N° 1

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 octobre 2002

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles sur le projet de loi relatif à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs ,

Par M. Daniel ECKENSPIELLER,

Sénateur,

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Pierre Laffitte, Jacques Legendre, Mme Danièle Pourtaud, MM. Ivan Renar, Philippe Richert, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Philippe Nogrix, Jean-François Picheral, secrétaires ; M. François Autain, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Jean-Louis Carrère, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Fernand Demilly, Christian Demuynck, Jacques Dominati, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Daniel Eckenspieller, Mme Françoise Férat, MM. Bernard Fournier, Jean François-Poncet, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Marcel Henry, Jean-François Humbert, André Labarrère, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Serge Lepeltier, Mme Brigitte Luypaert, MM. Pierre Martin, Jean-Luc Miraux, Dominique Mortemousque, Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jacques Pelletier, Jack Ralite, Victor Reux, René-Pierre Signé, Michel Thiollière, Jean-Marc Todeschini, Jean-Marie Vanlerenberghe, Marcel Vidal, Henri Weber.

Voir le numéro :

Sénat : 271 (2001-2002)

Culture.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui nous est soumis, déposé à la fin de la onzième législature par le précédent gouvernement, met un terme à des années de débats passionnés qui ont opposé les éditeurs et les auteurs aux bibliothécaires mais également parfois les auteurs entre eux.

La question du droit de prêt semble en effet avoir cristallisé les inquiétudes des uns et des autres, les auteurs craignant de voir leurs droits menacés, dans un contexte marqué par la multiplication de formes d'exploitation de leurs oeuvres de moins en moins contrôlables et les bibliothécaires redoutant une remise en cause de l'effort de modernisation du réseau de la lecture publique.

La vigueur des positions défendues alors explique sans mal la genèse longue et difficile d'un projet de loi qui tente de concilier deux logiques contradictoires : la volonté de réaffirmer la mission de service public des bibliothèques et le souci de respecter le droit d'auteur. A cet égard, les défauts du texte apparaissent comme le prix à payer pour obtenir un consensus.

En effet, s'il présente l'incontestable avantage de clore la polémique, le dispositif proposé, complexe et relativement coûteux, s'avère fondé sur une logique de solidarité entre les auteurs très sensiblement éloignée des principes fondamentaux du droit de la propriété intellectuelle.

Ayant cependant mesuré l'ampleur du travail accompli pour parvenir à une solution acceptable, à défaut d'être réellement satisfaisante, votre commission voit essentiellement dans le projet de loi l'opportunité de remédier enfin à une singularité française qui consistait à reconnaître aux auteurs un droit sans pour autant leur permettre de l'exercer.

I. UNE RÉPONSE À UNE QUESTION LANCINANTE

A. UN SUJET DE POLÉMIQUE

• Le développement de la lecture publique

L'essor qu'ont connu les bibliothèques au cours des vingt dernières années, en particulier grâce à l'effort conjoint de l'Etat et des collectivités territoriales, a eu pour conséquence un afflux de lecteurs, l'emprunt de livres devenant une pratique culturelle courante.

La dernière enquête du ministère de la culture sur les pratiques culturelles des Français, publiée en 1998, fait apparaître une forte progression des inscriptions dans les bibliothèques : en 1997, 21 % des Français étaient inscrits dans une bibliothèque ou une médiathèque, contre seulement 17 % en 1989.

Cette pratique culturelle concerne notamment les plus jeunes. Ainsi, l'inscription dans une bibliothèque ou une médiathèque municipale est fortement liée à l'âge : les 15-19 ans sont proportionnellement quatre fois plus nombreux à être inscrits que les 55 ans et plus, ce qui résulte en particulier de l'accroissement des effectifs scolaires et universitaires.

Le développement du réseau des bibliothèques comme le renouveau de leurs missions ont eu pour conséquence un accroissement significatif des achats effectués pour enrichir leurs fonds.

Ainsi, les achats de livres destinés aux bibliothèques -hors bibliothèques universitaires- ont plus que doublé entre 1980 et 1998, passant au cours de cette période d'un peu moins de 3 millions à 8 millions de volumes. Les bibliothèques universitaires, sous l'effet de l'augmentation du nombre d'étudiants ont connu une évolution comparable : leurs achats de livres ont été multipliés par six entre ces mêmes dates, passant de 134 000 à 790 000 volumes, et par quatre pour les livres étrangers.

D'après les informations communiquées par le ministère de la culture, entre 1994 et 1998, dernière période pour laquelle des statistiques sont disponibles, les achats ont progressé de 22 % pour les bibliothèques publiques et de 29 % pour les bibliothèques universitaires.

Cette évolution a permis à l'édition de disposer de nouveaux marchés alors même que l'économie du livre subissait de profondes transformations, le prêt devenant un mode d'accès prépondérant au livre.

En effet, parmi les inscrits dans les bibliothèques, la part de ceux qui empruntent des livres est passée de 17 % en 1989 à 21 % en 1997 alors que dans le même temps, paradoxalement, la lecture reculait. Durant cette période, le nombre de livres que les Français déclarent avoir lus au cours des douze derniers mois est passé de 17 à 15. Cette situation semble s'expliquer moins par le fait qu'une partie d'entre eux auraient cessé de lire ou que les jeunes générations ignoreraient plus que leurs aînés la lecture mais parce que la part des « gros lecteurs » diminue.

• Des inquiétudes sur l'avenir de l'économie du livre

Cette double évolution a suscité parmi les acteurs de la filière du livre une réflexion, qu'a encouragée la directive n° 92/100/CEE du conseil du 19 novembre 1992 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteurs dans le domaine de la propriété intellectuelle.

L'adoption de ce texte a en effet mis en lumière le fait que le droit de prêt, reconnu implicitement par le code de la propriété intellectuelle, demeurait en pratique lettre morte alors même que l'essor du prêt en bibliothèque pouvait être considéré par certains auteurs et éditeurs comme une menace potentielle.

Votre rapporteur, sans entrer dans le débat, se bornera à souligner qu'aucun des éléments statistiques disponibles ne permet d'établir de manière certaine que le prêt se substitue à l'achat et qu'il semble plutôt que la fréquentation des bibliothèques contribue à la formation d'un lectorat susceptible d'acheter des livres. Par ailleurs, dans la mesure où l'accroissement de la production éditoriale contraint les libraires à réduire le délai pendant lequel ils conservent dans leurs stocks les nouveautés, les bibliothèques contribuent plus que par le passé à la diffusion des livres auprès du public.

Quoiqu'il en soit, la directive du 19 novembre 1992 a posé la question de la rémunération des auteurs pour un mode de diffusion de leurs oeuvres, dont l'importance va croissant. Cette question a pris une acuité particulière à un moment où le développement technologique permet de nouveaux modes d'exploitation des oeuvres pour lesquelles se pose la question de la protection des auteurs.

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