Rapport n° 25 (2002-2003) de M. Jean-Paul ÉMIN , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 17 octobre 2002

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N° 25

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 octobre 2002

RAPPORT

fait au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur la proposition de résolution présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du Règlement, sur la communication de la Commission et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatives aux promotions des ventes dans le marché intérieur (E 1842) ,

Par M. Jean-Paul ÉMIN,

Sénateur,

(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Jean-Marc Pastor, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Bernard Piras, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Detraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, Jean Louis Masson, Serge Mathieu, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Voir le numéro :

Sénat : 352 (2001-2002)

Union européenne.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Votre commission des Affaires économiques est saisie d'une proposition de résolution sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux promotions des ventes dans le marché intérieur ( COM (2001) 0546 ).

Ce texte, présenté le 2 octobre 2001 par la Commission européenne, a fait l'objet depuis le début de l'année 2002 de nombreuses procédures de consultation. Conformément à la procédure de co-décision, le Parlement européen a procédé à son examen le 4 septembre dernier, et a adopté le dispositif d'ensemble assorti d'une soixantaine d'amendements 1 ( * ) . Le Conseil des ministres pourrait être appelé à définir une position commune lors de sa réunion du 14 novembre prochain en formation « Marché intérieur » .

L'objet de ce règlement est d' éliminer les barrières aux promotions des ventes transfrontalières érigées par les dispositions nationales en matière de rabais, primes, cadeaux, concours et jeux promotionnels . Il propose de les remplacer par des exigences communes de transparence et d'information destinées à permettre la libre circulation des biens et des services . Selon la Commission, un tel objectif serait favorable à la fois aux professionnels en ce qu'il faciliterait leurs activités commerciales dans l'ensemble du marché intérieur tout en garantissant leur sécurité juridique et en les mettant sur un pied d'égalité, et aux consommateurs qui verraient s'élargir leurs choix dans un contexte de plus grande transparence des prix résultant de la mise en place de l'euro et qui bénéficieraient d'une plus haute protection de leurs intérêts.

Cette vision idyllique ne semble toutefois pas unanimement partagée, loin s'en faut. Les Etats membres ont d'ores et déjà formulé, lors de la réunion du Conseil « Marché intérieur/politique des consommateurs » du 21 mai 2002, de nombreuses et importantes objections quant à la forme et à la teneur de la proposition initiale. En outre, l'ensemble des associations de consommateurs des pays de l'Union, ainsi que leur représentation à l'échelon européen 2 ( * ) , se sont élevées avec vigueur contre la proposition de règlement, en demandant pour la plupart le retrait pur et simple. Enfin, et ça n'est pas le moindre des paradoxes, de nombreux syndicats et organisations professionnels ont fait part des inquiétudes très vives quant au respect des principes concurrentiels et de la loyauté des relations commerciales qu'elle leur inspirait.

C'est dans ce contexte que la délégation du Sénat pour l'Union européenne a adopté, le 9 juillet dernier, sur le rapport de votre rapporteur, une proposition de résolution demandant au Gouvernement de s'opposer à l'adoption de ce texte en l'état , d'obtenir le report de la décision après l'examen du Livre vert sur la protection des intérêts économiques des consommateurs dans l'Union européenne , et de faire valoir à la Commission européenne qu'il serait plus conforme au principe de subsidiarité d'intervenir par la voie d'une directive-cadre permettant l'adaptation des législations nationales plutôt que sous la forme d'un règlement d'application directe et immédiate en droit interne .

Cependant, le récent vote du Parlement européen a apparemment modifié de manière substantielle le périmètre de la proposition de règlement, sans toutefois apporter des réponses claires et satisfaisantes à toutes les objections qu'elle avait légitimement suscitées. A la lumière des nombreuses auditions auxquelles il a procédé, votre Rapporteur a ainsi relevé que les objections qui avaient motivé la résolution fermement négative de votre délégation pour l'Union européenne pourraient ne plus paraître aujourd'hui aussi dirimantes qu'alors, sous réserve que le Gouvernement obtienne de la Commission une clarification de la rédaction de sa proposition et, ce faisant, de sa portée.

I. LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

En raison du rôle spécifique pour le développement du marché intérieur reconnu aux communications commerciales, la Commission européenne a décidé en 1992 d'entreprendre une réflexion globale sur les politiques à suivre en la matière. Elle a publié en 1996 un Livre vert ( COM (96) 192 final du 18 mai 1996, adopté le 15 juillet 1997) démontrant notamment que la rareté des promotions des ventes transfrontalières tenait aux divergences des réglementations nationales, à la complexité de celles-ci et aux incertitudes juridiques en résultant.

Il n'est en effet pas contestable que la multiplicité des dispositions nationales en matière de rabais, primes, cadeaux, concours et jeux promotionnels constitue un frein à l'activité des entreprises dans le marché intérieur . Seules les plus importantes d'entre elles peuvent disposer des moyens leur permettant de prendre connaissance des réglementations propres à chacun des Etats membres et de s'assurer que les actions de promotion qu'elles souhaitent mettre en oeuvre de manière transnationale les respectent. Elles seules encore sont en mesure de supporter, le cas échéant, les effets d'un éventuel conflit juridique en cas d'inobservation de l'une de ces règles.

Bien plus, il n'est en tout état de cause pas possible, dans la situation actuelle, d'entreprendre une quelconque action promotionnelle applicable à l'ensemble du marché intérieur puisque dans aucun secteur n'existe une règle communément partagée . Dans un article consacré à ce sujet, un avocat spécialiste de ce domaine, M. Eric Andrieux, cite ainsi comme exemples l'organisation d'une loterie, autorisée en France sous réserve que le jeu soit gratuit et sans obligation d'achat, impossible en Belgique et soumise à autorisation et au paiement de taxes en Italie et en Espagne, ou encore l'attribution de primes aux consommateurs, dont le montant ne peut excéder 7 % du prix de vente du produit principal en France, 5 % de ce prix en Belgique, et quelques euros en Allemagne.

