du
deuxième paragraphe (
II
), sous la forme d'un
article
L. 722-17 additionnel
après l'article L. 722-16 du code de
l'Education. Ce nouveau dispositif :
- confie à la collectivité territoriale de Corse la
gestion
des biens meubles et immeubles
affectés aux IUFM ;
- substitue à cet effet la collectivité territoriale de Corse
à l'Etat pour l'application des
articles L. 722-2 à
L. 722-9
du code de l'Education, à l'exception de toute
disposition relative aux personnels ;
- prévoit que, dans le cas d'une convention entre la collectivité
territoriale de Corse et le département, en application de
l'article L. 722-2, le
département
continuera d'exercer
les
responsabilités
qu'il assumait précédemment
à l'égard des personnels
affectés à
l'entretien et à la gestion de ces bâtiments.
Le
rapport de M. Bruno Le Roux
justifie de la façon suivante
cette nouvelle rédaction.
Il estime que le projet de loi initial, qui prévoit la substitution de
la collectivité territoriale de Corse à l'Etat en visant
l'intégralité des articles du code de l'Education relatifs aux
IUFM, «
laisse un doute sur le maintien de la compétence de
l'Etat en matière de recrutement des enseignants et de définition
des contenus des enseignements délivrés dans ces instituts de
formation
». L'amendement de la commission des lois est donc
présenté comme un amendement de précision destiné
à ne viser que les articles du code relatifs à la seule gestion
des biens.
Cet amendement et sa présentation appellent un certain nombre de
remarques :
- le dispositif proposé par l'Assemblée nationale procède
à une sélection au sein des dispositions du chapitre du code de
l'éducation relatif à la gestion des IUFM :
il retient
les articles qui concernent principalement la gestion des biens (articles
L. 722-2 à L. 722-9) mais retranche ceux qui portent sur la
gestion des personnels transférés (articles L. 722-10
à L. 722-15)
; à ce titre, il peut apparaître
comme une rédaction plus précise d'un dispositif qui se proposait
d'emblée d'exclure les dispositions relatives aux personnels ;
- on ne voit pas bien en revanche, pourquoi l'ancienne rédaction aurait
laissé «
un doute sur le maintien de la compétence
de l'Etat en matière de recrutement des enseignants et de
définition des contenus des enseignements
». Les articles
L. 722-10 à L. 722-15, dont la mention a été
supprimée, portent en effet non sur les personnels enseignants, mais sur
les fonctionnaires, relevant du statut de la fonction publique territoriale
et affectés à l'entretien et à la gestion des
bâtiments,
pris en charge par l'Etat à la suite de leur
affectation à un IUFM. Ces dispositions leur ouvrent la
possibilité de demander leur intégration dans la fonction
publique de l'Etat, et précisent les modalités de calcul et de
versement de la compensation financière correspondant à leur
rémunération. Elles n'évoquent pas non plus le contenu des
enseignements ;
- on peut également s'interroger sur
les conséquences de cette
nouvelle rédaction pour les départements
qui, en application
de l'article L. 722-2, ont souhaité conserver la gestion des IUFM
issus des anciennes écoles normales. Le nouvel article L. 722-17
pose en effet
le principe général d'une prise en charge par la
collectivité territoriale de Corse de la gestion des biens meubles et
immeubles affectés aux IUFM
. Il ajoute qu'en cas de convention entre
la collectivité territoriale de Corse et le département, en
application de l'article L. 722-2, le
département
continue
d'exercer les
responsabilités
qu'il assumait
précédemment
à l'égard des personnels
, ce
qui semble confirmer, a contrario, que la gestion des biens meubles et
immeubles lui échappera dorénavant.
Ce point n'est pas sans conséquence pour la Corse, compte tenu de la
localisation respective de l'Université de Corse et des
différents centres d'IUFM. Il existe en effet, à
côté du siège de l'IUFM rattaché à
l'Université de Corte, deux centres qui sont respectivement
installés à Bastia et à Ajaccio, dans les locaux des
anciennes écoles normales. Les deux conseils généraux sont
attachés à l'implantation de ces deux établissements, et
ont pour cette raison décidé depuis 1991, de continuer
à assurer leurs obligations en matière d'entretien de ces locaux.
• Position de votre commission spéciale
Votre commission spéciale vous propose d'adopter une nouvelle
rédaction du
II
permettant la substitution de la
collectivité territoriale de Corse à l'Etat en matière de
gestion des IUFM, dans le respect des garanties offertes aux
départements dans le cadre de l'article L. 722-2.
Article 7
(art. L. 312-11 du code de l'éducation)
(art. L.
4424-14 du code général des collectivités
territoriales)
Enseignement de la langue
corse
Cet
article a pour objet d'insérer l'enseignement de la langue corse dans le
cadre de l'horaire normal des écoles (I), et de prévoir que les
mesures d'accompagnement nécessaires seront inscrites dans la convention
conclue entre la collectivité territoriale de Corse et l'Etat (II).
Votre commission spéciale vous propose en outre d'adopter un paragraphe
additionnel relatif au CAPES de langue corse.
L'insertion de l'enseignement de la langue corse dans le cadre scolaire doit
permettre de sortir celui-ci d'un cadre purement identitaire, tendant au repli
sur soi. Il peut et doit être un élément de lutte contre
l'isolement et l'insularité, un instrument d'ouverture vers le
multilinguisme et, plus particulièrement, vers l'apprentissage d'autres
langues latines.
I. L'ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE CORSE
• Le droit en vigueur
Le cadre
juridique actuel de l'enseignement de la langue corse est constitué de
trois éléments.
1. La loi Deixonne
Les dispositions de la loi n° 51-46 du 11 janvier 1951, dite
«
Loi Deixonne
», ont été
codifiées dans une section particulière du
code de
l'éducation
consacrée à «
l'enseignement
des langues et cultures régionales
». Cette section
comporte deux articles :
- un
article L. 312-10
qui dispose qu'«
un
enseignement de langues et cultures régionales peut être
dispensé tout au long de la scolarité
» ;
- un
article L. 312-11
qui autorise les maîtres
«
à recourir aux langues régionales dans les
écoles primaires et maternelles,
chaque fois qu'ils peuvent en tirer
profit pour leur enseignement, notamment pour l'étude de la langue
française
».
Les dispositions de cette loi, d'origine parlementaire, ne concernaient
initialement que le breton, le basque, le catalan et la langue occitane.
Un
décret du 16 janvier 1974 en a étendu le
bénéfice au corse.
Deux autres décrets
ultérieurs, respectivement du 12 mai 1981 et du 20 octobre
1992 y ont adjoint le tahitien et les langues mélanésiennes.
Les dispositions de la « loi Deixonne », qui
définissent le statut législatif de l'ensemble de ces langues
régionales, corse compris, appelle les remarques suivantes :
- il s'agit d'un
enseignement facultatif
: aucune obligation n'est
imposée ni aux élèves, ni aux maîtres, ni aux
établissements scolaires ;
- le recours aux langues régionales n'est pas présenté
comme une fin en soi, mais comme le moyen pour les maîtres d'en tirer un
profit pour leur enseignement, notamment pour l'étude de la langue
française.
On rappellera en outre que l'article premier de la loi n° 89-486
d'orientation sur l'éducation prévoit la possibilité d'un
enseignement à tous les niveaux, de langues et cultures
régionales, et que, plus récemment, la loi n° 99-533 du
29 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le
développement durable du territoire a prévu un schéma de
services collectifs culturels dont l'une des mission est d'assurer
«
la sauvegarde et la transmission des langues et cultures
régionales ou minoritaires
».
2. Le rôle déterminant des circulaires ministérielles
Sur le fondement de ces dispositions législatives très
générales, le développement de l'enseignement des cultures
et langues régionales dans le service public de l'éducation
nationale a été instauré, pour l'essentiel, par voie de
circulaires. Deux d'entre elles méritent une mention
particulière :
• la circulaire n° 82-261 du 21 juin 1982
a
consacré l'enseignement des langues régionales «
non
pas comme une matière marginale, mais comme une matière
spécifique
» dont l'enseignement devait toutefois reposer
sur le
volontariat des élèves et des enseignants
. Elle
prévoyait plus particulièrement que dans les classes maternelles,
la langue régionale pourrait être utilisée pour l'accueil
du matin et dans les activités d'éveil ; à
l'école élémentaire, cet enseignement pourrait soit
continuer de s'effectuer à l'occasion d'activités d'éveil,
soit faire l'objet d'un enseignement spécifique de culture et de langue
régionales. Cet enseignement, modulable de
1 à
3 heures par semaine
, serait organisé par des enseignants
volontaires ;
• Plus récemment,
la circulaire n° 95-086 du
7 avril 1995
a précisé les
deux formes
que
pourrait dorénavant prendre l'enseignement de langue et de culture
régionales :
soit un enseignement d'initiation
,
dispensé à raison de 1 à 3 heures hebdomadaires,
et intégré dans les programmes et les horaires nationaux selon
les aménagements acceptés par les inspecteurs
d'académie ;
soit un enseignement bilingue
dans lequel la
langue régionale est à la fois langue enseignée et langue
d'enseignement et est utilisée à parité avec la langue
française.
C'est dans ce contexte législatif et réglementaire que
« la stratégie de l'Etat en Corse », adoptée
en février 1994, a posé le principe d'une développement de
l'enseignement de la langue corse, avec un objectif de trois heures
hebdomadaires.
D'après les indications fournies à la mission d'information de
votre commission spéciale,
l'enseignement de la langue corse est
actuellement dispensé dans 80% des classes primaires de Corse
, mais
la durée de cet enseignement n'atteint l'objectif des trois heures
hebdomadaire que dans 20% d'entre elles.
Toutefois, lors de sa venue en Corse, le 10 septembre dernier, le ministre de
l'Education nationale a exprimé sa volonté de
généraliser l'enseignement de la langue corse dans l'ensemble des
écoles maternelles et élémentaires, à raison de
trois heures hebdomadaires.
Le jeu conjugué des dispositions législatives existantes et
des circulaires générales relatives aux langues régionales
offrent donc un fondement juridique suffisant au développement, dans les
écoles primaires de corse, d'un enseignement facultatif de langue
corse
. Les difficultés que rencontre sa généralisation
sont d'ordre budgétaire, ou tiennent à l'insuffisance du nombre
d'enseignants compétents dans cette matière ; elles ne sont,
en aucun cas, le fait d'un obstacle juridique, qu'il conviendrait de lever par
la loi, du moins si l'on reste dans le cadre actuel d'un enseignement
facultatif, pour les élèves comme pour les enseignants.
3. Les conditions posées par la jurisprudence du Conseil
constitutionnel
Le Conseil constitutionnel a fixé le cadre juridique que doit respecter
l'enseignement d'une langue régionale ou minoritaire pour être
conforme à la Constitution. Selon une jurisprudence constante, cet
enseignement peut prendre place dans le temps scolaire à condition :
- de ne pas revêtir un caractère obligatoire ;
- de ne pas avoir pour objet de soustraire les élèves aux droits
et obligations applicables à l'ensemble des usagers des
établissements du service public de l'enseignement.
Le Conseil constitutionnel a formulé ces deux conditions dans des termes
identiques à l'occasion de deux décisions importantes :
- la décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991 relative
à la loi portant statut de la collectivité territoriale de
Corse ;
- la décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 relative
à la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie
française.
Dans la première de ces décisions, il a estimé que le fait
pour le législateur d'autoriser la collectivité territoriale de
Corse à promouvoir l'enseignement de la langue et de la culture corses
ne portait atteinte à aucun principe de valeur constitutionnelle
«
dès lors
» qu'il respectait ces conditions.
Dans la seconde décision, il a estimé que le deuxième
alinéa de l'article 115 du statut de la Polynésie, qui
prévoit l'enseignement de la langue tahitienne dans le cadre de
l'horaire normal des écoles maternelles et primaires ainsi que dans les
établissements du second degré n'était contraire à
aucun principe ni à aucune règle de valeur constitutionnelle,
«
sous réserve
» de ne pas
méconnaître ces deux conditions.
• Les modifications proposées par le projet de loi
Le
projet de loi initial insérait dans le code de l'éducation un
nouvel article L. 312-11-1 qui prévoit que «
la langue
corse est enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles
maternelles et élémentaires, à tous les
élèves, sauf volonté contraire des parents ou du
représentant légal de l'enfant
».
Cette formule transcrivait de façon fidèle le relevé de
conclusions du 20 juillet 2000 qui prenait acte du fait que
«
les élus de l'Assemblée de Corse ont unanimement
demandé la définition d'un dispositif permettant d'assurer un
enseignement généralisé de la langue corse dans
l'enseignement maternel et primaire, de manière à favoriser
l'enseignement de cette langue ».
Ce relevé de conclusions prend également acte de l'engagement
pris par le Gouvernement de proposer au Parlement «
le vote d'une
disposition posant le principe selon lequel l'enseignement de la langue corse
prendra place dans l'horaire normal des écoles maternelles et
élémentaires, et pourra ainsi être suivi par tous les
élèves, sauf volonté contraire des parents
».
Il est à noter que cette formulation est demeurée dans le texte
du projet de loi initial malgré
l'avis défavorable du Conseil
d'Etat
, cité dans le rapport de l'Assemblée nationale, qui a
estimé que ce dispositif, «
à la différence
de la procédure d'inscription applicable à tous les autres
enseignements optionnels
»,
contraignait
«
les représentants légaux de l'enfant à
accomplir une demande expresse pour faire dispenser l'élève de
l'obligation de suivre cet enseignement
», ce qui revenait
«
à instituer dans les faits un enseignement
obligatoire de la langue corse
».
• La position de l'Assemblée nationale
La commission des lois de l'Assemblée nationale avait estimé,
dans son rapport (p. 195) que ce dispositif se bornait «
à
généraliser l'offre de l'enseignement du corse à toutes
les écoles maternelles et élémentaires dans le cadre de
l'horaire normal...
» et qu'il ne lui conférait aucun
caractère obligatoire puisque le refus des parents ouvrait droit
à une dispense automatique. Jugeant « discutable »
l'interprétation du Conseil d'Etat, elle a cependant
considéré qu'une «
nouvelle rédaction du
dispositif pourrait néanmoins utilement clarifier ce point de telle
sorte que l'obligation pour le système éducatif de proposer cet
enseignement ne puisse plus être confondue avec l'obligation
d'étudier cette discipline
».
La
nouvelle rédaction adoptée par l'Assemblée
nationale
résulte de deux amendements identiques
présentés respectivement par la commission des lois et par le
Gouvernement et qui ont pour objet :
- de supprimer la fin de la phrase : «
à tous les
élèves sauf volonté contraire des parents ou du
représentant légal de l'enfant
» ;
- de préciser que cette disposition ne s'applique que dans les
écoles maternelles et élémentaires « de
Corse », précision utile pour une disposition qui a vocation
à s'insérer dans le code de l'Éducation...
La disposition relative à l'enseignement de la langue corse
adoptée par l'Assemblée nationale est donc la suivante :
«
la langue corse est une matière enseignée dans
le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et
élémentaires de Corse
».
Elle reprend les termes du deuxième alinéa de l'article 115
de la loi organique du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie
de la Polynésie française. Celui-ci dispose que «
la
langue tahitienne est une matière enseignée dans le cadre de
l'horaire normal des écoles maternelles et primaires, et dans les
établissements du second degré
. »
• La position de votre commission spéciale
Votre
commission spéciale s'interroge sur le sens et la portée du
dispositif adopté par l'Assemblée nationale sur l'enseignement de
la langue corse.
Le Conseil d'Etat a estimé que le projet de loi initial revenait
à instaurer, dans les faits, un enseignement obligatoire, dans la mesure
où il subordonnait la dispense de cet enseignement à une
démarche expresse des parents.
La suppression, dans le texte voté par l'Assemblée nationale, de
cette référence à la volonté contraire des parents,
a-t-elle pour effet d'affirmer, paradoxalement, le caractère facultatif
de cet enseignement ?
Votre commission spéciale en doute. Le projet de loi érige
l'enseignement de la langue corse en « matière
enseignée dans le cadre de l'horaire normal des
écoles », et rien, dans le dispositif adopté (sinon son
inscription dans la loi), ne permet de distinguer le statut de cet enseignement
de celui des autres disciplines du programme telles le calcul ou l'histoire,
pour lesquelles il n'est pas de dispense possible.
L'interprétation contraire de l'Assemblée nationale et du
Gouvernement se fonde sur le fait que le dispositif comparable, qui figure dans
le statut d'autonomie de la Polynésie de 1996 précité, n'a
pas été censuré par le Conseil constitutionnel.
Votre commission spéciale tient cependant à rappeler les termes
de la décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 qui ne
sauraient être considérés comme une simple validation.
«
Considérant que le deuxième alinéa de
l'article 115 prévoit l'enseignement de la langue tahitienne dans
le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et primaires ainsi
que dans les établissements du second degré ; qu'un tel
enseignement
ne saurait toutefois
, sans méconnaître le
principe d'égalité, revêtir un caractère obligatoire
pour les élèves ;
qu'il ne saurait non plus
avoir
pour objet de soustraire les élèves scolarisés dans les
établissements du territoire aux droits et obligations applicables
à l'ensemble des usagers des établissements qui assurent le
service public de l'enseignement ou sont associés à
celui-ci ; que,
sous ces
réserves
, cet article n'est
contraire à aucun principe ni à aucune règle de valeur
constitutionnelle
. »
Ces
réserves interprétatives
qui, dans la jurisprudence du
Conseil constitutionnel, tiennent le milieu entre la censure et la validation
simple, pointent les
ambiguïtés du dispositif
concerné
, et constituent, en quelque sorte,
un avertissement dont
le législateur doit, à l'avenir, tenir compte
.
Votre commission spéciale juge donc préférable d'adopter
un dispositif qui indique plus clairement le caractère facultatif de
l'enseignement de la langue corse, plutôt que de confier, cette fois ci
encore au juge constitutionnel, le soin de rappeler à quelles conditions
un dispositif ambivalent peut être considéré comme
respectueux des principes constitutionnels.
Le dispositif qu'il vous propose d'adopter par un
amendement
est le
suivant :
«
Article L. 312.11.1 - La langue corse est une
matière dont l'enseignement est proposé à tous les
élèves dans le cadre de l'horaire normal des écoles de
Corse
. »
II. LE PLAN DE DÉVELOPPEMENT DE L'ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE ET DE LA
CULTURE CORSES
Le
II
de cet article modifie l'article L. 4424.14 du code
général des collectivités territoriales qui devient
l'article L. 4425.5.
Les modifications qu'il apporte au deuxième alinéa de cet
article, consacré au plan de développement de l'enseignement de
la langue et de la culture corses, sont mineures.
• Le droit en vigueur
L'article 53 du statut de 1991, codifié à
l'article
4424-14 du code général des collectivités
territoriales
, invite, dans son deuxième alinéa,
l'Assemblée de Corse à adopter, sur proposition du conseil
exécutif, et après avis du Conseil économique, social et
culturel de Corse, un
plan de développement de l'enseignement de la
langue et de la culture corses
. Ce plan doit notamment prévoir les
modalités d'insertion de cet enseignement dans le temps scolaire
,
modalités qui font l'objet d'une convention conclue entre la
collectivité territoriale de Corse et l'Etat.
Cette disposition n'a cependant pu trouver sa pleine traduction :
- le plan de développement de la langue et de la culture corses n'a
été adopté par l'Assemblée de Corse qu'en
1999 ;
- le lancement des consultations de Matignon, relatives à l'adoption
d'un nouveau statut, a interrompu la négociation de la convention
prévue entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse.
• Les modifications proposées par le projet de loi
Par coordination, le projet de loi supprime la référence à l'insertion de l'enseignement de la langue corse dans l'horaire normal des écoles, puisque celle-ci devrait dorénavant être inscrite dans la loi ; il modifie, en conséquence, l'objet de la convention conclue entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse. Celle-ci portera sur « les mesures d'accompagnement nécessaires et notamment celles relatives à la formation initiale et à la formation continue des enseignants. »
• La position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté ce paragraphe ( II ) sans modification.
• La position de votre commission spéciale
Votre
commission spéciale vous propose d'adopter ce paragraphe (
II
)
sans modification.
III. L'ORGANISATION DU CONCOURS DU CAPES DE LANGUE CORSE
Votre commission spéciale vous propose de compléter
l'article 7 par un
paragraphe III additionnel
relatif à
l'organisation du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du
second degré
(CAPES) de langue corse
.
Pour l'organisation des concours du CAPES sont actuellement prévues, aux
termes de l'arrêté du 30 avril 1991, un certain
nombre de sections correspondant à diverses disciplines.
L'une de ces sections est consacrée aux concours de
langues
régionales
: basque, breton, catalan, créole, occitan,
langue d'oc.
Ces concours sont dits bivalents
, en ce qu'ils comportent,
à côté des épreuves de langues régionales,
des épreuves correspondant à l'option choisie par le candidat
parmi les disciplines suivantes : français, langues
étrangères (en particulier, langues voisines de la langue
régionale), histoire-géographie, voire mathématiques (dans
le cas du breton).
Le
CAPES de Corse
fait l'objet d'une
section à part
, et ne
comporte
que des épreuves de langue corse.
Votre commission spéciale, qui souhaite que le développement de
l'enseignement de la langue corse s'effectue
dans un esprit d'ouverture sur
le monde
,
sans compromis avec les tentations toujours possibles d'un
repli sur soi identitaire
,
vous propose de mettre fin à la
situation exceptionnelle de ce CAPES monovalent pour
inciter les candidats
à s'ouvrir à une discipline complémentaire
.
On peut certes s'interroger sur le point de savoir si l'organisation des
concours de recrutement de l'Éducation nationale relève du
domaine de la loi, d'ailleurs tout autant que la désignation des
matières enseignées dans le cadre de l'horaire normal des
écoles.
Mais, de la même façon que le Gouvernement a jugé bon, eu
égard à sa portée symbolique, d'inscrire dans la loi
l'insertion de l'enseignement du corse dans les horaires scolaires, votre
commission spéciale vous propose, par cette disposition relative au
CAPES de Corse, d'indiquer plus généralement l'esprit dans lequel
doivent se développer l'ensemble des études de langue et culture
corses.
Elle vous propose en conséquence d'adopter un
amendement
ainsi
rédigé : «
Le CAPES de Corse est
réintégré dans la section des langues
régionales ; il comporte en conséquence, à
côté des épreuves de langue corse, des épreuves
écrites et orales dans une autre discipline, choisie par le candidat
parmi différentes options, selon des modalités comparables
à celles qui prévalent dans les autres CAPES de langues
régionales.
»
Cette réforme permettra aux titulaires du CAPES de Corse, comme c'est
déjà le cas pour les titulaires des autres CAPES de langues
régionales, de pouvoir enseigner une seconde discipline.
Cette amélioration de leur polyvalence ne pourra que faciliter le
déroulement ultérieur de leur carrière, en évitant
de les enfermer dans une voie trop étroite.
Sous-section 2
De la culture et de la communication
Article 8
(art. L. 4424-16 du code général des
collectivités territoriales)
Coopération
décentralisée en matière
culturelle
• Commentaire du projet de loi
Cet
article procède à deux modifications au sein du deuxième
alinéa de l'article L. 4424-16 du code général des
collectivités territoriales qui devient l'article L. 4424-6 :
- la possibilité, pour la collectivité territoriale de Corse, de
favoriser des initiatives et de promouvoir des actions «
dans le
domaine de la création et de la communication
» est
élargie au «
domaine de la culture et de la
communication
» ;
- la mention de la «
Communauté
européenne
» est remplacée par la terminologie
désormais en vigueur d' «
Union
européenne
».
• Position de l'Assemblée
L'Assemblée nationale a adopté, outre un
amendement
rédactionnel portant sur l'architecture de la
sous-section 2, un
amendement
de la commission, précisant que les
actions culturelles internationales de la collectivité territoriale de
Corse se déroulent «
dans le cadre de la coopération
décentralisée
».
La coopération décentralisée est encadrée par les
dispositions du chapitre II du titre unique du Livre I du code
général des collectivités territoriales (articles
L. 1112-1 à L. 1112-7) qui autorise les collectivités
territoriales et leurs groupements à conclure des conventions avec des
collectivités territoriales étrangères et leurs
groupements dans les limites de leurs compétences et dans le respect des
engagements internationaux de la France.
• Position de la commission spéciale
Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 9
(art. L. 4424-17 du code général des
collectivités territoriales ;
art. L. 144-6 du code de
l'urbanisme)
Compétences en matière
culturelle
Cet
article comporte deux paragraphes :
- le premier (
I
) modifie
l'article L. 4424-17 du code
général des collectivités territoriales
, qui devient
l'article L. 4424-7 ; ce nouvel article se subdivise lui-même
en trois paragraphes qui traitent respectivement : de la compétence
générale de la collectivité territoriale de Corse et de
l'Etat en matière culturelle (I) ; des transferts de
compétences particulières (II) et des transferts de
propriété des monuments historiques et des sites
archéologiques opérés au profit de la collectivité
territoriale de Corse ;
- le second (
II
) modifie le troisième alinéa de
l'article L. 144-6 du code de l'urbanisme
et porte sur le mode de
désignation des membres du conseil des sites de Corse.
I. COMPÉTENCES GÉNÉRALES EN MATIÈRE CULTURELLE
(nouvel article L. 4424-7 I du code général des
collectivités territoriales)
? Le droit en vigueur
Les compétences de la collectivité territoriale de Corse en
matière culturelle sont actuellement définies par
l'article 56 du statut de 1991, codifié à l'article
L. 4424-17 du code général des collectivités
territoriales.
Le premier alinéa de cet article dispose que «
la
collectivité territoriale de Corse définit les actions qu'elle
entend mener en matière culturelle, au vu notamment des propositions qui
lui sont adressées par les communes et les
départements
».
? Les modifications proposées par le projet de loi initial
Le dispositif proposé par le paragraphe I du nouvel article
L. 4424-7 se différencie du dispositif actuel sur trois
points : il érige la collectivité territoriale de Corse
comme acteur de référence en matière de conduite de la
politique culturelle en Corse, tout en confirmant simultanément les
fondements juridiques de l'intervention de l'Etat, et modifie la nature des
relations que la collectivité territoriale de Corse entretient, en
matière culturelle, avec les autres collectivités locales.
1. La collectivité territoriale de Corse comme acteur de
référence en matière de conduite de la politique
culturelle en Corse
Le projet de loi affiche clairement l'intention de procéder au
renforcement des prérogatives de la collectivité territoriale de
Corse de façon à en faire l'acteur de référence en
matière de conduite de la politique culturelle.
Il dispose que «
la collectivité territoriale de Corse
définit et met en oeuvre la politique culturelle en Corse, en
concertation avec les départements et les communes, et après
consultation du conseil économique et social de Corse
».
Votre rapporteur tient à souligner que l'expression
«
définit et met en oeuvre la politique culturelle en
Corse
» va bien au-delà des formules utilisées dans
les textes de décentralisation relatifs aux compétences des
collectivités territoriales, et conférera bien à celle-ci
une compétence de premier rang.
Ces compétences sont en effet généralement définies
comme le pouvoir reconnu à leurs assemblées élues de
régler, par leurs délibérations, les affaires de la
collectivité, ou de promouvoir leur développement, ou encore de
définir les actions qu'elles entendent mener dans un certain nombre de
domaines limitativement énumérés (voir par exemple les
articles L. 3211-1, L. 4221-1, L. 4433-1 et L. 4433-27 du
code général des collectivités territoriales).
2. La procédure d'élaboration de « la politique
culturelle en Corse »
Le projet de loi précise que cette politique culturelle est
élaborée
en concertation avec les départements et les
communes
, alors que, dans le statut actuel, la collectivité
territoriale de Corse définit ses actions culturelles «
au
vu, notamment des
propositions
qui lui sont adressées par les
communes et les départements
».
Cette nouvelle formulation tend à associer plus étroitement les
autres collectivités locales à l'élaboration de la
politique conduite par la collectivité territoriale de Corse, de
façon à renforcer son unité.
Il pose également le principe d'une
consultation préalable du
conseil économique social et culturel
de Corse, rendant celle-ci
obligatoire, alors que l'article L. 4424-9 du code général
des collectivités territoriales ne lui confère, en matière
culturelle, qu'un caractère facultatif.
3. Le maintien d'une compétence générale mais
résiduelle de l'Etat
Malgré la portée des prérogatives reconnues à la
collectivité territoriale de Corse, l'action culturelle reste un domaine
de
compétences partagées
.
Le projet de loi confirme en effet
le maintien d'une compétence de
l'Etat en matière culturelle
. Il s'agit d'une
compétence
générale
, qui n'est pas définie en relation avec des
domaines particuliers, mais par son niveau de référence :
«
les actions relevant de la politique
nationale
» ;
La réponse écrite adressée par le Gouvernement à
votre rapporteur précise que la politique nationale est celle qui est
« définie à l'échelon
ministériel »
et qui
« décline la
politique générale de l'Etat
». Elle précise
que, en dehors de textes normatifs peu nombreux, celle-ci s'exprime à
travers le décret de compétences du ministère, la
Directive nationale d'orientation annuelle signée par le ministre, et
enfin les moyens financiers inscrits au projet de loi de finances.
Ces différents textes donnent une définition très large et
générale du champ d'intervention de la politique culturelle
nationale. L'article premier du décret du 10 mai 1982
modifié relatif à l'organisation du ministère de la
culture en fournit l'illustration. Il dispose en effet que celui-ci a pour
mission «
de permettre à tous les Français de
cultiver leur capacité d'inventer et de créer, d'exprimer
librement leurs talents et de recevoir la formation artistique de leur
choix ; de préserver le patrimoine culturel national,
régional ou des divers groupes sociaux pour le profit commun de la
collectivité tout entière ; de favoriser la création
des oeuvres de l'art et de l'esprit et de leur donner la plus vaste
audience ; de contribuer au rayonnement de la culture et de l'art
français dans le libre dialogue des cultures du monde
. ».
Saisie de l'avant projet de loi en décembre 2000, l'Assemblée de
Corse avait critiqué la distinction établie entre la politique
conduite par la collectivité territoriale de Corse et cette politique
nationale dont l'Etat conserverait la mise en oeuvre, estimant qu'elle
était «
de nature à maintenir une dualité de
services confuse et préjudiciable
».
Il reviendra au Gouvernement de veiller à ce que l'application qui sera
faite de ce dispositif reste conforme à son esprit et qu'elle sache
éviter le maintien de chevauchements de compétences
préjudiciables.
4. Le rôle central de la convention passée entre l'Etat et la
collectivité territoriale de Corse
Compte tenu du caractère général de leurs
compétences en matière culturelle, la convention passée
entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse pour
définir l'articulation de leurs actions revêtira un
caractère essentiel.
Le recours à une convention est conforme aux orientations actuelles de
la politique culturelle, formulées notamment dans le schéma de
services collectifs culturels qui préconisent un développement de
la contractualisation entre l'Etat et les collectivités territoriales.
On relèvera cependant que le projet de loi ne fournit aucune
indication :
- ni sur les personnes autorisées à négocier cette
convention (Conseil exécutif ou Assemblée de Corse d'un
côté ; échelon ministériel ou
préfectoral de l'autre) ;
- ni sur la durée ou la périodicité de la convention.
5. Les relations entre la collectivité territoriale de Corse et les
autres collectivités locales
Le deuxième alinéa du paragraphe I confie à la
collectivité territoriale de Corse un «
rôle de
liaison, de conseil et d'assistance aux collectivités locales en
matière culturelle
».
Dans la présentation qu'il en donne,
l'exposé des motifs
précise que ce dispositif permettra à la collectivité
territoriale de Corse de «
coordonner les actions des autres
collectivités territoriales
».
Si telle devait être la portée du deuxième alinéa du
I, celui-ci serait certainement contraire au principe de la libre
administration des collectivités territoriales dont l'une des
traductions est rappelée à
l'article L. 1111-3 du code
général des collectivités territoriales et à la
prohibition de toute forme de tutelle
de l'une sur une autre.
La lecture littérale du dispositif du projet de loi évoque
cependant un mode de relations plus lâche et de ce fait moins susceptible
d'encourir la censure du Conseil constitutionnel. Le texte ne précise
pas si cette mission de conseil et d'assistance reconnue à la
collectivité territoriale de Corse a vocation à se substituer
à celle qu'exercent traditionnellement les services de l'Etat, ou si les
collectivités locales pourront, à leur guise, s'adresser à
l'un ou l'autre de ces interlocuteurs.
? La position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté, sur le nouvel article
L. 4424.7-I, un amendement déposé par le Gouvernement.
Cet
amendement
a deux objets :
- il complète la description des
compétences de l'Etat
en
matière culturelle, en précisant qu'outre les actions relevant de
la politique nationale, il «
assure les missions de contrôle
scientifique et technique
» ; il répond à un
amendement de la commission des lois, également adopté par
l'Assemblée nationale, qui avait supprimé le dernier
alinéa du paragraphe du même article, de portée voisine,
puisqu'il disposait que «
dans toutes les actions qu'elle conduit
en matière culturelle, la collectivité territoriale de Corse
reste soumise au contrôle scientifique et technique de
l'Etat
» ; ce changement de position dans le texte ne
devrait pas avoir de conséquence sensible, d'autant que, par delà
ce rappel de principe, l'exercice de ces missions de contrôle est
généralement déjà organisé par des
dispositions législatives ou réglementaires, valables, en
l'état actuel des choses sur l'ensemble du territoire ;
- il ajoute au premier alinéa du I une phrase précisant que,
dans la convention qu'il passe avec la collectivité territoriale de
Corse, l'Etat peut charger cette dernière de la mise en oeuvre de
certaines actions qui relèvent de la politique nationale
;
cette possibilité pourrait ouvrir la voie à un allègement
des services déconcentrés du ministère de la culture en
Corse ; il convient cependant de rappeler que cette convention ne saurait
avoir pour effet de transférer à la collectivité
territoriale de Corse des compétences qui sont expressément
attribuées par la loi à l'Etat ou à ses
représentants.
? La position de votre commission spéciale
Votre commission spéciale vous propose un
amendement
destiné à rendre facultative la passation d'une convention entre
l'Etat et la collectivité territoriale de Corse, de façon
à éviter toute situation de blocage du dispositif, dans
l'hypothèse où les deux parties ne parviendraient pas à
finaliser rapidement leur accord.
II. TRANSFERTS DE COMPÉTENCES SPÉCIFIQUES AU PROFIT DE LA
COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE (nouvel article L. 4424-7-II du
code général des collectivités territoriales)
? Le droit en vigueur
Le deuxième alinéa de l'article L. 4424-17 du code
général des collectivités territoriales, issu de
l'article 56 du statut de 1991 reconnaît déjà à
la collectivité territoriale de Corse un certain nombre de
compétences spécifiques, en matière :
- de diffusion artistique et culturelle ;
- de sensibilisation et d'enseignement artistique ;
- de travaux de conservation des monuments historiques n'appartenant pas
à l'Etat, sous réserve des dispositions de la loi du
31 décembre 1913 sur les monuments historiques.
? Les modifications proposées par le projet de loi
Le projet de loi conforte les transferts de compétences
déjà opérés, et en complète la liste.
1. Compétence en matière de patrimoine
protégé
Le projet de loi confirme les compétences déjà reconnues
à la collectivité territoriale de Corse en matière de
travaux de conservation sur les monuments historiques ; ceux-ci pourront
également porter sur leur mise en valeur. La collectivité
territoriale de Corse peut également conduire des études, et
proposer à l'Etat des mesures de protection des monuments historiques.
Cette dernière disposition ne fait au demeurant que donner une
consécration législative à une faculté qui est
déjà ouverte à la collectivité territoriale de
Corse comme à toute collectivité locale, aux associations ou aux
propriétaires (circulaire du 24 janvier 1985 portant application
des décrets n° 84-1006 et n° 84-1007 du
15 novembre 1984).
2. Compétence en matière archéologique
Cette compétence est, en revanche, nouvelle. Comme pour le patrimoine
protégé, elle porte à la fois sur la conservation et la
mise en valeur des sites archéologiques. Si l'élaboration de la
carte archéologique reste de la compétence de l'Etat,
conformément à l'article 3 de la loi n° 2001-44 du
17 janvier 2001, la collectivité territoriale de Corse pourra
cependant y être associée de façon souple, en fournissant
les éléments nécessaires à son
établissement. Elle sera en outre consultée sur le programme des
fouilles sur son territoire exécutées par l'Etat, dans le cadre
du titre II de la loi du 27 septembre 1941.
3. Autres transferts de compétences
Le projet de loi autorise en outre la collectivité à
définir les actions qu'elle entend mener en matière d'inventaire
du patrimoine, de recherches ethnologiques, de muséographie, d'aide au
livre et à la lecture publique, de soutien à la création,
de diffusion artistique et de sensibilisation à l'enseignement
artistique. Cette liste reprend assez fidèlement les demandes
formulées par l'Assemblée de Corse, dans son avis de
décembre 2000.
Ces compétences se rattachent à des compétences
déjà en partie reconnues à la collectivité
territoriale de Corse soit par des textes généraux, soit par le
statut de 1991 :
-
l'inventaire du patrimoine
est, d'une façon
générale, de plus en plus souvent réalisé par
l'Etat en partenariat avec les collectivités territoriales
concernées, et en particulier les départements, et les premiers
protocoles de décentralisation qui ont été conclus
explorent les moyens d'approfondir cette collaboration ; en Corse, un
partenariat se développe sur la base de la charte culturelle de
1997 ;
- les collectivités locales disposent déjà en vertu de
l'article 1423-1 du code général des collectivités
territoriales d'une grande autonomie dans l'organisation et le financement de
leurs
musées
, même si leur activité reste soumise au
contrôle technique de l'Etat ;
- le statut de 1991 reconnaît déjà à la
collectivité territoriale de Corse le pouvoir de mener des actions en
matière de
diffusion artistique et culturelle
;
- les compétences attribuées à la collectivité
territoriale de Corse en matière de
diffusion artistique et
culturelle
sont étendues au
soutien à la
création
et à la sensibilisation à l'enseignement
artistique ;
- les compétences de la collectivité territoriale de Corse en
matière
d'aide au livre et à la lecture publique
devront
respecter les compétences départementales et communales
(celles-ci résultent, notamment des articles L. 1422-1 à 9
du code général des collectivités territoriales) ;
- des compétences lui sont également attribuées en
matière de
muséographie
et de
recherches
ethnologiques
.
4. Le maintien du contrôle scientifique et technique de l'Etat
Dans le projet de loi initial, un dernier alinéa précisait que,
«
dans toutes les actions qu'elle conduit en matière
culturelle, la collectivité territoriale de Corse reste soumise au
contrôle scientifique et technique de l'Etat
».
? La position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté deux amendements à
l'article L. 4424-7-II :
- le premier insère un alinéa additionnel après le
deuxième alinéa destiné à associer la
collectivité territoriale de Corse aux procédures de classement
des monuments historiques en lui conférant la
co-présidence de
la commission du patrimoine et des sites
créée par
l'article 1
er
de la loi n° 97-179 du
28 février 1997 ; cet amendement semble
méconnaître que l'article L. 144-6 du code de l'urbanisme
substitue, en Corse, à cette commission un
conseil des sites de
Corse
qui exerce, notamment, ses attributions ;
- le second procède à la suppression du dernier alinéa du
paragraphe II relatif au
contrôle scientifique et technique de
l'Etat
sur les actions conduites par la collectivité territoriale de
Corse. On notera que cette disposition conservatoire a été
réintroduite sous une forme à peine différente, par un
amendement d'origine gouvernementale, dans le paragraphe I de ce
même article L. 4424-7.
