D. L'INQUIÉTUDE CROISSANTE DES INSTITUTIONS EUROPÉENNES SUR « L'EXCEPTION FRANÇAISE »

1. Les conclusions du Sommet de Stockholm des 23-24 mars 2001

Afin de contribuer au « plein emploi dans une économie exportatrice », le Conseil européen de Stockholm des 23 et 24 mars dernier a adopté un certain nombre de conclusions destinées, notamment, à tracer les grandes orientations de politique économique. Prenant acte de la détérioration de la conjoncture économique extérieure ainsi que de son impact sur la croissance au sein de l'Union, la déclaration finale souligne très opportunément que « les politiques budgétaires devraient continuer de tendre vers des finances publiques proches de l'équilibre ou excédentaires. Elles devraient en outre tenir compte de la nécessité d'éviter les politiques qui risquent d'entraîner des fluctuations excessives de l'activité économique et des équilibres structurels fragiles. Cette stratégie contribue à la stabilité des prix et favorise l'existence de conditions monétaires propices à la croissance économique et à la poursuite de la création d'emplois » .

Elle s'inquiète par ailleurs des conséquences de l'évolution démographique sur l'équilibre global des finances publiques et indique que « le Conseil devrait faire périodiquement le point de la viabilité à long terme des finances publiques, y compris des difficultés auxquelles il faut s'attendre en raison de l'évolution démographique. Il devrait procéder à la fois conformément aux orientations et dans le contexte des programmes de stabilité et de convergence ».

2. La recommandation de la Commission européenne : « dégager des marges pour accélérer la réduction du déficit »

A l'initiative du commissaire chargé des affaires économiques et monétaires, M. Pedro SOLBES, la Commission européenne a adressé le 24 janvier 2001 une recommandation au Conseil portant sur la mise à jour du programme de stabilité de la France estimant que celui-ci était « conforme aux exigences du pacte de stabilité et de croissance ». Après avoir fait état « de bonnes performances macro économiques », elle relève qu' « il aurait cependant été possible d'obtenir de meilleurs résultats budgétaires en 2000, compte tenu de l'évolution favorable de l'économie et des finances publiques ». Elle relève ainsi que « de fait, le rythme de résorption du déficit s'est ralenti en 2000, malgré des rentrées fiscales supérieures aux attentes, ce qui s'explique par la politique d'allègements fiscaux mise en oeuvre par les autorités françaises pour réduire la pression fiscale, et n'est pas totalement conforme aux recommandations des grandes orientations des politiques économiques pour 2000, selon lesquelles une croissance plus forte que prévu devrait être mise à profit pour accélérer la réduction du déficit public ». Elle souligne par ailleurs que « les autorités françaises devraient opérer un contrôle plus strict des dépenses publiques afin de dégager des marges pour accélérer la réduction du déficit. (...) Toute marge budgétaire supplémentaire devrait être utilisée en priorité pour consolider la situation budgétaire et se préparer aux défis de l'avenir, et notamment à la charge financière qu'entraînera le vieillissement de la population ».

Une communication de la Commission critique pour les finances publiques françaises contestée par le gouvernement 51( * )

Au mois de juillet 2001, M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie s'était publiquement étonné des conclusions de la commission européenne sur l'état des finances qui tendaient à assimiler la situation de la France, à celle de l'Allemagne, de l'Italie et du Portugal.

Il est vrai en effet que le contenu de ce rapport se révelait particulièrement critique à l'égard de la politique suivie par les autorités françaises . Il indiquait en effet en préambule que « l'objectif fixé par le pacte de stabilité et de croissance (PSC) d'une position budgétaire proche de l'équilibre ou excédentaire , est un objectif important que plusieurs Etats membres n'ont pas encore atteint.../... La réalisation de cet objectif est essentielle au bon fonctionnement de l'UEM, car elle garantirait le respect du plafond de déficit de 3 % du PIB et permettrait aux stabilisateurs automatiques de jouer à plein en cas de ralentissement économique. Compte tenu de la dégradation des soldes budgétaires prévue pour cette année et de la montée des risques de détérioration de la situation économique, elle reste un objectif budgétaire essentiel pour les pays qui présentent encore d'importants déficits structurels ».

