C. AUDITION DE M. PATRICE RACT MADOUX, PRÉSIDENT DE LA CAISSE D'AMORTISSEMENT DE LA DETTE SOCIALE (CADES)

Réunie le mercredi 17 octobre 2001, la commission a tout d'abord procédé à l' audition de M. Patrice Ract Madoux , président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

M. Nicolas About, président, a rappelé les raisons pour lesquelles la commission avait souhaité entendre le président de la CADES, ce qu'elle ne fait pas systématiquement tous les ans : la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a, d'une part, ouvert la voie des exonérations de contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) engendrant une perte de recettes non négligeable pour la CADES et une diminution corrélative de son résultat ; d'autre part, le projet de loi de financement, en majorant de 7,5 milliards de francs le versement annuel de la Caisse à l'Etat pendant la période 2002-2005, aurait pour effet de ramener ce résultat à zéro, voire de provoquer un léger déficit. Rappelant que c'était l'excédent annuel de la CADES qui lui permettait de remplir sa mission de remboursement de la dette sociale, M. Nicolas About, président, a fait part de l'inquiétude de la commission face à cette situation.

A titre liminaire, M. Patrice Ract Madoux a rappelé que la CADES, créée en 1996 par voie d'ordonnance, avait pour mission initiale d'apurer, sur une durée de treize années et un mois, la dette cumulée du régime général de la sécurité sociale, correspondant au financement, d'une part, du déficit des exercices 1994 et 1995 et, d'autre part, du déficit prévisionnel pour 1996. Une ressource affectée, la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), a été parallèlement instituée afin d'assurer, à titre principal, ce financement. En contrepartie de cette reprise de dette, les réformes structurelles destinées à éviter l'apparition de nouveaux déficits devaient être engagées. Or, au 1er janvier 1998, la mission de la CADES a été étendue au refinancement de la nouvelle dette cumulée par la sécurité sociale au titre des exercices 1996 à 1997, et au « préfinancement » du déficit prévisionnel de l'exercice 1998. En conséquence, la durée de vie de la CADES a été prolongée de cinq ans et la fin de perception de la CRDS repoussée de janvier 2009 à janvier 2014. Le montant total de la dette ainsi reprise par la CADES atteint 224 milliards de francs pour les années 1996 à 1998.

M. Patrice Ract Madoux a ajouté que la CADES doit également, « hors bilan », rembourser à l'Etat la dette de la sécurité sociale prise en charge par ce dernier au titre des exercices antérieurs à 1994, soit 110 milliards de francs remboursables à raison de 12,5 milliards par an d'ici 2008. Il a précisé que le montant de ce versement annuel a été diminué à 12,15 milliards de francs en 2001, afin de compenser la perte de recettes résultant, pour la CADES, de l'exonération du paiement de cette contribution désormais accordée aux retraités et aux chômeurs non imposables. A ce sujet, il a souligné que cette compensation, soit 350 millions de francs, ne couvrait que très partiellement les pertes de recettes de CRDS, qui représentent 2,1 milliards de francs au total.

M. Patrice Ract Madoux a ensuite évoqué l'augmentation du montant du versement annuel de la CADES à l'Etat, prévue par l'article 20 du projet de loi de finances pour 2002. A ce sujet, il a indiqué qu'il avait demandé au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, par note en date du 10 août 2001, « de ne pas prendre en compte les propositions d'accélération des versements de la CADES à l'Etat qui pourraient lui être présentées dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2002 », soulignant les conséquences défavorables qu'aurait une telle mesure, notamment sur la capacité de remboursement de la dette sociale par la CADES, l'augmentation de ses coûts de refinancement, la crédibilité de sa signature sur les marchés et la confiance des investisseurs. Suite à ces observations, les incidences financières de l'augmentation du versement annuel à l'Etat ont été neutralisées pour la CADES en ramenant le terme de ces versements de 2008 à 2005. Ainsi, au lieu d'avoir à rembourser à l'Etat 12,15 milliards de francs pendant sept ans (soit 85 milliards), la CADES devra désormais lui verser 19,68 milliards pendant quatre ans (soit 78,7 milliards). Traduit en taux d'intérêt, cet aménagement a pour effet de diminuer de 6,10 % à 5,8 % « l'intérêt » de la dette de la CADES à l'égard de l'Etat. Sa mise en oeuvre entraînera, au cours des quatre prochaines années, une contraction significative de la capacité de remboursement de la Caisse, suivie, après l'expiration définitive de cette dette, par une forte augmentation, à condition, toutefois, que d'autres modifications du dispositif de la CADES n'interviennent pas d'ici là.

Répondant ensuite aux questions de M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie, M. Patrice Ract Madoux a rappelé que la diminution du montant du versement annuel de la CADES à l'Etat, appliquée en 2001, soit un « gain » de 350 millions de francs pour la Caisse, couvrait presque en totalité les pertes de recettes résultant de l'exonération de CRDS accordée aux chômeurs non imposables (soit 375 millions de francs), mais ne compensait pas la perte de recettes résultant de l'exonération des retraités non imposables (soit 1,8 milliard de francs). Il a ajouté que le « manque à gagner » ainsi constaté perdurera jusqu'en 2014. Par ailleurs, M. Patrice Ract Madoux a indiqué que la CADES avait réalisé des simulations afin d'évaluer l'impact, sur sa trésorerie, de l'augmentation du montant du versement annuel à l'Etat prévu par l'article 20 du projet de loi de finances pour 2002. Il a précisé que ces simulations, réalisées sur la base d'une croissance annuelle moyenne du produit de la CRDS de + 3,5 %, permettaient, compte tenu de la « neutralisation financière » de cette mesure sur le long terme, d'être raisonnablement optimiste quant à la situation de la CADES à l'échéance de 2014. Souscrivant totalement aux recommandations de la Cour des comptes sur la nécessaire stabilité des règles régissant la CADES, M. Patrice Ract Madoux a indiqué qu'une grande partie de son temps était consacrée à la défense et à l'illustration de la crédibilité de la Caisse auprès des marchés financiers internationaux. Enfin, évoquant l'éventuelle reprise, par la CADES, de la nouvelle dette du régime général constituée depuis 1998, il a précisé qu'une telle opération serait techniquement réalisable, compte tenu de la notation de la CADES par les agences internationales, mais qu'il serait toutefois préférable que soient d'abord engagées les réformes structurelles de la sécurité sociale permettant d'éviter la résurgence chronique de déficits cumulés.