? La position de votre commission spéciale
Votre commission spéciale vous soumet, outre deux amendements
rédactionnels, un
amendement
de cohérence supprimant le
troisième alinéa de l'article L. 4424-7-II relatif à
la co-présidence de la commission du patrimoine et des sites, puisque
cet organisme n'existe pas en Corse.
III. LE TRANSFERT DE PROPRIÉTÉ DES MONUMENTS HISTORIQUES ET
DES SITES ARCHÉOLOGIQUES (nouvel article L. 4424-7-III du code
général des collectivités territoriales)
? Les modifications proposées par le projet de loi
Le projet de loi transfère la propriété des monuments
historiques et des sites archéologiques appartenant à l'Etat
situés en Corse. Ce transfert porte également sur les objets
mobiliers qu'ils renferment ou qui en sont issus. En sont cependant exclus les
bâtiments occupés par les services de l'Etat ou par les organismes
placés sous sa tutelle.
Il reviendra à un décret en Conseil d'Etat de fixer la liste des
bâtiments et sites qui seront transférés.
Parmi les monuments et sites susceptibles de faire l'objet de ce transfert
figurent la cathédrale d'Ajaccio, la chapelle impériale et les
sites archéologiques d'Aleria, Cucuruzzo et l'Araguina-Sennola.
Il est à noter que le transfert à la collectivité
territoriale de Corse de la propriété de la cathédrale
d'Ajaccio constituera une première entorse à un principe
vénérable, puisqu'il trouve son origine dans un avis du Conseil
d'Etat du 2 Pluviôse An XIII, selon lequel les cathédrales
sont propriété de l'Etat, et les églises, celle des
communes.
Ce transfert de propriété ne devrait pas se traduire, en
l'état actuel du droit, par un affaiblissement de la protection des
monuments classés
, dans la mesure où comme en dispose
l'article 8 de la loi de 1913, « les effets de classement
suivent l'immeuble classé en quelque main qu'il soit ». Le
déclassement d'un immeuble est prononcé selon des
procédures identiques quel qu'en soit le propriétaire
(article 13).
En outre, le ministre de la culture conserve, en vertu de l'article 9 de
la loi de 1913 précitée, la faculté de faire
exécuter par les soins de son administration et aux frais de l'Etat,
avec le concours éventuel des intéressés, les travaux de
réparation ou d'entretien qui sont jugés indispensables à
la conservation des monuments n'appartenant pas à l'Etat. Lorsque la
conservation d'un immeuble classé est gravement compromise par
l'inexécution de travaux de réparation ou d'entretien, le
ministre de la culture peut en outre, sur le fondement de l'article 9-1 de
ladite loi, mettre en demeure le propriétaire de procéder auxdits
travaux.
Quant aux
monuments inscrits
, ils ne peuvent faire l'objet d'aucune
modification sans que ces travaux ait été notifiés, quatre
mois auparavant au préfet de région permettant, le cas
échéant, au ministre de la culture d'engager une procédure
de classement.
? Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté ce paragraphe (III) sans
modification.
? Position de votre commission spéciale
Votre commission spéciale vous propose d'adopter un
amendement
substituant au mot bâtiment, trop restrictif, le mot immeuble qui englobe
le bâti et les terrains qui l'entourent.
IV. NOMINATION DES MEMBRES DU CONSEIL DES SITES DE CORSE (article
L. 144-6 du code de l'urbanisme)
L'article 9 du projet de loi comporte un deuxième paragraphe (
II
)
qui a pour objet de modifier le troisième alinéa de l'article
L. 144-6 du Code de l'urbanisme relatif à la
composition du
conseil des sites de Corse
.
• Droit en vigueur
Cet alinéa précise que le conseil des sites de Corse doit comporter des représentants de la collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse, et que sa composition est fixée par décret après avis de l'Assemblée de Corse et des conseils généraux des départements de Corse.
• Les modifications proposées par le projet de loi
Le
projet de loi renvoie à un décret en conseil d'Etat le soin de
fixer la composition du conseil des sites et opère un
partage du
pouvoir de nomination
de ses membres. Il précise que la
moitié d'entre eux seront nommés
par le représentant de
l'Etat
, et l'autre moitié
par le président du conseil
exécutif.
Ce partage du pouvoir de nomination au profit du seul président du
conseil exécutif, se substitue aux garanties offertes par le
précédent statut à l'ensemble des collectivités
locales corses :
- le décret fixant la composition du conseil était pris
après consultation de la collectivité territoriale de Corse et
des départements ;
- il devait garantir la présence, au sein de ce conseil, de
représentants de la collectivité territoriale de Corse et des
départements ;
• Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté ce paragraphe sans
modification.
Toutefois, à l'occasion de la discussion du précédent
paragraphe, elle avait adopté un amendement proposant de confier
à la collectivité territoriale de Corse la co-présidence
de la commission du patrimoine et des sites, qui n'existe pas en Corse.
Souhaitait-elle par delà cette erreur matérielle, confier
à la collectivité territoriale de Corse la co-présidence
du conseil des sites, dont les attributions englobent celles qui sont
exercées, sur le continent, par cette commission et par deux autres
organismes ?
• Position de votre commission spéciale
Le
conseil des sites de Corse
, créé par l'article 59 du
statut de 1991, et inséré à l'article L. 144-6 de
l'urbanisme est composé de
28 membres
dont
8 représentants de l'Etat, 8 représentants des diverses
collectivités locales, 8 personnalités qualifiées, et
4 représentants d'associations. Il a vocation à
cumuler les
attributions
qui, sur le reste du territoire, sont réparties entre
trois organismes distincts
:
1. La commission (régionale) du patrimoine et des sites (CRPS)
Prévue à l'article premier de la loi n° 97-179 du 28
février 1997, celle-ci exerce les compétences autrefois
dévolues à deux organismes distincts : la commission
régionale du patrimoine historique, archéologique et ethnologique
(COREPHAE) et le collège régional du patrimoine et des sites.
Sa composition, ses attributions et son mode de fonctionnement ont
été précisées par le décret
n° 99-78 du 5 février 1999. Placée auprès du
préfet de région, elle peut émettre des avis et proposer
des orientations sur toutes les questions intéressant le patrimoine. Par
delà cette compétence générale, elle est plus
particulièrement chargée d'émettre des avis sur :
- les propositions de classement et d'inscription des monuments
historiques ;
- les projets de créations de zones de protection du patrimoine
architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) ;
- les demandes d'autorisation de travaux dans le champ de visibilité des
édifices protégés au titre de la loi de 1913, dans les
zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, et dans
les secteurs sauvegardés ;
La commission comprend 30 membres qui conformément aux principe
posés par la loi de 1997 sont :
- des représentants de l'Etat ;
- des personnalités titulaires d'un mandat électif national ou
local, nommées par le représentant de l'Etat, parmi lesquels
figure au moins un élu d'une commune dotée d'un secteur
sauvegardé ou en ZPPAUP ;
- des personnalités qualifiées et des représentants
d'associations oeuvrant en matière de protection du patrimoine.
2. La commission spécialisée des unités touristiques
nouvelles
Prévue par l'article 7 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985
relative au développement et à la protection de la montagne, elle
constitue une commission spécialisée, désignée en
son sein par le comité de massif, et n'exerce donc ses attributions
qu'en zone de montagne. Composée d'une quinzaine de membres au maximum,
elle comprend, outre le représentant de l'Etat dans la région,
une majorité de représentants des régions, des
départements, des communes ou de leurs groupements.
3. La commission départementale des sites
Prévue par les articles L. 146-4, L. 146-6 et L. 146-7 du
code de l'urbanisme, elle est chargée d'émettre un avis notamment
en matière de protection des sites et paysages, de création de
réserves naturelles, d'élevage d'animaux non domestiques, et
d'installations d'enseignes de publicité lumineuses.
Ses attributions et sa composition ont été
précisées par un décret n° 98-865 du 23
septembre 1998. Celui-ci prévoit que la commission
présidée par le représentant de l'Etat dans le
département est composée de quatre formations selon le sujet dont
elle est saisie :
- une formation dite des « sites et paysages »
composée de 6 représentants de l'Etat, de 6 représentants
des collectivités territoriales (3 conseillers
généraux désignés par le conseil
général, et 3 maires désignés par l'association
départementale des maires) et 6 personnalités
qualifiées ;
- trois formations dites respectivement « de la protection de la
nature », « de la faune sauvage captive » et
« de la publicité » qui reçoivent chacune
l'apport additionnel de cinq personnalités qualifiées.
Les attributions de la commission ont été récemment
étoffées par deux dispositions de la loi n° 2000-1208
du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au
renouvellement urbain :
- son accord permet aux communes non dotées d'un plan local d'urbanisme
d'obtenir, sous certaines conditions une dérogation à
l'interdiction de construire à proximité de l'axe des autoroutes
et des routes à grande circulation posée à l'article
L. 111-1-4 du code de l'urbanisme ;
- son accord permet, en zone de montagne, de prévoir à titre
exceptionnel, des zones d'urbanisation future de taille ou de capacités
d'accueil limitées (article L. 145-3 du code
précité).
Votre commission spéciale tire un certain nombre
d'observations
de cette présentation :
a) Tout d'abord les attributions du conseil des sites de Corse sont très
variées puisqu'elles correspondent à celles qui sont
exercées par trois organismes distincts.
Ses effectifs assez
restreints
(fixés à 28 membres par le décret
n° 93-556 du 26 mars 1993)
ne lui permettent semble-t-il pas,
d'exercer pleinement ses compétences
, et en particulier celles qui
sont attribuées sur le continent à la commission régionale
du patrimoine et des sites. Aussi conviendrait-il de prévoir, sans
remettre en question le principe de son unité, que le conseil des sites
de Corse est composé de
plusieurs sections, ou formation
s dont la
composition serait modulée en fonction de leurs secteurs
d'intervention ; tel est un des deux objets de l'
amendement
que
vous propose votre commission spéciale.
b)
Le partage du pouvoir de nominations entre le préfet et le
président du conseil exécutif
constitue une proposition
novatrice qui s'écarte des pratiques en usage, et soulève un
problème de fond, particulièrement si, comme l'a semble-t-il
envisagé l'Assemblée nationale, elle se doublait de
l'instauration d'une co-présidence au profit de la collectivité
territoriale de Corse.
On relèvera en effet que les différents organismes
susmentionnés, ainsi que le conseil des sites de Corse, dans sa
composition actuelle, comportent des représentants des
différentes collectivités territoriales, élus
respectivement par leur organe délibérant, ou pour les
élus municipaux désignés par l'assemblée
départementale des maires.
Le projet de loi propose de substituer
à ces modes de désignation respectueux de l'autonomie de chacun
des échelons de décentralisation, une concentration du pouvoir de
nomination entre les mains du seul président de l'exécutif de la
collectivité territoriale de Corse
.
Celle-ci soulève de nombreux problèmes. Doit-on déduire de
cette disposition qu'il reviendra
au président du conseil
exécutif de nommer les représentants des autres
collectivités territoriales
? Mais ce pouvoir, s'il ne se borne
pas formellement à prendre acte d'une désignation
déjà opérée, ne pourrait-il être
assimilé à une
forme de tutelle exercée par une
collectivité sur une autre
, prohibée par le principe de libre
administration des collectivités territoriales ?
Les
attributions du conseil des sites
portent en outre sur des
matières qui intéressent directement les collectivités
locales, et en particulier les communes. On citera pour mémoire l'avis
qu'il est invité à rendre en appel en cas de désaccord
entre le maire (ou l'autorité compétente pour mettre un permis de
construire) et l'Architecte des bâtiments de France ; ou encore
l'accord auquel est subordonné la dérogation à une
construction sous l'axe d'une route à grande circulation.
La position prépondérante qui serait reconnue au président
du conseil exécutif de Corse à travers son pouvoir de nomination,
renforcée le cas échéant par l'attribution d'une
co-présidence, ne pourrait-elle, là encore, apparaître
comme une
forme de tutelle
prohibée par l'article L. 1111-3
du code général des collectivités territoriales.
Pour toutes ces raisons, l'
amendement
que vous propose votre commission
spéciale aura également pour objet de garantir la
présence, au sein du conseil des sites de Corse, de représentants
des différentes collectivités locales de Corse, et de confier le
pouvoir de nomination pour moitié au représentant de l'Etat et
pour moitié à l'Assemblée de Corse, aux conseils
généraux et aux assemblées départementales des
maires.
Article 10
(art. L. 1511-6 du code général des
collectivités territoriales)
Création d'infrastructures de
communication
Cet article a pour objet d'insérer un article L. 1511-6-1 dans le code général des collectivités territoriales afin de dispenser la collectivité territoriale de Corse de deux des conditions imposées par l'article L. 1511-6 du même code aux collectivités territoriales qui souhaitent créer des infrastructures de télécommunications. Il est aujourd'hui vidé de l'essentiel de sa substance depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 qui a modifié le dispositif de l'article L. 1511-6 précité.
• Le droit en vigueur
La loi
n° 99-533 du 25 juin 1999 a inséré, dans le code
général des collectivités territoriales, un
article
L. 1511-6
qui
autorise les collectivités territoriales
à procéder elles-mêmes à l'installation de
réseaux de télécommunication à haut
débit
, nécessaires, notamment pour une utilisation
performante d'internet.
Elle ne peuvent en revanche exploiter elles-mêmes ces infrastructures
« passives » mais les mettent à la
disposition
des opérateurs de télécommunications
moyennant un
tarif de location.
Le Sénat, qui souhaitait donner un fondement juridique à une
pratique déjà très répandue, avait pris
l'initiative, à l'occasion de la discussion de cette loi, de proposer un
dispositif équilibré, n'imposant pas de contraintes excessives.
Mais l'Assemblée nationale n'avait pas suivi ses propositions et avait
préféré adopter un dispositif particulièrement
restrictif :
- les collectivités territoriales n'étaient en effet
autorisées à créer ces infrastructures que
« dès lors que l'offre de services ou de réseaux de
télécommunications à haut débit qu'ils demandent
n'est pas fournie par les acteurs du marché à un prix abordable
ou ne répond pas aux exigences techniques et de qualité qu'ils
attendent »
(alinéa 1).
- elles ne pouvaient arrêter leur décision
« qu'à l'issue de la mise en oeuvre d'une procédure
de publicité permettant de constater la carence définie au
premier alinéa, et d'évaluer les besoins des opérateurs
susceptibles d'utiliser les infrastructures projetées »
(alinéa 4).
- enfin, et cette dernière disposition n'était pas la moins
contraignante,
la durée d'amortissement
prise en compte pour
évaluer le tarif de la location était limitée à
huit ans (alinéa 5).
Devant les difficultés suscitées par cette réglementation,
le Gouvernement a déposé, à l'occasion de la discussion
à l'Assemblée nationale du projet de loi portant diverses
dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, un amendement
proposant une nouvelle rédaction de l'article L. 1511-6 qui
s'inspire directement de celle adoptée par le Sénat en 1999, lors
de l'examen du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le
développement durable du territoire. Cette rédaction supprime en
effet les obligations relatives à la carence des acteurs du
marché, à son constat par une procédure de
publicité, et à l'amortissement sur huit ans des infrastructures
réalisées par une collectivité locale. Elle apporte en
revanche deux nouvelles précisions :
- les collectivités territoriales sont autorisées à
déduire du coût de location facturée aux opérateurs
les subventions publiques qui peuvent être consenties dans certaines
zones géographiques ;
- les infrastructures créées par les collectivités locales
peuvent être mises à la disposition non seulement des
opérateurs, mais d'utilisateurs « finaux ».
Le Sénat a adopté ce dispositif sans modification.
• Le dispositif proposé par le projet de loi
Le
projet de loi insère dans le code général des
collectivités territoriales un nouvel article L. 1511-6-1 qui
dispense la collectivité territoriale de Corse de deux des conditions
posées par l'ancien article L. 1511-6 à la création,
par une collectivité locale, d'infrastructures de
télécommunication :
- l'existence d'une carence des acteurs du marché ;
- son constat par une procédure de publicité ;
Il n'envisageait pas, en revanche, d'allonger la durée d'amortissement
prise en compte dans la fixation du tarif de location proposé aux
opérateurs.
L'Assemblée nationale
a adopté cet article
sans
modification
.
• La position de votre commission spéciale
Le
dispositif de l'article L. 1511-6 du code précité auquel
l'article 10 proposait de déroger en faveur de la collectivité
territoriale de Corse n'est plus en vigueur depuis la promulgation de la loi
n° 2001-624 du 17 juillet 2001 qui lui a substitué une
nouvelle rédaction.
Votre commission spéciale vous propose un
amendement
substituant
au dispositif du deuxième alinéa, devenu sans objet, un
dispositif tirant parti de la nouvelle rédaction de l'article
L. 1511-6 et précisant que la Corse fait partie des zones
géographiques dans lesquelles les subventions publiques peuvent
être déduites du montant des coûts pris en compte dans le
calcul du tarif de location proposé aux opérateurs de
télécommunications, de façon à le rendre plus
attractif.
Sous-section 3
Du sport et de l'éducation populaire
Article 11
(art. L. 4424-8 du code général des
collectivités territoriales)
Compétences de la
collectivité territoriale de Corse
en matière de sport et
d'éducation populaire
Cet
article introduit dans le code général des collectivités
territoriales un nouvel article L. 4424-8 constitué de deux
paragraphes qui ont respectivement pour objet de conférer à la
collectivité territoriale de Corse une compétence
générale pour mener des actions en matière de promotion
des activités physiques et sportives, d'éducation populaire et
d'information de la jeunesse (
I
) et de lui confier la répartition
des subventions de fonctionnement du Fonds national pour le
développement des sports destinées aux groupements sportifs
locaux (
II
).
? Le dispositif proposé
Le premier paragraphe (
I
) du nouvel article L. 4424-8
définit les compétences respectives de la collectivité
territoriale de Corse et de l'Etat en matière de promotion des
activités physiques et sportives, d'éducation populaire et
d'information de la jeunesse, selon des modalités comparables à
celles que retient, à l'article 9, le premier paragraphe du nouvel
article L. 4424-7 en matière de culture :
- il reconnaît une compétence générale à la
collectivité territoriale de Corse pour « conduire des
actions » en ce domaine ;
- en précisant que « l'Etat mène les actions relevant
de la politique nationale », il laisse à ce dernier une
possibilité d'intervention très générale ;
- enfin, il prévoit la possibilité pour l'Etat et la
collectivité territoriale de Corse de passer une convention pour assurer
«
en tant que de besoin
» la coordination de ces
différentes actions : contrairement à la convention
prévue en matière culturelle, cette convention reste donc
facultative.
Le second paragraphe (
II
) transfère à la
collectivité territoriale de Corse la compétence pour
répartir les subventions de fonctionnement provenant de la part
régionale du Fonds national pour le développement du sport (FNDS).
Créé par la loi de finances pour 1979, ce fonds est
alimenté principalement par un prélèvement sur la
Française des jeux, et par une contribution sur le produit de la vente
des droits de diffusion télévisuelle des manifestations sportives.
Géré par le ministère de la jeunesse et des sports en
concertation avec le mouvement sportif, il délivre des subventions qui
correspondent à quatre types d'interventions : les subventions de
fonctionnement de la « part nationale » sont
destinées aux fédérations sportives ; les subventions
de fonctionnement de la « part régionale » sont
destinées aux clubs sportifs et aux structures
déconcentrées des fédérations ; d'autres
subventions sont destinées à la réalisation
d'équipements sportifs et à des dépenses diverses en
faveur du développement du sport.
Le Conseil du FNDS procède à la répartition globale des
crédits de la part régionale, et élabore une note
d'orientation destinée aux organes déconcentrés
chargés de la gestion de ces crédits
En 2000, le montant des subventions de la part régionale s'est
élevé à 343 millions de francs, dont
3,57 millions de francs ont été affectés à la
Corse, répartis entre la collectivité territoriale de Corse
(1,77 million de francs), et les deux départements (0,99 million
chacun).
La procédure d'attribution de ces crédits au plan local est
régie par les dispositions du décret n° 87-65 du
4 février 1987. Elle fait intervenir une
commission
régionale du FNDS
présidée par le préfet de
région et constituée sur une base
paritaire
comprenant :
- du côté de l'administration, les préfets des
départements et le directeur régional de la jeunesse et des
sports ;
- du côté du mouvement sportif, le président du
comité régional olympique et sportif et des représentants
des disciplines sportives dont la moitié au moins est issue des
disciplines olympiques.
Cette commission est consultée sur les deux étapes de la
procédure :
1) elle donne son avis au représentant de l'Etat dans la région
sur les principes de la répartition des crédits de la part
régionale et de la part départementale ;
2) elle donne ensuite son avis :
- au représentant de l'Etat dans la région sur la
répartition des aides accordées aux organismes et actions
d'intérêt régional ;
- au représentant de l'Etat dans le département sur la
répartition des aides accordées aux organismes et actions
d'intérêt local.
Ces dépenses sont ensuite engagées et ordonnancées par le
représentant de l'Etat dans la région et le représentant
de l'Etat dans le département.
Le projet de loi modifie la procédure locale de répartition de
ces crédits :
- il désigne la collectivité territoriale de Corse comme
« attributaire » des subventions de fonctionnement
destinées aux groupements sportifs locaux ;
- il prévoit une procédure qui laisse de côté le
mouvement sportif, puisqu'elle prévoit que ces subventions sont
affectées « par délibération de
l'Assemblée de Corse sur proposition du conseil exécutif et
après consultation du représentant de l'Etat ».
? La position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté deux amendements :
- elle a complété le
I
par un
amendement
d'origine
gouvernementale précisant que, dans la convention qu'il passe avec la
collectivité territoriale de Corse pour assurer la coordination de leurs
actions respectives, l'Etat pouvait aussi charger cette dernière de la
mise en oeuvre de certaines de ces actions ; cet amendement constitue le
pendant d'un amendement identique concernant la convention que l'Etat et la
collectivité territoriale de Corse passent en matière d'action
culturelle ;
- elle a complété le
II
par un
amendement
de la
commission des lois réintroduisant une consultation des
représentants du monde sportif dans la nouvelle procédure
d'attribution des subventions du FNDS. A cet effet, cet amendement crée
une « commission territoriale pour le développement du sport
en Corse », dont la composition est fixée par
délibération de l'Assemblée de Corse, et qui comprend,
pour moitié, des représentants du mouvement sportif et notamment
du comité régional olympique et sportif (CROS) ; ce dernier
membre de phrase indiquant que, contrairement à la pratique actuelle, le
CROS perdrait en Corse son monopole de représentation du monde sportif.
? La position de votre commission spéciale
Votre commission spéciale vous propose un premier
amendement
confortant le caractère facultatif de la convention passée entre
l'Etat et la collectivité territoriale de Corse pour coordonner leur
action.
Votre commission spéciale rappelle en outre que le
Comité
national olympique et sportif français
, dont les statuts sont
approuvés par décret en Conseil d'Etat, est, en vertu de
l'article 19 de la loi de 1984 l'organisme habilité à
représenter les associations sportives, les sociétés
sportives que ces dernières auraient constituées, ainsi que les
fédérations sportives et leurs licenciés. A ce titre, il
est l'interlocuteur légal des pouvoirs publics à l'échelle
nationale.
Ses structures déconcentrées, comités
régionaux olympiques et sportifs et comités départementaux
olympiques et sportifs sont les interlocuteurs privilégiés des
collectivités territoriales à l'échelle locale.
Votre commission spéciale vous proposera donc d'adopter un
amendement
excluant que le mouvement sportif puisse, en Corse,
être représenté par des groupements extérieurs au
comité régional olympique et sportif.
SECTION 2
De l'aménagement et du
développement
Consacrée à l'aménagement du territoire
de la
Corse et aux conditions de son développement durable, la deuxième
section du chapitre II du projet de loi insère une section 2 au chapitre
IV du titre II du livre IV de la quatrième partie du code
général des collectivités territoriales (CGCT). Elle est
composée de cinq articles, respectivement regroupés en trois
sous-sections relatives :
- au
plan d'aménagement et de développement durable
de la
Corse
(articles 12 et 13),
- aux
transports
et aux
infrastructures
(articles 14 et 15),
- et au
logement
(article 16).
Votre commission spéciale vous propose d'insérer deux
sous-sections avant la sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre
Ier du projet de loi.
Division additionnelle avant l'intitulé de la sous-section 1
de la
section 2 du chapitre Ier du titre Ier
Délimitation du domaine public
maritime
Votre commission spéciale vous propose d'insérer une division additionnelle avant l'intitulé de la sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du projet de loi, intitulée « De la délimitation du domaine public maritime en Corse ». Celle-ci tend à individualiser, au sein du texte, les dispositions tendant à insérer des dispositions au code du domaine de l'Etat, par deux amendements tendant à insérer des articles additionnels dont l'économie vous est présentée ci-après.
Article additionnel avant l'article 12
Modification de l'intitulé
du titre V
de la première partie du livre IV du code du domaine de
l'État
Cet
article additionnel tend à modifier l'intitulé du titre V de la
première partie du livre IV du code du domaine de l'État, par
coordination.
Votre commission spéciale vous propose de modifier l'intitulé du
titre V du livre IV (
Dispositions diverses
) du code du domaine
de l'État, actuellement intitulé
Dispositions
particulières et finales,
afin de le consacrer aux
Dispositions
applicables à la collectivité territoriale de Corse
et, par
coordination, de déplacer l'actuel titre V, sous l'appellation de
Titre VI.
L'introduction de cette division additionnelle permettrait d'insérer
l'article additionnel ci après.
Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article
additionnel.
Article additionnel avant l'article 12-
Délimitation du domaine
public maritime en Corse
Cet
article additionnel tend à fixer le principe d'une délimitation
du domaine public maritime en Corse.
Au cours de sa mission dans l'île, votre commission spéciale a
noté que sur de nombreuses parties du littoral de la Corse, le domaine
public maritime n'était pas délimité. Cette situation pose
des problèmes récurrents, à commencer par ceux que
rencontrent les pouvoirs publics pour sanctionner l'occupation abusive de ce
domaine.
En effet, le premier moyen invoqué par les personnes accusées
d'occuper de façon illégale le domaine public maritime (DPM), est
précisément l'absence de délimitation de celui-ci, et par
conséquent la licéité de la contravention de grande voirie
qui réprime leurs agissements.
L'adoption de cet amendement donnerait un signe tangible de la
détermination de l'Etat à clarifier une question sans cesse
évoquée
, et qui, de l'avis unanime des spécialistes
rencontrés par votre rapporteur, relève du défaut d'une
volonté politique, et non d'une impossibilité technique.
Lorsque l'Etat veut délimiter le DPM, il y parvient. Il a ainsi
été procédé à une telle délimitation
dans les départements de la Guadeloupe et de la Martinique, en vertu de
la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, relative
à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone
dite des cinquante pas géométriques dans les départements
d'outre-mer.
L'amendement qui vous est proposé s'inspire, en conséquence, des
dispositions du dernier alinéa du II de l'article L. 89-1 du
code du domaine de l'Etat, applicable aux deux département d'outre mer
précités. Il prévoit que le domaine public maritime de
Corse sera délimité dans un délai d'un an à compter
de publication de la loi.
Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article
additionnel.
Division additionnelle avant l'intitulé de la sous-section 1
de la
section 2 du chapitre Ier du titre Ier
Dispositions relatives au
littoral
Votre
commission spéciale vous propose de consacrer à diverses
dispositions intéressant le littoral une sous-section additionnelle
avant la sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier. Cette
sous-section s'intitulerait : « Des dispositions applicables au
littoral ».
Cette sous-section serait composée de cinq articles additionnels
insérés par des amendements dont l'économie
générale se présente comme suit :
Article additionnel avant l'article 12-
Interdiction de construire dans les
espaces remarquables
où est survenu un incendie de
forêt
Cet
article additionnel tend
à éviter que des pyromanes ne
mettent le feu à des zones naturelles afin de leur faire perdre ce
statut pour les rendre constructibles
.
Le juge administratif considère que dès lors qu'un espace naturel
remarquable a brûlé, il perd ce caractère et devient
urbanisable.
Votre commission spéciale estime souhaitable de donner un signal clair
à l'attention de l'opinion publique en signifiant qu'elle entend que les
droits des incendiaires ne puissent primer sur la loi, et la voie de fait sur
la voie de droit. C'est pourquoi elle vous propose de déclarer
inconstructibles, tant qu'ils n'auront pas retrouvé leur aspect
antérieur à un incendie criminel ou dont l'origine reste
inconnue, les espaces qui en auront été victimes.
Cette mesure serait applicable à tout le territoire national, puisque la
question des incendies de forêt ne se pose pas seulement en Corse et que
les évolutions dues au réchauffement climatique donnent à
penser que leur fréquence ira croissant.
Afin de conserver une certaine souplesse à cette législation, une
autorisation délivrée par décret en Conseil d'Etat
permettrait, le cas échéant, de déroger à cette
règle.
Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article
additionnel.
Article additionnel avant l'article 12
Aide financière
destinée au financement
des plan locaux d'urbanisme en
Corse
Cet
article additionnel tend à attribuer une aide financière
exceptionnelle aux petites communes de Corse qui ne sont pas dotées d'un
tel document.
Actuellement, 292 communes de Corse de moins de 3.000 habitants ne
disposent pas de plan local d'urbanisme (PLU). Parmi elles, 31 sont soumises
à la fois aux dispositions de la loi « littoral » et
à celles de la loi « montagne ». Neuf sont
exclusivement soumises à la loi « littoral », et 252
soumises à la seule loi « montagne ».
L'élaboration d'un tel document apparaît indispensable à
votre commission spéciale dans la plupart des communes
concernées :
- pour gérer dans la transparence la délivrance des permis
de construire ;
- pour que les autorisations d'utilisation du sol soient
délivrées au nom de la commune et non plus au nom de l'Etat,
conformément à l'esprit de la décentralisation.
Le coût d'un PLU est dirimant pour de petites communes puisqu'il faut
compter y consacrer, eu égard à la complexité des
études requises, en moyenne 500.000 francs sur trois, voire quatre
années. Les très petites communes sont donc dans
l'impossibilité d'élaborer des PLU du fait du coût de ces
documents. C'est pourquoi il apparaît légitime que l'Etat, leur
accorde, une aide spécifique, motivée :
- parce que les difficultés d'élaboration de ces documents
relèvent, bien souvent de la complexité et de l'uniformité
de la législation nationale qui méconnaît les
spécificités locales ;
- parce que ce sujet revêt une importance cruciale pour l'avenir de
la Corse qui passe par une mise en valeur de son territoire.
C'est pourquoi, il vous est proposé de prévoir le versement d'une
dotation spécifique aux communes qui souhaitent élaborer un PLU.
Le coût de cette mesure, pour les 292 communes de moins de
3.000 habitants serait, pour un PLU estimé, en moyenne, à
500.000 francs, au total de 146 millions de francs sur quatre ans,
soit 36,5 millions par an pendant quatre ans. On notera que ce montant est
dérisoire, par comparaison avec le montant annuel du PEI (qui serait
d'un milliard de francs chaque année sur douze à treize
ans) !
Le texte prévoit également un mécanisme de reversement des
sommes perçues si une commune ne réalisait pas de PLU bien
qu'elle ait perçu les sommes en question.
Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article
additionnel.
Article additionnel avant l'article
12
Gage
Cet
article additionnel tend à gager l'octroi d'une dotation exceptionnelle
destinée au financement de l'élaboration des PLU en Corse.
Le financement du coût de la généralisation des PLU en
Corse ne saurait s'effectuer au détriment des autres
collectivités locales bénéficiaires de la dotation globale
de fonctionnement, ni entraîner un accroissement du montant des
dépenses publiques.
Aussi vous est-il proposé d'insérer un article additionnel avant
l'article 12, afin de prévoir des modalités d'attribution
d'une majoration de la DGF qui ne porte pas préjudice aux autres
bénéficiaires de cette dotation, ainsi que le gage de ce
surcroît de dépenses.
Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article
additionnel.
Article additionnel avant l'article 12-
Entrée en vigueur des
dispositions
de l'article L.122-2 du code de l'urbanisme en
Corse
Cet
article additionnel tend à repousser de quatre ans, en Corse, le
délai fixé par l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme
pour l'entrée en vigueur d'une disposition de la loi
« SRU » qui limite la possibilité d'ouvrir certaines
zones à l'urbanisation.
L'article L. 122-2 du code de l'urbanisme qui résulte
de
l'article premier de la loi « SRU » interdit, à
compter du premier janvier 2002, d'ouvrir à l'urbanisation les zones
naturelles (ND) et les zones d'urbanisation future (Na)
déterminées dans les PLU de toutes les communes situées
dans une bande de quinze kilomètres qui s'étend à
compter :
- du rivage de la mer ;
- ou de la périphérie des agglomérations de plus de
15.000 habitants.
Cette disposition rendra sans effet les mesures prises par le projet de loi
pour alléger le carcan que constitue parfois le droit de l'urbanisme en
Corse. Elle revient, en effet, à interdire aux communes qui ont fait
l'effort de se doter d'un PLU, toute possibilité de
développement, au motif qu'elles ne seront pas parvenues, dans
l'année qui a suivi l'entrée en vigueur de la loi
« SRU », à réaliser un schéma de
cohérence territoriale. A l'évidence, cette disposition, qui est
compréhensible dans son esprit, puisqu'elle tend à favoriser une
gestion intercommunale de l'espace, pose plusieurs problèmes
aggravés dans le cas spécifique de la Corse :
- beaucoup de communes ne disposent pas de PLU, dès lors, il semble
inéquitable de faire peser une obligation supplémentaire sur
celles qui se sont dotées de cet instrument ;
- lorsqu'on connaît les difficultés qu'ont rencontré
les services déconcentrés de l'Equipement pour établir un
Atlas
des espaces remarquables de la Corse et le temps qui a
été nécessaire l'Etat pour définir sa propre
doctrine -dont certains aspects s'avèrent, au demeurant, discutables-,
on comprend aisément que plusieurs années seront
nécessaires aux communes pour mener de front l'élaboration d'un
PLU communal et celle d'un SCOT, à vocation intercommunale ;
- enfin à quoi sert de confier au plan d'aménagement et de
développement durable de la Corse le soin de fixer les grandes
orientations d'urbanisme, pour permettre leur
« adaptation » aux réalités locales, dans
l'esprit de la jurisprudence constitutionnelle, si au même moment, ont
renforce le « carcan législatif » dont se plaignent
les habitants de l'île ?
C'est pourquoi il vous est proposé d'allonger de quatre ans la date
entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 122-2 du code de
l'urbanisme en Corse.
Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article
additionnel.
Article additionnel avant l'article 12-
Réalisation
d'aménagements
légers
Cet
article additionnel tend à autoriser la réalisation
d'aménagement légers, sous réserve de l'adoption d'un plan
d'aménagement du site dans des espaces
« remarquables »
Les communes et les entités telles que le Conservatoire du littoral, qui
gèrent au quotidien l'afflux des touristes dans des espaces
« remarquables » se trouvent confrontés aux
difficultés qui résultent de l'application du deuxième
alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme. Ce texte
dispose que des aménagement légers peuvent être
implantés dans des espaces remarquables, dès lors qu'ils
«
sont nécessaires à leur gestion, à leur
mise en valeur, notamment économique ou, le cas échéant,
à leur ouverture au public
». Le décret pris pour
l'application de ces dispositions prévoit, quant à lui, que
constituent des aménagements « légers » :
- «
Les
chemins piétonniers
et les
objets
mobiliers destinés à l'accueil ou à l'information du
public
, lorsqu'ils sont nécessaires à la gestion ou à
l'ouverture au public de ces espaces ou milieux ;
- «
Les
aménagements nécessaires à
l'exercice des activités agricoles, de pêche et cultures marines
ou lacustres, conchylicoles, pastorales et forestières ne créant
pas de surface hors oeuvre brute
[...] ainsi que des locaux d'une
superficie maximale de 20 mètres carrés, liés et
nécessaires à l'exercice de ces activités pour
répondre aux prescriptions des règlements sanitaires nationaux ou
communautaires, à condition que la localisation et l'aspect de ces
aménagements et locaux ne dénaturent pas le caractère des
lieux et que la localisation dans ces espaces ou milieux soit rendue
indispensable par des nécessités techniques.
Il s'avère, en pratique, que cette réglementation interdit
l'implantation de sanitaires fixes, de chemins piétonniers ou même
d'observatoires à oiseaux.
C'est pourquoi il vous est proposé d'autoriser, lorsqu'un plan de
gestion du site portant sur l'ensemble de l'espace concerné a
reçu un avis conforme de la commission départementale des sites
ou, en Corse, du Conseil des sites, des équipements
intégrés à l'environnement permettant l'accueil ou le
passage des visiteurs, tels que des aires de stationnement, des observatoires
de la faune, des sanitaires, des chemins piétonniers et des objets
mobiliers destinés à l'information du public. Le texte
précise que ces aménagements ne sauraient avoir pour objet de
permettre l'hébergement des visiteurs.
Un dispositif analogue avait d'ailleurs été adopté par le
Sénat, à la demande de sa commission des Affaires
économiques, à l'occasion de l'examen de la loi
« SRU ». En cette circonstance, le gouvernement avait
indiqué par la voix de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au
logement, qu'il ne méconnaissait pas cette question, étant :
«
parfaitement conscient des problèmes que pose l'accueil
des touristes dans les espaces remarquables, notamment auprès du
littoral
»
96(
*
)
.
Malheureusement, ces dispositions n'avaient pas été retenues par
l'Assemblée nationale.
Il est à noter qu'à la différence des dispositions du
deuxième paragraphe de l'article 12 du projet de loi,
cette
rédaction ne permet pas la délivrance d'autorisation de
construire des « paillottes
»
, dans la bande des
cent mètres et que son champ d'application concerne toute la France car
le problème de la gestion de l'afflux des visiteurs se pose sur tous les
littoraux où se trouvent des espaces naturels
« remarquables ».
Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article
additionnel.
Sous-section 1
Du plan d'aménagement et de développement
durable
Article 12
Régime du plan d'aménagement
et de
développement durable de la Corse
(PADU)
Le
premier paragraphe (I) de l'article 12
insère une section 2,
intitulée «
Aménagement et développement
durable
», au chapitre IV du titre II du livre IV de la
quatrième partie du CGCT, laquelle comprend les
articles L. 4424-9 à L. 4424-15 de ce code, dont le
dispositif figure au II du même article 12.
Le
second paragraphe (II) de l'article 12
contient les articles
L. 4424-9 à L. 4424-15 du CGCT qui détaillent le
contenu, la portée normative et les conditions d'élaboration du
plan d'aménagement et de développement durable (PADU) de la Corse.
D'emblée, votre commission spéciale s'interroge sur
l'opportunité de modifier des dispositions du code de l'urbanisme en
procédant à des insertions au code général des
collectivités territoriales. Cette méthode lui semble
inappropriée, en ce qu'elle est la cause de nombreuses équivoques
et d'imprécisions dommageables à la cohérence de
l'ordonnancement juridique, non moins qu'à la clarté de la
loi.
Après avoir rappelé l'état du droit applicable sur le
littoral de la Corse, votre rapporteur présentera l'économie
générale des articles insérés par l'article 12
au code général des collectivités territoriales, ainsi que
les modifications que votre commission spéciale vous propose d'y
apporter.
I.
