CHAPITRE III
PROCÉDURE D'ENQUÊTE PUBLIQUE
Outre
des procédures spécifiques, applicables par exemple aux
installations classées ou en zone urbaine (article L. 300-2 du code de
l'urbanisme), une enquête publique doit être conduite dans deux
hypothèses :
- préalablement à la déclaration d'utilité
publique nécessaire pour permettre l'expropriation d'immeubles ou de
droits réels immobiliers. Cette enquête est prévue par les
articles L. 11-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause
d'utilité publique ;
- avant la réalisation d'aménagements, d'ouvrages ou de
travaux susceptibles d'affecter l'environnement. Cette procédure a
été instituée par la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983
relative à la démocratisation des enquêtes publiques et
à la protection de l'environnement dite « loi
Bouchardeau ». Elle concerne les opérations figurant au
tableau annexé au décret n° 85-453 du 23 avril 1985
pris pour l'application de la loi précitée, et est régie
par le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, au
sein duquel la loi du 12 juillet 1983 a été codifiée.
En outre, des opérations peuvent à la fois affecter
l'environnement et donner lieu à des expropriations, notamment
s'agissant de travaux de grande ampleur (construction de voies ferrées
ou installation d'ouvrages hydroélectriques par exemple). Une
procédure spécifique est donc prévue par les articles R.
11-14-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité
publique.
Le présent chapitre du projet de loi tend donc à aménager
ces différentes procédures, dans un souci de
décentralisation et de simplification.
Article 53
Décentralisation de la décision d'ouverture
des
enquêtes publiques
Cet
article tend à compléter l'article L. 123-1 du code de
l'environnement.
Actuellement, l'article L. 123-1 du code de l'environnement précise que
les aménagements, ouvrages ou travaux exécutés par des
personnes
publiques ou privées
sont soumises à
enquête publique quand elle sont susceptibles d'affecter l'environnement.
Il prévoit expressément que la réalisation de ces projets
est précédée d'une enquête publique.
Le deuxième alinéa de cet article prévoit que le
champ
d'application
de ces enquêtes est circonscrit par décrets en
Conseil d'Etat. Ces décrets fixent la liste des catégories
d'opérations visées ainsi que les seuils et critères
techniques servant à les définir.
Le
paragraphe I
de l'article 53 du projet de loi rassemble les deux
alinéas qui forment l'actuel article L. 123-1 du code de l'environnement
en un paragraphe.
Le
paragraphe II
de l'article 53 du projet de loi prévoit la
décentralisation de l'ouverture de l'enquête publique
s'agissant des projets d'une
collectivité locale
, d'un groupement
de collectivités locales ou d'un des établissements publics en
dépendant.
Le projet de loi initial ne prévoyait pas les projets des groupements de
collectivités territoriales et les établissements publics en
dépendant. L'adoption d'un amendement présenté par M.
Pierre Cohen, rapporteur pour avis, par l'Assemblée nationale avec
l'avis favorable du Gouvernement a remédié à cet oubli.
Actuellement
, la procédure d'ouverture d'enquête publique
n'est prévue que par l'article 7 du décret n° 85-453 du 23
avril 1985 pris en application de la loi dite Bouchardeau. Il prévoit
que l'enquête publique est « ouverte et organisée par
arrêté du
préfet
», ou par
arrêtés conjoints des préfets des départements
intéressés si l'opération est réalisée sur
le territoire de plusieurs départements.
Il s'agit là encore de la reprise d'une préconisation du rapport
du Conseil d'Etat, afin de tirer toutes les conséquences de la
décentralisation.
La décision est prise par le
président de l'organe
délibérant de la collectivité ou de
l'établissement
. A cet égard, a été
adopté un amendement du rapporteur pour avis précisant que
« le président de l'organe
délibérant » et non
« l'exécutif » prend cette décision.
Il paraît justifié que cette précision ait une valeur
législative, puisqu'elle constitue un aménagement des
compétences des collectivités territoriales.
La
deuxième phrase
du texte prévu pour le paragraphe II de
l'article L. 123-1 du code de l'environnement prévoit cependant une
dérogation à cette décentralisation de la décision
d'ouverture de l'enquête publique. Il s'agit des hypothèses
relevant de la procédure mixte étudiée
précédemment, relative aux
projets nécessitant une
déclaration d'utilité publique afin de procéder à
une expropriation, et ayant un impact sur l'environnement
.
Dans ce dernier cas, la décision est prise par
« l'autorité compétente de l'Etat ». Il en va
de même pour les enquêtes préalables à
déclaration d'utilité publique n'affectant pas l'environnement.