M. Guy Fischer a exprimé sa satisfaction en ce qui concerne, d'une part, l'exonération de CRDS accordée aux chômeurs et aux retraités non imposables et, d'autre part, la neutralisation financière, sur le long terme, de l'augmentation du montant du versement annuel de la CADES à l'Etat. En outre, il a souhaité connaître l'évolution du produit de la CRDS au cours de ces dernières années.

M. Gilbert Chabroux a rappelé que la création de la CADES avait été rendue nécessaire pour apurer les importants déficits cumulés de la sécurité sociale au cours des années 1995-1997, tout en soulignant l'amélioration notable des comptes de la sécurité sociale intervenue depuis lors. Il s'est également félicité que la CADES puisse dégager, après les difficultés passagères dues à l'augmentation du versement annuel à l'Etat, une forte capacité de remboursement.

M. Claude Domeizel a estimé, d'une part, que la situation de la CADES était aujourd'hui plutôt favorable et que, d'autre part, la non-compensation intégrale des exonérations de CRDS accordées aux retraités et aux chômeurs non imposables n'était pas véritablement préoccupante, dans la mesure où l'amélioration sensible de la conjoncture économique réduisait le nombre de bénéficiaires potentiels. En outre, il s'est interrogé sur l'évolution passée, et prévisionnelle, des recettes de CRDS, sur son taux de recouvrement et sur les produits financiers éventuellement dégagés par la CADES dans la gestion de sa trésorerie.

M. Alain Gournac a souhaité savoir si la note en date du 10 août 2001 au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avait été suivie de contacts ou d'entretiens directs permettant au président de la CADES d'exposer de vive voix ses arguments.

Exprimant sa crainte que de nouvelles modifications soient apportées, à l'avenir, aux règles régissant la CADES, M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité savoir si, suite aux exonérations de CRDS accordées aux retraités et aux chômeurs non imposables, l'assiette de cette contribution était désormais identique à celle de la contribution sociale généralisée (CSG). Il s'est également enquis, d'une part, de la valeur, en termes de recettes, d'un point de CRDS et, d'autre part, des modalités de la notation de la CADES sur les places financières internationales. Enfin, il a attiré l'attention de M. Patrice Ract Madoux sur le fait que les taux d'intérêt actuellement pratiqués sur le marché lui paraissaient bien plus avantageux que le taux d'intérêt de la dette de la CADES à l'égard de l'Etat, évoqué par ce dernier dans son propos liminaire.

En réponse, M. Patrice Ract Madoux a fourni les précisions suivantes :

- le produit de la CRDS a atteint 21,61 milliards de francs en 1996, 25,38 milliards en 1997, 26,46 milliards en 1998, 28,77 milliards en 1999, 29,53 milliards en 2000 et 28,35 milliards en 2001 (cette baisse résultant des exonérations non compensées) ;

- l'assiette de la CRDS est désormais pratiquement identique à celle de la CSG, à l'exception, toutefois, de certaines prestations familiales qui demeurent soumises à la CRDS et non à la CSG ;

- les comptes prévisionnels de la CADES sont bâtis sur la base d'une hypothèse centrale d'une croissance annuelle moyenne de 3,5 % du produit de la CRDS. Dans l'hypothèse où cette croissance s'établirait à + 4,5 % (un point de plus que l'hypothèse retenue), une ressource supplémentaire de 19,68 milliards de francs serait dégagée sur l'ensemble de la vie de la Caisse ; dans l'hypothèse où cette croissance s'établirait à + 2,5 % (un point de moins que l'hypothèse retenue), un « manque à gagner » d'un montant identique (19,68 milliards de francs) serait constaté sur le résultat final de la CADES ;

- s'agissant de la perception du produit de la CRDS, la trésorerie de la CADES est alimentée, d'une part, par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui procède à des versements quotidiens et, d'autre part, par le Trésor, qui effectue 5 versements dans l'année. Les réserves de trésorerie disponibles ne peuvent être placées qu'en titres d'Etat et les produits financiers correspondants s'élèvent à 925 millions de francs ;

- suite à sa note du 10 août 2001, des contacts avec le cabinet du ministre concerné ont permis de définir les modalités de la neutralisation financière, sur le long terme, de l'augmentation du versement annuel de la CADES à l'Etat ;

- les emprunts de la CADES, qui est « adossée » à l'Etat français, bénéficient de la notation « triple A » (meilleure qualité, risque le plus faible) accordée par les trois grandes agences de notation financière ;

- la CADES assure son financement en recourant aux marchés financiers et bénéficie, à ce titre, et compte tenu de sa notation « triple A », des taux d'intérêt les plus avantageux pouvant être offerts par ces derniers. La mention, en propos liminaire, d'un « taux d'intérêt » de la dette de la CADES à l'égard de l'Etat avait pour objet d'illustrer, à l'aide d'un indicateur immédiatement compréhensible, la neutralisation financière, sur le long terme, de l'augmentation du versement annuel de la caisse à l'Etat.

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