ÉTAT DU DROIT EXISTANT EN MATIÈRE DE DOCUMENTS
DE PLANIFICATION ET DE PROTECTION DU LITTORAL
A. LES DOCUMENTS DE PLANIFICATION SUSCEPTIBLES D'ÊTRE
ÉLABORÉS EN CORSE EN VERTU DE LA LOI DU 13 MAI 1991
La Corse dispose actuellement de deux outils en matière de
planification. D'une part, l'article 58 de la loi n° 91-428 du
13 mai 1991 prévoit que la collectivité territoriale de
Corse élabore «
un plan de
développement
» qui vaut schéma régional
d'aménagement et de développement du territoire (cf.
article 34
bis
de la loi n° 95-115
précitée et article L. 4424-12 alinéa 2 du
projet de loi). D'autre part, aux termes des articles L. 144-1
à L. 144-6 du code de l'urbanisme, cette collectivité
établit un «
schéma
d'aménagement
».
Le plan de développement de la Corse
En vertu de l'article 4424-19 du CGCT, qui codifie l'article 58 de la
loi n° 91-428 du 13 mai 1991, la Corse élabore, au
titre de ses
attributions en matière de développement
économique
un
Plan de développement
qui
détermine
les objectifs à moyen terme du développement
économique, social et culturel de l'île ainsi que les moyens
nécessaires pour les atteindre et fixe les orientations sur la base
desquelles doit être approuvé le schéma
d'aménagement de la collectivité territoriale
. Il
prévoit notamment les programmes d'exécution nécessaires
à la conclusion du contrat de plan avec l'Etat, qui constitue l'un des
moyens par lesquels s'exerce la solidarité nationale indispensable
à la collectivité territoriale de Corse pour assurer son
développement économique et social.
Avant de s'intéresser à l'économie du dispositif normatif
retenu par l'Assemblée nationale, il convient d'examiner, d'une part, le
régime spécifique des documents d'aménagement de l'espace
dont l'élaboration est prévue pour ce territoire en vertu de la
loi n° 91-428 du 13 mai 1991 et, d'autre part, les principales
dispositions de la loi « littoral » auxquelles l'article 12
apporte des dérogations. En effet, la modification du régime des
documents de planification est, dans l'esprit des rédacteurs du projet
de loi, intimement liée à la volonté de modifier certaines
dispositions de la loi littoral jugées trop contraignantes ou, pour
reprendre les termes de l'exposé des motifs du projet de loi, afin de
permettre «
une meilleure prise en compte des
spécificités géographiques de l'île, à
travers une
capacité d'adaptation
des dispositions
législatives et réglementaires expérimentales
encadrées dans les conditions visées à
l'article 1
er
»
97(
*
)
et précisées par
l'article 12.
Le premier plan de développement de la Corse (PDC) a
été adopté
,
le 29 septembre 1993
, par
l'Assemblée de Corse. Dans l'introduction de ce document, l'accent est
mis sur les diverses caractéristiques du modèle de
développement que poursuit la Collectivité territoriale de
Corse
98(
*
)
.
«
Ouvert et équilibré
», le
développement de la Corse doit notamment permettre :
- d'élargir le marché intérieur corse ;
- de rééquilibrer la population active vers davantage de
ressortissants du secteur privé ;
- de favoriser l'accroissement de la population.
Il doit également reposer sur l'environnement qui
«
constitue un des trois ou quatre atouts majeurs du
développement de l'île
» et qui «
doit
peser de tout son poids et davantage que par la passé lors de la
réalisation d'équipements et d'infrastructures lourdes
[...] ».
«
Multipolaire
», le développement de la
Corse repose sur «
un effort particulier de cohérence et de
concertation préalable
» qui se spécialise sur
«
les créneaux où la Corse bénéficie
d'avantages comparatifs »
(tourisme de nature, aquaculture,
disciplines de recherche).
Le développement de la Corse doit en outre être
«
redistributif
», tant au plan social qu'au plan
spatial, «
global
» et
«
qualifiant
», reposant sur des savoir-faire, une
technicité et la volonté de mieux vendre.
Compte tenu de ces orientations générales, le PDC recommande de
considérer le modèle de développement corse à
l'aune de quatre fonctions :
-
la fonction structurante
qui suppose des actions dans les
domaines des transports extérieurs, du réseau routier, des
équipements collectifs liés à l'eau et à
l'environnement, à l'énergie et aux
télécommunications ;
- la fonction productive
, qui passe par un développement du
tourisme, de l'industrie, de l'artisanat, des services, des activités
nouvelles, de l'agriculture et de la forêt ;
- la fonction spatiale
qui repose sur la politique de
l'environnement et sur l'aménagement du territoire ;
-
et enfin,
la fonction sociale
à laquelle sont
consacrées des recommandations concernant l'éducation et la
formation, l'enseignement supérieur et la recherche, la culture, la
jeunesse et les sports, les affaires sanitaires et sociales et l'habitat.
Par une
délibération du 25 juin 1999,
l'Assemblée de Corse a actualisé le PDC pour la période
2000-2006
, en mettant en avant les dix « points forts »
figurant dans le tableau ci-après :
LES
ORIENTATIONS DU PLAN DE DÉVELOPPEMENT DE LA CORSE
RÉSULTANT
DE L'ACTUALISATION
ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE DE CORSE
LE
25 JUIN 1999
1. Aménagement du territoire :
privilégier
les « territoires de projets » ;
2. Développement économique : substituer une logique de
projet à une logique de guichet ;
3. Tourisme : structurer un secteur créateur de richesse ;
4. Transports : fiabiliser, maîtriser et rationaliser le
service public ;
5. Agriculture : organiser la profession en filières ;
6. Energie et environnement : valoriser des atouts
exceptionnels ;
7. Nouvelles technologies : favoriser la création de
réseaux de communication performants ;
8. Education, Formation, Enseignement Supérieur et Recherche :
viser l'élévation du niveau général,
développer les formations professionnalisantes, ancrer et ouvrir
l'université ;
9. Culture et Sports : affirmer leur rôle de lien social ;
10. Coopérations interrégionales : ouvrir la Corse sur
l'extérieur.
Le schéma d'aménagement de la Corse (SDAC)
Aux termes des articles L. 144-1 et suivants du code de l'urbanisme, la
collectivité territoriale de Corse établit également un
schéma d'aménagement de l'espace
,
de protection et de
mise en valeur de son territoire
.
Il détermine l'implantation des
grands équipements d'infrastructure et les principes de localisation des
activités industrielles, artisanales, agricoles, touristiques et celle
des extensions urbaines
. Il devait être établi dans les deux
ans suivant l'adoption du premier plan de développement
99(
*
)
.
Ce schéma, qui vaut
schéma de mise en valeur de la mer
a,
en outre, en vertu de l'article L. 144-5 du code de l'urbanisme, les
mêmes effets que les directives territoriales d'aménagement. Les
documents de planification élaborés par les communes (SCOT, PLU,
cartes communales) doivent être compatibles avec lui.
En application du décret n° 83-697 du
28 juillet 1983 relatif à la procédure
d'élaboration du schéma d'aménagement de la Corse, le
délai avant le terme duquel la région Corse devait avoir
statué sur le SDAC est expiré le 29 juillet 1985. Ce
délai a été reporté à deux reprises par les
lois n°s 85-97 du 25 janvier 1985 et 86-1290 du
23 décembre 1986, avant d'expirer le
24 décembre 1988.
Selon les informations communiquées à votre rapporteur,
«
La commission d'élaboration du schéma
d'aménagement de la Corse a été installée, une
première fois, le 12 juin 1984 (sans parvenir à
définir le programme d'études du schéma).
A la suite de la dissolution de l'Assemblée de Corse intervenue le
27 juin 1984, et de son renouvellement en août 1984, la
commission, dans sa nouvelle composition, s'est réunie le
20 février 1985 et a approuvé les modalités
d'élaboration du schéma et le programme d'études qui lui
ont été proposés par l'exécutif régional.
De 1985 à octobre 1988, la commission ne s'est plus
réunie : une réunion prévue en juin 1986 n'a pu
se tenir valablement et début 1987 une réunion interservices sans
valeur réglementaire a eu lieu
».
Finalement, les travaux ont commencé en octobre 1988 et ont abouti
à la rédaction d'un rapport (octobre 1989) et à la
réalisation de cartes (avril 1990).
Faisant application des dispositions du décret n° 83-697 du
28 juillet 1983 précité,
le Gouvernement a
décidé, le 16 janvier 1990, que l'Etat
élaborerait lui-même le SDAC
. A cette fin, le préfet de
Corse a rendu public, le 25 janvier 1991, un « livre
blanc » transmis à l'Assemblée de Corse, lequel a
préludé au projet de schéma d'aménagement, transmis
à la même Assemblée le 17 septembre 1991.
Bien que l'Assemblée de Corse ait expressément demandé que
la procédure d'élaboration du SDAC soit suspendue, celle-ci s'est
poursuivie jusqu'à
l'approbation du projet de schéma par
décret n° 92-129 du 7 février 1992.
Le schéma d'aménagement de la Corse en vigueur s'articule autour
de trois orientations principales
:
- doter la Corse des moyens de prendre place parmi les régions
d'Europe, à la croisée de la façade
méditerranéenne et de la dorsale alpine en améliorant les
infrastructures ;
- préserver l'environnement pour valoriser les
potentialités, tout en favorisant le tourisme et l'agriculture ;
- et enfin, intégrer littoral et intérieur dans le cadre de
l'axe Ajaccio-Corte-Bastia et de diverses micro-régions.
Le schéma d'aménagement de la collectivité
territoriale de Corse
Arrêté le 26 septembre 1997 par le Conseil
exécutif de Corse, le projet de schéma d'aménagement a
reçu l'avis défavorable du Conseil économique, social et
culturel et du Conseil des sites de Corse. En janvier 1998, le
Préfet de Corse, a fait savoir au Président du Conseil
exécutif qu'il ne pouvait donner son accord aux dispositions du
schéma valant schéma de mise en valeur de la mer (S.M.V.M.),
certaines étant contraires à la loi
« littoral ». Puis il a demandé au Président
du Conseil exécutif, le 10 novembre 1998, de reprendre
l'élaboration du schéma d'aménagement.
Le projet de loi entend fusionner les deux documents existants en un seul
dispositif, élaboré au cours d'une procédure unique.
A
cette fin, sept articles, L. 4424-9 à L. 4424-15, seraient
insérés dans le code général des
collectivités territoriales (CGCT).
B. DISPOSITIONS DE LA LOI « LITTORAL » APPLICABLES EN
CORSE
Afin de préserver le littoral d'une urbanisation croissante,
la loi
n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à la protection
et à la mise en valeur du littoral a établi une série de
limitations au droit de construire sur les zones qui jouxtent les rivages de la
mer
. Cette loi, qui s'applique aujourd'hui de façon uniforme dans
l'Hexagone et en Corse, est, en partie, codifiée aux
articles L. 146-1 à L. 146-9 du code de l'urbanisme.
Elle concerne les communes littorales
visées à l'article
L. 321-2 du code de l'environnement, c'est-à-dire, les
collectivités riveraines des mers et océans, des étangs
salés, des plans d'eau intérieurs d'une superficie
supérieure à 1.000 hectares, des estuaires et des deltas
lorsqu'elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et
participent aux équilibres économiques et écologiques
littoraux. La liste de ces communes est fixée par décret en
Conseil d'Etat, après consultation des conseils municipaux
intéressés.
La loi « littoral » distingue trois types
d'espaces :
-
la bande des cent mètres contiguë au rivage,
située dans les espaces non urbanisés ;
-
les espaces proches du rivage, qu'ils soient ou non situés
dans les zones urbanisées ;
-
la partie rétro-littorale
, quelle que soit sa nature
(urbanisée ou naturelle).
Dans la bande des cent mètres contiguë au rivage située
dans des espaces non urbanisés, les constructions ou installations sont
interdites
, sauf si elles sont nécessaires à des services
publics ou à des activités économiques exigeant la
proximité immédiate de l'eau (article L. 146-4-III).
Dans les «
espaces proches du rivage
»
-notion floue qui a donné lieu à une abondante jurisprudence-
l'extension « limitée » de l'urbanisation est
possible si elle est justifiée et motivée par le PLU en fonction
de critères liés à la configuration des lieux ou à
l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité
immédiate de l'eau
. A contrario,
toute autre forme d'urbanisation
y est proscrite
(article L. 146-4-II).
Enfin,
dans la partie
« rétro-littorale
»
qui couvre le
territoire des communes littorales auquel s'applique la loi,
l'extension de
l'urbanisation n'est admise que
:
-
si elle s'effectue « en continuité » avec
les agglomérations et les villages existants
;
-
si elle revêt l'aspect de « hameaux nouveaux
intégrés à l'environnement »
.
L'impact de ces dispositions est particulièrement important en
Corse
, dont
le littoral représente 1.154 kilomètres
(îles comprises)
soit 14 % du linéaire côtier
français
. Ceci explique que la superficie des terrains acquis en
Corse par le Conservatoire du Littoral soit la plus vaste de toutes les
régions françaises avec 13.308 hectares, très loin
devant la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA)
(9.990 hectares) ou la région Languedoc-Roussillon
(7.138 hectares)
100(
*
)
.
Le nombre des documents d'urbanisme réalisés en Corse est peu
élevé. En outre, par le jeu combiné de la loi
« littoral », de la loi « montagne » et
de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, toutes les
possibilités de construire sont, bien souvent,
« gelées ». On a vu, ci-dessus, les pesanteurs
qu'occasionne parfois la loi « littoral ». On rappellera
donc ici les difficultés entraînées par l'application
combinée de la loi « montagne » et de la loi du
31 décembre 1913.
La
loi « montagne »
à laquelle la plupart des
communes de Corse sont soumises, renforce, en effet, le principe
d'inconstructibilité posé par le code de l'urbanisme en limitant
la faculté d'y déroger, fût-ce en élaborant un PLU.
Elle renforce le principe de construction en continuité avec les
constructions existantes, alors même que le relief justifierait, parfois,
d'y déroger. Tout au plus permet-elle, en théorie, de
créer des « hameaux nouveaux intégrés à
l'environnement », sans que cette faculté soit, en pratique,
utilisée, ni sur le continent, ni en Corse, du fait de la lourdeur d'une
procédure qui revient à constituer, dans un espace à
faible densité, une véritable zone d'aménagement. Enfin,
la loi montagne soumet la construction d'unités touristiques nouvelles
à des autorisations spécifiques, afin de lutter contre le
« mitage » de l'espace montagnard et de préserver
les activités agricoles et pastorales.
La
loi du 31 décembre 1913
prévoit, quant à
elle, que tous les permis de construire dans des zones situées dans le
champ de visibilité des monuments historiques sont soumis au visa de
l'architecte des bâtiments de France, ce qui limite fortement la
possibilité de construire dans les environs immédiats du centre
historique de nombreux villages.
La superposition de ces trois législations aboutit, en pratique,
à geler toute possibilité de construire
puisque, dès
lors que l'on sort du champ d'application de la loi
« littoral », on entre dans celui de la loi
« montagne », que jouxte le périmètre de 500
mètres fixé par la loi de 1913 (notamment dans tous les petits
villages dont la surface du bourg est peu étendue et où se
trouve, bien souvent, un édifice classé au titre de la protection
des monuments historiques).
II. MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE PROJET DE LOI AU RÉGIME EN
VIGUEUR
Article L.4424-9 du Code général des collectivités
territoriales
Contenu du PADU
Cet
article détermine le contenu du plan d'aménagement et de
développement durable de la Corse (PADU).
Le texte adopté par l'Assemblée nationale :
L'article L. 4424-9 tel qu'il résulte du
projet de loi
initial
, auquel l'Assemblée nationale n'a apporté qu'une
modification rédactionnelle, repose sur une synthèse des
dispositions des articles L. 4424-19 du CGCT, L. 144-1 du code de
l'urbanisme, de certaines dispositions de la loi n° 2000-1208 du
13 décembre 2000 relative à la solidarité et au
renouvellement urbains et de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999
d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du
territoire.
En vertu du premier alinéa «
le plan fixe les objectifs du
développement économique, social, culturel et touristique de
l'île, ainsi que ceux de la préservation de son
environnement
». Cette rédaction est, pour l'essentiel,
analogue à celle du premier alinéa de l'article L. 4424-19
précité qui ne fait, cependant, référence ni au
développement touristique de l'île, ni à la
préservation de son environnement.
Le second alinéa prévoit, quant à lui, comme l'article
L. 144-1 du code de l'urbanisme relatif au schéma
d'aménagement de la Corse, que le
PADU définit les
«
orientations fondamentales
» en matière
d'aménagement de l'espace
, dans le cadre de la protection et de la
mise en valeur du territoire de l'île, tout en enrichissant
substantiellement son contenu, puisque le PADU s'intéresse aux
orientations en matière :
- de
transport
, selon une approche multimodale (ce qui est
cohérent avec l'approche multimodale de l'organisation des transports
retenue par l'article 20 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999
précitée pour les schémas de service collectif) ;
- de
télécommunications
;
- de
valorisation des ressources énergétiques
.
Reprenant des concepts déjà utilisés par l'article
L. 121-1 du code de l'urbanisme qui résulte de la loi relative
à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), le second
alinéa prévoit que les orientations du PADU respecteront dans une
«
perspective de développement
durable
» :
- l'équilibre entre les objectifs de renouvellement et de
développement urbains ;
- la diversité sociale de l'habitat ;
- la préservation des activités agricoles et
forestières ;
- la protection des espaces naturels, sites et paysages.
Le plan détermine enfin les «
principes de
localisation
» :
- des
grandes infrastructures de transport
;
- des
grands équipements
;
- des
espaces naturels, des sites et paysages à
préserver
;
- des
extensions urbaines
;
- des
activités industrielles, artisanales, commerciales,
agricoles, forestières, touristiques, culturelles et sportives
.
Observations de votre commission spéciale
Votre commission spéciale souscrit à l'idée de confier
à la collectivité territoriale de Corse compétence pour
élaborer un document d'aménagement qui détermine les
grands objectifs de développement de l'île et les orientations en
matière d'aménagement de l'espace.
Elle vous propose cependant d'adopter, à l'article L. 4424-9 un
amendement
, afin :
d'opérer une
clarification rédactionnelle
tendant
à faire référence, par analogie avec le 2°) de
l'article L.121-1 du code de l'urbanisme au concept de
« mixité sociale » plutôt qu'à celui de
« diversité sociale » au
troisième
alinéa
.
de
renvoyer au code de l'urbanisme
les dispositions concernant la
mise en oeuvre du PADU
. Il n'est, en effet, pas souhaitable que les
dispositions techniques relatives au régime juridique d'un document
d'urbanisme aussi important que le PADU ne figurent pas dans le code de
l'urbanisme, alors même que celui-ci comprend, d'ores et
déjà, un chapitre IV relatif aux
Dispositions
particulières applicables à la collectivité territoriale
de Corse
au Titre IV (
Dispositions particulières à
certaines parties du territoire
) de son Livre premier, consacré aux
Règles générales d'utilisation du sol
.
Par coordination, votre commission spéciale vous propose de
déplacer dans le code de l'urbanisme les dispositions figurant aux
articles L. 4424-11 à L. 4424-15 du projet de loi, par
plusieurs amendements dont l'économie générale vous sera
présentée ci-après.
Votre commission spéciale vous propose, en outre, d'adopter deux
amendements
tendant à insérer des paragraphes additionnels
après l'article L. 4424-10 proposé par le projet de loi. Ils
sont susceptibles de clarifier la position du PADU dans la hiérarchie
des normes.
Soumission du PADU à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme
L'économie générale retenue par l'Assemblée
nationale pour le régime juridique du PADU appelle une
observation relative à la place du de ce document dans la
hiérarchie des normes
. En effet, l'exposé des motifs du
projet de loi indique que le PADU devra respecter «
l'ensemble des
lois et règlements
»
101(
*
)
. Cependant, le libellé du
troisième alinéa de l'article L. 4424-9 du CGCT suscite
une interrogation relative à la relation juridique existante entre le
PADU et l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme. Ce dernier est
capital, puisqu'il détermine les règles générales
applicables à l'ensemble des documents d'urbanisme, qu'il s'agisse des
directives territoriales d'aménagement (DTA) des schémas de
cohérence territoriale (SCOT) et des plan, locaux d'urbanisme (PLU) ou
des cartes communales. Ces principes sont au nombre de trois :
- 1°)
L'équilibre entre le renouvellement urbain, un
développement urbain maîtrisé, le développement de
l'espace rural, d'une part, et la préservation des espaces
affectés aux activités agricoles et forestières et la
protection des espaces naturels et paysages, d'autre part, en respectant les
objectifs du développement durable ;
- 2°)
La diversité des fonctions urbaines et la
mixité sociale dans l'habitat urbain et dans l'habitat rural
, en
prévoyant des capacités de construction et de
réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination,
des besoins présents et futurs en matière d'habitat,
d'activités économiques, notamment commerciales,
d'activités sportives ou culturelles et d'intérêt
général ainsi que d'équipements publics, en tenant compte
en particulier de l'équilibre entre emploi et habitat ainsi que des
moyens de transport et de la gestion des eaux ;
- 3°)
Une utilisation économe et équilibrée
des espaces naturels, urbains, périurbains et ruraux
, la
maîtrise des besoins de déplacement et de la circulation
automobile, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du
sol et du sous-sol, des écosystèmes, des espaces verts, des
milieux, sites et paysages naturels ou urbains, la réduction des
nuisances sonores, la sauvegarde des ensembles urbains remarquables et du
patrimoine bâti, la prévention des risques naturels
prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances
de toute nature.
Certains des principes mentionnés par l'article L. 121-1
précité figurent, au moins dans leur orientation
générale, dans le troisième alinéa de
l'article L. 4424-9 du CGCT, à l'instar de la protection des
espaces naturels et des paysages. Cependant, le libellé de certains
d'entre eux est notablement différent. Dès lors, doit-on
considérer que l'article L. 4424-9 se substitue à
l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme pour ce qui concerne le
PADU et que celui-ci peut ne pas respecter les principes que pose cet
article ? Ou bien -mais cette interprétation semble
malaisée- que, comme l'indique l'exposé des motifs
précité, celui-ci est soumis à
l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme comme à l'ensemble
des lois et règlements ?
Le fait que le PADU ait la même valeur normative que les directives
territoriales d'aménagement accentue d'ailleurs l'équivoque qui
caractérise la rédaction transmise au Sénat puisque les
DTA sont, elles, en vertu du dernier alinéa de
l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme -lequel résulte d'un
amendement adopté par le Sénat
au projet de loi
« SRU »- soumises au respect des dispositions des trois
premiers alinéas de l'article L. 121-1 précité.
Ne serait-il pas contradictoire que le PADU porte les mêmes effets
qu'une DTA, tout en étant soumis à une obligation légale
« allégée »
?
C'est pourquoi votre commission spéciale vous propose
un
amendement
tendant à insérer un paragraphe additionnel qui
prévoit
que les dispositions des 1° à 3° de
l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme sont applicables au
PADU.
Cet amendement présente l'intérêt d'assurer la
cohérence de la hiérarchie des normes d'urbanisme
applicables dans l'île. Rien n'interdirait, en effet, si le juge
considérait qu'en vertu du principe de spécialité des
législations, le contenu du PADU n'est pas soumis au respect de
l'article L. 121-1 précité, que l'on observe une
contrariété entre les SCOT, les PLU et les cartes communales -qui
sont, eux, soumis au respect de l'article L.121-1, y compris en Corse- et
le PADU qui ne le serait pas, alors même que la loi lui confère la
valeur d'une DTA, en théorie supérieure aux documents d'urbanisme
décentralisés précités.
Soumission du PADU aux normes actuellement visées par l'article
L. 144-2 du code de l'urbanisme
Dans le même esprit,
votre commission spéciale considère
comme inopportun d'abroger, par l'article 13 du projet de loi, la
totalité des dispositions de l'article L. 144-2 du code de
l'urbanisme qui soumettent le schéma d'aménagement de la Corse
à diverses dispositions générales applicables aux
documents d'urbanisme
. Elle vous proposera, en conséquence, un
amendement
sur ce point.
Rappelons que l'article L. 144-2 prévoit notamment que le
schéma d'aménagement de la Corse doit respecter :
1° Les règles générales d'aménagement et
d'urbanisme à caractère obligatoire prévues au
livre 1
er
, ainsi que les prescriptions prévues aux
articles L. 111-1 à L. 112-3 du code rural ;
2° Les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation
du sol et les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre
d'opérations d'intérêt national ;
3° La législation en matière de protection des sites et
des paysages ainsi qu'en matière de protection des monuments
classés ou inscrits.
Ces dispositions sont spécialement importantes, puisque les
prescriptions prévues aux articles L. 111-3 à L. 112-3
du code rural, prévoient notamment que :
- l'aménagement et le développement durable de l'espace
rural constituent une priorité essentielle de l'aménagement du
territoire dont la mise en valeur et la protection de l'espace agricole et
forestier prennent en compte les fonctions économique, environnementale
et sociale. (article L. 111-1) ;
- le document de gestion de l'espace agricole et forestier établi
dans chaque département doit être consulté lors de
l'élaboration des documents d'urbanisme et des schémas
départementaux des carrières (article L. 112-1).
Rien n'indique pourquoi le plan d'aménagement ne serait pas soumis
à ces dispositions.
C'est pourquoi votre commission spéciale
vous présentera un
amendement
tendant à conserver le
contenu des dispositions précitées de
l'article L. 144-2.
Article L. 4424-10 du Code général des collectivités
territoriales
Dérogations à la loi
« littoral » opérées par le
PADU
Cet
article permet à la collectivité territoriale de Corse de
déroger à certaines dispositions fondamentales de la loi
« littoral ».
A. LE CONTENU DE L'ARTICLE L. 4424-10 DU CODE GÉNÉRAL DES
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES PROPOSÉ PAR LE PROJET DE LOI
INITIAL
Trois types de dérogations seraient susceptibles d'être
apportées, en vertu cet article, à la loi littoral, en ce qui
concerne :
- la
liste des espaces terrestres et marins, sites et paysages
remarquables
(paragraphe I) ;
- la
détermination des espaces où peuvent être
autorisés des aménagements légers et des constructions non
permanentes dans certains secteurs soumis à une forte
fréquentation touristique
(paragraphe II) ;
- la
détermination
dans des espaces en principe
inconstructibles, de zones d'urbanisation future de taille et de
capacité d'accueil limitées
(paragraphe III).
Pour la commodité de l'exposé, votre rapporteur examinera
successivement chacun des
quatre paragraphes
qui composent
l'article L. 4424-10.
Paragraphe I : Détermination de la liste des espaces
remarquables
Le droit en vigueur : L'article L. 146-6 du code de
l'urbanisme
En vertu de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, qui résulte
de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à la
mise en valeur et à la protection du littoral,
un décret
,
codifié à l'article R. 146-1 du même code
détermine les principaux espaces et milieux à
préserver
, lesquels comportent notamment, aux termes de
l'article L.146-6 précité, en fonction de
l'intérêt écologique qu'ils présentent, :
«
les dunes et les landes côtières, les plages et
lidos, les forêts et zones boisées côtières, les
îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou
abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et
milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de
nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la
directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979
concernant la conservation des oiseaux sauvages et, dans les
départements d'outre-mer, les récifs coralliens, les lagons et
les mangroves ».
La liste des espaces et milieux à protéger comprend, quant
à elle, en vertu de l'article R. 146-1 précité -qui
résulte du décret en Conseil d'Etat n° 89-694 du
20 septembre 1989-, outre les sites mentionnés par l'article
L. 146-6 précité :
- «
les estrans
102(
*
)
, les falaises et les abords de
celle-ci ;
- les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer et
des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à
1.000 hectares ;
- les tourbières, les plans d'eau ;
- les milieux abritant des concentrations naturelles d'espèces
animales ou végétales telles que les herbiers, les
frayères, les nourrisseries et les gisements naturels de coquillages
vivants ; les espaces délimités pour conserver les
espèces en application de l'article 4 de la loi n° 76-629 du
10 juillet 1976 ;
- les parties naturelles des sites inscrits ou classés en
application de la loi du 2 mai 1930 modifiée et des parcs nationaux
créés en application de la loi n° 60-708 du 22 juillet
1960, ainsi que les réserves naturelles instituées en application
de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;
- les formations géologiques telles que les gisements de
minéraux ou de fossiles, les stratotypes
103(
*
)
, les grottes ou les accidents
géologiques remarquables.
»
En pratique, sur le fondement de l'article R. 146-1 du code de
l'urbanisme,
le classement des sites remarquables est opéré
par les services de l'Etat sous l'égide du préfet
.
Portée de la dérogation accordée à la
collectivité de Corse par le projet de loi initial
Le
premier paragraphe du projet de loi initial
, auquel
l'Assemblée nationale n'a apporté qu'une modification
rédactionnelle, prévoit que le
PADU peut
, pour
l'application de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, et sous
réserve de l'adoption d'une délibération
«
particulière et motivée
» de
l'Assemblée de Corse,
fixer la liste et la localisation des espaces
terrestres et marins, sites et paysages remarquables, ou
caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et des
milieux nécessaires à un maintien des équilibres
biologiques à préserver
.
Cette délibération « tient lieu »du
décret codifié à l'article R. 146-1 du code de
l'urbanisme. Elle semble cependant se distinguer de ce texte puisqu'elle
détermine la
localisation
des zones en question, alors que, comme
on l'a vu ci-dessus, l'article R. 146-1 précité dresse
une
liste générale
des types d'espaces susceptibles
d'être protégés, sans définir leur implantation
géographique.
Selon les informations communiquées à votre rapporteur, dans
l'esprit des rédacteurs du projet de loi, le premier paragraphe
n'autorise pas la collectivité territoriale de Corse à
contrevenir aux dispositions de l'article L. 146-6 du code de
l'urbanisme. Tout au plus peut-elle modifier la liste établie par
l'article R. 146-1 pour l'adapter aux spécificités de
la Corse. L'exposé des motifs du projet de loi indique, au demeurant
que : «
bien évidemment, le plan devra respecter
l'ensemble des lois et règlements, en particulier ceux qui
résultent des directives communautaires et conventions internationales
en vigueur dans les différents domaines qu'il couvre ainsi que les
législations relatives aux servitudes d'utilité publique
affectant l'utilisation des sols, à la protection des sites et paysages,
ainsi qu'à la protection des monuments classés ou
inscrits
»
104(
*
)
.
La délibération de la collectivité territoriale de Corse
prise à cette fin sera soumise au contrôle de
légalité dans les conditions prévues à
l'article 2 du projet de loi et susceptible de faire l'objet d'un recours
contentieux devant le tribunal administratif.
Paragraphe II : Détermination des espaces où
peuvent être créés des aménagements légers et
des constructions non permanentes
Ce paragraphe tend à apporter une limitation à l'empire des
dispositions de la loi « littoral » qui prohibent toute
construction dans la bande des cent mètres située à
proximité du rivage, dans les zones naturelles.
Le principe d'inconstructibilité dans la zone des cent
mètres à compter du rivage
L'urbanisation des zones littorales est soumise à un régime
très limitatif. En dehors des espaces urbanisés, les
constructions et installations sont interdites sur une bande de cent
mètres à compter de la limite du rivage.
Cette législation n'est pas sans entraîner de difficultés
dans les zones soumises à une forte fréquentation touristique,
où les visiteurs sont susceptibles d'occasionner des dommages à
l'environnement, à défaut de disposer des services adaptés
(sanitaires, chemins d'accès au rivage, etc...). A l'occasion de
l'examen du projet de loi SRU, le législateur a d'ailleurs tenté
d'apporter une première réponse à cette question en
adoptant un article 42, codifié à l'article L. 146-6-1
du code de l'urbanisme.
Celui-ci prévoit que pour
réduire les conséquences sur
une plage
et les espaces naturels qui lui sont proches
de nuisances ou
de dégradations
,
liées à la présence
d'équipements ou de constructions réalisés avant
l'entrée en vigueur de la loi « littoral »
, une
commune ou, le cas échéant, un EPCI compétent peut
établir un
schéma d'aménagement
,
approuvé, après enquête publique, par décret en
Conseil d'Etat
, après avis de la commission des sites. En outre,
afin de réduire ces nuisances ou dégradations et
d'améliorer les conditions d'accès au domaine public maritime, il
peut, à titre dérogatoire, autoriser le maintien ou la
reconstruction d'une partie des équipements ou constructions existants
à l'intérieur de la bande des cent mètres située le
long du rivage, dès lors que ceux-ci sont de nature à permettre
de concilier les objectifs de préservation de l'environnement et
d'organisation de la fréquentation touristique.
Cette dérogation à la loi « littoral »,
récemment adoptée, s'inscrit dans un mouvement plus
général qui a conduit le législateur, à l'occasion
de l'examen de la loi « SRU », à apporter d'autres
dérogations au principe d'inconstructibilité qu'édicte le
code de l'urbanisme, ainsi que le montre le tableau ci-dessous :
LES ASSOUPLISSEMENTS AUX LIMITATIONS DU DROIT DE CONSTRUIRE RÉCEMMENT ADOPTÉS PAR LE LÉGISLATEUR
Le code
de l'urbanisme repose sur le principe de
constructibilité
limitée
qui s'applique sur l'ensemble du territoire et, de
façon renforcée, dans les zones de montagne et dans les zones
littorales.
SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE
Le principe général
est posé par l'article
L. 111-1-2 du code de l'urbanisme qui dispose qu'
en
l'absence de
PLU seules sont autorisées en dehors des parties urbanisées
du territoire :
1° - l'adaptation, la réfection ou l'extension des constructions
existantes ;
2° - les constructions nécessaires à des équipements
collectifs, agricoles, ou destinés à la mise en valeur des
ressources naturelles ou à la réalisation d'opérations
d'intérêt général ;
3° - les installations incompatibles avec le voisinage des zones
habitées ;
4° - les constructions motivées par l'intérêt de la
commune, si elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces
naturels et des paysages.
L'article 33 de la loi « SRU » a modifié le
4° de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme afin de
permettre que l'« intérêt de la commune »
justifie une dérogation au principe de constructibilité
limitée afin d'éviter une diminution de la population
communale
. L'expérience prouvait, en effet, que certaines petites
communes qui n'ont pas les moyens d'élaborer un POS ne pouvaient, de ce
fait, autoriser des constructions nouvelles hors des zones urbanisées,
alors même que ces constructions auraient permis de maintenir le niveau
de leur population.
EN ZONE DE MONTAGNE
Le III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme pose
le principe de
l'urbanisation en continuité avec les bourgs, et villages existants en
zone de montagne
. Cette règle suscitait des difficultés dans
les zones où, faute d'espace, aucun terrain n'était constructible
à proximité des zones urbanisées.
C'est pourquoi l'article 16 de la loi « SRU » a
prévu la possibilité de
déroger au principe de
construction en continuité, à titre exceptionnel, pour
créer des zones d'urbanisation future de taille et de capacité
d'accueil limitées, après accord de la chambre d'agriculture et
de la Commission des sites
.
Modifications proposées par le projet de loi initial
Le deuxième paragraphe (II) de l'article 12 dispose, quant à lui,
que
le PADU peut déterminer, en tenant compte de la
fréquentation touristique de certains sites et de la préservation
de l'environnement, les espaces situés dans la bande littorale des cent
mètres dans lesquels peuvent être autorisés des
aménagements légers et des constructions non permanentes
destinés à l'accueil non hôtelier du public dans le respect
des paysages et des caractéristiques propres à ces sites.
La détermination de ces espaces reposerait sur une
délibération «
particulière et
motivée
» de l'Assemblée de Corse ; tandis que
la réalisation des aménagements et constructions serait soumise
à une enquête publique analogue à celle d'ores et
déjà prévue pour la réalisation de constructions
nécessaires à des activités exigeant la proximité
immédiate de l'eau (cf. article L. 146-6-III alinéa 2).
Cette enquête publique pourrait être unique et porter sur
l'ensemble des constructions et aménagements prévus, dès
lors que le dossier soumis à cette procédure préciserait
les conditions d'aménagement et de gestion de l'ensemble des espaces
concernés.
Modifications adoptées par l'Assemblée nationale
Au premier alinéa du
deuxième paragraphe
de l'article
L. 4424-10, l'Assemblée nationale a adopté, outre une
modification de précision, un amendement de MM. Bruno Leroux et
Noël Mamère aux termes duquel
les aménagements et
constructions non permanentes
pour l'accueil du public
ne sauraient
être destinés à une forme d'hébergement
.
Paragraphe III : Détermination, dans des espaces
inconstructibles, de zones d'urbanisation future
Tout comme le précédent,
ce paragraphe limite la portée
du régime d'inconstructibilité qui résulte de la loi
« littoral »
.
Régime de constructibilité au delà de la zone des
cent mètres qui borde le littoral
Afin de lutter contre le «
mitage
» des espaces
riverains du littoral et de préserver les zones naturelles et non
urbanisées, le « I » de l'article L. 146-4
du code de l'urbanisme prévoit que dans les communes littorales,
l'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité
avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux
intégrés à l'environnement.
Modifications proposées par le projet de loi initial
Par dérogation à ces dispositions, le troisième paragraphe
du projet de loi initial prévoit que
le PADU pourrait définir,
dans des espaces qu'il détermine, des règles relatives à
l'extension de l'urbanisation adaptées aux particularités
géographiques locales et déroger, ipso facto, aux dispositions de
l'article L. 146-6 précité
.
La procédure de détermination de ces zones serait identique
à celle prévue au paragraphe II (délibération
particulière et motivée) pour la création
d'aménagements légers.
Le texte précise, en outre, que :
- les modalités d'organisation et d'insertion dans les sites et les
paysages de l'extension de l'urbanisation sont définies et
justifiées dans le PADU ;
- que ces règles sont applicables dans des
«
périmètre restreints
» dès
lors qu'il existe un Plan local d'urbanisme (PLU) ou une carte communale
opposable aux tiers.
Examinant l'article 12, le Conseil d'Etat a jugé souhaitable de
disjoindre le troisième paragraphe du reste du projet de loi,
considérant qu'«
en l'absence [...] de précisions
suffisantes sur la nature, l'étendue et la portée des
dérogations [...] apportées au régime législatif de
droit commun, les dispositions susmentionnées équivalent à
une délégation du pouvoir législatif à la
collectivité territoriale de Corse [...], contraire à l'article
34 de la Constitution
».
Dans son rapport présenté devant l'Assemblée nationale, M.
Bruno Le Roux «
confirme le bien fondé de ces observations
et, partant, considère qu'il convient de leur apporter une
réponse appropriée
»,
en estimant toutefois
que «
la collectivité territoriale saura, mieux que
l'autorité administrative, fixer la liste des espaces remarquables de
l'île
105(
*
)
».
Modifications votées par l'Assemblée nationale
Le dispositif du troisième paragraphe a été très
substantiellement modifié par
trois amendements
de
l'Assemblée nationale.
Le
premier
prévoit que la
délibération
particulière et motivée
par laquelle l'Assemblée de
Corse peut déroger à l'article L. 146-4 du code de
l'urbanisme
précisera les modalités d'organisation et de tenue
d'un débat public
préfigurant l'évaluation
mentionnée au IV. Votre commission spéciale s'interroge sur la
portée de cette disposition dans la mesure où rien n'indique le
contenu juridique de cette « préfiguration ». C'est
pourquoi elle vous proposera de
supprimer par un amendement cette
expression
.
Le
deuxième amendement,
présenté par le rapporteur
de l'Assemblée nationale, et sous-amendé par M. Pierre
Albertini,
supprime la possibilité de procéder à des
«
adaptations législatives
»
,
tout en
autorisant la collectivité territoriale de Corse à prévoir
la création de zones d'urbanisation limitées
sous plusieurs
conditions tendant à assurer la préservation des espaces naturels
susceptibles d'être menacés.
Alors que, dans le projet de loi initial, la collectivité territoriale
de Corse pouvait déterminer, sans réel encadrement
législatif, des règles relatives à l'extension de
l'urbanisation «
adaptées aux particularités
géographiques locales
», ce pouvoir lui est retiré,
au profit d'une compétence restreinte.