En effet, le rapport du Conseil d'Etat indiquait qu'il existait des
obstacles d'ordre constitutionnel s'opposant à ce qu'une telle
décision puisse être prise par une collectivité
locale
240(
*
)
.
Votre commission des Lois vous propose
d'adopter le texte prévu pour
l'article 53 sans modification
.
Article 54
(art. L. 11-1 du code de l'expropriation pour cause
d'utilité publique)
Harmonisation des procédures de
désignation et des pouvoirs du commissaire enquêteur ou de la
commission d'enquête
Cet
article prévoit
d'harmoniser les pouvoirs et les conditions de
nomination
du commissaire-enquêteur ou des membres des commissions
d'enquête chargés de conduire les différents types
d'enquêtes publiques.
Actuellement
, les commissaires enquêteurs sont en effet
nommés selon des procédures différentes et ont des
pouvoirs également différents, selon qu'ils interviennent dans le
cadre d'enquêtes type Bouchardeau ou dans le cadre d'enquêtes
préalables à une déclaration d'utilité publique.
L'actuel article L. 123-4 du code de l'environnement prévoit en effet
que
dans le cadre d'une enquête type Bouchardeau
, le commissaire
enquêteur ou les membres de la commission d'enquête sont
nommés par le président du tribunal administratif
ou le
membre du tribunal délégué par lui à cette fin,
parmi les personnes figurant sur une liste d'aptitude
241(
*
)
.
- L'actuel article L. 123-9 du code de l'environnement prévoit que
le commissaire enquêteur peut recevoir tous documents, visiter les lieux
concernés, à l'exception des lieux d'habitation, après
information préalable des propriétaires et des occupants,
entendre toutes personnes et
convoquer le maître d'ouvrage ou ses
représentants ainsi que les autorités administratives
intéressées
.
Il peut en outre organiser, sous sa présidence, une
réunion
d'information et d'échange avec le public en présence du
maître d'ouvrage
.
- En revanche,
dans le cadre d'une enquête préalable
à la déclaration d'utilité publique (articles R. 11- 4 et
R. 11-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
),
le
préfet désigne
le commissaire enquêteur ou la
commission d'enquête dont il nomme le président sur une liste
établie nationale établie annuellement par le ministre de
l'équipement ou sur une des listes départementales
établies annuellement par les préfets.
Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête s'appuie
principalement sur les observations portées au registre public. Par
ailleurs, l'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause
d'utilité publique prévoit que le commissaire enquêteur ou
la commission entend toutes les personnes qu'il paraît utile de consulter
ainsi que l'expropriant s'il le demande.
La
principale différence
réside donc dans l'absence de
réunions publiques
.
- En outre, les
articles R. 11-14-1 et suivants relatifs à la
procédure dite mixte (expropriation publique et impact sur
l'environnement) prévoient que le préfet saisit le
président du tribunal administratif afin qu'il désigne
le
commissaire enquêteur ou la commission d'enquête.
Il est prévu la tenue d'un registre public, des permanences du
commissaire enquêteur, qui peut visiter des lieux dans les mêmes
conditions que pour une enquête « Bouchardeau »,
ainsi que
l'organisation de réunions publiques (avec l'accord du
préfet)
.
L'article 54 du projet de loi
opère donc un
alignement
des
pouvoirs du commissaire ou du président de la commission d'enquête
dans le cadre d'une enquête préalable à déclaration
d'utilité publique sur ceux -plus importants- prévus dans le
cadre d'une enquête portant sur un projet ayant un impact sur
l'environnement, en modifiant l'article L. 11-1 du code de l'expropriation pour
cause d'utilité publique.
Le
projet de loi initial prévoyait une simple possibilité
d'alignement
. Cependant, l'adoption d'un amendement présenté
par M. Pierre Cohen, rapporteur pour avis, à
l'Assemblée
nationale
avec l'avis favorable du Gouvernement a transformé ce
droit d'option en
obligation en ce qui concerne les pouvoirs du commissaire
enquêteur
ou de la commission d'enquête.
En revanche, l'alignement des conditions de nomination reste optionnel. Cette
disposition vise à limiter l'incertitude juridique résultant de
la jurisprudence du Conseil d'Etat, qui a annulé des nominations de
commissaires enquêteurs par le président du tribunal administratif
lorsque le préfet était compétent.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter un
amendement
prévoyant un alignement automatique des conditions de nomination,
cette disposition étant un signe fort d'indépendance et de
neutralité du commissaire enquêteur.
