III. LA SOLUTION DE LA PROROGATION

1. Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

• Le principe de la prorogation

L'article unique de la proposition de loi déposée par M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste se contente de proroger une nouvelle fois le régime prévu par les annexes VIII et X telles qu'annexées à la convention au 1 er janvier 1997.

Le législateur se range donc à la solution de la prorogation à la fois pour substituer une base incontestable à celle pour le moins incertaine qu'offrait la décision du groupe de suivi, qui n'avait aucune valeur, mais également pour permettre aux partenaires sociaux de poursuivre les négociations, l'existence du régime étant à titre conservatoire préservée.

• Ses modalités

Cette prorogation est rétroactive dans la mesure où la loi a vocation à s'appliquer à compter du 1 er juillet 2001, date à laquelle expirait le délai de prorogation des annexes de la convention du 1 er janvier 1997 prévu par l'article 10 de la convention du 1 er janvier 2001. Cette précaution permet de conférer une base légale aux versements des prestations effectués depuis cette date.

En revanche, son terme n'est pas déterminé. La loi s'appliquera en effet jusqu'à l'agrément par le ministre en charge de l'emploi des aménagements à la convention du 1 er janvier 2001 prenant en compte les modalités particulières de ces professions dans le cadre d'annexes à la convention générale.

2. La position de votre commission

Votre commission peut approuver le principe de la prorogation mais est conduite à porter une appréciation plus nuancée sur ses modalités qui n'apportent pas l'assurance de parvenir à un accord des partenaires sociaux et présentent par ailleurs des inconvénients d'ordre juridique.

• Une prorogation justifiée

La prorogation des annexes VIII et X constitue, au regard de la situation actuelle de crise, la seule solution envisageable.

Garantissant la sécurité juridique des allocataires, elle permet par ailleurs de réaffirmer la nécessité de prendre en compte la spécificité de l'activité artistique au sein du régime d'assurance chômage.

Si la proposition de loi telle qu'elle est rédigée ne substitue pas le législateur aux partenaires sociaux, ce qui semble une condition essentielle à votre rapporteur, elle définit néanmoins le cadre dans lequel ces derniers doivent conclure un accord. En précisant que ces aménagements seront négociés dans le cadre de l'article L. 351-4, le dispositif consacre l'existence d'une ou plusieurs annexes à la convention générale prenant en compte les modalités particulières d'exercice de ces professions.

Votre commission estime également opportun d'affirmer la spécificité des intermittents du spectacle au sein du régime général d'indemnisation du chômage. L'assujettissement de ces salariés au droit commun ou à l'annexe IV relative aux travailleurs intermittents constituerait un bouleversement à la fois économique et social qui mettrait à mal les équilibres sur lesquels repose le secteur culturel.

• La durée de la prorogation

Toutefois, votre commission considère nécessaire de fixer un terme précis à la prorogation des annexes VIII et X et au délai qu'elle ouvre pour parvenir à la conclusion d'un accord entre les partenaires sociaux sur le régime d'indemnisation des intermittents du spectacle. Plusieurs raisons militent en effet en ce sens.

- En premier lieu, le dispositif retenu par l'Assemblée nationale ne constitue pas l'assurance de parvenir rapidement à un accord. A l'évidence, la pérennité du régime d'assurance chômage des intermittents exige que les annexes VIII et X soient profondément remaniées. En effet, l'origine de la crise récurrente qui a conduit à pérenniser le système mais également l'a grandement fragilisé repose sur le constat d'une dérive à laquelle il convient de mettre un terme. La profession elle-même semble en être consciente : l'accord du 15 juin 2000 en est la preuve. Cet effort s'impose également au regard des engagements européens de la France ; ce régime, qui peut s'analyser comme un régime de subventions aux entreprises du spectacle court, en effet, le risque d'être condamné par la Commission européenne pour atteinte à la concurrence.

Ces réajustements exigeront des concessions qui peuvent s'avérer coûteuses pour les intermittents. A cet égard, on peut à bon droit s'interroger sur les chances de parvenir dans ces conditions à un accord alors que l'échec des négociations garantit le maintien d'un régime plus favorable. Cette assurance n'est-elle pas finalement contre-productive ?

En second lieu, à défaut d'accord dans les dix-huit mois à venir, ne peut-on pas craindre que ne se répète alors le scénario auquel on a assisté entre 1999 et 2000, période au cours de laquelle les négociations relatives aux intermittents ont pâti des difficultés rencontrées par les partenaires sociaux dans la négociation de la convention générale et fasse donc à nouveau courir le risque aux intermittents d'avoir une convention de retard ?

- En outre, cette situation d'exception, si elle se prolongeait, ne pourrait que contribuer à accentuer la différence de traitement existant entre les salariés du régime général et les intermittents du spectacle, ce qui risquerait de jouer au détriment de ces derniers.

- Enfin, votre commission s'est interrogée sur la conformité du dispositif adopté par l'Assemblée nationale à l'interprétation que donne le Conseil constitutionnel de l'article 21 de la Constitution relatif à l'exécution des lois et à l'exercice du pouvoir réglementaire.

Selon le Conseil constitutionnel, le législateur compétent pour fixer les conditions d'entrée en vigueur des règles qu'il édicte ne peut abandonner cette compétence, comme cela ressort de la décision n° 86-223 DC du 29 décembre 1986 relative à la loi de finances rectificative pour 1986. En l'espèce, a été déclaré inconstitutionnel un article qui prévoyait l'abrogation de dispositions législatives tout en laissant au gouvernement le soin de fixer la date d'effet de cette abrogation. Le Conseil a estimé que s'il est loisible au législateur « de laisser au gouvernement la faculté de fixer la date à laquelle produira effet l'abrogation d'une loi (...), il ne peut, sans par là même méconnaître la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution, lui conférer sur ce point un pouvoir qui n'est assorti d'aucune limite ».

Or, la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale encourt le même grief dans la mesure où la durée d'application de son dispositif est uniquement subordonnée à l'intervention de l'arrêté d'agrément des aménagements apportés par les partenaires sociaux à la convention du 1 er janvier 2001.

Votre commission a donc estimé nécessaire pour ce motif juridique mais également pour les raisons d'opportunité évoquées plus haut de préciser que les annexes VIII et X sont prorogées, à défaut d'accord et d'agrément de ce dernier, jusqu'au 30 juin 2002.

Au regard des propos tenus dans le cadre des nombreuses auditions auxquelles il a procédé, votre rapporteur estime que, dans ce délai, compte tenu des avancées déjà accomplies par les partenaires sociaux et les représentants de la profession, un accord pourrait être trouvé. Par ailleurs, ces derniers, lors de la reprise des négociations, pourraient eux-mêmes proroger les annexes VIII et X dans la rédaction annexée à la convention du 1 er janvier 1997.

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