N° 247

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 février 2002

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant la ratification de la convention sur l' accès à l'information , la participation du public au processus décisionnel et l' accès à la justice en matière d'environnement (ensemble deux annexes),

Par M. Michel PELCHAT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Xavier de Villepin, président ; MM. Michel Caldaguès, Guy Penne, André Dulait, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Jean-Paul Delevoye, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe François, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Henri Torre, André Vallet, Serge Vinçon.

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Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 3256, 3566 et T.A. 781

Sénat : 210 (2001-2002)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement signée à Aarhus (Danemark) le 25 juin 1998, trouve son origine -lointaine- dans la conférence pour la sécurité et la coopération en Europe (CSCE).

En effet, dans sa « troisième corbeille » consacrée à la « coopération dans les domaines humanitaires et autres », la CSCE cherchait notamment à promouvoir la démocratisation dans le domaine de l'environnement considéré comme un facteur potentiel de tensions entre les Etats européens. Il est significatif, du reste, que les aspirations démocratiques des populations, de l'autre côté du rideau de fer, se soient cristallisées de manière privilégiée sur les questions relatives à l'environnement. Les profonds dommages infligés par le système de production de l'ère soviétique et le traumatisme provoqué par la catastrophe de Tchernobyl expliquent pour partie cette évolution.

Les prémices posés par la CSCE ont trouvé un prolongement, au lendemain de la chute du Mur de Berlin, dans le cadre du processus « un environnement pour l'Europe » animé par la Commission économique pour l'Europe des Nations unies. Cette commission associe aux Etats européens (y compris ceux issus de l'éclatement de l'Union soviétique), les Etats-Unis et le Canada.

« Un environnement pour l'Europe » a pour objectif de permettre aux ministres de l'environnement du Vieux continent de se rencontrer à intervalles réguliers : il est devenu au fil des années un forum d'échanges entre les autorités politiques, les responsables du secteur privé et les organisations non gouvernementales. La première des conférences ministérielles du cycle « un environnement pour l'Europe » s'est réunie en 1991 à Dobris (ex-Tchécoslovaquie), la deuxième en 1993 à Lucerne (Suisse), la troisième, en 1995, à Sofia (Bulgarie), la quatrième, en 1998 à Aarhus (Danemark). C'est à cette occasion qu'a été signée la convention sur l'accès à l'information, la participation du public et l'accès à la justice dans le domaine de l'environnement soumise à l'examen de notre Haute Assemblée.

La conférence ministérielle de Sofia de 1995 s'était en effet accordée sur la nécessité d'impliquer davantage le public à la politique de l'environnement et avait adopté des orientations relatives à l'accès à l'information et à la participation du public au processus décisionnel. Elle s'appuyait également sur le principe n° 10 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement adoptée en juin 1992.

Des négociations se sont ouvertes en 1996 dans le cadre du comité des politiques de l'environnement de la Commission économique pour l'Europe afin de présenter les engagements arrêtés à Sofia sous la forme d'un instrument international juridiquement contraignant . La présente convention signée lors de la conférence ministérielle d'Aarhus est le fruit de ces discussions. Elle appelle trois observations générales.

D'abord, la société civile a été très impliquée dans son élaboration. Les organisations non gouvernementales dont le rôle avait été reconnu à Sofia ont en effet été associées aux travaux à titre d'observateurs. Elles se sont beaucoup impliquées -principalement les ONG anglo-saxonnes et celles venues des pays d'Europe centrale et orientale- dans les négociations et ont contribué à relever le niveau des exigences contenues dans l'accord définitif.

Ensuite, alors que les grandes conventions internationales adoptées jusqu'alors portaient sur un domaine particulier de l'environnement, qu'il s'agisse de la biodiversité, de la lutte contre l'effet de serre, ou encore de la protection de la couche d'ozone, l'accord d'Aarhus fixe des principes communs à l'ensemble du droit de l'environnement.

Enfin, couvrant un champ très large, il fixe aussi des dispositions précises qui nécessiteront non seulement l' adaptation des règles communautaires mais aussi certains aspects de notre législation nationale et de nos pratiques administratives.

Votre rapporteur évoquera successivement les droits couverts par la convention, leur champ d'application ainsi que les transformations qu'ils impliquent dans l'ordre juridique communautaire et national.

I. DES DROITS PRÉCIS ET SOUVENT NOVATEURS

A. L'ACCÈS À L'INFORMATION

Le renforcement de l'information du public se décline sous deux formes : un droit individuel d'accès à l'information, une politique active d'information de l'opinion dans ce domaine.

• Le droit individuel d'accès à l'information

Le droit d'accès à l'information dans le domaine de l'environnement représente l'un des principes fondamentaux de la convention d'Aarhus. Les exceptions qui en limitent l'application sont rigoureusement encadrées.