En outre, l'Assemblée nationale a en première lecture
adopté avec l'avis favorable du Gouvernement un amendement
rédactionnel présenté par M. Pierre Cohen, rapporteur pour
avis.
Il s'agit là de la seule disposition du projet de loi concernant les
commissaires enquêteurs, à part l'obligation d'en compter un parmi
les membres de la Commission nationale du débat public.
Leur rôle est pourtant prépondérant.
Ainsi, le commissaire enquêteur doit ainsi assurer le droit à la
contre-expertise. A cet égard, si l'article 2 de la loi du 12 juillet
1983 dans sa rédaction issue de la loi du 2 février 1995 dite
«
loi Barnier » donne au commissaire enquêteur la
faculté de solliciter le président du tribunal administratif aux
fins de désignation d'un expert, ce droit est privé de toute
portée utile, dès lors que le décret d'application n'a pas
été adopté.
Les contours de la fonction sont imprécis. S'il n'est pas un expert, il
doit cependant avoir une maîtrise technique suffisante afin d'exercer une
analyse critique des éléments fournis par le maître
d'ouvrage. De plus, la question se pose de savoir s'il doit se limiter à
tenir des permanences et noter les observations du public, ou jouer le
rôle d'un véritable médiateur social.
Il s'agit d'une quasi-profession, qui n'est que partiellement organisée
et structurée
242(
*
)
et
est exercée à temps partiel, le plus souvent par des
retraités.
Ils ont souvent critiqués par les élus, qui leur reprochent de
prendre en compte le coût financier d'un projet. En outre, les
élus regrettent le décalage entre le temps du projet et le temps
politique, l'avis négatif d'un commissaire enquêteur sur un projet
porté par un élu pouvant retarder le projet de 2 à 3 ans,
rendant sa réalisation impossible avant les élections suivantes.
En revanche, les associations (généralement de défense des
usagers et de l'environnement), jugent les commissaires enquêteurs (dont
beaucoup sont des fonctionnaires à la retraite) trop peu critiques.
Le rapport du groupe d'étude préconisait de réexaminer les
conditions de recrutement et de formation des commissaires enquêteurs, de
revoir les conditions d'établissement et de mise à jour des
listes et de diversifier le recrutement quant à l'âge, l'origine
professionnelle et la formation, en attirant davantage de personnes ayant une
expérience du secteur privé.
Un volet réglementaire devrait prochainement réformer leur
profession, selon les informations fournies à votre rapporteur.
Cependant, le commissaire enquêteur se voit
implicitement doté
de nouveaux pouvoirs par le projet de loi. En effet, si un débat a
été organisé en amont, à l'occasion duquel certains
engagements ont été pris par le maître d'ouvrage, il
reviendra au commissaire enquêteur la tâche délicate de
donner son avis sur la question de savoir si ces engagements ont
été effectivement tenus.
Le rapport du Conseil d'Etat préconisait d'ailleurs que ce soit la
Commission nationale du débat public qui impulse l'évolution de
la fonction de commissaire enquêteur, par la publication de
recommandations du type guide de bonnes pratiques, et à terme par
l'attribution à cette instance d'une compétence d'harmonisation
des formations dispensées aux commissaires enquêteurs.
Votre commission des Lois vous propose d
'adopter l'article 54 ainsi
modifié
.
Article 55
(art. L. 123-14 du code de l'environnement)
Versement d'une
provision pour la conduite de l'enquête publique
Cet
article complète l'article L. 123-14 du code de l'environnement relatif
à la prise en charge par le maître d'ouvrage des frais de
l'enquête publique.
En effet, cet article prévoit que le maître d'ouvrage prend
notamment en charge
l'indemnisation des commissaires enquêteurs et des
membres des commissions d'enquête, ainsi que les frais
nécessités par la mise à disposition des moyens
matériels nécessaires au déroulement de l'enquête
publique
.
Ces dispositions ne sont pas modifiées.
Or, en pratique, on observe parfois un manque de diligence des maîtres
d'ouvrage à prendre en charge les frais de l'enquête, ce qui peut
faire obstacle à son bon déroulement.
Par conséquent, l'article 55 du projet de loi complète l'article
L. 123-14 du code de l'environnement en précisant qu'
à la
demande du commissaire enquêteur
ou du président de la
commission d'enquête, le président du tribunal administratif (ou
un magistrat désigné à cet effet), ordonne le versement
par le maître d'ouvrage d'une
provision
dont il définit le
montant. Il s'agit d'un droit pour le requérant, aucune condition
d'urgence ou de forme n'étant exigée.