La collectivité
pourrait définir des espaces où «
la topographie et
l'état des lieux
» sont susceptibles de justifier une
dérogation à la règle de construction en continuité
des constructions existantes
. Ces espaces ne sauraient être
situés :
-
ni dans les espaces « remarquables »
mentionnés au premier alinéa de l'article L. 146-6 du code
de l'urbanisme ;
-
ni dans les espaces, les paysages et les milieux offrant un
intérêt esthétique indéniable
ou
présentant un aspect exceptionnel, caractéristique du
patrimoine naturel et culturel de l'île
;
-
ni dans les espaces nécessaires au maintien et au
développement des activités agricoles, pastorales,
forestières et maritimes
.
Le champ dans lequel ces dérogations sont susceptibles d'être
établies est donc plus restreint que celui envisagé par le projet
de loi initial.
Encore peut-on se demander s'il ne serait pas souhaitable d'interdire ces
dérogations dans les sites remarquables visés par l'article
R. 146-1 du code de l'urbanisme, lequel dresse, rappelons-le, une liste
plus exhaustive que celle établie par l'article L. 146-1
puisqu'elle comprend en outre :
- «
les estrans, les falaises et les abords de
celles-ci ;
- les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer et
des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à
1.000 hectares ;
- les tourbières, les plans d'eau ;
- les milieux abritant des concentrations naturelles d'espèces
animales ou végétales telles que les herbiers, les
frayères, les nourriceries et les gisements naturels de coquillages
vivants ; les espaces délimités pour conserver les
espèces en application de l'article 4 de la loi n° 76-629 du
10 juillet 1976 ;
- les parties naturelles des sites inscrits ou classés en
application de la loi du 2 mai 1930 modifiée et des parcs nationaux
créés en application de la loi n° 60-708 du 22 juillet
1960, ainsi que les réserves naturelles instituées en application
de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;
- les formations géologiques telles que les gisements de
minéraux ou de fossiles, les stratotypes, les grottes ou les accidents
géologiques remarquables.
»
Or, rien n'interdirait, en apparence, à l'Assemblée de Corse
d'établir une liste plus restrictive que celle qui résulte de
l'article R.146-1, tout en étant conforme à
l'article L.146-6, sous réserve du contrôle du juge.
Il revient, en outre, au PADU de définir, «
selon des
modalités compatibles avec la préservation du caractère
naturel de ces espaces, les règles
d'organisation et les
conditions d'insertion dans les sites et les paysages de ces zones
d'urbanisation
future
».
Dans les espaces ainsi limités,
seuls les PLU pourraient créer
«
des zones d'urbanisation future de taille et de capacité
limitées
»
, expression qui rappelle celle
utilisée par l'article L. 145-3-III du code de l'urbanisme pour les
zones de montagne, lequel permet de créer des zones d'urbanisation
future de taille limitée, à titre exceptionnel, après avis
de la commission des sites et de la chambre d'agriculture.
La compétence dévolue au PLU ne semble, en théorie, pas
sans garde-fous puisque la nouvelle rédaction du III prévoit que
les espaces en question seront, eux aussi, créés après
consultation de la chambre d'agriculture et du Conseil des sites de Corse, et
après enquête publique.
Paragraphe IV : Entrée en vigueur et caducité
des délibérations prévues par l'Assemblée
territoriale de Corse en matière d'aménagement, pour
déroger aux dispositions de l'article L. 146-6 du code de
l'urbanisme
Selon l'exposé des motifs du projet de loi
106(
*
)
, la possibilité de
procéder à des «
adaptations des dispositions
législatives et réglementaires
» était
à la fois «
expérimentale
» et
«
encadrée
» par les dispositions du
quatrième et dernier paragraphe de l'article L. 4424-10 du CGCT,
à savoir :
- la
durée d'expérimentation limitée à
quatre années
;
- l'
établissement d'un rapport d'information annuel
sur leur
mise en oeuvre ;
- la
caducité des mesures prises à l'issue du
délai précité à défaut d'une prorogation par
des lois ultérieures
.
L'Assemblée nationale a donné une nouvelle rédaction au
paragraphe IV. En effet, l'adoption de modifications au III a rendu sans
objet les dispositions du quatrième paragraphe (IV) qui
prévoyaient d'instaurer une période d'évaluation de quatre
ans pour la mise en oeuvre du dispositif initial. Aussi un amendement du
rapporteur a-t-il modifié ce paragraphe qui prévoit
désormais qu'un rapport d'évaluation annuel, établi par la
collectivité territoriale de Corse, sur la mise en oeuvre de ces
dispositions, précisera leur impact réel sur l'environnement et
le développement durable et sera adressé au Premier ministre qui
le transmettra au Parlement.
B. OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION SPÉCIALE SUR L'ARTICLE
L. 4424-10 DU CODE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES PROPOSÉ
PAR LE PROJET DE LOI
L'Assemblée nationale a tenté de retrancher du projet de loi
initial les dispositions qui, en prévoyant des « adaptations
législatives », s'avéraient manifestement contraires
à la Constitution. Elle y a, malheureusement introduit, par un choc en
retour, d'autres dispositions qui encourent des critiques.
Observations de votre commission spéciale sur le
paragraphe I
Pour votre commission spéciale,
le texte du projet de loi
transmis
au Sénat, dont la conformité à la
Constitution, s'avère pour le moins discutable,
est susceptible de
susciter des espoirs infondés et d'occasionner de graves incertitudes
juridiques.
L'article L. 146-6 du code de l'urbanisme a, en effet, confié au
pouvoir réglementaire le soin de définir, par un décret,
la liste des sites « remarquables » situés sur le
littoral. Or, en vertu de l'article 21 de la Constitution, le Premier
ministre est investi de la plénitude du pouvoir réglementaire,
sous réserve des pouvoirs reconnus au Président de la
République. La jurisprudence du Conseil d'Etat considère que de
ce fait, le pouvoir réglementaire peut toujours intervenir, même
à défaut d'habilitation législative, pour l'application de
la loi.
Dans sa décision n° 88-248 du 17 janvier 1989 sur la loi
modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative
à la liberté de communication, le Conseil constitutionnel a,
quant à lui, considéré que si les dispositions de
l'article 21 précité ne font pas obstacle à ce que le
législateur confie à une autorité de l'Etat autre que le
Premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en oeuvre une
loi, c'est à la condition que cette loi n'habilite cette autorité
qu'à prendre des mesures de portée limitée, tant par leur
champ d'application que par leur contenu. Il a d'ailleurs sanctionné,
sur ce fondement, une habilitation trop étendue.
Le projet de loi a, quant à lui, pour objet de donner à la
collectivité de Corse la faculté d'adopter une
délibération qui « tient lieu » d'un
décret. A l'évidence, si cette disposition tend, en
transférant une partie du pouvoir réglementaire du chef du
gouvernement à la CTC, à interdire l'édiction d'un
décret concurrent, sur un objet pour lequel la
délibération de la CTC « tiendrait lieu » de
texte, elle est contraire à la constitution :
- car elle porte atteinte à l'intégrité du pouvoir
réglementaire du Premier ministre ;
- puisqu'elle ne peut être regardée comme ayant une
portée « limitée » au sens de la
jurisprudence précitée du Conseil constitutionnel.
Un texte qui suscite de vains espoirs
En apparence, le premier paragraphe de l'article L. 4424-10 autorise une
délibération de la CTC à fixer, en lieu et place d'un
décret, les modalités d'application de la loi. Ceci aurait
théoriquement pour effet de permettre à la CTC de diminuer la
liste des espaces remarquables -telle est du moins l'idée
exprimée par plusieurs des personnalités remontées par la
délégation qui s'est rendue en Corse-. Pour autant, sa
délibération serait-elle légale ? Rien n'est moins
sûr. En effet, le premier alinéa de l'article L.146-6 du code
de l'urbanisme prévoit :
- qu'un décret fixe la liste des espaces et milieux à
préserver ;
- que cette liste comprend
notamment
les dunes, les landes
côtières... etc...
L'article 146-6 ne détermine donc pas une liste exhaustive des
types d'espaces remarquables, tout au contraire. L'adverbe
notamment
souligne que la liste qu'il fixe n'est pas limitative, pas plus, au demeurant,
que celle qui résulte de l'article R. 146-1 du code de
l'urbanisme. Le juge administratif a d'ailleurs fait sienne cette
interprétation, estimant que les listes fixées par les
articles L. 146-6 et R. 146-1 ne sont nullement exhaustives.
Dès lors, dans le cas où la CTC omettrait, dans une
délibération, de classer un espace comme remarquable, tout donne
à penser, au vu de la jurisprudence, que le juge administratif
annulerait cette délibération, considérant qu'elle ne
protège pas des espaces naturels et s'avère, de ce fait,
illégale « par omission ». La juridiction
administrative a elle-même, d'ores et déjà, ajouté
des critères à la définition habituelle
107(
*
)
des espaces remarquables, preuve que
pour elle les listes codifiées n'ont aucun caractère exhaustif.
Vers de nouvelles incertitudes juridiques
En donnant à la CTC le droit d'adopter une délibération
qui « tient lieu » d'un décret le projet de loi
crée une nouvelle source d'insécurité juridique, en se
fondant sur une ambiguïté : l'article R. 146-1 du code de
l'urbanisme fixe une
liste de types d'espaces
qu'il cite (estrans,
mangroves, etc...)
sans viser aucune localisation ni mentionner aucune
carte
.
Le PADU, tout au contraire, déterminera de façon précise
des sites, sur une carte. Dès lors, les citoyens qui demanderont des
autorisations d'occupation du sol ou les maires qui élaboreront un plan
local d'urbanisation après avoir consulté le PADU pourront
croire, en toute bonne foi, que puisque ce document qui a valeur de DTA a
été approuvé et puisqu'il ne classe pas un espace comme
ayant un caractère « remarquable », ils pourront y
construire. Bien mal leur en prendra car ils encourront tout de même la
sanction du juge administratif, fondée sur l'illégalité du
PADU...
Le système proposé par le projet de loi n'offre donc aucune
garantie juridique quant à la légalité de la liste et
à celle de la localisation de ces espaces par le PADU. Le juge pourrait
en effet être saisi, dans le délai du recours contentieux, au
titre du contrôle de légalité, mais aussi par les personnes
intéressées, dans le délai de recours pour excès de
pouvoir, ou encore, plusieurs années après l'entrée en
vigueur du PADU, par voie d'exception à l'occasion d'une contestation
relative à la délivrance d'une autorisation d'utilisation du sol.
La garantie qu'offre le PADU semble, en conséquence, largement
illusoire.
Aussi votre commission spéciale vous proposera un
amendement
tendant à
supprimer le premier paragraphe de
l'article L. 4424-10, tout en observant que par un amendement tendant
à insérer un paragraphe additionnel à l'article 12,
elle vous a proposé de mieux concilier la nécessité de
protéger le littoral et celle d'assurer le développement
économique de la Corse répondant, ipso facto, au problème
posé sans avoir recours à la solution retenue par
l'Assemblée nationale.
Observations de votre commission spéciale sur le
paragraphe II
Pour votre commission spéciale, le texte du « II »
soulève, outre une grave question de principe, des difficultés
techniques fort complexes.
La
question de principe
tient à ce que la rédaction de ce
paragraphe tend à autoriser des «
aménagements
légers et des constructions non permanentes destinées à
l'accueil du public, à l'exclusion de toutes formes
d'hébergement
». Votre commission spéciale constate
que le concept «
d'aménagements
légers
» est réservé par le code de
l'urbanisme (article L. 146-6 alinéa 2) aux
aménagements susceptibles d'être réalisés dans des
espaces « remarquables », notion
« élastique » qui vise des espaces qui sont souvent
situés à plus de 100 mètres du rivage. Or, le II de
l'article L. 4424-10 du CGCT tel qu'adopté par
l'Assemblée nationale ne fait pas référence aux
aménagements légers situés dans les espaces remarquables.
Il crée une nouvelle catégorie juridique d'aménagements
légers et de constructions non permanentes situées... dans la
bande des 100 mètres instituée par le deuxième
alinéa du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme. Ce
faisant,
les auteurs de cette rédaction visent, en utilisant une
périphrase et en n'osant appeler les choses par leur nom, à
autoriser la construction de paillotes dans la bande des cent
mètres
!
Rappelons qu'en vertu des dispositions du III de l'article L.146-4 en
vigueur, seules peuvent être construites dans la bande des cent
mètres :
- les constructions et installations nécessaires à des
services publics ;
- les activités économiques exigeant la proximité
immédiate de l'eau.
Le II de cet article introduit donc une dérogation majeure à la
loi « littoral ».
S'agissant de la question de principe, votre commission spéciale
apporte une réponse négative : elle ne considère pas
souhaitable de favoriser la construction de « paillotes »
dans la bande des cent mètres, fussent-elles exclusives de toutes formes
d'hébergement. C'est pourquoi elle vous propose par un amendement
tendant à insérer un paragraphe additionnel à cet article
de permettre la création d'aménagements légers dans les
seuls espaces « remarquables », considérant que
cette mesure résout un problème ignoré par le texte
adopté par l'Assemblée nationale.
Au demeurant, le texte soulève
de graves problèmes
juridiques
qu'une lecture attentive ne permet pas de dissiper :
Les « paillotes » devront-elles recevoir un permis de
construire ou se contenteront-elles de « l'autorisation »
sui generis
visée par le premier alinéa du II ou encore
auront-elles besoin de recevoir l'une et l'autre ? On sait, en effet, que
l'on ne peut tirer argument du caractère provisoire d'une construction
pour prétendre se dispenser de l'obtention du permis de
construire
108(
*
)
.
Quelle autorité délivrera cette autorisation : la
CTC ? La commune, s'il existe un plan local d'urbanisme (PLU) ? Le
maire au nom de l'Etat en l'absence de PLU ?
L'enquête publique évoquée au dernier alinéa
précèdera-t-elle la délivrance de l'autorisation et celle
du permis de construire ?
Que fera-t-on, dans le cas où l'enquête aurait lieu après
la délivrance de l'autorisation, si celle-là contredit
celle-ci ?
Compte tenu de ces éléments votre commission spéciale
estime souhaitable de
supprimer,
par un
amendement
, le
deuxième paragraphe de cet article, au bénéfice d'un
article additionnel avant l'article 12 qui tend à autoriser la
construction d'aménagements légers pour régler les
problèmes posés par l'afflux des touristes dans les espaces
« remarquables ».
Observations de votre commission spéciale sur le
paragraphe III
Sous couvert d'accorder à la CTC une compétence pour
déroger à la loi « littoral », assortie
d'apparents « garde fous », le III de cet article
procède à un
transfert du pouvoir législatif de
façon subreptice
, et prévoit un mécanisme dont la
lourdeur pose de graves problèmes techniques.
Le seul motif pour lequel la CTC peut se fonder pour définir, par
dérogation aux dispositions du I de l'article L. 146-4, des
« zones d'urbanisation future », -c'est-à-dire des
zones qui ne soient ni situées en continuité avec les
agglomérations existantes ni constitués en «
hameaux
nouveaux
»- sont «
la topographie et l'état
des lieux
». Ainsi confère-t-on un quasi pouvoir
législatif à la CTC (puisqu'elle peut déroger à la
loi) tout en n'encadrant pas celui-ci, puisque des catégories juridiques
imprécises telles que la « topographie » ou
« l'état des lieux » n'indiquent en rien ce qui
justifiera une dérogation : Tous les espaces littoraux ont une
topographie, tous ont un état des lieux. Dès lors -sauf à
considérer que tout espace littoral a vocation à
bénéficier d'une dérogation par rapport au régime
de droit commun- le texte devrait, à tout le moins, préciser ce
qui dans l'un ou l'autre cas justifie une dérogation. La seule mention
stéréotypée de ces concepts dans une
délibération ne saurait, à elle seule, servir de motif
pour autoriser la CTC à instituer une dérogation à la loi.
Conscients de cette grave lacune, les rédacteurs du III ont tenté
d'y remédier en restreignant le champ géographique dans lequel
ces dérogations peuvent survenir et en substituant à
l'encadrement juridique qu'exige la jurisprudence constitutionnelle un
cantonnement « géographique ». De ce fait, ils ont
terriblement alourdi une procédure censée alléger la
pesanteur du régime des espaces « remarquables ».
C'est ainsi que selon le III, les zones d'urbanisation future ne pourraient
être créées :
- ni dans les espaces « remarquables » (dont le I tend
à restreindre l'étendue)
- ni dans des «
espaces, des paysages et des milieux offrant
un intérêt esthétique indéniable ou
présentant un caractère exceptionnel, caractéristique du
patrimoine de naturel ou culturel de l'île
».
Il va sans dire que la détermination par la jurisprudence du nouveau
concept d'intérêt esthétique
«
indéniable
» [
sic
] ou du
caractère «
exceptionnel
» d'un espace
[
sic
] sera le terreau d'innombrables contentieux.
Deux derniers éléments techniques affaiblissent enfin le
dispositif du III :
Les « zones d'urbanisation futures » qui y sont
visées ressortiront-elles du CGCT qui n'en donne aucune
définition ? Ou bien faut-il comprendre que, par
prétérition, le texte renvoie au régime des zones
« NA » visées au code de l'urbanisme ?
La dernière phrase indique que le PADU définit les règles
d'organisation de ces zones. Ce libellé est, pour le moins, impropre
puisque le PADU ne peut définir que les règles d'organisation et
les conditions d'insertion des constructions et non pas, a priori, celles de
zones d'urbanisation future.
Votre commission spéciale ne méconnaît pas la
nécessité d'assouplir certaines dispositions de la loi
« littoral », tout en ne souscrivant pas au système
retenu par le III de cet article. Aussi vous propose-t-elle de supprimer, par
un amendement, le troisième paragraphe de cet article au
bénéfice du mécanisme tendant à concilier la
protection des zones remarquables et la nécessité d'urbaniser de
façon très limitée les espaces proches du rivage, lequel
fait l'objet d'un amendement tendant à insérer un paragraphe
additionnel à l'article 12.
Observations de votre commission spéciale sur le
paragraphe IV
Votre commission spéciale ayant souhaité supprimer les trois
premiers paragraphes de l'article L. 4424-10, elle vous présente un
amendement
tendant à apporter une modification
rédactionnelle, par coordination, au paragraphe IV qui
prévoit l'établissement d'un rapport sur les conséquences
de la mise en oeuvre du PADU.
C. PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION SPÉCIALE EN CE QUI CONCERNE LE
RÉGIME APPLICABLE AU LITTORAL
Afin de contribuer à résoudre les problèmes posés
par l'application de certaines dispositions de la loi
« littoral » en Corse, votre commission spéciale
vous propose d'insérer trois paragraphes additionnel avant le II de
l'article 12 du projet de loi. Ceux-ci ont été
élaborés au vu des conclusions tirées par la
délégation de votre mission d'information qui s'est rendue en
Corse, du 5 au 9 septembre 2001.
Pour votre commission spéciale,
la principale caractéristique
du littoral de Corse tient au fait qu'il a été largement
préservé de l'urbanisation
depuis l'après guerre,
n'étant que peu touché par le déferlement des
constructions qui a atteint le littoral du sud de la France. De ce fait
même, l'espace littoral corse présente, dans sa
quasi-totalité, un caractère exceptionnel, et recèle de
nombreux « espaces remarquables » au sens de l'article
L. 146-6 du code de l'urbanisme, ainsi que diverses zones qui font l'objet
de protection de nature environnementale : zones naturelles
d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF),
réserves classées notamment. Le Conservatoire du littoral s'est
rendu maître, par voie d'acquisition, d'environ 20 % du
linéaire côtier et pourrait encore procéder à des
acquisitions au cours des années à venir, -si ses moyens
financiers le lui permettent-. Votre commission spéciale souscrit, sur
ce point, aux recommandations formulées par le sénateur Louis Le
Pensec qui, dans un récent rapport remis au Gouvernement, estimait
souhaitable de «
donner au conservatoire les moyens d'une nouvelle
ambition
»
et recommandait d'accroître la dotation
de l'Etat pour l'acquisition et l'aménagement.
Parmi les interlocuteurs rencontrés, tant en Corse qu'à
l'occasion des auditions tenues au Palais du Luxembourg, nul n'a remis en cause
la nécessité de préserver le littoral corse du danger d'un
« bétonnage généralisé ».
Cependant, de l'avis unanime des élus rencontrés, le
développement économique de la Corse pourrait passer de
manière significative par le tourisme et, partant, par un renforcement
des infrastructures hôtelières, puisqu'il est avéré
que le nombre de lits correspondants aux normes en vigueur demeure insuffisant
pour faire face à l'accroissement de la demande.
Face à la nécessité de protéger le littoral et de
permettre le développement touristique,
une solution de transaction
mérite d'être trouvée entre des exigences qui pourraient
apparaître, en première analyse, quasiment inconciliables
.
Comme l'ont montré les auditions auxquelles a procédé
votre commission spéciale, nul ne sait déterminer avec
précision, hormis pour certains cas extrêmes :
- ni quelle surface totale devrait être ouverte à
l'urbanisation ;
- ni s'il est réellement impossible de trouver, en l'état actuel
du droit de l'urbanisme, des espaces urbanisables.
Dès lors on peut craindre qu'une modification législative
inspirée par d'indéniables problèmes particuliers
n'aboutisse à priver le littoral corse d'une protection d'autant plus
nécessaire que la qualité de son environnement constituera, dans
le futur, un réel avantage comparatif par rapport à d'autres
espaces touristiques de la Méditerranée occidentale qui n'ont,
eux, pas bénéficié
des mêmes
précautions
.
Aussi votre commission spéciale vous propose-t-elle d'adopter plusieurs
amendements qui découlent de ces considérations et dont
l'économie générale s'articule autour de trois grands
principes, dans le droit fil de l'amendement tendant à
généraliser, en Corse, l'existence de documents d'urbanisme :
-
il est souhaitable de donner un degré de liberté
supplémentaire par rapport à la situation actuelle, dans le cadre
du plan d'aménagement et de développement durable
;
- le mécanisme institué doit permettre de
mesurer la
réalité des contraintes excessives que la législation en
vigueur fait peser sur certaines communes du littoral
de Corse et non pas
donner un « blanc seing » aux autorités
intéressées qui ne le demandent d'ailleurs nullement ;
-
il convient de protéger aussi bien les espaces
« remarquables » que la bande dite « des cent
mètres » à proximité du littoral
, si bien
que
les seuls espaces où une urbanisation limitée peut
être autorisée, outre la partie rétrolittorale, sont les
« espaces proches du rivage »
;
- enfin,
les concessions faites par rapport aux principes
édictés par la loi « littoral »,
vu la
nécessité de permettre un développement limité dans
des espaces actuellement inconstructibles,
doivent avoir pour contrepartie
un renforcement de l'étendue des espaces qui mériteraient,
à l'évidence, de figurer dans le patrimoine du Conservatoire du
littoral
,
mais n'ont pu être acquis faute de moyens.
Sur la base de ces orientations, votre commission spéciale a
élaboré un dispositif qui prévoit :
1°) Une
procédure d'identification des communes où les
dispositions de la loi « littoral » interdisent toute
construction nouvelle
;
2°) Des
modalités de détermination des espaces proches du
rivage où des construction nouvelles pourraient
, sous de strictes
conditions,
être réalisées
;
3°) Un
mécanisme d'autorisation d'une urbanisation
limitée des espaces proches du rivage, sous réserve d'un don de
terrains au Conservatoire du littoral
.
Procédure d'identification des communes où les dispositions
de la loi « littoral » interdisent toute construction
nouvelle
Votre commission spéciale vous propose qu'une directive territoriale
d'aménagement ou un document ayant les mêmes effets
109(
*
)
puisse déterminer, à la
demande des communes qui disposent d'un plan local d'urbanisme, la carte des
sites dans lesquels l'application des articles L. 146-1 à
L. 146-6 du code de l'urbanisme a pour effet d'interdire la
délivrance de toute autorisation d'occupation du sol.
Cette carte ne pourrait concerner que les portions du littoral de la Corse
caractérisées par :
- une faible urbanisation antérieure à la promulgation de la
loi n°86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la
protection et la mise en valeur du littoral ;
- l'existence de nombreux espaces « remarquables » ou,
pour reprendre la formulation utilisée à l'article L. 146-6
du code de l'urbanisme, des espaces terrestres et marins, sites et paysages
remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du
littoral, ou des milieux nécessaires au maintien des équilibres
biologiques.
Il ne saurait, en effet, être question de faciliter l'urbanisation de
zones dans lesquelles une urbanisation incontrôlée a, d'ores et
déjà, porté atteinte à la qualité du paysage.
Cette carte serait élaborée après avis du Conseil des
sites dans des conditions analogues à la procédure fixée
par l'article L. 146-4-II pour l'extension limitée de
l'urbanisation dans les espaces proches du rivage.
Détermination des espaces proches du rivage où des
construction nouvelles pourraient être réalisées
Dans les « espaces proches du rivage » -ce qui exclut aussi
bien la bande des cent mètres que les « espaces
remarquables »- une nouvelle forme
d' « urbanisation limitée » serait
autorisée, dès lors qu'une commune figurerait dans la carte
annexée au PADU. Cette carte délimiterait les zones dans
lesquelles une urbanisation limitée non située en
continuité avec les constructions existantes peut être
réalisée. Elle serait élaborée au vu de la demande
exprimée par une délibération de chaque commune
concernée qui préciserait les motifs qui la conduisent à
solliciter cette inscription, à savoir :
- le diagnostic élaboré avant l'élaboration du SCOT
ou celui qui précède l'élaboration du PLU, ainsi que les
motifs pour lesquels l'application des articles L. 146-1 à L. 146-9
du code de l'urbanisme (qui ont codifié la loi
« littoral ») a pour effet d'interdire la délivrance
de toute autorisation d'occupation du sol et empêche, de ce fait, soit la
réalisation du projet de développement et d'aménagement
durable retenu dans le SCOT, soit celle du projet de développement et
d'aménagement durable défini dans le PLU ;
- les principes applicables à l'insertion paysagères des
constructions dans les zones pour lesquelles l'autorisation est
demandée ;
- le coefficient d'occupation des sols ou les principes en tenant lieu que
la commune fixera dans cette zone ;
- la liste des espaces susceptible d'être donnés, en
contrepartie, au Conservatoire du littoral.
Mécanisme d'autorisation d'une urbanisation limitée des
espaces proches du rivage, sous réserve d'un don de terrains au
Conservatoire du littoral
Ces dispositions constituent un aménagement de la rigueur de l'article
L. 146-4-II du code de l'urbanisme qui limite, actuellement, la
possibilité de construire dans les « espaces proches du
rivages » à l'extension limitée de l'urbanisation par
rapport aux espaces déjà urbanisés si elle motivée
par des critères liés à la configuration des lieux ou
à l'accueil d'activités économiques exigeant la
proximité immédiate de l'eau.
Elles auraient pour
contrepartie
une
cession de terrains à
titre gratuit au Conservatoire du littoral
, selon une procédure qui
s'inspire de celle prévue par l'article L. 130-2 du code de
l'urbanisme. Celui-ci permet à une commune de donner un terrain à
bâtir à un propriétaire qui consentirait à lui
donner un espace boisés classé, ou d'autoriser ce
propriétaire à construire sur une superficie correspondant au
dixième de la superficie qu'il remet, à titre gratuit, à
la commune intéressée.
La superficie des espaces susceptibles d'être urbanisés dans des
espaces proches du rivage du fait d'un don consenti au conservatoire du
littoral ne pourrait excéder :
- un dixième du total des espaces proches du rivage couverts par le plan
local d'urbanisme, cédés en contrepartie, à titre gratuit,
au Conservatoire du littoral ;
- un centième du total des espaces « remarquables »
cédés, aux mêmes fins, au Conservatoire.
Les terrains pris en compte pour effectuer cette opération devraient
être compris dans le territoire de la ou des communes, relevant du PLU.
L'ensemble de ce dispositif s'inscrit dans la logique de
l'article L. 146-4-II du code de l'urbanisme, applicable aux
« espaces proches » du rivage. Celui-ci prévoit
qu'un SCOT peut déroger aux interdictions qu'il édicte : le
régime proposé par votre commission spéciale est plus
protecteur puisqu'il prévoit, outre l'intervention de l'autorité
chargée d'élaborer le PADU, une cession à titre gratuit au
conservatoire du littoral.
Article L. 4424-11 du Code général des collectivités
territoriales
Portée normative du
PADU
Cet
article
, adopté sans modification par l'Assemblée nationale,
détermine la place du PADU dans la hiérarchie des normes
.
A l'instar du schéma d'aménagement de la Corse, dont la valeur
normative est définie par l'article L. 144-5 du code de
l'urbanisme,
le PADU aura les mêmes effets que les directives
territoriales d'aménagement (DTA). Les schémas de
cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes
communales devront être compatibles avec lui
.
Rappelons qu'en vertu de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, les
DTA «
peuvent fixer, sur certaines parties du territoire, les
orientations fondamentales de l'Etat en matière d'aménagement et
d'équilibre entre les perspectives de développement, de
protection et de mise en valeur des territoires. Elles fixent les principaux
objectifs de l'Etat en matière de localisation des grandes
infrastructures de transport et des grands équipements, ainsi qu'en
matière de préservation des espaces naturels, des sites et des
paysages. Ces directives peuvent également préciser pour les
territoires concernés, les modalités d'application des lois
d'aménagement et d'urbanisme, adaptées aux particularités
géographiques locales. [...] ».
Les DTA sont élaborées sous la responsabilité de l'Etat,
et approuvées par décret en Conseil d'Etat. Au cours de l'examen
du projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains, le
Sénat a obtenu une modification du régime des DTA afin de
prévoir que
ces documents seront
soumis aux principes
généraux relatifs à l'utilisation économe du
territoire
qui s'appliquent à tous les autres documents de
planification de l'espace, (article L. 121-1 du code de l'urbanisme,
dernier alinéa).
Actuellement, sept sites sont concernés par la préparation d'une
DTA : les Alpes-Maritimes, l'aire métropolitaine marseillaise, les
estuaires de la Loire et de la Seine, les Alpes du Nord, l'aire urbaine
lyonnaise et la zone des bassins miniers lorrains. On notera que la
procédure d'élaboration de ces documents est très lourde
puisque les études relatives aux premiers projets de DTA
précités ont débuté en 1996 et que, cinq ans plus
tard, aucune DTA n'est entrée en vigueur.
En outre, le PADU pourra préciser les modalités d'application,
adaptées aux particularités géographiques locales des
dispositions des lois « montagne » et
« littoral » codifiées aux
articles L. 145-1 à L. 146-9 du code de l'urbanisme.
Le dernier alinéa de l'article prévoit enfin, à l'instar
du dernier alinéa de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme
qui concerne les DTA, que les dispositions du PADU s'appliquent aux personnes
et aux opérations mentionnées aux articles L. 145-1 à
L. 146-9 du code de l'urbanisme qui concernent les dispositions
particulières applicables aux zones de montagne, et au littoral.
Rappelons qu'en vertu de la décision du Conseil constitutionnel
n° 94-358 du 26 janvier 1995, si les DTA peuvent comporter des
adaptations à des particularités géographiques locales,
celles-ci ne peuvent conduire à méconnaître les
dispositions des lois d'aménagement et d'urbanisme.
Votre commission spéciale vous propose d'adopter un
amendement
ayant un double objet de coordination afin :
- de codifier ces dispositions dans le chapitre chapitre IV relatif
aux
Dispositions particulières applicables à la
collectivité territoriale de Corse
du Titre IV (
Dispositions
particulières à certaines parties du territoire
) du Livre
premier, (
Règles générales d'utilisation du sol
) du
code de l'urbanisme pour les raisons évoquées dans le commentaire
de l'article L. 4424-9 ;
- d'apporter une modification de coordination relative à
dénomination du PADU.
Article L. 4424-12 du Code général des collectivités
territoriales
Valeur normative du PADU eu égard à la mise en
valeur
de la mer et aux
transports
Cet
article
, auquel l'Assemblée nationale n'a adopté qu'un
amendement rédactionnel,
dispose que le PADU vaut schéma de
mise en valeur de la mer (SMVM), schéma régional
d'aménagement et de développement du territoire (SRADT) et
schéma régional de transport.
En vertu de l'article 57 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983,
relative à la répartition des compétences entre les
communes, les départements, les régions et l'Etat, le
SMVM
fixe les «
orientations fondamentales de la protection, de
l'exploitation et de l'aménagement du littoral. Il détermine la
vocation générale des différentes zones et notamment les
zones affectées au développement industriel et portuaire, aux
cultures marines et aux activités de loisirs. Il précise les
mesures de protection du milieu marin. Il détermine également les
vocations des différents secteurs de l'espace maritime et les
principes de compatibilité applicables aux usages correspondants,
ainsi que les conséquences qui en résultent pour l'utilisation
des divers secteurs de l'espace terrestre qui sont liés à
l'espace maritime. Il peut, en particulier, édicter les sujétions
particulières intéressant les espaces maritime, fluvial ou
terrestre attenant, nécessaires à la préservation du
milieu marin et littoral.
»
Elaboré par l'Etat, le SMVM est soumis pour avis aux communes, aux
départements et aux régions intéressés, puis
approuvé par décret en Conseil d'Etat. Il a les mêmes
effets qu'une DTA.
Le PADU vaut également
schéma régional
d'aménagement et de développement du territoire (SRADT)
. Aux
termes de l'article 34 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983
modifiée
110(
*
)
, le SRADT
fixe «
les orientations fondamentales, à moyen terme, du
développement durable du territoire régional. Il comprend un
document d'analyse prospective et une charte régionale, assortie de
documents cartographiques, qui exprime le projet d'aménagement et de
développement durable du territoire régional.
» Il
définit notamment
« les principaux objectifs relatifs
à la localisation des grands équipements, des infrastructures et
des services d'intérêt général qui doivent concourir
au sein de la région au maintien d'une activité de service public
dans les zones en difficulté ainsi qu'aux projets économiques
porteurs d'investissements et d'emplois, au développement harmonieux des
territoires urbains, périurbains et ruraux, à la
réhabilitation des territoires dégradés et à la
protection et la mise
en valeur de l'environnement, des sites, des
paysages et du patrimoine naturels et urbains en prenant en compte les
dimensions interrégionale et transfrontalière.
»
Enfin, il veille à «
la cohérence des projets
d'équipement avec les politiques de l'Etat et des différentes
collectivités territoriales, dès lors que ces politiques ont une
incidence sur l'aménagement et la cohésion du territoire
régional.
»
Enfin,
les dispositions du plan valent schéma régional de
transport
au sens de l'article 14-1 de la loi n° 82-1153 du 30
décembre 1982 modifiée
111(
*
)
, d'orientation des transports
intérieurs et s'imposent aux plans départementaux des transports.
Les schémas régionaux de transport
sont, quant à
eux, élaborés par les régions. Ils comprennent un volet
« transport de voyageurs », et un volet
« transport de marchandises ». Ils
« ont pour
objectif prioritaire d'optimiser l'utilisation des réseaux
d'équipements existants et de favoriser la complémentarité
entre les modes de transport et la coopération entre les
opérateurs en prévoyant, lorsque nécessaire, la
réalisation d'infrastructures nouvelles
».
Votre commission spéciale vous propose d'adopter un
amendement
ayant un double objet de coordination à cet article afin :
- de codifier ces dispositions dans le chapitre chapitre IV relatif aux
Dispositions particulières applicables à la
collectivité territoriale de Corse
du Titre IV (
Dispositions
particulières à certaines parties du territoire
) du Livre
premier, (
Règles générales d'utilisation du sol
) du
code de l'urbanisme pour les raisons évoquées dans le commentaire
de l'article L. 4424-9 ;
- d'apporter une modification de coordination relative à
dénomination du PADU.
Article L. 4424-13 du Code général des collectivités
territoriales
Procédure d'élaboration du PADU
Cet
article dispose que le PADU est élaboré par le Conseil
exécutif de la collectivité territoriale de Corse et
prévoit la procédure préalable à son entrée
en vigueur.
A l'instar du
plan de développement
visé à
l'article L. 4424-19 du CGCT et du
schéma
d'aménagement
mentionné aux articles L. 144-1 et
L. 144-3 du code de l'urbanisme, le plan d'aménagement et de
développement durable est
préparé par le Conseil
exécutif
puis
adopté par l'Assemblée
de Corse.
Alors que la loi ne prévoyait pas que le projet de plan de
développement soit soumis à enquête publique, et tandis que
le projet de schéma d'aménagement était seulement
« mis à la disposition du public » (cf.
article L. 144-3, avant dernier alinéa), le PADU sera
soumis à l'enquête publique
puis
approuvé par la
même assemblée.
La coopération des entités intéressées par ce
document est renforcée,
lors de son élaboration, par
rapport au système antérieur
. En effet, alors que pour la
préparation du plan de développement, les départements,
les communes, le Conseil économique, social et culturel de Corse et les
partenaires économiques et sociaux étaient
«
consultés
», le texte prévoit que
diverses entités juridiques sont
«
associées
» à l'élaboration
du projet de plan par le Conseil exécutif, selon des modalités
définies par l'Assemblée de Corse. Il s'agit :
- de
l'Etat
, en la personne de son représentant ;
- des
départements
,
communes
et
EPCI
compétents en matière d'urbanisme
;
- des
chambres consulaires
;
Cette
procédure d'association
se rapproche donc de celle
prévue pour l'élaboration du schéma d'aménagement
par l'article L. 144-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en
vigueur.
Le représentant de l'Etat porte à la connaissance du Conseil
exécutif les projets d'intérêt général et les
opérations d'intérêt national qui doivent être prises
en compte, ainsi que les dispositions nécessaires à la bonne fin
de ces projets et de ces opérations, selon une procédure en
vigueur pour les documents de planification et d'aménagement (SCOT, PLU,
...).
Une fois
le projet de PADU arrêté par l'exécutif
, il
est soumis pour avis :
- au Conseil économique, social et culturel ;
- au Conseil des sites.
L'Assemblée de Corse
adopte le projet de schéma
avant
qu'il ne soit mis à l'enquête publique accompagné :
- des délibérations «
particulières et
motivées
» prises pour l'application de la loi
« littoral » en vertu de l'article L. 4424-10, dans la
rédaction proposée par le projet de loi ;
- des avis motivés du Conseil économique, social et culturel
de Corse et du conseil des sites de Corse
112(
*
)
.
L'enquête publique se déroule dans les conditions de droit commun
prévues par les articles L. 123-1 à L. 123-16 du code
de l'environnement. Au vu de son résultat, le PADU est
approuvé par l'Assemblée de Corse
selon des
modalités analogues à celle prévues pour son adoption.
Le
seul amendement adopté par l'Assemblée nationale
, en
première lecture au deuxième alinéa de cet article
prévoit :
- qu'une délibération de l'Assemblée de Corse
précisera les conditions dans lesquelles les organisations consulaires
seront associées à l'élaboration du projet de plan ;
- que des organisations professionnelles pourront être
associées à son élaboration, dans les mêmes
conditions.
Votre commission spéciale vous propose d'adopter un
amendement
ayant un double objet de coordination à cet article afin :
- de codifier ces dispositions dans le chapitre chapitre IV relatif aux
Dispositions particulières applicables à la
collectivité territoriale de Corse
du Titre IV (
Dispositions
particulières à certaines parties du territoire
) du Livre
premier, (
Règles générales d'utilisation du sol
) du
code de l'urbanisme pour les raisons évoquées dans le commentaire
de l'article L. 4424-9 ;
- d'apporter une modification de coordination relative à
dénomination du PADU.
- de tirer la conséquence de la suppression des trois premiers
paragraphes de l'article L. 4424-10 qui vous est proposée.
