B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Au cours des auditions auxquelles il a procédé, votre rapporteur a pu constater que le projet de loi faisait l'objet d'un relatif consensus au sein des professions concernées qu'il s'agisse des éditeurs, des auteurs ou des bibliothécaires.

Cependant force est de reconnaître que les mécanismes mis en place s'avèrent complexes et soulèvent de légitimes interrogations sur leur efficacité au regard des objectifs affichés.

Toutefois votre commission considère que la mise en oeuvre du droit de prêt après de longues années de polémiques constitue une avancée positive au regard du souci de renforcer la protection des droits des auteurs, souci qui constitue le fondement de toute action en faveur de la création.

Par ailleurs, le mécanisme de licence légale institué au profit des bibliothèques permet de réaffirmer l'importance de leur rôle culturel et éducatif.

C'est dans cette double perspective que se justifie l'effort financier exigé des collectivités publiques.

Compte tenu de cette appréciation d'ensemble, la préoccupation de votre commission a été double : d'une part, assurer la cohérence du dispositif avec les principes du droit de la propriété intellectuelle et d'autre part, préciser sa rédaction afin de faciliter son application.

1. Un souci de cohérence

• Affirmer le droit de prêt comme un droit de l'auteur

Le texte proposé par l'article premier pour l'article L. 351-1 du CPI, s'il reconnaît dans son premier alinéa que le droit de prêt appartient à l'auteur, reconnaît un droit à rémunération à la fois à l'auteur mais également à l'éditeur qualifié d'« ayant droit de l'auteur ».

Cette rédaction est source de confusion à deux titres.

En premier lieu, la définition de l'éditeur comme « ayant droit de l'auteur » n'est pas satisfaisante voire ambiguë.

Certes, c'est bien l'éditeur qui a édité l'oeuvre ouvrant droit à rémunération qui bénéficiera d'une part de cette dernière. On voit mal au demeurant comment la loi pourrait être interprétée différemment.

Cependant, l'éditeur ne pourra être cessionnaire du droit de prêt, puisque le projet de loi crée un régime de licence légale qui prive l'auteur de l'usage de son droit exclusif : l'auteur ne peut plus céder son droit de prêt. En conséquence, la rémunération perçue par l'éditeur ne peut être considérée comme résultant d'une cession de droit.

Votre rapporteur relève à cet égard que l'entrée en vigueur de la loi entraînera la caducité des clauses des contrats d'édition en cours par lesquelles les auteurs cédaient le droit de prêt à leurs éditeurs, clauses largement formelles dans la mesure où ce droit n'était pas plus exercé qu'il ne donnait lieu à rémunération.

En second lieu, le fait de reconnaître à égalité à l'auteur et à l'éditeur, un droit à rémunération, alors que l'éditeur ne peut être cessionnaire du droit de prêt, pourrait laisser supposer que ce dernier se voit attribuer un droit propre, comparable à un droit voisin.

Telle ne semble pas être l'intention du gouvernement pas plus que celle des éditeurs.

Cette position s'inscrit au demeurant dans la traditionnelle réticence des éditeurs qui ont toujours hésité à s'engager dans cette logique et à revendiquer un quelconque droit voisin pour s'en tenir à leur qualité de cessionnaires des droits d'exploitation des auteurs.

Le titulaire du droit de prêt ne peut être que l'auteur, comme l'affirme implicitement au demeurant le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 351-1 qui précise que « l'auteur (...) ne peut s'opposer au prêt d'exemplaires de son oeuvre ».

Afin d'écarter toute ambiguïté sur la titularité du droit à rémunération, votre commission estime nécessaire de préciser que l'auteur et lui seul détient un droit à rémunération.

C'est dans le même souci qu'elle vous proposera d'insérer le dispositif relatif au droit de prêt non pas, comme le propose le projet de loi, au sein du livre troisième du CPI qui regroupe des dispositions communes au droit d'auteur et aux droits voisins mais au sein du livre premier consacré au droit d'auteur sous la forme d'un chapitre additionnel complétant in fine le titre III relatif à l'exploitation des droits.

