II. L'INCAPACITÉ DU GOUVERNEMENT À FAIRE FACE À UN RALENTISSEMENT

A. UNE POLITIQUE INAPPROPRIÉE FACE À UN RALENTISSEMENT ÉCONOMIQUE

La politique budgétaire française se trouve aujourd'hui face à un dilemme : laisser s'accroître les déficits publics et espérer réduire ainsi, à court terme, le ralentissement de la croissance ; ou, au contraire, mener une politique rigoureuse visant à respecter les engagements de réduction du déficit public pris par la France dans le cadre de l'Union européenne.

1. Une politique longtemps trop procyclique

Comme l'a souligné la Banque de France dans une étude publiée l'année dernière 3( * ) , « le bon fonctionnement du Pacte de stabilité et de croissance implique une orientation clairement contra-cyclique 4( * ) des politiques budgétaires nationales, dans la mesure où il leur revient d'accommoder les éventuels chocs asymétriques, tout en respectant l'objectif d'équilibre de la situation budgétaire sur l'ensemble du cycle. Pourtant, la politique budgétaire française semble actuellement [avant le ralentissement économique observé au début de l'année 2001] pouvoir être davantage qualifiée de pro-cyclique, avec une réduction substantielle de la pression fiscale intervenant dans un contexte de hausse déjà conséquente du revenu des ménages ».

Le caractère insuffisamment contracyclique, voire procyclique, de la politique budgétaire menée ces dernières années, provient de plusieurs phénomènes.

a) Un objectif de croissance des dépenses sans cesse revu à la hausse

Tout d'abord, les dépenses publiques ne sont pas suffisamment maîtrisées.

Après avoir été sans cesse revu à la hausse par les programmations pluriannuelles des finances publiques successives, l'objectif de croissance annuelle des dépenses publiques (1,5 %) est devenu légèrement supérieur au taux observé depuis 1994 (1,4 %), comme l'indique le graphique ci-après.

La maîtrise des dépenses publiques : un objectif de moins en moins ambitieux

(en %)



Sources : comptes nationaux, ministère de l'économie

La politique de « maîtrise » des dépenses publiques affichée par le gouvernement semble donc avoir pour objectif la stabilisation toute relative, et non la diminution, de leur croissance.

b) Des réductions d'impôts non financées de façon pérenne

Ainsi, la maîtrise des dépenses paraît insuffisante. Elle ne permet pas de « financer » de façon pérenne les réductions d'impôts consenties par le gouvernement.

En effet, la politique de réduction, très significative, du déficit structurel menée à partir de 1995 semble interrompue depuis 1999 : on constate ainsi qu'aucun effort de réduction de cette composante structurelle de notre solde public n'a été mis en oeuvre sur la période 1999-2002 et même que ce dernier tend à augmenter de 0,1 point de PIB.

Déficit structurel des administrations publiques françaises

(en points de PIB)

Sources : rapport du gouvernement préparatoire au DOB 2002,

rapport économique, social et financier pour 2002

Aussi, comme l'indique le gouvernement dans le rapport d'orientation budgétaire, l'amélioration du solde public prévue entre 1997 et 2002 serait imputable pour un peu moins des deux tiers au regain de croissance économique, et pour seulement un peu plus d'un tiers à la réduction du déficit structurel. Elle est donc excessivement dépendante de la conjoncture.

Faute de maîtrise suffisante des dépenses, la réduction des prélèvements obligatoires effectuée par le gouvernement en l'an 2000 peut s'analyser comme un simple relâchement de la politique de réduction du déficit public (et non comme une politique structurelle de baisse des prélèvements obligatoires). Il s'agit donc d'une politique budgétaire expansionniste venant à contre-temps.

Le gouvernement n'a pas suffisamment profité du niveau élevé de la croissance entre 1998 et l'an 2000 pour réduire le déficit structurel, menant même une politique procyclique en l'an 2000. Le retour à l'équilibre des finances publiques en est rendu d'autant plus difficile, comme on s'en rend compte aujourd'hui, alors que la conjoncture est devenue moins favorable.

2. L'impossibilité de laisser le déficit public s'aggraver

Du fait du caractère insuffisamment contracyclique de la politique budgétaire menée ces dernières années, la situation des finances publiques en France et en Europe n'est pas aujourd'hui suffisamment saine pour que la politique budgétaire puisse être utilisée pour soutenir la demande.

Les perspectives d'évolution au cours des prochaines années sont en effet préoccupantes, comme le montre le graphique ci-après.

Déficit public en France

(en points de PIB)

Sources : Insee, ministère de l'économie, Rexecode

La situation française et européenne se démarque de celle des Etats-Unis. Ceux-ci connaissent en effet un excédent budgétaire, de l'ordre de 0,5 point de PIB en 2001. Ils peuvent donc mener une politique budgétaire expansionniste, qui, selon les prévisionnistes, devrait contribuer à la reprise de leur économie au cours de l'année 2002.

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