Article L. 4424-14 du Code général des collectivités
territoriales
Conditions d'adoption d'un contrat de plan entre l'Etat
et
la collectivité territoriale de
Corse
Cet
article
, adopté sans modification par l'Assemblée
nationale,
prévoit que le contrat de plan Etat-Corse ne peut
être conclu qu'après l'approbation du PADU.
Cette disposition lie donc le versement des aides liées au contrat de
plan à la réalisation du PADU, ce qui constitue une
incitation
beaucoup plus forte que celle prévue par les textes en
vigueur. L'article L. 4424-19 du CGCT dans sa rédaction actuelle se
borne, en effet, à prévoir que le plan d'aménagement doit
être établi dans un délai d'un an courant à compter
de l'installation de l'Assemblée de Corse, lequel s'est, comme on l'a vu
ci-dessus, avéré trop bref.
Comme, en vertu de l'article 12 du projet de loi, l'actuel plan
d'aménagement reste en vigueur, cette disposition n'est appelée
à prendre effet, au plus tôt, que lors de la renégociation
des contrats de plan postérieurs à 2006.
Votre commission spéciale vous propose d'adopter un
amendement
ayant un double objet de coordination à cet article afin :
- de codifier ces dispositions dans le chapitre chapitre IV relatif aux
Dispositions particulières applicables à la
collectivité territoriale de Corse
du Titre IV (
Dispositions
particulières à certaines parties du territoire
) du Livre
premier, (
Règles générales d'utilisation du sol
) du
code de l'urbanisme pour les raisons évoquées dans le commentaire
de l'article L. 4424-9 ;
- d'apporter une modification de coordination relative à
dénomination du PADU.
Article L. 4424-15 du Code général des collectivités
territoriales
Modification du PADU destinée à réaliser
un projet d'intérêt général
ou une
opération d'intérêt
national
Cet
article permet au représentant de l'Etat d'obtenir la modification du
PADU pour parvenir à réaliser un programme d'intérêt
général ou une opération d'intérêt
national.
L'actuel article L. 144-2, 2°, prévoit que le schéma
d'aménagement doit respecter les servitudes d'utilité publique
affectant l'utilisation du sol et les dispositions nécessaires à
la mise en oeuvre d'opérations d'intérêt national et qu'il
prend en compte les programmes de l'Etat. Il revient au préfet, sur le
fondement de l'article L. 144-4, de demander à la
collectivité territoriale de Corse de procéder aux modifications
du schéma d'aménagement destinées à permettre la
réalisation d'une opération prévue par l'article
L. 144-2, 2°, précité. Toutefois, des adaptations
législatives ou réglementaires peuvent être
apportées au code de l'urbanisme par la collectivité territoriale
de Corse, dans les conditions prévues par l'article 26 de la loi
n° 91-428 du 13 mai 1991 précitée. Si la
procédure de révision n'a pas abouti dans les six mois suivant la
demande du représentant de l'Etat, il peut y être
procédé par décret en Conseil d'Etat ou, en cas d'urgence,
par décret en conseil des ministres.
La rédaction initiale de l'article L. 4424-15 reprend, en
substance, les dispositions figurant actuellement à l'article
L. 144-4 du code de l'urbanisme. Cependant, l'Assemblée nationale a
modifié le dernier alinéa de cet article afin de supprimer la
possibilité de modifier le PADU par décret pour imposer la prise
en compte d'un projet d'intérêt général (PIG). Cette
rédaction aboutit à permettre au préfet de demander la
modification du schéma dans un délai de six mois, sans assortir
de sanction ni l'absence de réponse émanant de la
collectivité territoriale de Corse, ni le maintien de dispositions du
PADU contraires à un PIG.
Votre Commission spéciale s'interroge tant sur le libellé du
premier alinéa de cet article que sur l'opportunité de la
suppression opérée à l'Assemblée nationale, puisque
des dispositions analogues permettent au préfet de faire primer les
opérations d'intérêt général sur les SCT ou
les PLU (cf. articles L. 123-12 et L. 123-14 du code de l'urbanisme).
C'est pourquoi elle propose au Sénat d'adopter
un amendement
tendant à :
- revenir à une rédaction analogue à celle actuellement en
vigueur ;
- codifier ces dispositions dans le chapitre chapitre IV relatif aux
Dispositions particulières applicables à la
collectivité territoriale de Corse
du Titre IV (
Dispositions
particulières à certaines parties du territoire
) du Livre
premier, (
Règles générales d'utilisation du sol
) du
code de l'urbanisme pour les raisons évoquées dans le commentaire
de l'article L. 4424-9 ;
- d'apporter une modification de coordination relative à
dénomination du PADU.
Sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission
spéciale vous demande d'adopter l'ensemble de l'article 12 ainsi
modifié.
Article 13
Abrogations
Par
coordination avec les dispositions que supprime l'article 12 du projet de
loi, cet article abroge diverses dispositions du code général des
collectivités territoriales, du code de l'urbanisme et de la loi
n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la
répartition des compétences entre les communes, les
départements, les régions et l'Etat. Il précise que le
schéma d'aménagement et le plan de développement
applicables à la date de publication de la loi restent en vigueur
jusqu'à l'approbation du plan d'aménagement et de
développement durable de la Corse.
Dans le code général des collectivités territoriales,
seraient abrogés les articles :
- L. 4424-19 (régime juridique du plan de développement
de la Corse) ;
- et L. 4424-20 (détermination du régime des aides
économiques pour la collectivité territoriale de Corse).
S'agissant du
code de l'urbanisme
, l'article 13 prévoit d'abroger
les articles :
- L. 144-1 (régime juridique du schéma
d'aménagement de la Corse) ;
- L. 144-2 (règles qui s'imposent au schéma
directeur) ;
- L. 144-3 (modalités d'élaboration du
schéma) ;
- L. 144-4 (modification du schéma à l'initiative du
représentant de l'Etat) ;
- L. 144-5 (équivalence entre ce schéma et une DTA).
L'article 12 prévoit enfin de donner, également par coordination,
une nouvelle numérotation aux articles L. 4424-18 et
L. 4424-21 du code général des collectivités
territoriales.
A cet article, votre commission vous propose d'adopter deux
amendements de
coordination.
Votre commission spéciale vous demande d'adopter l'article 13 ainsi
amendé.
Sous-section 2
Des transports et de la gestion des infrastructures
Article 14
Transports
Cet
article détermine le régime des obligations de service public
susceptibles d'être imposées sur certaines liaisons
aériennes ou maritimes.
Il est composé de huit paragraphes. Six d'entre eux consistent en des
abrogations, des dispositions de coordination et des re-numérotations
d'articles (paragraphes I à III, et VI à VIII).
Les
paragraphes IV et V
contiennent, quant à eux, des dispositions
essentielles pour l'évolution du système de transport de la Corse
dont on présentera les spécificités, avant d'examiner le
contenu des deux paragraphes précités.
I. LE RÉGIME DES TRANSPORTS DE LA CORSE
A. UNE COMPÉTENCE DÉTERMINANTE POUR L'AMÉNA-GEMENT
DU TERRITOIRE
En vertu de la sous-section 5 de la section VI du chapitre IV du titre II
du livre IV du Code général des collectivités
territoriales, qui résulte des articles
113(
*
)
71 à 75 et 78-V de la loi
n° 91-428 du 13 mai 1991,
la collectivité territoriale de
Corse joue un rôle central dans l'organisation des transports en
collaboration avec les départements
.
Elle établit un
schéma des transports
interdépartementaux
, qui s'impose aux plans départementaux de
transport. Il revient au
département d'organiser les liaisons
interdépartementales
dans le cadre d'une convention conclue avec la
collectivité territoriale de Corse.
En matière de
transports ferroviaires
,
la collectivité
territoriale de Corse est substituée à l'Etat
. A ce titre,
elle reçoit un concours budgétaire équivalent aux charges
assumées du fait de l'exploitation des transports ferroviaires.
S'agissant des
transports maritimes et aériens
,
la
collectivité territoriale de Corse définit leurs modalités
d'organisation entre l'île et toute destination de la France
continentale
, en particulier en matière de desserte et de tarifs.
Les liaisons sont assurées dans le cadre d'un
service public
qui
garantit des
conditions d'accès, de qualité, de
régularité et de prix destinées à atténuer
les contraintes de l'insularité
.
L'Office des transports de la Corse
est constitué sous la forme
d'un
établissement public industriel et commercial de la
collectivité territoriale de Corse
. La loi le charge de
procéder :
- à la
conclusion de conventions quinquennales qui
règlent les conditions d'exécution, de qualité de service
et les modalités de contrôle
de celui-ci ;
- à
la répartition de la dotation de continuité
territoriale entre les différents modes de transport
.
En matière de
voirie
, la collectivité territoriale de
Corse assure la construction, l'aménagement,
l'entretien et la
gestion de la voirie classée en
route nationale
, laquelle est
transférée dans son patrimoine. Elle peut en
déléguer la mise en oeuvre aux départements.
La collectivité territoriale de Corse reçoit de l'Etat, en vertu
de l'article L. 4425-4 du CGCT une
dotation de continuité
territoriale
qui constitue un
concours individualisé au sein de
la dotation générale de décentralisation.
B. DES FLUX DE TRANSPORT DIVERS ET IMPORTANTS POUR LES ÉCHANGES
DE L'ÎLE
Liaisons maritimes et aériennes
L'étude d'impact présentée par le Gouvernement
résume comme suit les principales caractéristiques des liaisons
aériennes et maritimes de l'île, qui ont concerné
5,509 millions de passagers en 1999, dont 3,106 millions pour le
transport maritime et 2,402 millions pour le transport aérien.
En ce qui concerne la
desserte aérienne
, le trafic des lignes qui
assurent la mise en oeuvre du principe de continuité territoriale, entre
les aérodromes de Bastia, Ajaccio, Calvi et Figari, et ceux de Paris,
Marseille, Nice et Lyon, a représenté environ 2.230.000 passagers
en 1999 (+ 8 % par rapport à 1998).
Les
lignes de service public
subventionnées
sont
gérées par Air France (Paris-Ajaccio, Bastia et Calvi) et Air
Liberté (Paris-Figari). Elles ont transporté près d'
un
million de passagers en 1999
.
Les lignes reliant les aérodromes corses à Marseille, Nice et
Lyon bénéficient de
l'aide sociale au passager en contrepartie
du respect d'obligations de service public
(depuis octobre 2000 pour Lyon).
Elles sont notamment exploitées par la compagnie
Corse-Méditerranée (CCM), Air Liberté et Air Littoral.
S'agissant de la
desserte maritime
, on distingue le trafic passager du
trafic fret.
En 1999,
neuf compagnies maritimes
desservaient l'île (dont
3 françaises : SNCM, CMN et Corsica-ferries) à partir
de 13 ports continentaux dont 3 ports français (Marseille, Toulon, Nice)
et 10 ports italiens. La part du transport maritime de passagers dans le cadre
du service public assuré par les deux concessionnaires (SNCM et CMN)
représentait 1,45 million de passagers.
Selon l'étude d'impact : «
Ce trafic
est
réalisé pendant les périodes de vacances estivales. Les
mois de juillet et août représentent près de 50 % du
trafic annuel. Cette concentration du trafic sur une courte période pose
le problème de la disponibilité des navires en période de
forte demande et celui de la desserte, peu attractive, en moyenne et basse
saison.
» En outre :
«
Depuis les ports
français, la concurrence est effective depuis 1996 avec l'ouverture par
un armateur privé de lignes desservant l'île avec des navires
rapides pendant les mois d'été. Cette desserte a
été étendue à l'année entière avec un
transbordeur, depuis le milieu de l'année 1999
»
.
Le trafic fret, assuré à parts quasiment égales par la
SNCM et la CMN dans le cadre du principe de la continuité territoriale a
atteint 950.000 tonnes en 1999 (799.000 tonnes entrant en Corse et
151.000 tonnes en sortant).
Le quatrième paragraphe de l'article 14 tend à modifier le
régime juridique des dessertes aériennes et maritimes de la Corse.
II. L'ADAPTATION DU RÉGIME DES DESSERTES AÉRIENNES ET
MARITIMES À LA RÉGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE (PARAGRAPHE IV)
Ce paragraphe
donne une nouvelle rédaction de l'article
L. 4424-19 du code général des collectivités
territoriales et
transpose à la Corse des dispositions des
règlements du conseil des ministres européens qui
prévoient
le
libre accès de chaque transporteur
communautaire aux liaisons intra-communautaires
aériennes et
maritimes.
A. LE RÉGIME DES LIAISONS AÉRIENNES ET MARITIMES
PÉRIPHÉRIQUES AU REGARD DU DROIT EUROPÉEN
Dans le cadre de la constitution du
marché intérieur
européen
, deux règlements du Conseil des ministres ont
parachevé la mise en oeuvre du
libre accès aux liaisons
intra-communautaires
des Etats de l'Union, tout en prévoyant la
faculté d'instituer des obligations de service public
.
Le principe de libre accès des transporteurs
Le règlement du Conseil n° 92-2408 du 23 juillet 1992
concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux
liaisons aériennes intra-communautaires a libéralisé
l'accès aux liaisons aériennes intra-communautaires entre les
Etats de l'Union
.
Quant au
règlement du Conseil n° 3577-92 du
7 décembre 1992, concernant l'application du principe de la libre
circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur
des Etats membres (cabotage maritime), il a aboli les restrictions aux
prestations de service de transport maritime à l'intérieur des
Etats membres
,
pour les armateurs communautaires exploitant des navires
immatriculés dans un Etat membre et battant pavillon de cet Etat
membre
, sous réserve que ces navires remplissent toutes les
conditions requises pour être admis au cabotage dans cet Etat membre.
Le principe général de libéralisation est assorti d'une
dérogation relative à la possibilité d'instituer des
obligations de service public, lesquelles intéressent
spécifiquement des îles telles que la Corse.
La faculté d'instituer des obligations de service public
Afin de prendre en compte les spécificités de certaines lignes,
aériennes ou maritimes, les deux règlements
précités ouvrent aux Etats la possibilité d'instituer des
obligations de service public
.
Dans le domaine du
transport aérien
, l'article 4 du
règlement n° 2408-92 du 23 juillet 1992 prévoit
qu'«
un Etat membre peut [...]
imposer des obligations de
service public sur des services aériens réguliers vers un
aéroport desservant une zone périphérique ou de
développement située sur son territoire
[...] si ces liaisons
sont considérées comme
vitales pour le développement
économique de la région
dans laquelle est situé
l'aéroport, dans la mesure nécessaire pour assurer sur cette
liaison une prestation de service adéquate répondant à des
normes fixes en matière de continuité, de
régularité, de capacité et de prix, normes auxquelles le
transporteur ne satisferait pas s'il ne devait considérer que son seul
intérêt commercial
».
Le même article prévoit que le droit d'exploiter ces services est
concédé après
appel d'offres
publié au
Journal Officiel des communautés européennes
, et que
l'Etat membre peut verser une
compensation
à un transporteur
aérien sélectionné au titre d'une liaison soumise à
des obligations de service public.
S'agissant des
transports maritimes
, l'article 4 du
règlement n° 3577-92 du 7 décembre 1992 dispose, quant
à lui, qu'«
un Etat membre peut conclure des contrats de
service public avec des compagnies de navigation qui participent à des
services réguliers à destination et en provenance d'îles
ainsi qu'entre des îles ou leur imposer des obligations de service public
en tant que condition à la prestation de services de cabotage. Lorsqu'un
État membre conclut des contrats de service public ou impose des
obligations de service public, il le fait sur une base non discriminatoire
à l'égard de tous les armateurs communautaires. S'ils imposent
des obligations de service public, les États membres s'en tiennent
à des exigences concernant les ports à desservir, la
régularité, la continuité, la fréquence, la
capacité à rendre le service, les tarifs pratiqués et
l'équipage du navire. Toute compensation due, le cas
échéant, en contrepartie d'obligations de service public doit
être versée à tous les armateurs
communautaires.
»
Telles sont les dispositions que le projet de loi transpose en droit
français.
B. LE PROJET DE LOI INITIAL TRANSPOSE LES DEUX RÈGLEMENTS DE
1992
Le paragraphe IV de l'article 14 du projet de loi initial prévoit, en
premier lieu, que la
collectivité territoriale de Corse peut imposer
des obligations de service public sur certaine liaisons aériennes ou
maritimes, pour assurer le respect du principe de continuité
territoriale
. Ces obligations ont pour objet d'offrir, compte tenu des
spécificités de chaque mode de transport, des dessertes
«
dans des conditions d'accès, de qualité, de
régularité et de prix destinées à atténuer
les contraintes de l'insularité, à faciliter le
développement économique de l'île, l'aménagement
équilibré du territoire insulaire et le développement des
échanges économiques et humains entre l'île et le
continent ».
Cette rédaction reprend, pour partie, celle de l'article L. 4424-28
du code général des collectivités territoriales en
vigueur. Elle s'en distingue cependant en ce qu'elle fait
référence à des «
obligations de service
public
», terme issu de la réglementation communautaire,
dont l'objet est beaucoup plus vaste que celui du « service public
adapté à chaque mode de transport » auquel l'article
L. 4424-28 précité faisait référence.
Rappelons qu'en vertu du règlement du Conseil européen
n° 2408-92 du 23 juillet 1992 précité, les obligations
de service public, sont définies comme : «
les
obligations imposées à un transporteur aérien en vue de
prendre, à l'égard de toute liaison qu'il peut exploiter en vertu
d'une licence qui lui a été délivrée par un Etat
membre, toutes les mesures propres à assurer la prestation d'un service
répondant à des normes fixes en matière de
continuité, de régularité, de capacité et de prix,
normes auxquelles le transporteur ne satisferait pas s'il ne devait
considérer que son seul intérêt commercial
»,
tandis que le règlement n° 3577-92 du 7 décembre 1992
précité les définit comme «
les obligations
que s'il considérait son propre intérêt commercial,
l'armateur communautaire
[...]
n'assumerait pas
[...] ».
Conformément aux dispositions des deux règlements du Conseil des
ministres européens précités, les deuxième et
troisième paragraphes de l'article L. 4424-19 inséré
par le IV de l'article 14 prévoient respectivement que lorsque la
collectivité territoriale de Corse décide de soumettre les lignes
à des obligations de service public, elle peut :
- s'agissant des
compagnies aériennes
, désigner pour
l'exploitation de ces liaisons des titulaires d'une licence d'exploitation de
transporteur aérien délivrée par un Etat membre de l'Union
européenne ou Partie à l'Espace économique
européen ;
- et en ce qui concerne les
compagnies maritimes
, désigner
pour l'exploitation de ces liaisons des compagnies dont la flotte est
immatriculée dans un Etat membre de l'Union européenne ou Partie
à l'espace économique européen et battant pavillon de cet
Etat membre ou Partie, sous réserve que les navires de cette flotte
remplissent toutes les conditions fixées par cet Etat membre ou Partie
pour être admis au cabotage.
La collectivité est toutefois tenue de procéder aux
formalités de publicité prévues notamment par l'article 4,
a) et d) du règlement CEE 2408/92 pour les liaisons
aériennes.
Le dernier alinéa de l'article L. 4424-19, dans la rédaction
proposée par l'article 14 du projet de loi ouvre, quant à lui,
à la collectivité territoriale de Corse la facilité
d'établir, pour les liaisons de desserte aérienne ou maritime, un
régime «
d'aide individuelle à caractère
social
» pour certaines catégories de passagers.
C. MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Outre deux amendements de précision rédactionnelle,
l'Assemblée nationale a adopté
trois amendements
à
l'article L 4424-19 inséré par le paragraphe IV :
Au premier alinéa, un amendement
tente de donner un tour
contraignant à la faculté d'imposer des obligations de service
public que le projet initial reconnaissait à la collectivité
territoriale de Corse. Ce texte portait, en effet, que la collectivité
«
peut
» imposer des obligations de service public,
alors que la rédaction transmise au Sénat indique que des
obligations de service public «
sont
imposées
» par cette collectivité, le
présent de l'indicatif ayant valeur d'impératif. Toutefois, ces
obligations ne peuvent être imposées que sur
«
certaines
» lignes aux termes du même texte.
La modification opérée en première lecture par
l'Assemblée nationale est donc d'une portée normative faible,
voire nulle.
En outre, cet amendement précise que ces obligations sont
«
à même d'atténuer
» les
contraintes liées à l'insularité.
Le
deuxième amendement
adopté au Palais Bourbon à
l'initiative du rapporteur
supprime le dernier alinéa 3° du V de
l'article 14
afin de
rectifier une erreur matérielle
.
Enfin, le
dernier amendement
, adopté à l'initiative du
Gouvernement au
septième paragraphe du texte
, prévoit que
sur le territoire de la Corse, par dérogation à l'article
L. 110-3 du code de la route, la liste des routes à grande
circulation est fixée par délibération de
l'Assemblée de Corse.
L'article L. 110-3 précité définit les routes
à grande circulation, comme celles qui «
quelle que soit
leur appartenance domaniale, sont des routes qui assurent la continuité
d'un itinéraire à fort trafic, justifiant des règles
particulières en matière de police de la
circulation
».
Selon les propos du ministre de l'Intérieur devant l'Assemblée
nationale, cette extension s'inscrit dans la logique qui favorise le
développement des transports de l'île et renforce les
compétences de la collectivité territoriale de Corse en la
matière.
On notera, cependant, que cette modification aurait pour effet que les
dispositions de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme qui
interdisent les constructions de part et d'autres des routes à grande
circulation ( amendement « Dupont ») seront
désormais rendues applicables par une délibération de
l'Assemblée de Corse, alors même que celle-ci s'efforcera de
desserrer le « carcan » que constitue parfois l'application
du code de l'urbanisme.
D. OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION SPÉCIALE
Votre commission spéciale considère que cette modification qui
résulte, il convient de le noter, d'un amendement du Gouvernement
constitue le type même du « cadeau
empoisonné ». En effet, elle aurait pour effet que les
dispositions de l'amendement « Dupont »
(article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme) seraient désormais
rendues applicables par une délibération de l'Assemblée de
Corse, alors même que celle-ci n'aurait aucune latitude pour juger de
l'opportunité de leur application. De ce fait, c'est à la suite
d'une décision de cette assemblée que les constructions nouvelles
seraient interdites dans une bande de cent mètres située de part
et d'autre des voies qu'elle aurait classées à grande circulation.
N'est-il pas contradictoire de souhaiter adapter certaines dispositions du code
de l'urbanisme aux spécificités de la Corse en ne donnant
à la collectivité territoriale de Corse qu'une compétence
procédurale, un pouvoir lié, qui ne lui laisse qu'une marge
d'appréciation ? Aussi votre commission spéciale vous
présente-t-elle un
amendement
tendant à supprimer cette
disposition et à laisser à l'Etat le soin d'appliquer la
législation qu'il édicte et d'assumer, ce faisant, ses
responsabilités.
III.
COORDINATION (paragraphe V)
Le cinquième paragraphe de l'article 14 modifie l'article
L. 4424-29 du code général des collectivités
territoriales qui devient l'article L. 4424-29 du même code.
Il transforme son deuxième paragraphe afin de tenir compte des
modifications opérées par le paragraphe IV.
Dans l'état du droit en vigueur, le deuxième paragraphe de
l'article L. 4424-29 prévoit que l'Office des transports de la
Corse conclut avec les compagnies de transport concessionnaires du service
public, des
conventions quinquennales
qui définissent notamment
les tarifs, les conditions d'exécution et la qualité de service.
La nouvelle rédaction fait référence à la
conclusion de
conventions de délégation de service public
,
expression qui permettra à la collectivité territoriale de Corse
de recourir à d'autres modes de gestion que la concession, tels que
l'affermage, tout en définissant, comme par le passé, les
conditions d'exécution et la qualité du service, ainsi que les
modalités du contrôle auquel il est soumis.
Votre commission spéciale vous demande enfin d'adopter cinq
amendements
de coordination à cet article.
Sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous soumet, votre
commission spéciale vous demande d'adopter cet article ainsi
modifié.
Article 15
(Chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième
partie
du code général des collectivités
territoriales)
Gestion des infrastructures de transport
Cet
article transfère à la collectivité territoriale de Corse
la propriété des infrastructures de transport que constituent les
ports, les aérodromes et le réseau ferré auxquels
s'ajoutent les biens de l'Etat mis à la disposition de l'Office
d'équipement hydraulique de Corse.
Il se situe dans la même logique que le projet de loi relatif à la
démocratie de proximité qui, adopté par l'Assemblée
nationale en première lecture le 26 juin 2001,
prévoit :
- de renforcer la participation des collectivités territoriales
régionales à la gestion des ports d'intérêt national
(
article 43 B
) ;
- d'accroître le rôle des régions dans le
développement des infrastructures aéroportuaires (
article
43 C, nouveau
).
Il est composé de deux paragraphes. Le premier insère un second
paragraphe à la sous-section 2 «
Transport et gestion des
infrastructures
» du chapitre IV du titre II du livre IV de la
quatrième partie du code général des collectivités
territoriales. Il comprend quatre articles L. 4424-22 à
L. 4424-25. Le second opère, par coordination, une modification
à l'article L. 211-1 du code des ports maritimes.
I. TRANSFERTS DE PATRIMOINE (paragraphe I)
Article L. 4424-22 du Code général des collectivités
territoriales
Compétence de la collectivité territoriale de
Corse
en matière de ports
maritimes
En vertu
des articles 6 et 9 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983
précitée,
les départements ont reçu une
compétence de droit commun pour créer, aménager et
exploiter les ports maritimes de commerce et de pêche
.
L'article 4 de ce texte avait prévu qu'une loi déterminerait
les transferts de compétences dans le domaine des ports et des voies
d'eau, mais ce texte n'est jamais intervenu. Aussi, l'Etat conserve-t-il sa
compétence en ce qui concerne :
- les ports maritimes autonomes ;
- les ports maritimes d'intérêt national et les ports
maritimes contigus aux ports militaires.
L'Assemblée nationale n'a apporté qu'une modification
rédactionnelle à l'article L. 4424-22, qui résulte de
l'article 15 du projet de loi initial. Celui-ci
donne à la
collectivité territoriale de Corse compétence pour créer,
aménager, entretenir et gérer les ports maritimes de commerce et
de pêche
, et
pour en étendre
, le cas échant,
le périmètre
, à l'exception des ports qui, à
la date de promulgation de la loi relèveront de la compétence des
départements.
Il dispose également que les biens appartenant à l'Etat,
les
ports d'Ajaccio et de Bastia
, à l'exception des plans d'eau,
sont
transférés dans le patrimoine de la collectivité
territoriale de Corse
qui est substituée à l'égard des
tiers dans les droits et obligations de l'Etat attachés aux bien
transférés.
Selon l'étude d'impact présentée par le Gouvernement
l'activité du port de Bastia
«
s'articule
essentiellement autour du trafic de passagers, notamment entre la Corse et le
continent (France et Italie), et du trafic de ciment et de produits de
consommation courante à l'importation pour les marchandises. Le trafic
d'hydrocarbures s'effectue à l'extérieur du port sur un
dépôt pétrolier. Le concessionnaire estime le trafic
passagers à 1.915.000 passagers en 2000 (soit une hausse de
6,2 %). Il devrait se maintenir à ce niveau en 2001.
En 2000, le chiffre d'affaires de ce port a atteint 38,7 millions de
francs, en diminution de 3,3 millions de francs par rapport à 1999,
sous l'effet d'une baisse du tarif sur les droits de port marchandises de
5 %. En 2001, le chiffre d'affaires est estimé à
36 millions de francs, en repli de 2,7 millions de francs sous
l'effet, notamment, d'une nouvelle baisse tarifaire. »
L'activité du
port d'Ajaccio
concerne, quant à elle,
principalement «
le trafic de passagers, notamment entre la Corse
et le continent, l'activité croisière et le trafic
d'hydrocarbures et de produits de consommation courante à l'importation,
pour les marchandises. Pour 2000, l'estimation du trafic fait apparaître
une augmentation du trafic passagers de 4,5 % pour atteindre
713.000 passagers. Cette tendance doit se confirmer en 2001 avec une
prévision d'augmentation de 2,8 %
.
En 2000, le chiffre d'affaires de la concession portuaire d'Ajaccio est de
28,9 millions de francs, en progression de 0,6 million de francs par
rapport à 1999. L'augmentation du chiffre d'affaires avait
été plus importante les années précédentes
(22,4 millions de francs en 1997, 26,5 millions de francs en 1998 et 28,3
millions de francs en 1999). En 2001, le concessionnaire a prévu lors de
l'établissement de son budget une légère augmentation du
chiffre d'affaires à 29,2 millions de francs.
»
Le troisième alinéa soumet les ports d'Ajaccio et de Bastia non
pas à l'article L. 1311-1 du CGCT, qui détermine le
régime des biens du domaine public des collectivités
territoriales et prévoit qu'ils sont inaliénables et
imprescriptibles, mais aux articles L. 34-1 à L. 34-7 du code
domaine de l'Etat qui disposent notamment que :
- le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine
public de l'Etat a un droit réel sur les ouvrages, constructions et
installations de caractère immobilier qu'il réalise, ce droit lui
conférant, pour la durée de l'autorisation, les
prérogatives et obligations du propriétaire
(article L. 34-1) ;
- les droits, ouvrages, constructions et installations de caractère
immobilier ne peuvent être cédés, ou transmis dans le cadre
de mutations entre vifs ou de fusion, absorption ou scission de
sociétés, pour la durée de validité du titre
restant à courir (article L. 34-2) ;
- à l'issue du titre d'occupation, les ouvrages, constructions et
installations de caractère immobilier existant sur la dépendance
domaniale occupée doivent être démolis, soit par le
titulaire de l'autorisation, soit à ses frais, à moins que leur
maintien en l'état n'ait été prévu
expressément par le titre d'occupation ou que l'autorité
compétente ne renonce en tout ou partie à leur démolition
(article L. 34-3).
Le même article prévoit, en outre, que les autorisations,
décisions et agréments prévus par les articles
L. 34-1 à L. 34-7 précités seront pris,
après consultation du représentant de l'Etat, par le
président du Conseil exécutif, ou par le concessionnaire lorsque
la concession le prévoit expressément.
En ce qui concerne
la police et la sécurité
, le dernier
alinéa prévoit que :
-
l'Etat demeurera compétent pour assurer la police des ports
maritimes
;
- la
collectivité territoriale de Corse mettra gratuitement
à sa disposition les installations et aménagements
nécessaires au fonctionnement des services chargés de la police
et de la sécurité
, dans des conditions définies par
une convention.
L'Assemblée nationale n'a adopté qu'un seul amendement de
portée purement rédactionnelle à cet article.
Votre commission spéciale vous propose d'adopter
trois
amendements
à cet article.
Pour éviter toute équivoque, il vous est suggéré de
supprimer, par un
amendement
, au deuxième alinéa de cet
article, toute référence à la substitution de la
collectivité territoriale de Corse dans les droits et obligations de
l'Etat attachés aux biens transférés. En effet, cette
indication est
inutile
car l'article 35 du projet de loi dispose
que les transferts de patrimoine visés par l'article L. 4424-2
s'effectuent dans les conditions prévues par
l'article L. 4422-44 du même code (lequel reprend le contenu de
l'actuel article L. 4422-31, en vertu de l'article 3 du projet
de loi). Or, ce texte prévoit que la collectivité territoriale de
Corse assume l'ensemble des obligations du propriétaire pour les biens
transférés et qu'elle est substituée à l'Etat pour
les droits et obligations résultant des contrats et marchés
dérivant du fonctionnement des services.
En outre, la formule dont la suppression est proposée est
susceptible
de susciter des interrogations
chez le lecteur
non averti puisque si
elle figure, à l'identique, à l'article L. 4424-23
(relatif au transfert des aérodromes) elle n'est, en revanche, pas
mentionnée aux articles :
- L. 4424-7-III (article 9 du projet de loi) relatif au
transfert de propriété des biens culturels ;
- L. 4424-24 (article 15 du projet de loi) qui s'applique au
transfert du réseau ferré ;
- L. 4424-25 (même article) qui prévoit le transfert des
biens de l'Office d'équipement hydraulique de Corse.
Rien ne justifie donc la persistance d'une mention que votre commission
spéciale vous proposera de supprimer par un amendement à
l'article L. 4424-23.
Outre un amendement de coordination, votre commission spéciale vous
propose d'adopter un
amendement
de précision au dernier
alinéa de cet article.
Celui-ci institue, en effet, deux procédures pour la délivrance
des autorisations d'occupation du domaine public prévues par les
articles L. 34-1 et suivants du code du domaine public.
Si les autorisations délivrées par le président du Conseil
exécutif le sont après consultation du représentant de
l'Etat, celles accordées par le concessionnaire ne sont pas soumises
à l'avis du préfet. Rien ne justifie une telle asymétrie,
c'est pourquoi un amendement qui prévoit la consultation du
représentant de l'Etat quelle que soit la nature de l'autorité
chargée de délivrer les autorisations vous sera
présenté.
Article L. 4424-23 du Code général des collectivités
territoriales
Compétences de la collectivité territoriale de
Corse
en matière
d'aérodromes
Cet
article donne à la collectivité territoriale de Corse
compétence pour créer, aménager, entretenir, gérer
et, le cas échéant, étendre le périmètre des
aérodromes dans les conditions prévues par le code de l'aviation
civile.
A l'instar des dispositions de l'article L. 4424-22 du code
général des collectivités territoriales pour les ports,
l'article L. 4424-23 prévoit que les biens appartenant à
l'Etat (aérodromes d'Ajaccio, Bastia, Calvi et Figari) sont
transférés dans le patrimoine de la collectivité
territoriale de Corse qui est substituée à l'égard des
tiers dans les droits et obligations de l'Etat attachés aux biens
transférés.
Cette expression vise notamment les droits et obligations issues des
délégations de service public (concession), ou les questions de
responsabilité.
Cependant les emprises et installations réservées à l'Etat
pour les besoins de la défense nationale, de la police et de la
sécurité de la circulation aérienne ne seront pas
transférés.
Une convention réglera, dans les conditions fixées par
l'article L. 221-1 du code de l'aviation civile
114(
*
)
les relations entre l'Etat et la
collectivité territoriale de Corse, en particulier les mesures
nécessaires à un fonctionnement des services chargés de la
police et de la sécurité de la circulation aérienne.
L'Assemblée nationale a adopté, à cet article,
un
amendement de clarification rédactionnelle
.
Votre commission spéciale vous présentera, quant à elle,
un
premier amendement
afin de supprimer la
référence à la substitution de la collectivité
territoriale de Corse dans les droits et obligations de l'Etat attachés
aux biens transférés, pour les mêmes raisons que celles
développées dans le commentaire de
l'article L. 4424-22, ci-dessus.
Un
second amendement
tend à prévenir les
difficultés qui résulteront de l'expiration de la concession des
aéroports de l'île dont le texte prévoit qu'il seront
transférés à la collectivité territoriale. En
effet, La gestion des aéroports est actuellement confiée par
l'Etat à la Chambre de commerce et d'industrie.
Or, bien que la convention de concession expire le
31 décembre 2001, rien, dans le texte transmis ne
précise les conditions dans lesquelles s'effectuera la
« passation des pouvoirs » entre l'Etat et la
collectivité territoriale de Corse qui est donc, ipso facto,
réputée gérer des aéroports sans même avoir
les moyens de connaître leur situation exacte au plan économique
et financier.
C'est pourquoi un amendement tend à prolonger de deux ans à
compter de la date prévue de leur expiration, les conventions
précitées. Cette période transitoire permettra à la
collectivité territoriale de déterminer, sans improvisation, les
conditions dans lesquelles elle entend gérer les aéroports
concernés.
Article L. 4424-24 du Code général des collectivités
territoriales
Transfert du réseau ferré dans le
patrimoine
de la collectivité territoriale de
Corse
Cet
article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale,
prévoit que
le réseau ferré de Corse est
transféré dans le patrimoine de la collectivité
territoriale de Corse qui en assurera
«
l'aménagement,
l'entretien, la gestion et, le cas échéant,
l'extension
».
Le réseau ferré de Corse, qui compte 232 kilomètres
de voies ferrées, ainsi que l'indique l'encadré ci-après,
constitue un réseau secondaire d'intérêt
général.
LES CHEMINS DE FER DE LA CORSE
« Le
Chemin de fer corse
est un
réseau
secondaire d'intérêt général
,
long de
232 km
, comprenant deux lignes à voie métrique (Bastia -
Ajaccio, soit 158 km, et Ponte Loccia - Calvi, soit 74 km), d'un
écartement d'un mètre.
1.
Régime du réseau
Le réseau ferré corse ne fait pas partie du réseau
ferré national
. Il appartient aux « autres réseaux
ferroviaires ouverts au public » dont les modalités de gestion
sont fixées par l'article 18, dernier alinéa de la loi du
30 décembre 1982 d'orientation sur les transports
intérieurs (LOTI). Depuis l'origine, et jusqu'au
1
er
janvier 1983, l'Etat avait confié
l'exploitation de ce réseau à des petites compagnies de chemin de
fer privées.
Les biens de ce réseau ont été mis
à la disposition de la Région de Corse par la loi
n° 82-659 du 30 juillet 1982
(article 27)
puis
de la Collectivité territoriale de Corse
, qui en est devenue
gestionnaire en vertu de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991
(article 82). La loi du 30 juillet 1982 (article 18), puis
la loi du 13 mai 1991 (article 72) substituent la Région,
puis la Collectivité de Corse dans les droits et obligations de l'Etat
pour l'exploitation du chemin de fer corse.
2. Modalités d'exploitation
L'exploitation du réseau corse n'entre pas dans le cadre du monopole
conféré à la SNCF par l'article 18
,
2
e
alinéa,
de la LOTI
en ce qui concerne
l'exploitation du réseau ferré national. La collectivité
Territoriale de Corse a donc le choix de son délégataire.
La Direction des transports terrestres a, par lettre du
24 décembre 1982, dénoncé la convention avec la
CFTA pour « laisser le champ libre à la
Région » dans le cadre de la décentralisation. Par
lettre du 29 décembre de la même année, le ministre a
demandé à la SNCF d'assurer provisoirement l'exploitation du
réseau corse sur la base de l'ancien contrat, confirmé par le
décret n° 83-775 du 30 août 1983. En
janvier 1983, par décision du ministre, la SNCF, a
été substituée au dernier exploitant, la CFTA.
Le 1
er
juillet 1983, la Région de Corse a
été substituée à l'Etat et a décidé
de reconduire l'exploitation par la SNCF. La convention d'exploitation
actuelle, passée entre la collectivité Territoriale de Corse et
la SNCF, venait à échéance fin 1998. La procédure
prévue par la loi du 29 janvier 1993 sur la prévention
de la corruption et transparence de la vie publique
(loi « Sapin ») prévoit un appel d'offres pour
choisir un nouvel exploitant.
L'Assemblée territoriale de Corse a
décidé de prolonger d'un an
(soit jusqu'au
31 décembre 1999 ),
par avenant
,
la convention
d'exploitation
. Ce délai a été mis à profit par
la CTC pour faire réaliser un audit sur l'exploitation.
Un avis d'appel à candidature a été lancé
le 6 mai 1999, à l'issue duquel trois entreprises ont fait
acte de candidature. La seule offre déposée auprès de la
CTC a été celle de la SNCF, dont la validité de l'offre a
été constatée de 10 février 2000 par la commission
de dépouillement de la CTC. Dans la mesure où la
délégation de service public n'avait pas abouti en
décembre 1999, une « convention transitoire »,
destinée à assurer la gestion courante du réseau, et par
là même la continuité du service public, a
été conclue, pour l'exercice 2000 et une partie de l'exercice
2001, entre la SNCF et la CTC. Le conseil d'administration de la SNCF a
approuvé le projet de convention de délégation de service
public, conclue pour une durée de neuf ans, lors de la séance du
11 juillet 2001. L'assemblée territoriale de Corse l'a approuvé
lors de sa séance du 27 juillet 2001. Le président de
l'Assemblée de Corse et le président de la SNCF doivent signer
cette convention le 6 septembre 2001. ».