- Le principe : les pouvoirs publics ont l'obligation de communiquer les informations demandées par le public dans le domaine de l'information.

Ce droit est entendu de manière large :

- le public n'a pas besoin de faire valoir un intérêt particulier ;

- l'information doit être fournie sous la forme demandée (dans le cas contraire, le choix de l'administration devra être justifié) ;

- les réponses doivent être apportées « aussitôt que possible », au plus tard dans un délai d' un mois à compter de la date à laquelle la demande a été soumise. Ce délai peut toutefois être porté à deux mois si la demande porte sur des documents nombreux et complexes ; toute prorogation doit être portée à la connaissance du demandeur et dûment motivée.

Si les autorités publiques peuvent percevoir un droit pour le service rendu, ce droit ne doit pas dépasser un montant raisonnable .

- Les exceptions : le refus de communication peut être opposé pour des raisons de caractère général ou des motivations plus particulières qui, dès lors, doivent être entendues de manière restrictive.

Les considérations de caractère général visent trois hypothèses : l'autorité publique ne dispose pas de l'information demandée -mais elle doit alors indiquer le plus rapidement possible l'autorité la mieux à même de procurer l'information demandée ; la question est manifestement abusive ou formulée de manière trop générale ; la demande porte sur des documents en cours d'élaboration.

La convention envisage également une autre série de cas justifiant un rejet. Plus nombreux que les précédents, ils doivent aussi être interprétés de manière plus restrictive. Ils se rapportent principalement à trois types de situations :

- certaines prérogatives de la souveraineté (secret des délibérations des autorités publiques, relations internationales et défense nationale) ;

- bonne marche de la justice ;

- secret commercial et industriel quand ce secret est prévu par la loi.

La convention encadre cependant précisément ces restrictions :

- le secret doit, dans certains cas, être prévu par les normes internes (délibérations des autorités publiques, secret commercial et industriel) ;

- s'agissant du secret commercial et industriel, il ne peut faire obstacle à la diffusion des informations relatives aux émissions de substances qui affectent l'environnement ;

- lorsqu'un document comporte aux côtés d'informations confidentielles, certaines qui ne le sont pas, celles-ci doivent être communiquées.

Par ailleurs, d'une manière générale, le rejet obéit à certaines obligations de procédure : il doit être notifié (ce qui exclut le refus tacite) et motivé. Il est également soumis, à l'instar de la communication, à des délais : un mois en principe, prorogeable un mois supplémenta ire sous certaines conditions.

• L'obligation d'une politique publique active

Le droit d'accès à l'information serait vidé de son sens si les pouvoirs publics ne disposaient pas des moyens nécessaires pour répondre au public et s'ils ne l'informaient pas des conditions dans lesquelles il peut faire valoir ses droits (institutions auxquelles il convient de s'adresser, procédure à suivre, etc).

Aussi l'accord d'Aarhus pourvoit-il à cette double exigence. Les autorités publiques ont ainsi le devoir de développer leur propre information dans le domaine de l'environnement : recueil et mise à jour des informations pertinentes, mise en place de mécanismes obligatoires d'information des autorités pour tout projet d'activité présentant des incidences sur l'environnement...

Les autorités doivent aussi faciliter le droit d'accès du public à l'information en procurant d'abord les précisions nécessaires sur « le type et la teneur » des informations détenues par les différentes administrations, ainsi que sur les procédures à suivre pour les obtenir ; elles sont aussi appelées à « faire obligation » aux fonctionnaires d'apporter leur concours aux personnes désireuses d'obtenir des renseignements dans ce domaine ; enfin, elles peuvent désigner des « points de contact ».

Par ailleurs, les pouvoirs publics ne sauraient se borner à répondre aux demandes des citoyens, ils doivent aller au devant du public à travers une politique active de diffusion :

- recours aux supports modernes tels qu'Internet ;

- publication régulière d'un rapport sur l'état de l'information ;

- politique d' incitation à l'égard de l'ensemble des opérateurs (y compris les agents privés) dont les activités ont des répercussions sur l'environnement afin qu'ils informent régulièrement le public sur ce sujet.

- réglementation relative à la présentation des produits afin d'éclairer les consommateurs sur les implications écologiques de leur choix ;

- mise en place d'un système cohérent de recueil des données -au moyen de formules de déclaration normalisées afin de les enregistrer dans un système informatisé accessible au public.

Enfin, cette obligation de diffusion de l'information revêt une acuité plus grande encore dans l'hypothèse d'une menace imminente pour la santé et l'environnement. La convention prévoit alors une information immédiate des personnes qui risquent d'être touchées.

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