Puis ce rapport évoquait tout à fait explicitement la situation de la France qui était clairement rangée du côté des « mauvais élèves ». « Les développements récents et les perspectives d'évolution de la politique budgétaire sont mitigés . D'un côté, le déficit budgétaire de la zone euro s'est encore contracté pour tomber à 0,7 % du PIB en 2000 (en excluant le produit de la vente des licences UMTS), ce qui représente une baisse de 0,5 % du PIB par rapport à 1999.../... .D'un autre côté, quatre pays de la zone euro (Allemagne, France, Italie et Portugal) devraient enregistrer un déficit non négligeable en 2001.

Ces pays n'ont pas tiré parti d'un environnement favorable en matière de croissance pour atteindre l'objectif du Pacte de stabilité et de croissance et disposent donc de moins de marge de manoeuvre dans le contexte du ralentissement économique actuel. De manière générale, les résultats budgétaires pour 2000 auraient dû être meilleurs puisque certains gouvernements, face à des dividendes de la croissance  supérieurs aux prévisions en ont utilisé une partie pour réduire les impôts ou accroître les dépenses
.

En outre, les soldes budgétaires des pays de la zone euro devraient légèrement se détériorer en 2001, tant en termes effectifs que corrigés du cycle, marquant ainsi le premier reversement de tendance en matière d'assainissement budgétaire depuis 1993. S'il est vrai que cette évolution est en grande partie due à un allègement souhaitable de la pression fiscale, les mesures de réforme des dépenses destinées à accompagner cet allègement ont été reportées ou revues à la baisse dans certains pays, notamment les mesures visant à moderniser les systèmes de retraite ».

La Commission tient alors à insister sur les risques que court la France, dans l'hypothèse d'un ralentissement du niveau de la croissance : « les risques de détérioration s'accumulent et la croissance donne des risques de ralentissement dans la plupart des pays. Dans ce contexte, il conviendrait de laisser les stabilisateurs budgétaires automatiques jouer à plein dans les pays qui ont déjà atteint une position budgétaire conforme à l'objectif du PSC, c'est à dire proche de l'équilibre ou excédentaire.. En revanche, les stabilisateurs automatiques risquent de ne pas pouvoir être pleinement exploités dans les Etats membres où cet objectif n'a pas encore été atteint, car cela pourrait porter les déficits à un niveau proche du plafond de 3 % du PIB ».

Elle préconise ainsi des budgets équilibrés en termes structurels, ce qui n'est pas le cas de la France .

3. L'avis du Conseil européen sur le programme de stabilité français : « la situation budgétaire en 2000 aurait pu être améliorée encore davantage »

Le 12 janvier 2001, le Conseil de l'Union européenne, lors de l'examen du programme de stabilité française, a réitéré les critiques déjà adressées par la Commission européenne en considérant que « le gouvernement français devait s'efforcer d'atteindre l'équilibre budgétaire dès 2004, y compris dans le cadre du scénario prudent, et de se fixer une échéance plus proche que 2004 pour parvenir à l'excédent dans le cadre du scénario favorable ». Ainsi conclut-il en indiquant qu'il « est d'avis qu'une augmentation moins importante des dépenses serait souhaitable pour permettre de réduire plus rapidement le déficit public ».

4. La Banque centrale européenne inquiète des conséquences d'une croissance plus faible sur l'évolution du budget

Dans le bulletin mensuel de la Banque centrale européenne (BCE) de septembre 2001, celle-ci prend acte de la perspective d'une croissance plus faible mais estime « essentiel que cette perspective n'affecte pas la détermination des gouvernements au sein de la zone euro à respecter strictement le pacte de stabilité et de croissance, dont il n'y a pas lieu d'envisager une nouvelle interprétation ». Elle souligne à ce titre que « dans la phase actuelle de ralentissement économique, les pays dont les budgets sont encore en déséquilibre doivent veiller à ce que les écarts constatés par rapport aux objectifs fixés dans la dernière version de leur programme de stabilité restent limités. Il n'existe de marge de manoeuvre permettant de laisser agir pleinement les stabilisateurs automatiques que dans les pays dont la situation budgétaire est proche de l'équilibre ou en excédent ».

Ce jugement a été réitéré dans son bulletin d'octobre 2001 où elle estime « qu'il est normal qu'un ralentissement économique ait une incidence défavorable sur les situations budgétaires des Etats membres. Toutefois, pour les pays dont la situation budgétaire n'est pas encore proche de l'équilibre, il est important qu'ils respectent leurs programmes d'assainissement à moyen terme » .

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