Source
: Ministères de l'intérieur et de
l'équipement.
Article L. 4424-25 du Code général des collectivités
territoriales
Transfert des biens de l'Etat
mis à la disposition
de l'Office d'équipement hydraulique
de la collectivité
territoriale de Corse
Adopté sans modification par l'Assemblée
nationale,
cet article prévoit que les biens de l'Etat mis à la disposition
de l'Office d'équipement hydraulique de Corse seront
transférés dans le patrimoine de la collectivité
territoriale de Corse qui en assurera l'aménagement, l'entretien, la
gestion et, le cas échéant, l'extension.
II. COORDINATION (paragraphe II)
Par coordination avec les dispositions de l'article L. 4424-22 qui
transfère les ports maritimes à la collectivité
territoriale de Corse, le second paragraphe fait figurer les
collectivités territoriales dans la liste des personnes susceptibles
d'administrer un port où un droit de port peut être perçu
dans les conditions fixées par l'article L. 211-1 du code des ports
maritimes
115(
*
)
.
Sous-section 3
Du logement
Article 16
Logement
Composé de
trois paragraphes
, cet article,
adopté sans modification par l'Assemblée nationale,
apporte
des modifications de coordination aux articles du code général
des collectivités territoriales relatifs aux compétences de la
collectivité territoriale de Corse en matière de logement
.
Le
paragraphe I
transforme la sous-section 4 de la section 6 en
sous-section 3, «
Logement
» de la même
section.
Le
paragraphe II
inclut l'article L. 4424-26 dans la sous-section 3
de la section 2.
Enfin, le
paragraphe III
substitue, par coordination, l'expression
«
plan d'aménagement et de développement
durable
» utilisé à l'article L. 4424-26,
à la référence, devenue obsolète, au
«
plan de développement
».
SECTION 3
Du développement économique
Sous-section 1
De l'aide au développement économique
Article 17
(Chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième
partie
du code général des collectivités
territoriales)
Aides au développement
économique
Cet
article a pour objet de modifier le chapitre IV (Attributions) du titre II (La
collectivité territoriale de Corse) de la quatrième partie (La
région) du code général des collectivités
territoriales, afin d'offrir à la collectivité territoriale de
Corse des facultés d'intervention plus larges en matière d'aides
aux entreprises.
1.° Le cadre juridique actuel des aides publiques aux
entreprises
Les interventions économiques des collectivités locales sont
longtemps restées soumises à des conditions extrêmement
restrictives, sinon à une interdiction totale, définies dans une
large mesure par la jurisprudence administrative.
Celle-ci considérait que seules des circonstances particulières
de temps et de lieu ou un intérêt public local pouvaient justifier
une intervention des collectivités locales
116(
*
)
. Toutefois, au fil des années
et sous la pression de la crise économique née du choc
pétrolier de 1973, le « corset
juridique »
117(
*
)
dans
lequel étaient enserrées leurs initiatives s'était peu
à peu dénoué.
Les lois de décentralisation de 1982
118(
*
)
ont marqué un tournant
décisif en reconnaissant les capacités d'intervention des
collectivités locales dans le secteur économique.
Les aides publiques aux entreprises doivent ainsi se conformer non seulement
aux règles de droit interne, relatives aux modalités
d'intervention de l'Etat et des collectivités locales, mais aussi aux
règles communautaires, de plus en plus nombreuses et précises.
• Les règles de droit interne
L'Etat a la responsabilité de la conduite de la politique
économique et sociale, ainsi que de la défense de l'emploi. Dans
ce cadre et sous réserve du respect de la liberté du commerce et
de l'industrie, du principe d'égalité des citoyens devant la loi
ainsi que des règles de l'aménagement du territoire, les
collectivités territoriales peuvent intervenir en matière
économique et sociale
119(
*
)
.
L'article L. 1511-1 du code général des collectivités
territoriales - qui a codifié les dispositions de la loi n° 82-6 du
7 janvier 1982 - précise que «
les collectivités
locales et leurs groupements peuvent, lorsque leur intervention a pour objet la
création ou l'extension d'activités économiques, accorder
des aides directes ou indirectes à des entreprises.
»
Faute d'être dégagé par la loi elle-même, le
critère de distinction entre aides directes et aides indirectes l'a
été par la jurisprudence administrative
120(
*
)
: l'aide directe se traduit par
la mise à disposition de moyens financiers à l'entreprise
bénéficiaire, avec une conséquence comptable
(immédiate ou potentielle) dans son compte de résultats.
Quant aux aides indirectes, elles recouvrent toutes les autres formes d'aides
consistant, soit à mettre à la disposition des entreprises des
biens immobiliers, soit à améliorer leur environnement
économique et à faciliter l'implantation ou la création
d'activités.
Les
aides directes
aux entreprises sont
limitativement
énumérées
121(
*
)
et strictement encadrées par
la loi. Il s'agit de la prime régionale à la création
d'entreprises, de la prime régionale à l'emploi, des prêts,
avances et bonifications d'intérêts.
Elles sont attribuées par la région
122(
*
)
, dans des conditions fixées
par trois décrets en Conseil d'Etat, codifiés aux
articles R. 1511-1 à R. 1511-18 du code
général des collectivités territoriales et modifiés
récemment par le décret n° 2001-607 du
9 juillet 2001 afin de prendre en compte la réglementation
européenne.
L'aide est octroyée par une décision de l'exécutif local
prise en exécution d'une délibération de
l'assemblée délibérante
123(
*
)
. C'est une compétence qui ne
peut faire l'objet d'aucune délégation. L'entreprise
bénéficiaire doit se trouver dans une situation
régulière au regard de ses obligations fiscales et sociales.
Les
aides indirectes
sont en principe
libres,
car elles sont
censées ne pas profiter à l'entreprise en établissant un
lien financier avec la collectivité qui les accorde.
L'article L. 1511-2 du code général des collectivités
territoriales dispose que «
les aides indirectes peuvent
être attribuées par les collectivités territoriales ou
leurs groupements, seuls ou conjointement
. » Il écarte
ainsi toute primauté régionale et toute liste limitative.
Toutefois, certaines d'entre elles ont fait l'objet d'une réglementation
ultérieure : il s'agit des rabais sur les ventes et locations
immobilières
124(
*
)
, des
garanties d'emprunt et cautionnements
125(
*
)
et des participations au capital de
sociétés
126(
*
)
.
Sur ce point, on notera simplement que l'article L. 4211-1 du code
général des collectivités territoriales autorise les
régions à participer au capital des
sociétés de
développement régional
127(
*
)
et des sociétés de
financement interrégionales ou propres à chaque région
ainsi que des sociétés d'économie mixte.
Outre ces différentes formes d'aides indirectes, il convient de relever,
parmi les moyens dont disposent les collectivités locales pour favoriser
la création d'entreprises sur leur territoire les
exonérations
d'impôts locaux
qu'elles peuvent accorder, tout
particulièrement les exonérations de taxe professionnelle.
Enfin, votre rapporteur rappelle qu'existent de nombreuses
aides
spécifiques
, qu'il s'agisse des subventions aux entreprises
exploitant des salles de spectacles cinématographiques, des aides
à l'équipement rural ou encore des aides directes ou indirectes
aux entreprises en difficulté -ces dernières ne sont ouvertes
qu'aux régions et aux départements
128(
*
)
.
L'article L. 1511-5 du code général des collectivités
territoriales, modifié par l'article 16 de la loi n° 2000-1207
du 13 décembre 2000
d'orientation sur l'outre-mer, dispose que
« des actions de politique économique notamment en faveur
de l'emploi peuvent être entreprises par les collectivités
territoriales ou leurs groupements dans le cadre de conventions conclues par
eux avec l'Etat et fixant les modalités des aides qu'ils peuvent
consentir le cas échéant en dérogeant aux conditions
d'utilisation prévues pour les collectivités territoriales par
les dispositions du II de l'article 87 de la loi de finances
pour 1987. »
Ces conventions peuvent être passées pour autoriser les
collectivités locales à intervenir dans le cadre de dispositifs
qui ne sont pas prévus par le régime de droit commun des
interventions économiques défini aux articles L. 1511-1
à L. 1511-6 du code général des collectivités
territoriales. Elles ne peuvent toutefois avoir pour objet de modifier, par
voie conventionnelle, le dispositif général prévu par les
dispositions législatives susvisées et leurs décrets
d'application. Par ailleurs, les actions prévues par ces conventions
doivent être compatibles et cohérentes avec la politique
menée par l'Etat en terme de soutien aux entreprises et de
développement économique.
• Les dispositions propres à la Corse
Le régime des interventions économiques de la collectivité
territoriale de Corse est défini par l'article L. 4424-20 du code
général des collectivités territoriales, dont les
dispositions reprennent celles de l'article 61 de la loi n° 91-428 du
13 mai 1991 portant statut de la Corse.
A la différence des autres régions,
la collectivité
territoriale de Corse a la possibilité de déterminer
elle-même le régime des aides directes et indirectes
en faveur
du développement économique.
L'Assemblée de Corse peut ainsi, par ses délibérations,
fixer des montants et des modalités d'attribution des aides directes ou
indirectes à des entreprises différents de ceux fixés,
pour les autres régions, par décret en Conseil d'Etat.
Cependant, le droit commun des garanties d'emprunt, des prises de participation
dans le capital de sociétés privées, des aides aux
entreprises en difficulté, au maintien des services en milieu rural et
aux sociétés d'économie mixte locales reste
applicable
129(
*
)
.
D'autre part, les plafonds d'aide ne peuvent être fixés que dans
les conditions et
limites posées par le droit communautaire
en
matière de concurrence.
Par une délibération du 23 octobre 1992, l'Assemblée de
Corse a décidé la
création d'une
agence de
développement économique de la Corse
(ADEC), chargée
principalement de gérer les aides aux entreprises attribuées par
la collectivité territoriale.
Cet établissement public industriel et commercial doté d'un
conseil d'administration de vingt-trois membres (douze désignés
par l'Assemblée de Corse et onze par des organismes consulaires,
professionnels, bancaires et de recherche) est présidé par un
conseiller exécutif désigné par le président du
conseil exécutif.
Votre rapporteur relève que le préfet de Corse, jugeant la
création de cet organisme
illégale
, avait formé le
15 janvier 1993 un
recours gracieux
contre la
délibération de l'Assemblée. Son recours reposait sur un
double moyen :
- d'une part, loi du 13 mai 1991 n'a pas prévu la création
d'un établissement public industriel et commercial chargé de la
gestion des aides aux entreprises de la collectivité territoriale ;
dès lors celle-ci ne disposait pas de l'habilitation législative
nécessaire pour créer un tel organisme ;
- d'autre part, la loi confiant au seul président de
l'exécutif la capacité d'attribuer les aides dans le cadre des
interventions économiques prévues par la collectivité
territoriale, celui-ci ne peut déléguer cette compétence
à un organisme distinct de la collectivité.
En réponse aux observations du préfet, l'Assemblée de
Corse n'a pas modifié les statuts de l'agence mais a demandé, par
une délibération du 19 novembre 1993, une validation
législative du statut de l'ADEC.
La délibération du 23 octobre 1992 n'a pas été
déférée au tribunal administratif. Toutefois, dans
l'attente d'une éventuelle
validation législative
,
l'individualisation des aides de la collectivité territoriale est
effectuée non plus par le Bureau de l'agence, comme le
prévoyaient ses statuts, mais par le conseil exécutif
lui-même, comme le prévoit la loi. Le rôle de l'ADEC se
limite donc désormais à l'instruction des dossiers de demandes
d'aides, à la formulation, par le Bureau, d'un avis sur chaque dossier
et à la préparation des arrêtés attributifs d'aide
signés par le président du conseil exécutif.
Par ailleurs,
la collectivité territoriale de Corse peut participer
à un fonds de développement économique
géré par une société de développement
régional ayant pour objet l'apport de fonds propres aux entreprises en
développement
130(
*
)
.
Le versement de dotations pour la constitution d'un fonds d'investissement
présente l'avantage d'être
moins risqué que la prise de
participation au capital d'une société
. En effet, lorsqu'une
collectivité devient actionnaire d'une société et qu'elle
en est gestionnaire de droit ou de fait, elle peut encourir une action en
comblement de passif si cette dernière fait faillite. D'autre part, la
constitution d'un fonds d'investissement permet de ne pas modifier la
répartition du capital social entre les actionnaires. En revanche,
les subventions versées constituent un élément du
bénéfice imposable de la société. Leur montant
réel est donc diminué du montant de l'impôt que
l'entreprise doit acquitter.
• Le droit communautaire
En vertu de l'article 87 du traité instituant les
Communautés européennes, les
aides
d'Etat
qui
faussent ou menacent de fausser la concurrence, en favorisant certaines
entreprises ou productions sont
incompatibles avec le marché
commun
et, en conséquence, prohibées.
Les aides des
collectivités territoriales aux entreprises sont assimilées
à des aides d'Etat
131(
*
)
.
Seules
certaines aides sont autorisées
, soit parce qu'elles sont
considérées d'office comme compatibles avec le marché
commun, ce qui est le cas des aides à caractère social, soit
parce qu'elles rentrent dans des catégories définies et
remplissent certaines conditions susceptibles de les rendre compatibles avec le
marché. Il s'agit notamment des aides destinées à soutenir
le développement de certaines activités ou de certaines
régions ou à promouvoir d'importants projets communs
d'intérêt communautaire.
En principe,
tout nouveau régime d'aide doit être
notifié
à la Commission européenne, qui
apprécie sa compatibilité avec le marché commun. La
procédure applicable a été précisée par le
règlement n° 659/99 du 22 mars 1999 portant
modalités d'application de l'article 88 du traité instituant
les Communautés européennes.
D'autre part, la Commission européenne a publié, sous forme de
« lignes directrices »
et de
« communications »,
les conditions que doivent
respecter certaines
aides
pour être
réputées
compatibles avec le marché commun
. Depuis 1988, elle a
été habilitée à fixer ces conditions par voie de
règlements. Les catégories d'aides visées dans ces
règlements sont dispensées de la procédure de notification
et d'approbation préalables.
Trois règlements
, dits
« d'exemption »
ont été adoptés à ce jour : le
règlement sur les aides
« de minimis »
qui
fixe à cent mille euros par entreprise, sur trois ans, le montant total
des aides qui peuvent être accordées librement, en excluant
toutefois certains secteurs ; le règlement sur les aides aux
petites et moyennes entreprises ; le règlement sur les aides
à la formation
132(
*
)
.
En France, le secrétariat général du Comité
interministériel pour les questions de coopération
économique européenne (SGCI) est chargé de coordonner
l'ensemble des notifications qui lui sont proposées par les
ministères compétents, y compris les aides mises en oeuvre au
plan local. Aussi, lorsqu'un projet d'aide ne relève pas d'un
régime approuvé ou dépasse les seuils de cumul
autorisés, le préfet saisit le département
ministériel principalement concerné afin d'envisager les
modalités de notification de ce projet d'aide à la Commission
européenne.
Selon les renseignements communiqués à votre rapporteur, la
France a déjà notifié et fait approuver une cinquantaine
de régimes d'aides. Dans la mesure où les collectivités
locales s'y conforment, leurs interventions sont considérées
comme compatibles avec le marché commun.
2. Le texte soumis au Sénat
• Des mesures de
coordination
Le
premier paragraphe (I)
du présent article contient de simples
mesures de coordination. Il procède à la renumérotation et
à la réorganisation de la section consacrée au
développement économique.
La section 3 « Du développement
économique » (ancienne section 6) ne comprendrait
désormais plus que quatre sous-sections :
« Interventions économiques » ;
« Tourisme » ; « Agriculture et
forêt » ; « Formation professionnelle et
apprentissage ». Les sous-sections « Logement »,
« Transports » et « Energie » seraient
transférées dans d'autres sections.
Le
deuxième paragraphe
(II)
donne une nouvelle
rédaction à la sous-section 1 :
« Interventions économiques ». Elle ne comprendrait
plus désormais que les dispositions relatives aux entreprises, ainsi que
celles portant sur les projets industriels d'intérêt
régional qui figurent dans l'actuel
article L. 4424-21
133(
*
)
. Ce dernier deviendrait
l'article L. 4424-30 en application de l'article 13 du
présent projet de loi.
A l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du
Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un
amendement
tendant à réparer une omission.
Les dispositions relatives aux aides aux entreprises seraient ainsi
codifiées dans trois nouveaux articles L. 4424-27, L. 4424-28
et L. 4424-29, auxquels s'ajouterait l'article L. 4424-30.
• La reprise des dispositions actuelles relatives aux aides directes et
indirectes
L'article L. 4424-27
reprend, en la modifiant
légèrement, la rédaction des trois premiers alinéas
de l'actuel article L. 4424-20 qui donne compétence à
la collectivité territoriale de Corse pour déterminer, par ses
délibérations, le montant et les modalités d'attribution
des aides directes ou indirectes à des entreprises.
Contrairement à l'article L. 4424-20,
il ne prévoit
plus l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat
pour
préciser les conditions dans lesquelles la collectivité
territoriale doit définir le régime des aides.
Il précise, en revanche, qu'elle doit agir dans le respect des
engagements internationaux de la France, ce qui vise en particulier le droit
communautaire.
Dans l'exposé des motifs du projet de loi initial, le Gouvernement
indique que la référence à des mesures
réglementaires d'application serait inutile. Saisi d'un projet de
décret élaboré en application de
l'article L. 4424-20 et prévoyant notamment des règles
de plafonds en matière d'aides directes, le Conseil d'Etat avait en
effet considéré que le pouvoir réglementaire
n'était plus compétent pour fixer de telles règles, et que
ce texte devait se limiter à préciser les conditions de forme
requises pour l'adoption des délibérations de l'Assemblée
de Corse fixant le régime des aides. Dans ces conditions, le
Gouvernement de l'époque n'avait pas jugé utile de prévoir
un texte réglementaire et avait retiré son projet.
• La possibilité de participer à un fonds
d'investissement auprès d'une société de capital
investissement
L'article L. 4424-28
autorise la collectivité territoriale
de Corse à participer, par versement de dotations, à la
constitution d'un
fonds d'investissement
auprès d'une
société de capital-investissement
ayant pour objet
d'apporter des fonds propres à des entreprises.
Pour assurer la mixité des capitaux, le montant des dotations
versées par la collectivité territoriale ne pourrait
excéder 50 % du montant total du fonds. Les conditions
générales d'emploi des dotations seraient fixées dans le
cadre d'une convention passée avec la société
gestionnaire
134(
*
)
.
La novation par rapport au droit existant consiste à permettre à
la collectivité de Corse de participer à un fonds
d'investissement qui ne soit pas nécessairement géré par
une société de développement régional.
Une seule société de développement régional, la
Caisse de développement de la Corse
(CADEC), a été
créée en Corse, en 1982, dans le cadre des lois de
décentralisation et du premier statut particulier de l'île.
La collectivité territoriale de Corse est, avec l'Etat, son principal
actionnaire. Instrument essentiel du financement de l'économie locale,
la CADEC. représentait, en 1998, environ le quart des encours de
crédit à moyen terme distribués sur l'île. En raison
de graves difficultés, en partie imputables à des erreurs de
gestion, dont certaines ont été vivement dénoncées
par le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale
sur l'utilisation des fonds publics et la gestion des fonds publics en
Corse
135(
*
)
, cette
société a dû cesser son activité de financement
à la fin de l'année 1999, pour se concentrer sur le recouvrement
des créances.
Actuellement, il existe une seule société de capital
investissement en Corse : la société « Femu
Qui » (fait ici), qui a été créée en 1992
pour mobiliser l'épargne populaire, afin de favoriser la création
d'emplois sur l'île. Son capital, auquel participe déjà la
Caisse des dépôts et consignations, est encore relativement
modeste ; il devrait être prochainement porté de quatre
à vingt-trois millions de francs.
Votre rapporteur rappelle que les interventions des collectivités
publiques en faveur du capital investissement sont, elles aussi, soumises aux
dispositions des articles 87 et 88 du traité instituant les
Communauté européennes, dans des conditions
précisées par une
« Communication »
de
la Commission européenne du 25 mai 2001.
Les dispositifs envisagés doivent donc être notifiés et
approuvés par la Commission européenne préalablement
à leur mise en oeuvre, conformément aux dispositions de l'article
88-3 du traité. Toutefois, afin d'exonérer les
collectivités de cette procédure préalable, le
Gouvernement a notifié un régime cadre d'intervention en faveur
du capital investissement, qui a été approuvé le
25 juillet 2001
136(
*
)
.
Ce régime, qui s'appliquera jusqu'au 31 décembre 2008, est
destiné à servir de fondement juridique communautaire à
l'intervention des collectivités locales dans ce domaine. Applicable
à toutes les opérations de capital-investissement
(amorçage, création, développement, reprise-transmission),
il fixe les règles d'intervention publique en matière de
capital-investissement quelle que soit l'origine des fonds : État,
collectivités territoriales, Fonds structurels.
Dans la mesure où la collectivité territoriale de Corse
respectera les dispositions de ce régime, ses interventions seront
considérées comme compatibles avec le marché commun.
• La possibilité de définir de nouveaux régimes
d'aides
L'article L. 4424-9
habilite la collectivité territoriale
de Corse à
définir de nouvelles aides
directes ou
indirectes,
en sus de celles qui sont définies par la loi
.
La nature, la forme et les modalités d'attribution de ces aides seraient
fixées par délibération de l'Assemblée de Corse. Le
président du conseil exécutif devrait, chaque année,
rendre compte à l'Assemblée, dans un rapport spécial, du
montant des aides accordées et de leur effet sur le développement
économique local.
La collectivité de Corse aurait ainsi la possibilité de mettre en
oeuvre l'ensemble des régimes notifiés et approuvés par la
Commission européenne, d'accorder des aides entrant dans le cadre des
règlements d'exemption précités, mais également de
créer tout autre régime,
à la condition toutefois de le
notifier et de le faire approuver par la Commission
.
3. La position de votre commission spéciale
Votre commission spéciale appelle de ses voeux une réforme
d'ensemble du régime des interventions économiques des
collectivités locales. Elle constate que le présent article
consacre et approfondit un transfert du pouvoir réglementaire à
la collectivité territoriale de Corse en matière d'aides
économiques. L'adoption du projet de loi relatif à la
démocratie de proximité, en instance au Sénat, priverait
ses dispositions d'une partie de leur portée.
• La nécessaire réforme du régime des
interventions économiques des collectivités locales
Comme le soulignait notre collègue Daniel Hoeffel, rapporteur du groupe
de travail de la commission des Lois sur la décentralisation
137(
*
)
, les collectivités
territoriales ont un rôle essentiel à jouer pour maintenir un
certain niveau d'équité sociale et territoriale. A travers des
demandes partenariales, les élus locaux, qui connaissent le tissu
économique, sont bien placés pour identifier les besoins et
imaginer des solutions pour l'emploi local.
Cependant, l'efficacité des interventions économiques des
collectivités territoriales est mise en question par la
complexité du cadre juridique national
, en décalage avec
la réalité, à laquelle s'ajoutent des incertitudes
résultant de son défaut d'harmonisation avec le droit
communautaire d'inspiration plus libérale.
Une telle situation ne peut être que périlleuse pour les
collectivités et leurs élus, exposés à une
insécurité permanente
, comme l'a parfaitement
souligné le rapport présenté par notre collègue
Michel Mercier au nom de la mission sénatoriale d'information sur la
décentralisation, présidée par Jean-Paul
Delevoye
138(
*
)
.
Elle
justifie une réforme d'ensemble du régime des
interventions économiques
des collectivités locales qui,
selon les préconisations du groupe de travail de la commission des Lois
sur la décentralisation, devrait avoir pour triple objet une
meilleure coordination avec le droit communautaire
, la recherche d'une
plus grande complémentarité
des différentes
interventions économiques, le
maintien des interdictions
actuelles
et
l'approfondissement des règles prudentielles
qui
protègent les collectivités locales contre des risques financiers
excessifs.
Votre commission spéciale ne peut donc que déplorer le retard
pris pour réformer le régime des interventions
économiques, malgré les initiatives du Sénat, en
particulier l'adoption, le 10 février 2000, à l'initiative
de notre collègue Jean-Pierre Raffarin, de la proposition de loi tendant
à favoriser la création et le développement des
entreprises sur les territoires, qui n'a toujours pas été
inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
• L'extension de la faculté reconnue à la
collectivité territoriale de Corse de définir des régimes
d'aides aux entreprises
Dans la mesure où, en l'état actuel du droit, les
différentes aides directes qui peuvent être mises en place sont
définies par la loi
139(
*
)
, il est légitime de
s'interroger sur le point de savoir si le pouvoir donné à la
collectivité territoriale de Corse d'en créer de nouvelles
catégories ne correspondrait pas à une
délégation du pouvoir législatif
.
Lors de l'examen du présent projet de loi,
le Conseil d'Etat n'a,
semble-t-il, pas retenu cette interprétation
. Selon les
renseignements communiqués à votre rapporteur, il aurait fait
observer que la création de nouvelles aides ne relevait pas d'une des
matières réservées à la loi par l'article 34 de la
Constitution. L'interdiction faite aux collectivités locales de
définir elles-mêmes les catégories d'aides qu'elles
souhaitent accorder aux entreprises résulterait simplement d'une
disposition législative qui avait encadré leur compétence
dans ce domaine. Dès lors, le Conseil d'Etat aurait estimé que la
loi pouvait, sans méconnaître l'article 34 de la Constitution,
élargir les conditions d'exercice de cette compétence et
autoriser les collectivités locales à créer
elles-mêmes de nouvelles catégories d'aides.
S'inspirant de la jurisprudence du Conseil constitutionnel du 17 janvier
1989, le Conseil d'Etat a indiqué, dans son avis rendu sur le
présent projet de loi, que
« Les dispositions de l'article
21 de la Constitution en vertu desquelles le Premier ministre assure
l'exécution des lois et, sous réserve des dispositions de
l'article 13, exerce le pouvoir réglementaire, ne font pas obstacle
à ce que le législateur confie à une collectivité
territoriale dont, en vertu de la l'article 72, la loi prévoit les
conditions de la libre administration, le soin de définir les conditions
d'application d'une loi, mais il ne peut le faire qu'à condition que
cette habilitation porte sur des mesures dont elle définit
précisément le champ d'application et les conditions de mise en
oeuvre et ne porte pas atteinte à la compétence qui appartient au
Premier ministre d'édicter des règles nationales applicables
à l'ensemble du territoire. »
Sur ce fondement, le Conseil d'Etat a disjoint du projet de loi certaines
dispositions de son article premier mais a reconnu, comme il l'avait fait
à l'occasion du projet de décret élaboré en
application de l'article 61 de la loi du 13 mai 1991, que la loi pouvait
confier à la collectivité territoriale de Corse la
possibilité de créer des régimes d'aides aux entreprises.
Dans sa décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991, le Conseil
constitutionnel n'avait pas jugé contraire à la Constitution le
pouvoir reconnu à la collectivité territoriale de Corse de
déterminer elle-même le régime des aides directes aux
entreprises. On relèvera cependant que le texte qui lui était
soumis prévoyait expressément l'intervention d'un décret
en Conseil d'Etat pour fixer les conditions d'exercice de cette
compétence. Par la suite, ce même Conseil d'Etat a
considéré, sans que le Conseil constitutionnel ait apporté
aucune précision sur cette disposition dont il n'avait pas
été directement saisi, que la loi avait opéré un
transfert total du pouvoir réglementaire.
Rien ne permet
donc
d'affirmer que le Conseil constitutionnel considère que cette
habilitation revête une portée limitée.
• Une portée atténuée par le projet de loi relatif
à la démocratie de proximité
L'article 43 A
du projet de loi relatif à la
démocratie de proximité, adopté par l'Assemblée
nationale en première lecture le 25 juin 2001, tend à
modifier l'article L. 1511-2 du code général des
collectivités territoriales, relatif aux aides directes aux entreprises,
auquel se réfère le présent article.
Adopté à l'initiative du Gouvernement sans avoir
été examiné par la commission des Lois de
l'Assemblée, après que M. Daniel Vaillant, ministre de
l'intérieur, se fut engagé lors de l'examen du présent
projet de loi au Palais Bourbon à étendre à l'ensemble des
régions certaines des dispositions prévues pour la
Corse
140(
*
)
, cet article dispose
que
« les aides directes revêtent la forme de subventions,
de bonifications d'intérêts ou de prêts et avances
remboursables à des conditions plus favorables que celle du taux moyen
des obligations. »
Sans mettre fin à la distinction entre aides directes et aides
indirectes, dénoncée par la mission commune d'information du
Sénat sur la décentralisation, le projet de loi relatif à
la démocratie de proximité tend donc à
définir
les aides directes en fonction de leur forme
et non plus de leur
régime.
Celui-ci sera fixé par une délibération du conseil
régional et non plus par décret en Conseil d'Etat. L'article 43 A
rappelle que les aides devront être attribuées dans le
respect
des dispositions législatives et réglementaires applicables en
matière de concurrence et d'aménagement du territoire et des
engagements internationaux de la France
.
Votre rapporteur observe que l'article L. 4424-27 proposé par le
présent projet de loi ne mentionne que le respect des engagements
internationaux tandis que celui de l'article L. 4424-29 ne fait
référence au nécessaire respect que des dispositions
législatives -et non plus réglementaires- en matière de
concurrence et d'aménagement du territoire et des engagements
internationaux de la France.
On ne peut que s'étonner devant une telle discordance entre toutes ces
rédactions, dont la portée semble d'ailleurs
singulièrement limitée, puisque les collectivités
territoriales sont bien évidemment tenues de respecter tant les
engagements internationaux de la France, que les dispositions
législatives et réglementaires nationales.
C'est la raison pour laquelle, votre commission spéciale vous propose
d'adopter
deux
amendements
de suppression de ces mentions
imprécises, inutiles et dangereuses puisqu'elles pourraient laisser
entendre que la collectivité territoriale de Corse ne serait pas tenue
au respect des dispositions législatives et réglementaires qui ne
sont pas citées.
Votre rapporteur observe, d'autre part, que le projet de loi relatif à
la démocratie de proximité confirme la
primauté de la
région
dans l'octroi d'aides directes aux entreprises. Les
départements, les communes et leurs groupements ne pourront que
participer au financement des aides définies par le conseil
régional, sans qu'aucune consultation préalable soit
exigée, dans le cadre d'une convention.
Le régime des aides indirectes resterait inchangé. A l'exception
des garanties d'emprunt et des aides à l'immobilier d'entreprises qui
demeureraient encadrées, toutes les autres aides indirectes seraient
libres.
Enfin, l'article 43 A du projet de loi relatif à la
démocratie de proximité autorise les régions du continent
à participer, par le versement de dotations, à la constitution
d'un fonds d'investissement à vocation régionale ou
interrégionale ayant pour objet d'apporter des fonds propres aux
entreprises.
A la différence de la collectivité territoriale de Corse, le
montant de leur participation serait limité à 30 % du
montant total du fonds. Il a été indiqué à votre
rapporteur que cette différence tenait à la « situation
particulière de l'économie corse ». Il serait ainsi
difficile pour la collectivité territoriale, en raison de la structure
du tissu industriel de l'île, de trouver des partenaires financiers
susceptibles de prendre des participations pour la mise en place d'un fonds
d'investissement, en particulier si ce fonds n'a pour seul objet que
d'intervenir en faveur des entreprises corses. Les autres régions
disposeraient d'un tissu industriel bien plus dense et auraient la
possibilité de mettre en place des fonds interrégionaux.
Ainsi que le Gouvernement l'a indiqué lui-même à votre
rapporteur, l'adoption de l'article 43 A du projet de loi relatif à la
démocratie de proximité privera de toute portée, sauf sur
ce dernier point, les dispositions du présent article.
Comme en 1982,
il est donc regrettable de devoir discuter d'adaptations avant de
connaître le droit commun.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission
spéciale vous propose d'adopter l'article 17
ainsi
modifié
.
Sous-section 2
Du tourisme
Article 18
(art. L. 4424-31 du code général des
collectivités territoriales)
Orientations en matière de
développement touristique
Cet
article vise à modifier l'article L. 4424-23 du code
général des collectivités territoriales, qui deviendrait
l'article L. 4424-31 en application de l'article 14 du présent
projet de loi, afin de renforcer les compétences de la
collectivité territoriale de Corse en matière de promotion et de
développement touristiques.
1. La répartition actuelle des compétences entre l'Etat
et les collectivités territoriales dans le secteur du tourisme
Les lois de décentralisation, en particulier la loi n° 83-8 du
7 janvier 1983 portant répartition des compétences
entre les communes, les départements, les régions et l'Etat,
n'ont pas considéré le tourisme comme un secteur
spécifique nécessitant la création d'un bloc de
compétences au profit d'une catégorie de collectivités
locales.
La loi n° 92-1341 du 23 décembre 1992 portant répartition
des compétences dans le domaine du tourisme, adoptée à
l'initiative du Sénat, a consacré la
concurrence des
compétences
en disposant dans son article premier
que
« L'Etat, les régions, les
départements et les communes sont compétents dans le domaine du
tourisme et exercent ces compétences en coopération et de
façon coordonnée. »
Si les communes, les départements et les régions disposent de
quelques attributions spécifiques, la concurrence de leurs
compétences nécessite donc des mécanismes de concertation.
• Les compétences spécifiques des collectivités
locales
Les
communes
ont reçu des compétences propres en ce qui
concerne la réalisation et la gestion de certains aménagements et
équipements à vocation touristique, en particulier les ports de
plaisance, les remontées mécaniques ou encore les zones de
mouillage. Elles peuvent réaliser des zones d'aménagement
concerté ayant pour objet le développement des loisirs et du
tourisme. Leur responsabilité est particulièrement
soulignée par les lois n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au
développement et à la protection de la montagne et n° 86-2
du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la
mise en valeur du littoral. Enfin, les compétences des communes en
matière d'urbanisme et de police administrative trouvent à
s'appliquer aux activités touristiques.
Les
départements
ont une vocation particulière en
matière de développement du tourisme rural. Ils
établissent un programme d'aide à l'équipement rural, un
plan départemental des itinéraires de promenades et de
randonnées et peuvent élaborer un plan départemental de
randonnées nautiques.
Ils ont obtenu le transfert dans leur dotation globale d'équipement, des
subventions de l'Etat au titre de la modernisation de l'hôtellerie rurale
et accordent de nombreuses aides aux hébergements touristiques ruraux
(gîtes, chambres d'hôte, campings à la ferme...)
Enfin, la loi du 23 décembre 1992 leur confère la
possibilité d'établir un schéma d'aménagement
touristique départemental, qui doit prendre en compte les orientations
définies par le schéma régional du développement du
tourisme et des loisirs.
Les
régions
constituent, quant à elles, le cadre
privilégié de l'élaboration d'une politique locale de
développement du tourisme et se sont vu reconnaître des
compétences importantes en matière d'aménagement
touristique. La loi du 23 décembre 1992 dispose que, dans le cadre de
leurs compétences en matière de planification, elles
définissent les objectifs à moyen terme du développement
touristique régional, dont les modalités et conditions de mise en
oeuvre, notamment au plan financier, sont déterminées par le
schéma régional de développement du tourisme et des
loisirs, prévu par la loi du 3 janvier 1987 relative à
l'organisation régionale du tourisme.
Les régions peuvent se voir transférer les attributions
exercées par les missions interministérielles
d'aménagement touristique. Elles peuvent être associées
à la définition, à la gestion et au contrôle des
sociétés d'aménagement régional. Elles ont
l'initiative de la création des parcs naturels régionaux et ont
compétence pour créer des canaux et des ports fluviaux.
On notera que la loi leur fait obligation de créer des comités
régionaux du tourisme,
même si elle
les laisse libres
de fixer leur nature juridique, leur organisation et leur champ de
compétences, à la condition de respecter un minimum de
représentation. La création d'offices municipaux et de
comités départementaux du tourisme est, quant à elle,
facultative.
• Les compétences générales
Les
types d'interventions
des collectivités territoriales en
faveur du développement du tourisme se sont
diversifiés
.
Les régions, les départements et les communes organisent selon
des modalités diverses un service destiné à
accueillir
et à
informer
les touristes. Elles engagent des
actions de
promotion
de leur territoire -participation à des
foires, publicité, édition de documentation- et s'efforcent de
mettre en place des outils facilitant la
commercialisation
des produits
touristiques. Elles réalisent des équipements en infrastructures
(travaux de voirie notamment) et en superstructures (ports de plaisance,
remontées mécaniques) ou accordent des aides aux entreprises et
organismes qui interviennent dans le secteur du tourisme. Elles s'efforcent
également de mettre en place des
animations
-fêtes,
spectacles. Enfin, elles sont chargées d'établir des statistiques
et de
mener des études
, surtout les régions, qui ont mis
en place, avec l'INSEE, des
observatoires régionaux du tourisme
.
Les interventions des collectivités locales trouvent leurs limites dans
le nécessaire respect du
principe de la liberté
du
commerce
et de
l'industrie
, des règles
d'aménagement et d'urbanisme et dans la prise en compte des risques
financiers.
• Les compétences de l'Etat
Selon les termes de la loi du 23 décembre 1992, l'Etat définit et
met en oeuvre la
politique nationale du tourisme
.
A l'instar des collectivités locales, il
exerce la plupart des
missions
que lui a reconnues le législateur
en liaison, en
coopération ou concurremment avec les collectivités territoriales
ou l'une de leurs structures : il assure le recueil, le traitement et
la diffusion des données et prévisions relatives à
l'activité touristique, en liaison et en coopération avec les
observatoires régionaux du tourisme ; il définit et conduit
les opérations de promotion touristique nationale en liaison et en
coopération avec les collectivités territoriales et les
partenaires concernés ; il favorise la coordination des initiatives
publiques et privées dans le domaine du tourisme ; il apporte son
concours aux actions de développement touristique engagées par
les collectivités territoriales, notamment par la signature des contrats
de plan avec les régions.
Seules deux catégories
de
compétences
lui sont
reconnues à titre exclusif
: la détermination et la
mise en oeuvre des procédures d'agrément et de
classement
des équipements, organismes et activités touristiques, selon des
modalités fixées par décret
141(
*
)
; la fixation des règles
et des orientations de la
coopération internationale
dans le
secteur du tourisme et leur mise en oeuvre, notamment au sein des organisations
internationales compétentes.
• Une harmonisation nécessaire
La concurrence des compétences des collectivités publiques
nécessitait une certaine harmonisation, dont l'instrument principal
reste la
contractualisation
. Les contrats de plan conclus entre les
régions, les autres collectivités locales et l'Etat
définissent ainsi la participation de chaque partenaire à la
réalisation d'un objectif précis.
La technique de la
concertation
est également utilisée
puisque l'avis ou l'accord de l'organe délibérant d'une
collectivité concernée est souvent requis lorsque la
décision est prise par l'Etat ou une autre collectivité dont le
territoire inclut celui de la première. Ainsi, les départements
doivent-ils demander l'avis des communes intéressées avant
d'élaborer les plans départementaux de randonnées
pédestres et équestres. De même les conseils
généraux sont consultés à propos de la
création de parcs naturels nationaux ou régionaux.