L'ouverture de l'enquête publique ne peut alors intervenir
qu'après le versement de cette provision.
Votre commission des Lois vous propose d'
adopter l'article 55 sans
modification.
Article 55 bis (nouveau)
(art. 2 de la loi n° 97-135 du 13
février 1997
portant création de l'établissement
public « Réseau ferré de France »
en vue
du renouveau du transport ferroviaire)
Composition du Conseil
d'administration de Réseau ferré de
France
Il
s'agit d'un article additionnel concernant la composition du conseil
d'administration de Réseau ferré de France, inséré
par l'Assemblée nationale à l'initiative de MM. Jean-Michel
Marchand, André Aschieri, Yves Cochet, Noël Mamère et Mme
Marie-Hélène Aubert, du groupe radical, citoyen et vert, Mme
Dominique Voynet, alors ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement, s'en était remise à la sagesse de
l'Assemblée.
Cet amendement tendait à ce que le conseil d'administration comprenne au
moins un représentant de la fédération des associations
d'usagers des transports. Rectifié à la demande du rapporteur
pour avis, M. Pierre Cohen, il prévoit que le
conseil
d'administration comprend « un représentant des associations
d'usagers des transports
».
La ministre avait estimé cet amendement inutile, le Réseau
ferré de France n'étant pas un transporteur ferroviaire et
n'ayant pas d'infrastructures ou d'installations directement accessibles au
public. En effet, le service public géré ne fait l'objet que d'un
usage indirect par le public, au travers des transporteurs ferroviaires et des
services de transports. De plus, les usagers sont déjà
représentés au sein du conseil d'administration de la SNCF et des
comités régionaux prévus à l'article 22 de la loi
d'orientation sur les transports intérieurs rassemblant les partenaires
des transports publics.
L'article 55 bis prévoit donc que le conseil d'administration de
Réseau ferré de France est constitué conformément
aux dispositions de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à
la démocratisation du secteur public.
Votre commission des Lois vous propose d'
adopter un amendement de
suppression de l'article 55 bis
.
Article 55 ter (nouveau)
(art. 11 de la loi n° 97-135 du 13
février 1997)
Déclassement du domaine de
RFF
Il
s'agit d'un article additionnel adopté par l'Assemblée nationale
en première lecture à l'initiative du Gouvernement, avec l'avis
favorable du rapporteur pour avis, M. Pierre Cohen, tendant à
réformer la procédure de déclassement du domaine de
Réseau ferré de France
.
Actuellement
, l'article 11 de la loi n° 97-135 du 13 février
1997 précitée précise qu'afin de déclasser des
rails, qui font partie du domaine public, il est nécessaire d'avoir
l'autorisation préalable de l'Etat, après avis de la
région concernée.
Un amendement de M. Jean-Michel Marchand, du groupe radical, citoyen et vert,
et visant à soumettre à une enquête publique de type
Bouchardeau le déclassement de voies de chemin de fer avait
été rejeté par la commission de la Production, au motif
qu'une telle procédure serait trop lourde. M. Jean-Michel Marchand
soulignait pourtant que toutes les décisions administratives de
déclassement du domaine public, sauf celles relatives aux voies de
chemin de fer, étaient précédées d'une
enquête publique. Il rappelait qu'un déclassement emportait une
renonciation à toute remise en service de l'infrastructure ferroviaire,
par exemple pour mettre en place des couloirs de frêt ferroviaire, alors
même que les possibilités de préemption de nouveaux espaces
sont appelées à se raréfier.
Il a alors présenté un amendement complétant la
procédure actuelle par l'avis des ministres chargés de la
défense, de l'aménagement du territoire, de l'environnement et du
tourisme, la fédération représentative des associations
d'usagers des transports étant également consultée. Cette
solution a été rejetée comme trop lourde, une telle
consultation aboutissant en fait à reproduire le système des
instructions mixtes.
A donc été adopté un amendement du Gouvernement
complétant la procédure de déclassement. Celle-ci reste
soumise à autorisation de l'Etat, mais n'intervient qu'après
avis des collectivités intéressées
(et non plus de la
seule région, ce qui permet par exemple à une commune de traiter
des friches en zones urbaines)
et de la SNCF, et après consultation
des organisations nationales représentatives des usagers des
transports
.
Ceci paraît de nature à ralentir encore la procédure.
Votre commission des Lois vous propose donc d'
adopter un amendement de
suppression de l'article 55 ter
.