• Préciser les modalités de répartition de la rémunération perçue au titre du droit de prêt

Si elle conteste que l'éditeur puisse être investi d'un droit propre, votre commission considère comme tout à fait légitime que l'éditeur puisse bénéficier d'une part de la rémunération perçue au titre du droit de prêt. Les risques financiers inhérents à son activité comme le préjudice économique qu'est susceptible de représenter le développement des prêts le justifient largement.

Dans la mesure où le titulaire du droit de prêt est l'auteur, c'est donc par convention entre l'auteur et l'éditeur -en pratique dans le cadre du contrat d'édition- que devra être opérée la répartition de la rémunération.

Afin de garantir les intérêts de l'auteur dans une négociation où le rapport de force risque dans certains cas d'être inégal, votre commission vous proposera de préciser que la part revenant à l'éditeur ne peut être supérieure à la moitié du montant total perçu à ce titre par l'auteur.

C'est au regard de ces conventions -qui en fait se traduiront par une clause-type dans le contrat d'édition- que la ou les sociétés d'auteur répartiront les sommes perçues entre les auteurs et les éditeurs.

Un tel dispositif apparaît plus protecteur que le partage à parts égales prévu par le projet de loi, et cela à deux titres. En premier lieu, l'auteur aura la possibilité -certes largement hypothétique- d'obtenir un partage de la rémunération qui lui soit plus favorable. Par ailleurs, la rédaction du projet de loi n'interdisait pas que le contrat d'édition impose à l'auteur de rétrocéder à l'éditeur tout ou partie de la rémunération que lui accorde la loi, risque qu'écarte le dispositif proposé par la commission.

2. Eviter d'éventuelles difficultés d'application

Votre commission a eu le souci de rendre aussi lisible que possible le dispositif déjà complexe proposé par le projet de loi afin d'éviter d'éventuelles difficultés d'application.

Renvoyant à l'examen des articles pour l'essentiel de la présentation des améliorations rédactionnelles proposées par votre commission, votre rapporteur se bornera à évoquer les deux plus significatives d'entre elles.

• Définir sans ambiguïté l'objet de la licence légale

Le projet de loi se réfère pour définir le champ de la licence légale aux oeuvres de l'esprit telles qu'elles sont définies par le deuxième alinéa (1°) de l'article L. 112-2 du CPI qui visent : « les livres, les brochures, et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques ».

Cette référence présente l'inconvénient, comme l'ensemble de l'article L. 112-2 au demeurant, de confondre l'oeuvre et son support mais également celui d'écarter du champ de la licence légale, et en pratique du droit à rémunération, des oeuvres citées dans d'autres alinéas de cet article, ayant également vocation à être imprimées et publiées sous forme de livres telles les oeuvres dramatiques ou les oeuvres photographiques, graphiques et plastiques.

Par ailleurs, elle laisse subsister une ambiguïté -qui pourrait se traduire par des difficultés d'application non négligeables- sur le régime de la presse. En effet, le fait que l'article L.112-2 mentionne les « brochures, et autres écrits » pourrait être interprétée comme incluant les journaux, revues ou périodiques dans le champ de la licence légale, ce qui ne correspond pas, semble-t-il, à l'intention du gouvernement.

Votre commission vous proposera donc de définir le champ de la licence légale par référence aux oeuvres ayant fait l'objet d'un contrat d'édition en vue de leur publication et de leur diffusion sous forme de livre. Cette définition présente l'avantage de la clarté en excluant l'édition de presse.

• Préciser les critères d'affiliation au régime complémentaire prévu par l'article 2

La référence au 1° de l'article L. 112-2 du CPI n'est pas plus opérante pour définir les auteurs qui bénéficieront de la mesure de rattachement à un régime de retraite complémentaire existant que propose l'article 2 du projet de loi.

En effet, certains auteurs d'oeuvres entrant dans cette catégorie bénéficient d'ores et déjà de régimes de retraite complémentaire spécifiques institués dans le cadre de l'article L. 644-1 du code de la sécurité sociale. C'est le cas notamment des illustrateurs et des photographes. A cet égard, il convient donc pour définir la population appelée à bénéficier de cette mesure qui recouvre les seuls écrivains et traducteurs, de viser les catégories de personnes qui, à la date d'entrée en vigueur de la loi, n'entrent dans le champ d'application d'aucun des régimes existants.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page