L'organisation de l'harmonie et de la cohérence des interventions des
collectivités publiques dans le domaine du tourisme constituait l'un des
objectifs majeurs de la loi du 23 décembre 1992. D'aucuns, à
l'instar de M. Pierre Py, ont regretté que l'objectif de
l'harmonisation des compétences ait pris le pas sur celui de leur
répartition
142(
*
)
.
2. La situation de la Corse
• Le tourisme, un enjeu essentiel pour le développement de
l'île
En Corse, plus qu'ailleurs sans doute, le secteur du tourisme présente
la
double face de Janus
.
La situation géographique de l'île, ses caractéristiques
physiques et la structure de son économie font sans conteste des
activités touristiques l'un des moteurs de son développement.
Après une période morose entre 1993 et 1996, ce secteur
connaît une forte croissance depuis 1997. La saison touristique 2000 a
été marquée par d'excellents résultats :
durant le seul mois de juillet, un peu plus d'un million de passagers ont
emprunté les transports aériens et maritimes entre la Corse et le
continent ; ils étaient 5,6 millions en cumul sur douze mois.
Le flux touristique tend à se diversifier, au profit, notamment, de
personnes en provenance du nord de l'Europe, même si la clientèle
reste française à près de 70 %, et le tourisme
familial majoritaire.
D'ores et déjà, le tourisme constitue le premier secteur
économique privé de l'île. Selon les tableaux de
l'économie corse établis par l'I.N.S.E.E., il engendre
près de
10 %
de son
produit intérieur brut
(effets d'entraînement inclus), soit davantage que l'agriculture ou la
construction. L'emploi salarié du secteur se concentre dans les
structures d'hébergement et de restauration. Il équivaut à
3 400 « temps complets employés toute
l'année ». En période estivale, plus de
6 000 salariés travaillent dans le secteur, près de
7 000 autour du 15 août.
Pourtant, l'opportunité de développer le tourisme sur l'île
a longtemps fait l'objet de
controverses
, en raison de ses
conséquences potentiellement dommageables sur l'environnement et
l'identité locale.
La conciliation entre développement touristique, valorisation des sites
et préservation de l'environnement est délicate, et
l'
enjeu
réel car, malgré les bons résultats obtenus
depuis quelques années, le tourisme conserve, en Corse, un
fort
potentiel de développement
. Les flux sont limités par la
qualité moyenne de l'offre, la saturation des capacités
d'hébergement et le manque de professionnalisation de la filière.
Il s'agissait donc, dans l'esprit du relevé de conclusions du
20 juillet 2000, qui mentionnait le tourisme parmi les
compétences susceptibles de faire l'objet d'une décentralisation
renforcée, d'approfondir un transfert de compétences
déjà entamé par la loi n° 91-428 du 13 mai
1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse.
• La répartition des compétences dans le secteur du tourisme en Corse
L'article 69 de la loi n° 91-428 du 13 mai
1991
143(
*
)
dispose que :
«
La collectivité territoriale de Corse
détermine, dans le cadre du plan de développement, les grandes
orientations du développement touristique de l'île.
»
Par dérogation à la loi n° 87-10 du 3 janvier 1987
relative à l'organisation régionale du tourisme, la loi du 13 mai
1991 a créé une
institution spécialisée
chargée, dans le cadre des orientations définies par la
collectivité territoriale, de la coordination de l'ensemble des actions
de développement du tourisme en Corse.
Cette institution assure la promotion touristique de l'île et met en
oeuvre la politique d'aide à la modernisation et au développement
des structures d'accueil et d'hébergement.
Présidée par un conseiller exécutif désigné
par le président du conseil exécutif, l'
Agence du tourisme de
Corse
dispose d'un budget de 50 millions de francs environ et emploie une
quarantaine de personnes.
La répartition des compétences dans le domaine du tourisme
prévue par la loi du 23 décembre 1992 ne se vérifie pas
non plus complètement à l'échelon départemental.
Faute de moyens humains et financiers, la structure juridique
créée par le département de Corse-du-Sud, à la fin
des années 1980, n'a eu aucune fonction opérationnelle.
Le département de
Haute-Corse
avait créé, par
délibération du conseil général, un
comité départemental
du tourisme et des loisirs en 1994.
Cette structure associative a été dissoute en 1999. Depuis lors,
elle a été remplacée par une nouvelle association
dénommée « Haute-Corse Développement »
qui joue un rôle actif, notamment en matière d'assistance
technique aux porteurs de projets. Un programme de signalétique
touristique et un plan départemental des itinéraires de
promenades et randonnées ont été lancés.
Enfin, d'après les informations communiquées à votre
rapporteur, le
maillage institutionnel local
présenteraient des
lacunes
en termes qualitatifs et quantitatifs puisque 25 structures
locales seulement répondraient aux critères de la loi du 23
décembre 1992.
3. Le projet de loi soumis au Sénat
• Un transfert de compétences peu clair
Le présent article tend à confier à la collectivité
territoriale de Corse le pouvoir de
déterminer
et de
mettre en
oeuvre
, dans le cadre du plan d'aménagement et de
développement durable, les
orientations
du
développement touristique
de l'île.
En l'état actuel du droit la collectivité territoriale ne peut
que définir, et non mettre en oeuvre, les
grandes
orientations du
développement touristique. Les autres collectivités locales
disposent des mêmes compétences que leurs homologues du continent.
Le projet de loi lui confie également la mise en oeuvre et
l'évaluation
de la politique du tourisme et des
actions de
promotion
de l'île, compétences qu'elle pouvait
déjà exercer, à moins que le projet de loi n'entende lui
confier la mise en oeuvre de la politique nationale ou instituer un quelconque
pouvoir de tutelle sur les autres collectivités locales.
La collectivité territoriale serait désormais chargée du
recueil
, du
traitement
et de la
diffusion
des
données relatives à l'activité touristique,
compétences jusqu'à présent dévolues à
l'Etat en liaison et en coordination avec l'observatoire régional du
tourisme, qui dépend de l'Agence du tourisme de Corse.
Enfin, elle serait chargée de
coordonner
les initiatives
publiques et privées dans les domaines du développement, de la
promotion et de l'information touristique, mission dévolue à
l'Etat par la loi du 23 décembre 1992 et à l'Agence du
tourisme de Corse par la loi du 13 mai 1991.
Sur la proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du
Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement
d'ordre rédactionnel en première lecture.
• Un renforcement du contrôle de la collectivité
territoriale de Corse sur l'Agence du tourisme
Sur la proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du
Gouvernement, l'Assemblée nationale a instauré une tutelle de la
collectivité territoriale de Corse sur
l'Agence du tourisme
et
prévu que le
conseil d'administration
de cette dernière
devra être
composé à titre majoritaire de
représentants de l'Assemblée de Corse
.
M. Bruno Le Roux, rapporteur, a considéré cette disposition
comme «
une solution équilibrée rapprochant le
régime applicable en Corse de celui du droit commun applicable aux
régions
» et souligné sa cohérence avec les
dispositions de l'article 40 du projet de loi, qui autorisent
l'Assemblée de Corse à exercer directement les missions
confiées aux différents offices.
M. Bernard Roman, président de la commission des Lois, a quant
à lui indiqué que l'existence des offices, leurs modalités
de fonctionnement et leur latitude d'action pouvaient constituer un obstacle
à l'exercice par les élus des nouvelles prérogatives
accordées à la collectivité territoriale de Corse. Prenant
acte du fait que l'assemblée territoriale n'avait pas souhaité la
dissolution immédiate de ces organismes, il a estimé que cet
amendement permettrait d'améliorer considérablement la situation
existante en garantissant la présence majoritaire des élus au
sein du conseil d'administration de l'Agence du tourisme.
4° La position de votre commission spéciale
Les dispositions soumises au Sénat, qui n'appellent aucune objection de
principe de la part de votre commission spéciale, consacrent donc moins
un transfert effectif de compétences que la volonté de confier
à la collectivité territoriale, davantage qu'à l'Etat, le
soin de définir, d'animer et de coordonner les différentes
actions conduites sur l'île. A cet égard, elles s'inscrivent
pleinement dans le cadre, certes imparfait, de la loi du
23 décembre 1992. Au demeurant, le projet de loi n'envisage pas la
suppression de la délégation régionale au tourisme, qui ne
compte guère aujourd'hui que six agents, contrairement au souhait
exprimé par le conseil exécutif de Corse dans son avis sur
l'avant projet de loi.
La portée du dispositif doit cependant être
appréciée au regard des dispositions de l'article 19 du
présent projet de loi, qui confient à la collectivité
territoriale le classement des stations et de l'ensemble des organismes de
tourisme, et de son article 40, qui tend à autoriser l'Assemblée
de Corse à exercer directement les missions qui sont aujourd'hui
confiées à l'Agence du tourisme.
Votre commission spéciale vous soumet un
amendement
tendant
à
supprimer
les
dispositions législatives relatives
à l'Agence du tourisme
, par coordination avec le dispositif qu'elle
vous propose à l'article 40 du présent projet de loi.
Il s'agit de supprimer la mention
ad nominem
des offices dans la loi et
de reconnaître à l'Assemblée de Corse la possibilité
de créer des établissements publics placés sous sa tutelle
pour leur confier la mise en oeuvre de certaines de ses compétences.
On observera qu'
en application de la loi du 23 décembre 1992
portant répartition des compétences dans le domaine du tourisme,
la collectivité territoriale de Corse devra créer un
comité régional du tourisme
comparable à ses
homologues du continent.
Par le même amendement, et dans un souci de clarification, votre
commission spéciale propose de
supprimer
la disposition selon
laquelle la collectivité territoriale de Corse définit, met en
oeuvre et évalue la politique du tourisme de Corse et les actions de
promotion qu'elle entend mener.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 18
ainsi
modifié
.
Article 19
(art. L. 4424-32 du code général des
collectivités territoriales)
Classement des stations, organismes et
équipements de tourisme
Cet
article tend à insérer un article L. 4424-32 dans le code
général des collectivités territoriales, afin de confier
à la collectivité territoriale de Corse le classement des
stations, organismes et équipements de tourisme.
Elle serait ainsi dotée, selon M. Bruno Le Roux, rapporteur de la
commission des Lois de l'Assemblée nationale, des moyens lui permettant
d'exercer la compétence que lui reconnaît l'article 18 du
projet de loi en matière de développement touristique.
1. Le classement des stations touristiques
• L'état actuel du droit
L'expression de
« station classée »
est
ambiguë. Il existe en effet un classement officiel, prévu par la
loi, et des classements organisés par des associations de communes pour
favoriser leur promotion, comme par exemple l'Association des stations vertes
de vacances et des villages de neige.
Les deux textes de base concernant les stations classées sont la loi du
24 septembre 1919 et la loi du 3 avril 1942, dont les dispositions ont
été codifiées aux articles L. 2231-1 à
L. 2231-18 du code général des collectivités
territoriales. Ces deux textes ont été complétés
par de nombreuses lois, en particulier celle n° 64-698 du 10 juillet
1964 relative à la création d'offices du tourisme dans les
stations.
Le classement a pour objet de faciliter la fréquentation de la station,
de permettre son développement et, le cas échéant, de
faciliter la prise en charge des personnes privées de ressources
suffisantes.
Il peut concerner une commune, une fraction de commune ou un groupe de
communes
144(
*
)
qui offrent,
selon les termes de l'article L. 2231-1 du code général des
collectivités territoriales, soit un ensemble de curiosités
naturelles, pittoresques, historiques ou artistiques, soit des avantages
résultant de leur situation géographique ou
hydrominéralogique, de leur climat ou de leur altitude, tels que
ressources thermales balnéaires, maritimes, sportives ou uvales.
• Les conditions de classement
Le classement requiert la possession d'une
« ressource
touristique »
et d'une
capacité d'accueil
.
La première condition a conduit le législateur à
distinguer six catégories : les
stations
hydrominérales
qui possèdent une ou plusieurs sources
minérales ou un établissement exploitant ces sources ; les
stations climatiques
, qui offrent aux malades des avantages
climatiques ; les
stations uvales
qui possèdent sur leur
territoire des cultures de raisins de table aptes à une cure
thérapeutique et sont placées dans un centre touristique ;
les
stations de tourisme
, qui offrent aux visiteurs un ensemble de
curiosités naturelles ou artistiques ; les
stations
balnéaires
, qui offrent des avantages balnéaires ou maritimes
résultant de leur situation géographique ; les
stations
de sports d'hiver ou d'alpinisme
, qui remplissent des conditions
d'altitude, d'accessibilité et d'intérêt pour les sports de
montagne
145(
*
)
.
Le classement comme station nécessite également l'existence d'une
capacité d'accueil
en termes sanitaires
(alimentation en
eau potable suffisante, réseau d'assainissement, ramassage des ordures
ménagères, assistance médicale),
d'animations
(distractions et manifestations)
et d'équipements
(transports, hébergements, équipements spécifiques
à chaque catégorie de station).
En général,
les normes exigées ne sont pas
précisées par les textes
, ce qui laisse aux autorités
compétentes un large pouvoir discrétionnaire
d'appréciation.
Toutefois
, des décrets et des
arrêtés définissent avec précision des normes de
classement particulières à certaines catégories de
stations, notamment celles de sports d'hiver et d'alpinisme
146(
*
)
, et le Conseil supérieur de
l'hygiène publique de France, le Conseil national du tourisme ou encore
le Conseil d'Etat ont établi des directives relativement précises.
• La procédure de classement
En
principe
,
l'initiative
du classement
appartient aux
collectivités
locales intéressées
147(
*
)
. La
procédure
est
lourde et complexe
. A l'échelon local, elle nécessite la
réalisation d'une enquête publique et l'obtention de nombreux avis
d'organismes départementaux. Au niveau national, plusieurs avis sont
également requis et l'instruction est conduite par des ministres
différents suivant le type de stations. Finalement,
le classement est
prononcé par un décret en Conseil d'Etat
.
• Les conséquences du classement
Le classement impose aux stations quelques obligations, mais il leur offre de
nombreux avantages.
Les stations classées se voient ainsi imposer certaines
obligations
en matière d'hygiène
148(
*
)
et en matière d'urbanisme,
puisqu'elles doivent
établir un plan local d'urbanisme.
Par ailleurs, la jurisprudence paraît plus exigeante en matière de
police administrative, notamment en ce qui concerne la sécurité
publique, à l'égard des stations classées qu'à
l'égard des autres communes
149(
*
)
.
Les stations classées jouissent de nombreux
avantages
tant sur le
plan administratif que financier. Elles peuvent créer un
office
municipal
du tourisme
150(
*
)
; certaines d'entre
elles
151(
*
)
peuvent voir
accorder à des casinos l'autorisation de pratiquer des jeux de hasard,
normalement interdits.
Sur le plan financier, elles disposent ou peuvent disposer de
ressources
particulières
: la taxe de séjour (facultative), la taxe
additionnelle aux droits d'enregistrement ou à la taxe de
publicité foncière exigible sur les mutations à titre
onéreux, le prélèvement progressif sur le produit des jeux
dans les casinos. Par ailleurs, les conseils municipaux des stations
classées peuvent voter des majorations d'indemnité de
fonction
152(
*
)
.
Enfin,
le classement constitue en lui-même un avantage
puisqu'il
constitue un instrument de promotion des stations auprès de la
clientèle.
• Le texte soumis au Sénat
Le
paragraphe I
du présent article tend à confier à
la collectivité territoriale de Corse, par dérogation au droit
commun, le classement des stations touristiques.
Le classement serait prononcé par
délibération de
l'Assemblée de Corse
, à la
demande
ou sur
avis
conforme
de la commune ou de l'établissement public de
coopération intercommunale compétent en matière de
tourisme, après
consultation
du conseil départemental
d'hygiène
153(
*
)
et du
conseil des sites -dont la composition serait modifiée à
l'article 9 du présent projet de loi-
et après enquête
publique
.
• La position de votre commission spéciale
Votre commission spéciale est extrêmement réservée
sur la dévolution d'une telle prérogative à la
collectivité territoriale de Corse.
De nombreuses critiques sont actuellement adressées au système de
classement des stations touristiques. Lui sont ainsi reprochés :
l'archaïsme des normes, qui mettent davantage en exergue les ressources
que les équipements ; leur imprécision, qui nuit à
l'information précise des touristes ; l'injustice du classement,
conservé par des stations qui ne le méritent plus et
refusé à des communes qui font des efforts considérables
pour le développement du tourisme ; ou encore la complexité
des procédures.
Aussi le Conseil national du tourisme a-t-il été chargé,
en la personne de M. Jean Launay, de proposer une réforme dont
les éléments devraient être connus à la fin de
l'année 2001. On rappellera également qu'un « livre
blanc » avait été élaboré par
l'Association des maires des communes touristiques et thermales et des stations
classées. Il semble
donc préférable de procéder
à une réforme d'ensemble du régime
de classement,
à la lumière des propositions du Conseil national du tourisme.
D'autre part, confier à la collectivité territoriale de Corse la
responsabilité de prononcer le classement risque de s'apparenter
à une forme de tutelle sur les communes et leurs groupements. Certes, le
classement ne pourrait être prononcé qu'à la demande ou sur
avis conforme de la collectivité concernée. En revanche,
l'Assemblée de Corse ne serait-elle pas libre de refuser de
délivrer cette reconnaissance en prenant une
délibération qui relève actuellement d'un décret
en Conseil d'Etat
?
La procédure de l'enquête publique, qui doit éclairer et
assurer l'objectivité de la décision, ne constitue
peut-être pas un palliatif suffisant à l'imprécision
actuelle des normes de classement. Saisi, d'un éventuel contentieux, le
juge administratif sera en peine d'apprécier l'erreur manifeste
d'appréciation de la collectivité territoriale.
Votre commission spéciale rappelle que l'
interdiction de la
tutelle
d'une collectivité sur une autre
, posée
dans la loi
154(
*
)
, constitue une
dimension essentielle du principe de la libre administration des
collectivités locales consacré par l'article 72 de la
Constitution.
Aussi votre commission spéciale vous soumet-elle un
amendement de
suppression
du
paragraphe I
de cet article.
2. Le classement des organismes et équipements touristiques
Le
paragraphe II
du présent article
a trait à
la procédure d'agrément et de classement d'un certain nombre
d'équipements et organismes.
• L'état actuel du droit
Le troisième alinéa de l'article 2 de la loi
n° 92-1341 du 23 décembre 1992 portant répartition
des compétences dans le domaine du tourisme dispose que :
«
L'Etat détermine et met en oeuvre les procédures
d'agrément et de classement des équipements, organismes et
activités touristiques selon des modalités fixées par
décret.
»
Le
classement
est une décision administrative qui consiste
à insérer un hébergement dans une catégorie
définie par des normes ayant pour objet essentiel le confort de
l'établissement, afin d'assurer l'information des touristes.
L'
agrément
est un acte par lequel une autorité
administrative confère à un organisme, outre une reconnaissance,
le bénéfice de certains avantages, facultés ou
prérogatives.
Organisé dès le 7 juin 1937 pour les hôtels de tourisme, le
classement concerne aujourd'hui toutes les formes classiques de
l'hébergement touristique (hôtels, meublés, campings) aussi
bien que les formes nouvelles (villages de vacances, parcs résidentiels
de loisirs).
Les
normes
de classement (de confort, de qualité des
équipements et des services, d'accessibilité aux personnes
handicapées, etc.) doivent être adaptées aux
évolutions techniques et aux goûts de la clientèle. Aussi,
les sources juridiques du classement sont elles à la fois
instables
et
complexes
. Des régimes différents coexistent bien
souvent, afin de laisser aux gestionnaires d'hébergements le temps de
s'adapter aux nouvelles normes.
La décision de
classement
est prise par
arrêté du
préfet
du département, après avis de la commission
départementale de l'action touristique
155(
*
)
. La procédure varie selon les
catégories d'hébergement.
Des agréments sont souvent imposés pour l'octroi des aides
publiques aux villages de vacances et aux terrains de campings
gérés par des organismes à but non lucratif, ainsi qu'aux
maisons familiales. A titre d'exemple, les terrains de campings ne peuvent
ainsi recevoir d'aides de l'Etat ou des collectivités locales
qu'après avoir obtenu un agrément préfectoral
156(
*
)
.
• Le texte soumis à l'examen du Sénat
Aux termes du présent article, l'Assemblée de Corse pourrait
dorénavant, par dérogation à l'article 2 de la loi du 23
décembre 1992, déterminer «
les règles de
procédure relatives à l'instruction des demandes
d'agrément et de classement
» des équipements et
organismes suivants :
- Hôtels (aujourd'hui classés en cinq
catégories, de une à 4 étoiles et
« Luxe ») et résidences de tourisme
(établissements dotés d'un minimum d'équipements et de
services communs, constitués, en principe, d'un ensemble de chambres ou
d'appartements meublés, disposés en unités collectives ou
pavillonnaires).
- Campings et caravanages (également classés en cinq
catégories).
- Villas, appartements et chambres meublées loués
à la semaine.
- Restaurants de tourisme.
- Offices de tourisme (créés par les conseils
municipaux ou, dans les stations classées et les communes littorales,
par arrêté du préfet, à la demande du conseil
municipal intéressé).
La
décision de classement
ou d'agrément, quant à
elle, serait prise, désormais, non plus par le préfet, mais par
arrêté du président du conseil exécutif de
Corse
.
Il convient de souligner, toutefois, que les dispositions
précitées ne font référence qu'aux
« règles de procédure » et à la
« décision » de classement. D'après les
indications communiquées à votre rapporteur, ces formulations
n'engloberaient pas
la définition des normes
qui fondent ce
classement : visées, dans la loi du 23 décembre 1992,
sous l'expression : «
les procédures d'agrément
et de classement
», elles sont et
resteraient fixées
par le secrétariat d'Etat au tourisme
.
Sous le bénéfice de cette précision, votre commission
spéciale vous propose d'adopter cette disposition. Elle vous soumet
toutefois un
amendement
tendant à
compléter la liste
des catégories d'hébergements
susceptibles de faire l'objet
d'un classement par la collectivité territoriale de Corse, afin d'y
inclure les
villages de vacances
et les
parcs résidentiels de
loisirs
.
Selon l'étude d'impact du projet de loi, le nombre
d'établissements touristiques susceptibles d'être concernés
par les mesures de classement précitées
s'élèverait, aujourd'hui, à : 348 hôtels
(10 408 chambres, soit 1,6 % du parc national, classées,
pour près de la moitié d'entre elles, dans la catégorie
« deux étoiles ») ; 15 résidences
de tourisme (2 167 lits) ; 9 résidences
hôtelières non classées ; 159 campings
(2,4 % du parc national et 60 % de l'offre d'accueil sur
l'île) ; 644 gîtes ruraux ; 29 gîtes
communaux ; 4 gîtes d'étape ; 5 chalets de
loisirs ; 45 chambres d'hôte avec table ; 75 chambres
d'hôte sans tables ; 12 campings à la ferme.
L'implantation de ces hébergements est fortement concentrée sur
le littoral, dans quatre zones au demeurant assez spécialisées en
termes de structures d'accueil : la zone « Ajaccio et
nord » (un tiers de la capacité hôtelière et
près de la moitié des résidences de tourisme) ;
l'extrême sud de l'île (plus du quart des campings) ; la
plaine orientale (près de la moitié des lits offerts par les
villages de vacances) ; la Balagne, dont l'offre est la plus
diversifiée. L'intérieur de l'île offre également de
nombreux gîtes qui participent à l'essor du tourisme rural.
Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 19
ainsi modifié
.
Sous-section 3
De l'agriculture et de la forêt
Article 20
(art. L. 4424-33 du code général des
collectivités territoriales,
art. L. 112-11, L. 112-12,
L. 314-1 et L. 314-1-1 du code rural)
Orientations en
matière de développement agricole, rural et
forestier
Cet
article vise à modifier l'article L. 4424-33 du code
général des collectivités territoriales et les articles
L. 112-11, L. 112-12, L. 314-1 et L. 314-1-1 du code rural
afin, d'une part, d'affirmer la compétence de la collectivité
territoriale de Corse pour la détermination des grandes orientations du
développement agricole, rural et forestier de l'île, d'autre part,
de créer une commission territoriale d'orientation de l'agriculture.
1. L'état actuel du droit
Revendiquée de longue date, la compétence de la
collectivité territoriale de Corse en matière agricole et rurale
n'est pas nouvelle.
• Un rôle essentiel dans la vie sociale de la Corse
Le secteur primaire ne réalise qu'un peu plus de
2 % du produit
intérieur brut
de l'économie insulaire : le nombre
d'exploitations est en forte diminution ; elles connaissent des
difficultés incontestables liées, pour partie, à la
topographie de l'île. Il conserve toutefois un
rôle essentiel
dans la vie sociale de la Corse
, qui demeure une terre de tradition
agricole. L'élevage occupe une place importante, au même titre que
les productions végétales (les fruits, notamment, et les agrumes,
en particulier) et la viticulture.
L'agriculture présente
deux visages
distincts, tous deux
typiquement méditerranéens.
Sur les coteaux et dans les
montagnes
de l'intérieur de l'île, soit la majeure partie du
territoire, se pratique une
agriculture d'aspect traditionnel
,
fondée sur l'élevage extensif et la culture du châtaignier
et de l'olivier.
Dans la plaine
, sur la côte orientale
essentiellement, est installée une
agriculture moderne
,
mécanisée et intensive, tournée vers les productions
végétales, viticoles et fruitières. La superficie agricole
utilisée couvre, selon l'INSEE, 309 500 hectares, soit
36 % du territoire de l'île, dont 71 % en Haute-Corse. La main
d'oeuvre agricole familiale représentait environ
5 000 personnes en 1997.
Aussi, dès la loi n° 82-659 du 30 juillet 1982 portant
statut particulier de la région de Corse, la collectivité
territoriale s'est-elle vu confier une compétence en matière
agricole, qui a été élargie par l'article 64 de la
loi n° 91-428 du 13 mai 1991.
• Des prérogatives anciennes
Aux termes de l'article L. 4424-22 du code général des
collectivités territoriales,
« la collectivité
territoriale de Corse détermine, dans le cadre du plan de
développement, les grandes orientations du développement agricole
et rural de l'île. »
A cette fin, elle dispose de
deux établissements publics à
caractère industriel et commercial
, dotés de la
personnalité civile et de l'autonomie financière, sur lesquels
elle exerce son pouvoir de tutelle. Ceux-ci sont présidés par un
conseiller exécutif, désigné par le président du
conseil exécutif de Corse, et gérés par un directeur
nommé, sur proposition du président de l'office, par
arrêté délibéré en conseil exécutif.
L'office du développement agricole et rural de Corse (ODARC) est
chargé de la mise en oeuvre des actions tendant au développement
de l'agriculture et à l'équipement du milieu rural.
L'office d'équipement hydraulique de Corse (OEHC) est chargé de
l'aménagement et de la gestion de l'ensemble des ressources hydrauliques
de l'île.
• L'office de développement agricole et rural de Corse
Depuis
la loi du 30 juillet
1982
157(
*
)
et le décret
n° 83-705 du 28 juillet 1983,
l'ODARC
, héritier de
l'ancienne société de mise en valeur agricole de la Corse
(SOMIVAC),
exerce les compétences
dévolues par le code
rural aux
« commissions départementales des structures
agricoles »
et au Centre national pour l'aménagement des
structures des exploitations agricoles (
CNASEA
)
158(
*
)
.
Il est le
représentant en Corse des offices d'intervention
du
secteur agricole
159(
*
)
relevant
du ministre de l'agriculture et exerce les compétences qui lui sont
confiées à ce titre. Ses relations avec les offices sont
régies par voie de conventions approuvées par le ministre.
L'ODARC est ainsi chargé de
l'élaboration
, dans le cadre
du plan de développement,
des programmes de développement
agricole
qui définissent, notamment, le cadre d'intervention de
l'office d'équipement hydraulique de Corse en matière
d'expérimentation et de diffusion des techniques de conduite de
l'irrigation.
Il gère les
actions de développement agricole
financées
par l'Association nationale de développement
agricole au moyen du
Fonds national de développement agricole
, et
assure la coordination des autres actions conduites par toutes personnes
morales, publiques ou privées intervenant dans ce domaine (chambres
d'agriculture, sociétés d'aménagement foncier et
d'établissement rural...), éventuellement par voie de convention.
Il peut créer et gérer un réseau d'
agents de
développement
mais également des
stations
d'expérimentation
et de recherche appliquée, conduire des
études
et des actions relatives à l'assistance
commerciale, à la modernisation et au développement de
l'agriculture.
Enfin, il est chargé de la
mise en oeuvre des programmes
spéciaux au titre des règlements communautaires
, de la
distribution des aides financières
aux exploitations agricoles et
à leurs groupements, et participe à toutes actions d'assistance
technique et de coopération internationale.
Aux termes de l'article L. 128-2 du code rural, le président de
l'office de développement agricole et rural de Corse ou son
représentant est membre titulaire des commissions départementales
d'aménagement foncier des départements de la Corse-du-Sud et de
la Haute-Corse.
• L'office d'équipement hydraulique de Corse
Depuis la loi du 30 juillet 1982, l'office d'équipement hydraulique de
Corse a pour mission, dans le cadre du plan de la collectivité
territoriale de Corse, l'aménagement et la
gestion
de l'ensemble
des
ressources hydrauliques
de Corse pour les
usages autres
qu'énergétiques
. A cet effet, il
étudie,
réalise et exploite les équipements
nécessaires au
prélèvement, au stockage et au transfert des eaux. De même,
il étudie, réalise, exploite des réseaux collectifs
d'irrigation et d'assainissement des terres agricoles. Il peut, à la
demande des collectivités locales, en faire de même pour les
équipements nécessaires à la distribution d'eau potable
ainsi qu'au traitement des eaux usées. Il peut, à la demande de
la collectivité territoriale de Corse, étudier, réaliser
ou exploiter des ouvrages à destination énergétique dont
la puissance est inférieure à 8 000 kW
160(
*
)
.
L'office assure, en liaison avec l'office de développement agricole et
rural de Corse, les actions d'accompagnement liées à la mise en
valeur des terres dans les périmètres irrigués. A ce
titre, il procède à des expérimentations et diffuse les
techniques de conduite de l'irrigation dans le cadre des programmes
pluriannuels de développement. Il peut apporter également son
concours technique à l'office de développement agricole et rural
de Corse pour les actions de mise en valeur engagées par cet organisme,
incluant des opérations d'irrigation. L'office est consulté lors
de l'élaboration du schéma d'aménagement de la Corse pour
ce qui concerne l'implantation des équipements d'infrastructure et la
localisation des activités dans le domaine de l'eau
161(
*
)
.
Enfin, l'office peut intervenir en tant que : concessionnaire de l'Etat,
notamment dans le cadre de l'article L. 112-8 ; concessionnaire ou
exploitant pour le compte des collectivités territoriales ;
maître d'ouvrage recevant délégation des
collectivités territoriales ou de toute autre personne de droit public
ou privé ; maître d'oeuvre ou encore prestataire de services.
En dehors de l'île, y compris à l'étranger, il peut se voir
confier des études ou des travaux dans les domaines où il aura
acquis une expérience particulière
162(
*
)
.
• Les modalités de gestion des offices
Les
organisations professionnelles
agricoles sont
associées
à l'organisation et
à la gestion des deux offices
.
Deux tiers au moins des sièges
de leur conseil d'administration
sont attribués aux représentants des exploitants et des
salariés agricoles
163(
*
)
; ils sont répartis
proportionnellement aux voix obtenues par les organisations lors des
élections aux chambres d'agriculture.
Le
conseil d'administration
délibère notamment dans les
matières suivantes : les programmes généraux ;
l'état annuel des prévisions des recettes et des dépenses
et, le cas échéant, les états rectificatifs en cours
d'année ; les comptes de chaque exercice et l'affectation des
résultats ; les emprunts, les acquisitions, échanges et
aliénations de biens immobiliers ; les prises, extensions et
cessions de participations financières ; les conditions
générales de tarification de vente des produits de l'exploitation
et des prestations de services ; les conditions générales de
passation, de financement et de contrôle des marchés.
Mais c'est la
commission technique permanente
qui a
compétence
pour individualiser les aides
. Cette commission est composée de huit
membres : le président de l'ODARC, deux conseillers territoriaux et
cinq socioprofessionnels.
Le
représentant de l'Etat
dans la collectivité de Corse
remplit les fonctions de commissaire du Gouvernement. Il peut demander un
nouvel examen des délibérations et décisions -cette
demande, qui doit être motivée, revêt un caractère
suspensif- et saisir le tribunal administratif s'il estime qu'elle est
contraire à la légalité. Aucune délibération
du conseil d'administration ou décision prise par
délégation de celui-ci ne peut engager financièrement
l'Etat sans son accord
164(
*
)
. Un
contrôleur d'Etat est nommé par arrêté du ministre
des Finances.
De même, la collectivité territoriale de Corse dispose d'un
certain nombre d'instruments de contrôle sur les deux offices. Aucune
délibération du conseil d'administration ou décision prise
par délégation de celui-ci ne peut engager les finances de la
collectivité au-delà des crédits que celle-ci a
délégués à l'office qu'avec l'accord
préalable du conseil exécutif et de l'Assemblée de Corse.
En principe, le
président du conseil exécutif
détient des prérogatives non négligeables. Il dispose
d'un pouvoir d'information, de conseil et de suggestion sur le fonctionnement
économique et financier de l'ODARC. Il se fait communiquer tout document
nécessaire à l'exercice de ses missions. Il transmet ses avis et
suggestions au président de l'office. Il informe l'Assemblée de
Corse du fonctionnement économique et financier de l'office. Il
reçoit copie des délibérations de son conseil
d'administration. Il peut demander un nouvel examen d'une
délibération. Cette demande doit être motivée. Avant
la fin du premier semestre de chaque année, il présente à
l'Assemblée de Corse le rapport d'activités de l'office et les
comptes de l'exercice écoulé.
• La mise en oeuvre de la politique forestière
Les pouvoirs publics ont très tôt affirmé la
nécessité de planifier et d'encadrer la gestion et la mise en
valeur des forêts, publiques et privées, afin d'assurer le respect
des impératifs économiques de production, écologiques de
protection et sociaux d'accueil du public.
M. Jacques Liagre a ainsi relevé que, déjà
« sous la monarchie féodale on trouvait des mesures
destinées à empêcher une exploitation anarchique et abusive
des forêts, aussi sommaires et incertaines
étaient-elles
165(
*
)
. »
Le code forestier de
1827 institua, au travers du régime forestier
166(
*
)
, l'obligation de doter les
forêts de l'Etat et des collectivités territoriales d'un
« aménagement », qui est devenu au fil des
années un outil complet de gestion forestière. Les forêts
privées ont, elles aussi, été soumises à un
régime obligatoire de gestion avec l'institution, en 1963, des
« plans simples de gestion. »
L'article L. 1 du code forestier, introduit par la loi
n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation pour la forêt
dispose ainsi que
« La mise en valeur et la protection des
forêts sont reconnues d'intérêt général. La
politique forestière prend en compte les fonctions économique,
environnementale et sociale des forêts et participe à
l'aménagement du territoire, en vue d'un développement durable.
Elle a pour objet d'assurer la gestion durable des forêts et de leurs
ressources naturelles, de développer la qualification des emplois en vue
de leur pérennisation, de renforcer la compétitivité de la
filière de production forestière, de récolte et de
valorisation du bois et des autres produits forestiers et de satisfaire les
demandes sociales relatives à la forêt. »
La politique forestière qui relève de la compétence de
l'Etat
167(
*
)
, est
définie au niveau national avant d'être affinée au niveau
régional.
La
politique forestière nationale
tend à la mise en valeur
économique, écologique et sociale de la forêt. L'Etat doit
notamment résorber le déficit du commerce extérieur de la
filière et permettre le développement des nouvelles fonctions,
écologiques et sociales, de la forêt. A l'égard des
propriétaires privés, la politique forestière tend
à encourager l'investissement forestier, à favoriser la formation
des sylviculteurs, à inciter toutes formes de regroupement, à
améliorer la qualité des bois et leurs débouchés et
à accroître la rentabilité de la sylviculture.
L'adaptation régionale de la politique forestière donne lieu, sur
le continent comme en Corse, à des
orientations régionales
forestières
168(
*
)
.
Les orientations régionales forestières sont
préparées par les commissions régionales de la forêt
et des produits forestiers, présidées par le préfet, puis
arrêtées par le ministre chargé des forêts
après avis du conseil régional et consultation des conseils
généraux. Elles constituent la norme juridique et technique
officielle de référence.
Elles sont précisées, pour les forêts privées, par
des orientations régionales de production, remplacées depuis la
loi du 9 juillet 2001
par des schémas régionaux de gestion
sylvicole.
Le projet de schéma est
élaboré par le
centre régional de la propriété forestière,
puis adressé au ministre de l'agriculture et de la pêche. Le
ministre l'approuve après avoir recueilli l'avis du Centre national
professionnel de la propriété forestière ; il
l'arrête lui-même si le centre régional de la
propriété forestière refuse les modifications
demandées.
Votre rapporteur rappelle que les centres régionaux de la
propriété forestière
169(
*
)
, au nombre de dix-sept, ont une
implantation et un ressort fixés par voie réglementaire. Ce sont
des établissements publics nationaux à caractère
administratif, chargés de développer et d'orienter la production
des bois des particuliers.
Chaque centre est dirigé par un conseil d'administration élu pour
deux tiers parmi les propriétaires forestiers d'au moins quatre hectares
groupés dans des collèges électoraux
départementaux. Le tiers restant des administrateurs est élu par
les organisations professionnelles les plus représentatives de la
forêt privée, groupées en collège régional.
La compétence des centres régionaux de la propriété
forestière concerne l'élaboration et la révision des
schémas régionaux de gestion sylvicole des forêts
privés et des codes des bonnes pratiques sylvicoles, l'agrément
des plans simples de gestion, le développement des groupements
forestiers et la vulgarisation de la sylviculture intensive. Dotés de
personnels techniques, ils ont peu à peu affirmé leur rôle,
notamment à l'égard des plans simples de gestion qu'ils doivent
agréer.
Les orientations régionales forestières sont
précisées par des
directives régionales
d'aménagement
pour les forêts domaniales
et par des
schémas régionaux d'aménagement
pour les forêts
des collectivités publiques. Ces documents sont élaborés
par l'Office national des forêts et arrêtés par le ministre
en charge des forêts.
L'
Office national des forêts
est un établissement public
national à caractère industriel et commercial, doté de la
personnalité civile et de l'autonomie financière, placé
sous la tutelle de l'Etat. Il gère et équipe les forêts et
terrains à boiser de l'Etat mais aussi les forêts des
collectivités territoriales et personnes morales relevant du
régime forestier. La compétence de l'ONF est donc d'abord
liée à la mise en oeuvre du régime forestier,
régime juridique spécifique, dans les forêts soumises.
L'ONF intervient également, par convention, comme
prestataire de
services
pour réaliser des travaux de protection,
d'aménagement et de développement des ressources, pour le compte
de propriétaires forestiers publics et privés. Ses missions
concernent, essentiellement, la conservation des espèces et
l'aménagement des espaces forestiers.
Les directives et schémas, qui s'inscrivent dans le cadre défini
par les orientations régionales forestières, sont opposables aux
documents de gestion
qui constituent le dernier échelon,
individuel, applicable à chaque forêt. Enumérés par
l'article L. 4 du code forestier, ces documents de gestion
sont : les documents d'aménagement pour les forêts relevant
du régime forestier, les plans simples de gestion applicables à
certaines forêts privées, les règlements types de gestion
et les codes des bonnes pratiques sylvicoles.
Si la politique forestière a donc fait l'objet d'une
déconcentration certaine, elle a largement échappé
à la décentralisation.
