2. Des dispositions qui soulèvent des difficultés

Indépendamment de l'insuffisance des moyens matériels et humains consacrés à la réforme, certaines des dispositions de la loi suscitent des difficultés d'application et l'incompréhension des personnes qui sont chargées de les mettre en oeuvre.

Il s'agit en particulier de certaines dispositions relatives au déroulement des gardes à vue : obligation de notifier à la personne gardée à vue son droit de ne pas répondre aux questions, interdiction stricte de placer en garde à vue des témoins, visites trimestrielles des locaux de garde à vue par les procureurs...

De fait, préciser à une personne placée en garde à vue qu'elle a le droit de ne pas répondre aux questions posées n'est pas le meilleur moyen d'établir un climat propice à la manifestation de la vérité. De même, l'interdiction de placer les témoins en garde à vue est une évolution positive, mais implique de préciser les conditions dans lesquelles ces témoins peuvent être retenus pour être entendus .

En ce qui concerne la détention provisoire, il apparaît que les durées normales de détention prévues peuvent s'avérer trop rigides dans certaines circonstances. En outre, l'obligation d'effectuer une enquête sociale avant le placement en détention provisoire du parent d'un enfant de moins de dix ans soulève des difficultés de mise en oeuvre.

Votre commission doit constater à ce stade que les dispositions qui soulèvent des difficultés d'application ne figuraient pas dans le projet de loi déposé par le Gouvernement et qu'elles n'y ont pas été introduites par le Sénat.

3. Une attention insuffisante au nécessaire équilibre de la procédure pénale

Plusieurs des difficultés rencontrées actuellement ne tiennent pas tant aux dispositions de la loi sur la présomption d'innocence qu'à l'absence de mesures de compensation dans le sens d'une efficacité plus grande de la procédure pénale .

Certaines des dispositions de la loi sont directement inspirées des procédures pénales accusatoires existant dans les pays anglo-saxons.

Or, dans ces pays, les garanties importantes données aux personnes suspectées s'accompagnent de pouvoirs d'enquête très étendus, qui n'existent pas dans notre procédure pénale.

La loi sur la présomption d'innocence n'aborde guère la question des moyens d'enquête donnés aux officiers de police judiciaire.

Le Sénat, pendant la discussion, s'est d'ailleurs inquiété de l'absence de mesures allant dans cette direction. Ainsi, lors de l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire, notre ancien collègue M. Charles Jolibois, rapporteur du projet de loi, déclarait : « (...) permettez-moi de vous dire, Madame la Garde des sceaux, même si votre département ministériel n'est pas directement concerné, que s'il est important d'améliorer les droits de la défense au stade de l'enquête, il conviendrait également de se préoccuper des moyens de la police judiciaire . Il semble qu'il y ait encore beaucoup à faire pour faciliter le travail de la police et je ne suis pas certain que nous soyions très en avance s'agissant de l'utilisation des techniques scientifiques d'enquêtes ».

De fait, le renforcement des garanties accordées aux personnes mises en cause aurait dû s'accompagner de mesures renforçant parallèlement l'efficacité de la procédure. Lors de la discussion du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, le Sénat a proposé plusieurs mesures en ce sens, en particulier la possibilité pour un témoin, dont la vie ou la sécurité est menacée, de conserver l'anonymat au cours d'une procédure . Il est plaisant de constater qu'au cours des débats à l'Assemblée nationale sur la présente proposition de loi, la paternité de cette mesure a successivement été attribuée à l'Assemblée nationale et au Gouvernement.

Il reste beaucoup à faire pour faciliter le travail des enquêteurs et des magistrats au cours de la procédure pénale.

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