C. DES RISQUES POUR LES CONSOMMATEURS, LE TERRITOIRE ET LA VIABILITÉ DU SECTEUR

1. Des risques pour la sécurité des usagers

La Commission souhaite renforcer la concurrence sur les marchés de l'entretien et de la réparation. Elle soutient pour ce faire que les véhicules sont de plus en plus fiables, et qu'ils subissent un grand nombre de réparations banales, dont la réalisation pourrait être assurée par des acteurs opérant sur un marché plus concurrentiel.

Les constructeurs et les concessionnaires ne contestent pas cette distinction entre les prestations d'entretien de routine et les réparations plus lourdes. Néanmoins, ils soulignent le fait que les véhicules sont des biens qui conservent une valeur importante au cours de leur vie et que mieux ils sont entretenus, plus grande est leur valeur.

La séparation du lien entre la vente et l'après vente pourrait nuire à la qualité et à la sécurité des véhicules. Les véhicules automobiles ne sont pas des produits comme les autres car ils requièrent une capacité d'expertise et la formation de personnels qualifiés pour les entretenir et les réparer. Ils sont également conservés sur une durée relativement longue par leurs utilisateurs.

Le réseau de concessionnaires est donc fondamental car il permet un suivi du véhicule pendant toute sa durée de vie. Un réseau fort et structuré est une garantie de prestations de qualité et il est notamment seul à même d'organiser des campagnes de rappel. Il est donc primordial que le projet de règlement rappelle bien que les prestations d'entretien et de réparation répondent aux exigences définies par le constructeur et soient réalisées sous la responsabilité du concessionnaire.

Par ailleurs, la Commission permet aux distributeurs de sous-traiter le SAV sans en définir les modalités. Or l'encadrement de cette activité est nécessaire car elle engage la responsabilité du constructeur, qui définit les normes de qualité. Il pourrait être tenu pour responsable, dans l'esprit des consommateurs, de la dégradation de la qualité de ses véhicules s'ils étaient mal entretenus.

2. Des risques pour l'aménagement du territoire

La réforme présentée peut aboutir à un mouvement de concentration des concessionnaires. Les constructeurs estiment que cette réforme ferait disparaître environ 25% des concessionnaires actuels.

La Commission européenne objecte à cela que l'étude réalisée par Andersen montre que la réduction du nombre de concessionnaires est un phénomène qui est en cours et qui se poursuivra quel que soit l'évolution de l'environnement législatif. Ne pas contester ce phénomène n'amène pas pour autant à estimer souhaitable une accélération de cette concentration car celle-ci porterait en germe le délitement du maillage territorial réalisé par les concessionnaires. Cela obligerait les utilisateurs, notamment dans les zones rurales, à réaliser de grands déplacements pour acheter un véhicule, pour l'entretenir ou le réparer.

Par ailleurs, la réforme poussée par la Commission européenne pourrait menacer un grand nombre d'emplois dans la distribution automobile. A terme, on pourrait redouter une évolution similaire à celle observée dans le passé pour les stations services. Selon la CFTC, l'arrivée de la grande distribution sur le marché de la vente des carburants dans les années 80 s'est traduite par la perte de plus de 100.000 emplois et par la réduction du nombre de points de vente (33 700 en 1985 contre 11 800 en 2000). Cette évolution s'est peut être traduite par une baisse des prix pour les consommateurs mais ils y ont perdu en qualité de service et en proximité.

Comme le note toujours la CFTC, « les entreprises de la distribution automobile dépassent largement leur vocation commerciale et assument pleinement leur rôle d'entreprises citoyennes ». Elles assurent un maillage du territoire que beaucoup de secteurs d'activité ne garantissent plus. Ces PME assurent ainsi un rôle d'acteurs économiques locaux important comme employeurs et formateurs (75.000 jeunes sont formés tous les ans).

Par ailleurs, rien ne garantit dans le projet de règlement actuel que les réparateurs agréés aient une obligation d'installation à proximité du concessionnaire. Le risque d'installation de ces réparateurs agréés dans des zones les plus rentables, notamment à la périphérie des villes n'est donc pas que théorique.

Le Bundesrat, dans une résolution adoptée le 26 avril dernier et jointe en annexe, fait lui aussi part de ses craintes pour l'aménagement du territoire et insiste sur la nécessité de « garantir aux consommateurs - surtout en zone rurale - la possibilité de disposer à l'avenir des prestations d'un atelier de réparation de marque à une distance raisonnable. »

En ce qui concerne les distributeurs multimarques, votre rapporteur ne doute pas que le développement de telles concessions dans des zones à faible densité de population soit bénéfique tant pour les consommateurs, qui pourraient trouver un grand nombre de marques de véhicules au même endroit, que pour le concessionnaire lui même qui verrait son exploitation viabilisée. Néanmoins, le développement de concessions multimarques, dans lesquelles le personnel de vente est le même pour toutes les marques peut nuire à l'image des constructeurs et installer la confusion dans l'esprit des consommateurs. On peut redouter que dans un tel système le vendeur soit conduit à conseiller à un client l'achat d'un véhicule donné en raison, non pas de ses qualités intrinsèques, mais de la marge réalisée par ce dernier. Il est donc important que les personnels de vente puissent être dédiés à la vente des véhicules de la même marque.

En outre, dans les systèmes multimarques, des marques de moindre notoriété peuvent bénéficier de phénomène de « passager clandestin » dans la mesure où elles bénéficient du réseau des grands constructeurs sans devoir investir. La Commission de Bruxelles tend donc ainsi à ouvrir la porte de l'Union à des marques qui y sont peu connues car produisant hors de ces frontières.

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