2. Le texte soumis au Sénat
• Le projet de loi initial
Le présent article a pour principal objet de
compléter la
compétence
dévolue à la collectivité
territoriale de Corse en matière agricole et rurale
par un volet
forestier
et de l'inscrire dans le cadre du plan d'aménagement et de
développement durable.
Son
paragraphe I
insère un article, numéroté
L. 4424-33, dans la sous-section 3 «
Agriculture et
forêts
», elle-même insérée dans la
section 3 du chapitre IV du titre II du livre IV de la
quatrième partie du code général des collectivités
territoriales par le paragraphe I de l'article 17 du projet de loi.
Ses
paragraphes II et III
modifient la rédaction de cet
article L. 4424-33, qui correspond en fait, dans le droit actuel,
à l'article L. 4424-22, dont la numérotation a
été modifiée par le paragraphe VIII de
l'article 14 du projet de loi.
La collectivité territoriale de Corse déterminerait
désormais, dans le cadre du plan d'aménagement et de
développement durable, les grandes orientations du développement
agricole et rural, mais aussi forestier, de l'île.
Toutefois, à l'image de ce qui est proposé, par exemple, pour les
actions de promotion des activités physiques et sportives
(article 11), les conditions de mise en oeuvre de la politique
forestière devraient faire l'objet d'une
convention
entre l'Etat
et la collectivité territoriale.
Le
paragraphe IV
tend à redéfinir le rôle de
l'Office du développement agricole et rural de Corse.
Il convient de rappeler, préalablement, que les articles 40 et 41
du projet de loi autorisent la collectivité territoriale, par
délibération de l'Assemblée de Corse, à mettre fin
à l'existence des offices et à exercer directement leurs
attributions.
Sous cette réserve, le présent article propose, dès
à présent, de
restreindre les compétences de
l'ODARC
. Celui-ci conserverait les attributions normalement dévolues
au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations
agricoles, c'est-à-dire, notamment, l'application des dispositions
législatives et réglementaires d'aide à
l'aménagement des structures agricoles.
En revanche, il n'exercerait plus les compétences dévolues
à la commission départementale d'orientation de l'agriculture qui
consistent, pour l'essentiel, en un
rôle consultatif
sur les
actions menées en matière agricole. Celles-ci seraient
désormais assumées par une
commission territoriale
d'orientation de l'agriculture
(
paragraphe V
du présent
article), comprenant des représentants de l'Etat, des
collectivités territoriales et des professionnels, mais dont la
composition serait fixée par décret. Le présent article
dispose toutefois qu'elle serait présidée, conjointement, par le
préfet et le président du conseil exécutif ou leurs
représentants.
• Les travaux de l'Assemblée nationale
A l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du
Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements, le
premier d'ordre rédactionnel, le second assurant une
représentation majoritaire des élus de l'Assemblée de
Corse au sein des conseils d'administration des offices
de
développement agricole et rural et d'équipement hydraulique.
A l'initiative de MM. José Rossi, Paul Patriarche et Jean-Yves Caullet,
elle a également prévu, contre l'avis du Gouvernement et sans que
celui de sa commission des Lois soit clair, la signature d'une convention entre
la collectivité territoriale de Corse et l'Etat pour fixer les
conditions de mise en oeuvre de ses orientations dans le domaine agricole.
3. La position de votre commission spéciale
A l'instar de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur
l'utilisation des fonds publics et la gestion des services publics en
Corse
170(
*
)
, votre commission
spéciale relève à la fois l'étendue des
compétences déjà dévolues à la
collectivité territoriale de Corse dans le domaine agricole et les
difficultés qu'elle éprouve à les exercer.
Conçu comme le «
guichet unique
» du
développement agricole en Corse, l'ODARC joue le rôle d'une
instance distributrice d'aides en provenance de l'Etat, de l'Union
européenne et de la collectivité territoriale. En 1998, la
totalité des subventions allouées au secteur agricole
s'était élevée, selon le rapport de la commission
d'enquête de l'Assemblée nationale, à 250 millions de
francs.
Celle-ci affirme que «
l'établissement public
apparaît, à bien des égards, comme le lieu de mise en
oeuvre de la politique agricole. L'Etat n'a, en effet, plus la capacité
d'impulser une politique agricole en Corse car, dans ce secteur important pour
l'économie insulaire, la décentralisation a été
poussée très loin.
»
Cependant,
« investi par les professionnels qui font bloc pour
réclamer des aides toujours plus abondantes, l'office s'est
révélé incapable de mettre en place une politique de
développement agricole et rural dans l'île. »
Sont
ainsi dénoncés moult gaspillages, un
« vide
sidéral des dossiers »
, que ne parviennent à
empêcher le contrôle théorique du préfet de Corse, le
contrôle très relatif de la collectivité territoriale ou
encore l'impuissance des directions régionales et départementales
de l'agriculture et de la forêt.
Sans confier de nouvelles compétences à la collectivité
territoriale de Corse en matière agricole, le présent article
vise donc à lui redonner les moyens de mettre en oeuvre ses orientations
en renforçant son
contrôle sur les deux offices
. C'est
également dans cet esprit, semble-t-il, qu'a été
adopté l'amendement de MM. Patriarche, Rossi et Caullet
prévoyant la signature d'une convention entre l'Etat et la
collectivité territoriale.
Ainsi qu'il l'a été exposé, votre commission
spéciale vous propose de supprimer dès à présent
toute mention des offices et des agences dans la loi, tout en donnant à
la collectivité territoriale de Corse les moyens de recréer, si
elle le souhaite, des établissements publics sur lesquels elle
exercerait un réel pouvoir de tutelle.
Elle vous propose également de clarifier, tant que faire se peut, la
répartition des compétences entre l'Etat et la
collectivité territoriale de Corse et de prévoir une coordination
de leurs actions au moyen d'une convention.
Outre un
amendement
tendant à réparer une omission
,
votre commission spéciale vous soumet donc un
amendement
visant :
- d'une part, à
préciser
, comme à l'article 9
du présent projet de loi,
que la collectivité territoriale de
Corse détermine
et met en oeuvre
ses orientations
en
matière de développement agricole, rural et forestier et qu'elle
passe une
convention avec l'Etat
pour coordonner leurs actions ;
- d'autre part, à supprimer l'ensemble des dispositions
législatives relatives à l'office du développement
agricole et rural et à l'office d'équipement hydraulique de
Corse
.
Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 20
ainsi
modifié
.
Article 21
(art. L. 181-1 du code
forestier)
Propriété et gestion des
forêts
Cet
article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale en
première lecture, a pour objet de transférer à la
collectivité territoriale de Corse la propriété des
forêts domaniales et d'organiser les conditions de leur gestion.
1. Le transfert de la propriété des forêts
domaniales et leur soumission au régime forestier
Le
paragraphe I
tend à créer dans le livre I
er
du code forestier un titre VIII intitulé
« Dispositions particulières à la
collectivité territoriale de Corse »
, comprenant un
article L. 181-1 aux termes duquel la propriété des
forêts et terrains à boiser qui font partie du domaine
privé de l'Etat ou sur lesquels l'Etat a des droits de
propriété indivis serait transférée à la
collectivité territoriale de Corse.
Les
biens transférés
, qui couvriraient une superficie de
50.000 hectares
environ, relèveraient du régime
forestier. Ils continueraient d'être gérés par l'Office
national des forêts, dans les conditions prévues par le code
forestier pour les forêts non domaniales, c'est-à-dire sous la
responsabilité et conformément aux directives de la
collectivité territoriale de Corse.
Institué par le code forestier de 1827, le
régime
forestier
constitue un régime de gestion obligatoire pour le
propriétaire, destiné à la conservation de la forêt
et justifié par le caractère d'intérêt
général que représente la préservation de ce
patrimoine.
Aux termes de l'article L. 111-1 du code forestier, les forêts et
terrains à boiser de l'Etat, ou indivis des collectivités
territoriales, établissements publics, sociétés
mutualistes et caisses d'épargne, en relèvent de droit. Les
autres bois et forêts des collectivités locales,
établissements publics, sociétés mutualistes et caisses
d'épargne y sont soumis lorsqu'ils sont susceptibles
d'aménagement, d'exploitation ou de reconstitution.
Lorsque la soumission au régime forestier n'est pas de droit, la
décision de l'appliquer est prise par le préfet, si l'ONF et le
propriétaire en sont d'accord. En cas de désaccord, la
décision de soumission est prise par arrêté du ministre en
charge de la forêt.
L'ONF assure la délimitation et le bornage de la propriété
forestière soumise. C'est l'Etat qui, sur sa proposition, décide
des atteintes éventuelles à l'assise foncière des
forêts : défrichement, aliénation, concession, etc.
Les coupes de bois sont programmées dans des
« aménagements » élaborés par
l'établissement public, agréés par la collectivité
propriétaire et approuvés par le préfet de région.
Dans ces forêts, l'ONF assure la surveillance, le constat des
infractions, la marque des coupes, la vente des bois et le contrôle des
exploitations. Cette prestation de services est prise en charge, en partie par
les collectivités propriétaires (frais de garderie
représentant à peu près 20 %), en partie par une
subvention de l'Etat.
L'Office national des forêts gère ainsi
:
1,7 million d'hectares de forêts domaniales ;
2,6 millions d'hectares de forêts (soit 17 % de la forêt
française) appartenant à 11 000 communes (dont 81 000
hectares appartenant, d'ores et déjà, aux collectivités
locales de Corse) ; 8,4 millions d'hectares de forêts dans les
départements d'outre-mer (dont huit millions en Guyane) ; certains
terrains reboisés par l'Etat pour le compte de leurs
propriétaires, tant que ces derniers restent débiteurs de
l'Etat ; des bois, forêts et terrains à boiser appartenant
à des groupements fonciers.
Votre commission spéciale précise donc que le transfert de la
propriété des forêts domaniales à la
collectivité territoriale de Corse, s'il revêt un caractère
symbolique certain, ne signifiera pas une liberté totale de gestion. En
revanche, il risque d'induire un coût financier non négligeable.
2. La compensation financière du transfert
Le
paragraphe II
du présent article précise que les
modalités de ce transfert feront l'objet d'une
convention
entre
l'Etat, la collectivité territoriale de Corse et l'Office national des
forêts, ayant notamment pour objet de déterminer la
compensation financière
résultant du transfert des
revenus, charges et obligations y afférents.
Cette compensation serait calculée sur la
moyenne
actualisée
des crédits nécessaires pour assurer
l'équilibre des comptes de l'Office national des forêts en Corse,
relatifs à la gestion des biens transférés au cours
des
dix dernières années
, déduction faite des
dépenses restant à la charge de l'Etat et de
l'établissement public.
Votre commission spéciale relève que cette disposition
s'écarte des règles habituelles en matière de compensation
des transferts de biens et de compétences à un double
titre : d'une part, elle retient un mode de calcul original
différent du principe d'une évaluation des charges à
compenser à la date du transfert, d'autre part, il n'est pas certain que
la rédaction proposée garantisse une consultation de la
commission d'évaluation des charges transférées
instituée à l'article L. 4425-2 du code
général des collectivités territoriales pour la Corse.
Selon les renseignements communiqués à votre rapporteur, la
compensation financière du déficit que pourrait laisser à
la charge de la collectivité territoriale de Corse la gestion des
forêts domaniales serait estimée à
4,6 millions de
francs
.
L'appréciation du déficit
semble toutefois
présenter des
difficultés
particulières. La gestion
de l'Office national des forêts revêt ainsi des modalités
différentes selon qu'il s'agit de forêts appartenant à
l'Etat (régime forestier intégral) ou à des
collectivités territoriales (régime forestier moins
contraignant), ce qui affectera à la fois les recettes et les
dépenses. D'autre part, certaines dépenses, en particulier la
rémunération des personnels ayant le statut de fonctionnaires,
resteront à la charge de l'Etat.
Faute de pouvoir se fonder sur la comptabilité de l'Office national des
forêts relative à la gestion des forêts domaniales corses
pour apprécier le déficit de gestion après le transfert de
propriété, la solution proposée renvoie à une
convention
.
Selon les simulations réalisées par le ministère de
l'agriculture et de la pêche,
« le transfert devrait
s'effectuer à coût quasi nul pour la collectivité
territoriale de Corse dans les conditions de facturation des honoraires
d'ingénierie publique en vigueur en 1999 (...). En revanche, dès
lors que ces honoraires seraient facturés au coût complet à
la collectivité territoriale de Corse, la dépense serait
d'environ 3,3 millions de francs par an. Compte tenu des incertitudes de la
comptabilité analytique de l'ONF (qui ne remonte pas au-delà de
six ans), l'enveloppe demandée est fondée sur un coût de
4,6 millions de francs. »
Votre commission spéciale se réjouit que le ministère de
l'agriculture et de la pêche, nonobstant la simplicité de ses
calculs, ait décidé
« d'affiner ces
données »
, en déléguant un montant de
250.000 francs à la direction régionale de l'agriculture et de la
forêt pour la réalisation d'un audit sur l'état des
forêts domaniales et leur gestion, conformément au souhait
émis par l'Assemblé de Corse.
Elle vous soumet toutefois un
amendement
tendant à renvoyer, sans
les modifier, les modalités de calcul de la compensation
financière à l'article L. 4425-2 du code
général des collectivités territoriales, qui est
modifié par l'article 34 du présent projet de loi.
Ainsi, toutes les dispositions relatives à la compensation des
transferts de charge figureront-elles au sein d'un même article qui
prévoit un avis de la commission d'évaluation des charges, ce qui
constituera une garantie supplémentaire pour la collectivité
territoriale de Corse.
Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 21
ainsi
modifié
.
Sous-section 4
De l'emploi et de la formation professionnelle
Article 22
(art. L. 4424-34 du code général des
collectivités territoriales,
art. L. 910-1 du code du
travail)
Formation professionnelle et
apprentissage
Cet
article tend à modifier l'article L. 4424-32 du code
général des collectivités territoriales et
l'article L. 910-1 du code du travail, afin d'accroître les
compétences de la collectivité territoriale de Corse en
matière de formation professionnelle et d'apprentissage.
A cette fin, il modifie la place et l'intitulé de l'actuelle
sous-section 6 (Formation professionnelle) de la section VI (Attributions de la
collectivité territoriale de Corse en matière de
développement économique) du chapitre IV (Attributions) du code
général des collectivités territoriales, de telle sorte
qu'elle devienne la sous-section 4 (Formation professionnelle et apprentissage)
de la section 3 (Du développement économique). Les dispositions
de l'actuel article L. 4424-32 du code général des
collectivités territoriales seraient modifiées et
insérées dans un article L. 4424-34.
1. Les compétences actuelles des régions et de la
collectivité territoriale de Corse en matière de formation
professionnelle et d'apprentissage
• Les attributions des régions
L'article 82-1 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 a confié
à la région une compétence de droit commun et mis à
sa disposition un fonds régional pour la mise en oeuvre des actions
d'apprentissage et de formation professionnelle continue.
En matière d'
apprentissage
, les régions peuvent
créer par convention et financer, grâce au produit de la taxe
d'apprentissage mais surtout au moyen de subventions, des
centres de
formation d'apprentis
(CFA), qui sont gérés par des
associations.
Elles jouent un rôle de programmation, en élaborant des
schémas prévisionnels de l'apprentissage
. Ces
schémas doivent s'intégrer dans le document plus global que
constitue le plan régional de développement de la formation
professionnelle des jeunes. Ils sont précisés par des
cartes
de l'apprentissage
préparées par les régions, qui
définissent le nombre de centres d'apprentis, leur aire
géographique, leur capacité d'accueil et la nature des
différentes sections qu'ils comportent.
L'Etat conserve un rôle décisif, d'une part en exerçant un
contrôle pédagogique sur le contenu des enseignements et la
qualification des personnels des centres de formation d'apprentis, d'autre part
en conservant la maîtrise des primes et des exonérations de
charges sociales aux entreprises qui forment des apprentis.
L'opacité des modalités de distribution des fonds perçus
auprès des entreprises par les organismes collecteurs au titre de la
taxe d'apprentissage fait l'objet de critiques récurrentes. La loi
n° 96-376 du 6 mai 1996 portant réforme du financement de
l'apprentissage a ainsi recentré l'affectation du produit de cette taxe
sur le financement des centres de formation d'apprentis, entre lesquels la
péréquation a été renforcée.
Aux termes de la loi du 7 janvier 1983, la région est compétente
pour arrêter chaque année un
programme régional
d'apprentissage et de formation professionnelle continue
. Ce programme
donne lieu à consultation du comité régional de la
formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi
171(
*
)
, ainsi que des comités
départementaux correspondants.
Ces programmes doivent permettre à la région de se
déterminer sur les orientations générales qu'elle entend
mettre en oeuvre pour les catégories de formation à aider, les
organismes habilités à les délivrer ou les
priorités à établir concernant les publics
bénéficiaires. Ils doivent permettre de recenser les actions
cofinancées avec l'Etat dans le cadre des contrats de plan ou des
contrats d'objectifs
. Ces derniers sont conclus par l'Etat, une
région et des organismes socioprofessionnels pour fixer des objectifs
concernant le
« développement coordonné des
différentes voies de formation professionnelle. »
Les programmes régionaux sont mis en oeuvre par voie de
conventions
passées avec les établissements publics
d'enseignement, les organismes paritaires de formation ou d'autres organismes
habilités.
Comme le relevait la mission commune d'information du Sénat sur la
décentralisation :
« L'exercice de la
compétence régionale repose ainsi sur l'affirmation d'une
fonction de coordination et de régulation au sein de l'espace
régional. Les programmes régionaux d'apprentissage et de
formation professionnelle continue ont été conçus
davantage comme des schémas directeurs que comme des engagements
programmatiques et les contrats d'objectifs comme des protocoles d'intention
plutôt que des conventions normatives
172(
*
)
. »
Le souhait des conseils régionaux de devenir des acteurs pivot du
système de formation professionnelle se heurte au
manque
d'organisation des branches professionnelles
au niveau régional et
au
poids des services de l'Etat
, en particulier de l'Education nationale.
Enfin, la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993
relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle
a renforcé les attributions des régions dans le domaine de la
formation professionnelle des jeunes
.
Elles ont ainsi reçu compétence pour
organiser les actions
qualifiantes
-dès 1994-
et préqualifiantes
-entre 1994
et 1999- pour les jeunes et préparer chaque année un
plan
régional de développement de la formation professionnelle des
jeunes
.
Les plans, qui ont vocation à couvrir l'ensemble des filières de
formation (formation initiale, apprentissage, contrats d'insertion en
alternance, actions de formation professionnelle pour les jeunes demandeurs
d'emploi), sont élaborés par le conseil régional
« en concertation » avec l'Etat, après consultation
obligatoire de diverses instances : organismes consulaires, conseils
généraux, conseil académique de l'Education nationale,
comité régional de l'enseignement agricole, conseil
économique et social régional, organisations d'employeurs et de
salariés. Le schéma prévisionnel de l'apprentissage doit y
être intégré. Le plan est mis en oeuvre par des conventions
d'application.
Comme en matière de formation continue, le rôle de la
région est moins de diriger que de coordonner.
• Le rôle de l'Etat
L'Etat conserve une place centrale dans le dispositif de formation
professionnelle. Si elle est de droit commun, la compétence des
régions n'en est en effet pas pour autant exclusive.
Aux termes de la loi du 7 janvier 1983, la compétence
« résiduelle » de l'Etat porte tout d'abord sur les
politiques de formation en faveur de certaines catégories de la
population (détenus, réfugiés, jeunes placés en
éducation surveillée, handicapés) correspondant à
l'expression d'une solidarité nationale et dont les actions ne
relèvent pas d'une région déterminée.
L'Etat demeure compétent en ce qui concerne
les actions de
portée nationale
de formation professionnelle continue ou
d'apprentissage. Par actions de portée nationale, il faut entendre soit
les actions relatives à des stages assurés par un même
organisme dans plusieurs régions, soit des formations destinées
à des apprentis ou à des stagiaires sans considération
d'origine régionale.
Cette définition permet à l'Etat d'inscrire directement des
crédits de formation aux budgets des différents ministères
qui ne relèveront pas des fonds régionaux de la formation
professionnelle et de l'apprentissage. L'instrument principal de gestion de ces
crédits et l'Association pour la formation professionnelle des adultes
(A.F.P.A.) qui comprend près de 200 sites de formation sur tout le
territoire et qui est dotée d'un budget de près de
4 milliards de francs.
Compte tenu du poids de l'A.F.P.A. mais aussi de l'A.N.P.E., dans le dispositif
de formation, l'Etat conserve un levier d'action non négligeable :
il procède à l'agrément des stages et
rémunère les stagiaires suivant une procédure de gestion
très centralisée.
L'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes
Créée en 1949, l'A.F.P.A. est une association de la loi de 1901
à gestion paritaire (Etat, partenaires sociaux) chargée d'une
mission de service public par délégation du ministre du travail.
Composante du service public de l'emploi, elle intervient aux
côtés de l'A.N.P.E. et des services déconcentrés de
l'Etat, pour permettre à des personnes engagées dans la vie
active d'acquérir une qualification, de la maintenir ou de la
développer, afin de favoriser leur insertion ou leur évolution
dans l'emploi en fonction des besoins du marché du travail. Depuis 1994,
les relations de l'A.F.P.A. avec l'Etat sont régies par un
« contrat de progrès ». Le contrat signé pour
la période 1999-2003 précise que la mission centrale de
l'A.F.P.A. est de permettre à des demandeurs d'emploi adultes
d'acquérir une qualification favorisant leur insertion dans l'emploi.
L'A.F.P.A. est théoriquement gérée par deux organes
délibérants, l'assemblée générale et le
Bureau. Mais, comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport public
annuel de 1997, « le président élu » par
l'assemblée générale a toujours été choisi
au sein du collège des représentants de l'administration ;
le ministère du travail, chargé de la tutelle de l'A.F.P.A.,
désigne en fait le directeur général et le fait ensuite
agréer par « l'assemblée
générale ».
En 1998, le budget de l'A.F.P.A. était de 5,44 milliards de francs,
dont 73 % provenaient d'une subvention de l'Etat. L'A.F.P.A. employait
11.397 salariés, répartis sur 190 sites d'information et
d'orientation professionnelle et 262 sites de formation. L'A.F.P.A. avait
procédé à 161.118 actions de formation et avait
accueilli 155.000 stagiaires environ.
L'Etat conserve également la maîtrise des stages
créés en application de programmes établis en fonction des
orientations prioritaires
qu'il définit conformément
à la procédure prévue à l'article L. 910-2 du
code du travail. Celles-ci sont déterminées par le comité
interministériel de la formation professionnelle et de la promotion
sociale, après consultation des organisations professionnelles et
syndicales. Le Plan national d'action pour l'emploi (PNAE), adopté en
1998, illustre cette notion de programme prioritaire.
La dernière compétence maintenue par la loi à l'Etat porte
sur les
« études et actions expérimentales
nécessaires à la préparation de (ses) actions ainsi que
les moyens pour assurer l'information sur les politiques
engagées. »
Mais, surtout, l'Etat conserve, par delà les textes, plusieurs
attributions essentielles qui lui donnent un pouvoir de fait
considérable. C'est lui qui définit le cadre juridique des
interventions de la formation professionnelle : les
modalités de
conventionnement
des organismes de formation ou le
statut des
stagiaires
relèvent de son pouvoir normatif.
Il reste maître du contenu pédagogique des formations
dispensées : il détermine les programmes de formation
et gère l'homologation des filières et des diplômes.
De surcroît, l'Etat conserve un rôle prépondérant
dans la définition des
relations avec les partenaires
sociaux
: les confédérations d'employeurs et les
syndicats qui disposent d'une représentation nationale se tournent
naturellement vers lui pour la définition des orientations prioritaires.
En matière de
contrôle
, l'Etat détient une vraie
compétence exclusive, qu'il s'agisse du respect par les employeurs de
l'obligation de financement de la formation continue et de la taxe
d'apprentissage, des dépenses des organismes collecteurs de fond ou du
contrôle pédagogique des organismes de formation.
Enfin, il conserve la
maîtrise des quatre cinquième des
crédits
publics relatifs à la formation professionnelle.
• Les attributions de la collectivité territoriale de Corse
En matière de formation professionnelle, outre les compétences
dévolues aux régions par la loi du 7 janvier 1983, la
collectivité territoriale de Corse est chargée de mettre en
oeuvre, dans le cadre d'une
convention
passée avec l'Etat, les
stages créés en application des
programmes prioritaires
prévus à l'article L. 910-2 du code du travail et
financés sur les crédits du Fonds de la formation professionnelle
et de la promotion sociale.
Les
opérations d'équipement
d'intérêt
national conduites par
l'Association nationale pour la formation
professionnelle des adultes
font l'objet d'une concertation entre le
représentant de l'Etat et la collectivité territoriale. Le
programme des autres opérations d'équipement de l'association est
déterminé par cette dernière, c'est-à-dire
préparé par le président du conseil exécutif,
après consultation de l'Association, et adopté par
l'Assemblée de Corse.
Les transferts de compétence n'en demeurent pas moins limités
dès lors qu'en sont exclus les dispositifs qui relèvent du Fonds
national pour l'emploi et compte tenu des compétences déjà
cogérées par la collectivité territoriale de Corse et
l'Etat dans le cadre du contrat de plan.
2. Le texte soumis au Sénat
Aux termes du présent article, la collectivité territoriale de
Corse serait désormais compétente pour élaborer, en
concertation avec l'Etat et après consultation des départements
et du conseil économique social et culturel
173(
*
)
, un
« plan
régional de la formation professionnelle des jeunes et des
adultes »
,
document unique qui concernerait tous les publics
et non plus les seuls jeunes.
Au titre de sa mise en oeuvre, dont elle aurait désormais la charge,
elle pourrait arrêter le
programme des formations
et
de
l'ensemble des opérations d'équipement de l'Association nationale
pour la formation professionnelle des adultes
en Corse. La distinction
entre les opérations d'équipement d'intérêt national
et celle d'intérêt local serait ainsi supprimée.
En revanche, ne figure plus dans le projet de loi la disposition selon laquelle
la collectivité territoriale de Corse met en oeuvre des stages
créés en exécution de programmes établis au titre
des orientations prioritaires de l'article L. 910-2 du code du travail et
financés sur les crédits du fonds de la formation professionnelle
et de la promotion sociale.
Par coordination avec cet élargissement des prérogatives de la
collectivité territoriale, le présent article tend à
étendre la procédure de consultation du comité
régional de la formation, de la promotion sociale et de l'emploi,
prévu par l'article L. 910-1 du code du travail, aux programmes
d'investissement définis par la collectivité territoriale de
Corse.
Pour la mise en oeuvre de son plan de formation, celle-ci devrait
désormais signer une convention avec les organismes publics
agréés en matière de formation professionnelle, et donc
l'Association nationale pour la formation professionnelle des
adultes
174(
*
)
.
A l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du
Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement
d'ordre rédactionnel. Sur proposition de M. Jean-Yves Caullet et
après un avis favorable de la commission des Lois et un avis de sagesse
du Gouvernement, elle a indiqué explicitement que la collectivité
territoriale de Corse pourrait signer une convention avec l'ensemble des
organismes publics agréés et non avec la seule Association
nationale pour la formation professionnelle des adultes.
3. La position de votre commission spéciale
Comme pour les aides aux entreprises (article 17), votre commission
spéciale tient à rappeler les propositions formulées par
la mission commune d'information du Sénat sur la
décentralisation. Elle constate avec étonnement que les
dispositions contenues dans le projet de loi relatif à la
démocratie de proximité sont sensiblement différentes de
celles proposées par le présent article.
• Les propositions de la mission commune d'information du Sénat
sur la décentralisation
A l'instar de la mission commune d'information du Sénat sur la
décentralisation, votre commission spéciale considère que
l'Etat ne devrait conserver de compétences, en dernier ressort, que sur
les seules actions de formation professionnelle qui relèvent de la
solidarité nationale
et qui ne peuvent à ce titre
être rattachées à aucune région
déterminée : il s'agit des actions en faveur des
détenus, des étrangers ayant le statut de réfugiés,
des jeunes relevant des institutions d'éducation surveillée et
des personnes handicapées, dont le financement doit impliquer l'ensemble
de la collectivité nationale.
La mission d'information du Sénat a proposé que deux domaines
fassent l'objet d'une décentralisation plus achevée :
- le premier porte sur les
actions de formation continue
qui ne
relèvent pas aujourd'hui du Fonds régional de la formation
professionnelle et de l'apprentissage. Il s'agit notamment des actions de
formation de droit commun pour la formation professionnelles des adultes ;
- le second concerne les
programmes prioritaires
en faveur
notamment des chômeurs de longue durée, relevant des orientations
prioritaires définies annuellement par le comité
interministériel de la formation professionnelle et de la promotion
sociale, dont la mise en oeuvre est assurée par la collectivité
territoriale pour ce qui concerne la Corse.
Elle a appelé de ses voeux une
réorganisation territoriale de
l'A.F.P.A
. en agences régionales placées sous la
responsabilité des régions afin de permettre à ces
dernières de détenir une capacité d'impulsion accrue en ce
qui concerne l'homologation des enseignements et l'adaptation de leurs contenus
aux réalités locales.
Le présent article répond, au moins en partie, aux souhaits
formulés par le Sénat d'un plus grand contrôle des
régions sur l'AFPA. En revanche, il diffère des dispositions
adoptées par l'Assemblée nationale dans le projet de loi relatif
à la démocratie de proximité.
• Les dispositions du projet de loi relatif à la
démocratie de proximité
Le projet de loi relatif à la démocratie de proximité,
adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 25
juin 2001, comporte deux articles relatifs à la formation
professionnelle et à l'apprentissage.
L'article 43 E
prévoit la
prise en charge par la
région de l'indemnité compensatrice forfaitaire
versée
aux employeurs au titre des
contrats d'apprentissage
.
Votre rapporteur rappelle que les entreprises qui recrutent des apprentis
bénéficient d'exonérations de charges sociales
175(
*
)
et d'une indemnité
compensatrice forfaitaire
176(
*
)
.
Cette dernière, destinée à compenser le temps que consacre
l'entreprise à la formation de son apprenti, en particulier celui du
maître d'apprentissage, se compose :
- d'une aide à l'embauche, d'un montant de 6.000 francs, lorsque
l'entreprise n'emploie pas plus de vingt salariés et forme des apprentis
d'un niveau de formation équivalent au CAP, au BEP ou moins (niveau
V) ;
- d'une indemnité de soutien à l'effort de formation
versée à l'issue de chaque année du cycle de formation -le
montant de base est fixé à 10.000 francs mais il est
augmenté en fonction, notamment, de l'âge et de la durée de
la formation.
En application de
l'article 43 E
, la région serait chargée
de l'attribution de cette indemnité, dans le cadre de sa
compétence de droit commun en matière d'apprentissage. Elle
pourrait en moduler le montant et les éléments dans des
conditions et limites fixées par décret. Les crédits
correspondants seraient transférées selon des modalités
prévues par la loi de finances correspondante.
Votre rapporteur observe que la mise en oeuvre de cette disposition
nécessitera une bonne coordination entre les services de l'Etat et ceux
de la région. En effet, seuls les contrats d'apprentissage
régulièrement enregistrés par les directions
départementales du travail, de l'emploi et de la formation
professionnelle peuvent ouvrir droit à cette indemnité.
Selon les renseignements communiqués à votre rapporteur,
l'indemnité compensatrice forfaitaire, qui représente près
de 5 milliards de francs en 2001, devrait augmenter de plus de 50 %
les crédits figurant dans la dotation globale de décentralisation
de la formation professionnelle.
Les conditions du
transfert des crédits
correspondants aux
régions devront être examinées avec attention en raison du
désengagement récent de l'Etat. Celui-ci a supprimé la
prime à l'embauche pour les entreprises de plus de vingt salariés
dans la loi de finances pour 2001, après en avoir exclu les employeurs
d'apprentis d'un niveau de formation supérieur ou égal au niveau
IV dans la loi de finances pour 1999.
Dans son avis sur les crédits consacrés à la formation
professionnelle en 2001, notre collègue Annick Bocandé relevait
ainsi qu'au total,
« que ce soit par de nouvelles mesures
restrictives ou par des « tours de passe-passe »
budgétaire, l'Etat se désengagera en 2001 à hauteur de 283
millions de francs de l'apprentissage
177(
*
)
. »
Il ne faudrait pas
que ce
désengagement de l'Etat
se traduise par une
diminution
correspondante
de
la
compensation financière
versée aux régions
.
Afin de
ne pas préjuger du débat
qui s'ouvrira au
Sénat
sur le projet de loi relatif à la démocratie de
proximité
, votre commission spéciale ne vous propose pas
d'étendre immédiatement à la collectivité
territoriale de Corse le bénéfice de cette disposition. En effet,
le droit commun des régions s'applique à cette
collectivité en l'absence de dispositions contraires.
L'article 43 F
tend à étendre à l'ensemble
des régions la possibilité reconnue dans le présent projet
de loi d'élaborer un
plan régional des formations
professionnelles des jeunes et des adultes
.
A cette fin, il réécrit les articles L. 214-13 et
L. 214-14 du code de l'éducation, mais non l'article
L. 214-12, afin de préciser son contenu
178(
*
)
, notamment celui du volet
« adultes ». Ce faisant, il transfère dans le
premier des dispositions du second et modifie sensiblement les modalités
d'association de l'ensemble des « acteurs » de la formation
professionnelle à la mise en oeuvre de cette politique au niveau
régional.
Le plan régional des formations professionnelles des jeunes et des
adultes serait désormais élaboré par le conseil
régional en
concertation,
non seulement avec l'Etat, mais
également avec les organisations syndicales d'employeurs et de
salariés représentatives à l'échelon
national
.
Actuellement, le plan régional de développement des formations
professionnelles des jeunes n'est élaboré qu'en concertation avec
l'Etat mais après
consultation
des organisations syndicales
d'employeurs et de salariés au niveau
régional.
D'autre par le projet de loi ne prévoit plus de
consultations
lors de l'élaboration du plan mais seulement avant son approbation par
le conseil régional.
Les conseils départementaux (c'est-à-dire les conseils
généraux ainsi renommés par le projet de loi), le conseil
académique de l'éducation, le comité régional de
l'enseignement agricole, qui étaient consultés lors de
l'élaboration, ne le seraient désormais qu'avant l'approbation,
à l'instar du comité régional de la formation
professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, qui donne actuellement
son avis sur le programme régional d'apprentissage et de formation
professionnelle continue -cet avis serait maintenu.
En revanche, ne seraient plus du tout consultés ni les organisations
syndicales d'employeurs et de salariés au niveau
régional,
ni
les chambres consulaires, ni le conseil économique et
social.
Cette disposition a pour avantage d'alléger la procédure et pour
inconvénient d'affaiblir la portée des consultations : en
l'état actuel du droit les personnes consultées peuvent indiquer
si leurs propositions ont ou n'ont pas été prises en compte lors
de l'élaboration du plan.
Le plan régional des formations professionnelles des jeunes et des
adultes devrait prendre en compte, comme c'est actuellement le cas, les
priorités définies par les contrats d'objectifs conclus avec
l'Etat et les organisation représentatives des milieux
socioprofessionnels, auxquels peuvent être associées les chambres
consulaires, ainsi que les dispositions relatives à la formation
professionnelle qui figurent au schéma prévisionnel des
établissements de l'éducation nationale.
Le volet « jeunes » du plan resterait inchangé. Son
volet « adultes » couvrirait l'ensemble des actions de
formation professionnelle visant à favoriser l'accès, le maintien
et le retour à l'emploi des actifs, notamment : les actions
organisées par le conseil régional ; les formations
destinées aux demandeurs d'emploi dans le cadre de conventions conclues
avec les organisations représentatives des milieux
socioprofessionnels ; les actions relevant des programmes prioritaires de
l'Etat pour la prévention et la lutte contre le chômage de longue
durée et les exclusions, en particulier celles organisées par
l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes.
On retrouve ici, semble-t-il, les dispositions qui n'étaient jusqu'ici
applicables qu'en Corse et qui ne figurent plus dans le présent projet
de loi.
A cette fin, la région arrêterait, dans le cadre de la convention
tripartite d'adaptation du contrat de progrès prévue à
l'article L. 910-1 du code du travail, un schéma régional
des formations de l'A.F.P.A. Dans le cadre de ses actions prioritaires, elle
définirait également les programmes pour lesquels elle ferait
appel au dispositif national de l'Association nationale pour la formation
professionnelle des adultes.
Comme dans le droit en vigueur, des conventions annuelles d'application
préciseraient pour l'Etat et la région, la programmation et le
financement des actions. Elles seraient signées par le président
du conseil régional, le représentant de l'Etat dans la
région et les « divers acteurs concernés »,
alors qu'actuellement seules sont visées les autorités
académiques.
Enfin, chaque région arrêterait, comme elle le fait aujourd'hui,
un programme annuel régional d'apprentissage et de formation
professionnelle continue, qui serait évalué par le comité
de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation
professionnelle continue.
Au terme de cet examen, votre commission spéciale tient à
souligner le
manque de cohérence entre le droit en vigueur, le projet
de loi relatif à la démocratie de proximité et le projet
de loi relatif à la Corse
.
Ce dernier indique, au présent article, que le plan de
développement de la formation professionnelle (et non des formations
professionnelles) des jeunes et des adultes doit être
élaboré en concertation avec l'Etat (et non avec les organisation
syndicales) et après consultation des départements et du conseil
économique, social et culturel.
Cette consultation interviendra seulement au moment de l'élaboration,
à la différence du projet de loi relatif à la
démocratie de proximité, où elle est prévue avant
l'approbation, et du droit en vigueur où elle est prévue aux deux
stades de la procédure. Les personnes consultées ne seront pas
les mêmes. Enfin, rien n'est dit, mais cela est sans doute implicite, de
la nécessaire prise en compte des contrats d'objectifs.
En revanche, la collectivité territoriale de Corse sera
compétente pour mettre en oeuvre le plan qu'elle aura
élaboré, ce que ne précise pas le projet de loi relatif
à la démocratie de proximité, mais était-ce
nécessaire ?
S'agissant des relations entre la collectivité territoriale de Corse ou
les régions et l'A.F.P.A., les rédactions retenues par les deux
projets de loi en cours d'examen ne coïncident pas davantage.
Aucune réponse n'a été fournie aux questions de votre
rapporteur
pour expliquer toutes ces contradictions. Dans ces conditions et
dans la mesure où le droit commun des régions s'applique à
la collectivité territoriale de Corse en l'absence de dispositions
contraires, votre commission spéciale vous propose d'adopter un
amendement
tendant à :
- conserver la mention selon laquelle la collectivité territoriale
de Corse assure la mise en oeuvre des actions d'apprentissage et de formation
professionnelle continue dans les conditions prévues pour les
régions non plus d'ailleurs par la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983,
mais par le code de l'éducation ;
- supprimer les dispositions relatives au plan régional de
développement de la formation professionnelle des jeunes et des adultes,
moins complètes que celles contenues dans le projet de loi relatif
à la démocratie ;
- maintenir les dispositions relatives aux relations entre la
collectivité territoriale de Corse et l'Association nationale pour la
formation professionnelle des adultes, qui vont dans le sens des
préconisations de la mission commune d'information du Sénat sur
la décentralisation.
- rétablir, dans l'attente d'une éventuelle adoption du
projet de loi relatif à la démocratie de proximité, les
dispositions prévoyant la mise en oeuvre par la collectivité
territoriale de Corse des programmes prioritaires financés par le Fonds
de la formation professionnelle et de la promotion sociale.
Une nouvelle mesure de coordination entre les deux textes sera alors
nécessaire lors de l'examen par le Sénat du projet de loi relatif
à la démocratie de proximité.
Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 22
ainsi
modifié
.