C'est pourquoi, dans une communication de suivi du Livre vert datant de 1998 ( COM (98) 121 final du 4 mars 1998), la Commission a identifié les promotions des ventes comme une priorité de sa politique en matière de communications commerciales et appliqué à ce secteur sa stratégie d'action. Elle a ainsi chargé un groupe d'experts des Etats membres d'examiner les réglementations nationales ad hoc afin de recenser celles qui constituent des entraves au marché intérieur, puis de déterminer les domaines devant faire l'objet d'une harmonisation et ceux pouvant se voir appliquer le principe de la reconnaissance mutuelle ( v. définition page suivante).

Or, ces experts ont rendu trois avis sur les rabais, sur les primes et cadeaux associés aux offres promotionnelles transfrontalières, et sur les concours et jeux promotionnels, qui font état de leurs divergences tant sur la façon que sur l'utilité même de lever les restrictions aux échanges transfrontaliers qui découlent des réglementations disparates. Ils ont en particulier exprimé des opinions très contrastées sur l'efficacité de la reconnaissance mutuelle 3 ( * ) , du contrôle par le pays d'origine ou de l'exigence de transparence comme moyens uniques de parvenir à favoriser la promotion des ventes à l'échelle de l'Union européenne.

C'est pourtant principalement sur ces principes que s'appuie la proposition de règlement élaborée par la Commission européenne, ce qui a constitué pour votre Rapporteur un motif d'étonnement.

On doit en outre relever que la méthodologie suivie par la Commission pour justifier sa proposition, notamment en ce qui concerne l'analyse de proportionnalité des règles nationales 4 ( * ) , a fait l'objet de certaines contestations quant à sa pertinence, voire à sa rigueur. Sa conception même pourrait avoir eu pour effet de conduire nécessairement à préconiser la disparition de toutes les restrictions nationales.

Fondé sur une logique de marché intérieur et d'essence profondément libérale, le règlement proposé par la Commission a en effet pour objet essentiel de prohiber toute disposition susceptible de constituer un obstacle à la libre circulation des communications commerciales afférentes à des opérations de promotion des ventes.

A. UN TRIPTYQUE PROHIBITION - RECONNAISSANCE MUTUELLE - HARMONISATION

Après avoir procédé à la définition de son champ d'application et des notions qu'il concerne, le règlement interdit d'une part l'adoption ou le maintien de mesures, jugées disproportionnées, dans les législations des Etats membres, soumet d'autre part au principe de reconnaissance mutuelle toutes les dispositions législatives et réglementaires nationales relatives à l'utilisation des promotions des ventes et à la communication commerciale afférentes à celles-ci qui ne sont pas visées par le texte, et prévoit enfin une harmonisation des dispositions nationales dans certains domaines.

1. Champ d'application du règlement et définitions

La proposition de règlement a pour vocation de concerner les promotions des ventes s'appliquant aux biens et aux services marchands dans tous les secteurs. Toutefois, un certain nombre de celles-ci en sont exclues de manière expresse tant par les considérants précédant le règlement lui-même que par le dispositif de celui-ci, notamment dans le but de protéger spécifiquement les enfants ou de laisser subsister une réglementation particulière à raison de la nature des produits concernés.

C'est ainsi qu'afin de protéger la santé physique des enfants , le règlement interdit aux promoteurs, à défaut de consentement préalable vérifiable, d'offrir des cadeaux ou des primes par l'envoi d'articles promotionnels aux enfants, à moins que ces promoteurs ne veillent à ce que les produits envoyés ne soient pas de nature, compte tenu de leurs qualités intrinsèques ou de leur conditionnement (notamment par un emballage de sécurité pour la protection des enfants), à nuire à la santé physique des enfants (considérant 13 et article 5, alinéa 2). De même interdit-il au promoteur de collecter aucune donnée à caractère personnel auprès d'un enfant sans l'assurance du consentement préalable du responsable légal de celui-ci (article 5, alinéa 1). Enfin, compte tenu de la nécessité reconnue, pour des raisons de santé publique, de la prévention de la consommation d'alcool par les enfants et les adolescents ainsi que de l'objectif sous-jacent des promotions des ventes, qui est de stimuler la consommation des biens et services promus, il est interdit d'offrir aux mineurs de moins de dix-huit ans des cadeaux répondant à la définition des boissons alcoolisées à titre de promotion (considérant 14 et article 5, alinéa 3).

Par ailleurs, le considérant 15 de la proposition de règlement indique que la communication commerciale des promotions des ventes pour des produits du tabac fait l'objet de la proposition de directive sur la publicité et le parrainage en faveur des produits du tabac ( COM (2001) 283 final ), ce qui semble par conséquent exclure lesdits produits du champ d'application du règlement. En outre, à l'article 3 du texte, une disposition particulière autorise les Etats membres à maintenir ou à instituer une législation interdisant les rabais sur les livres .

S'agissant des définitions, l'article 2 du texte précise que le règlement concerne les promotions des ventes visant tout client, qu'il s'agisse d'une entreprise, d'une organisation ou d'une personne physique ou morale, qui achète le bien ou le service promu par le promoteur. Ainsi n'est-il procédé à aucune distinction entre les promotions offertes à des consommateurs et celles offertes à des professionnels .

L'article 2 poursuit en explicitant plusieurs termes, en particulier les notions de communication commerciale, de promoteur, d'enfant, de boisson alcoolisée, de rabais, de cadeau, de prime, de concours promotionnel, de jeu promotionnel et de vente à perte 5 ( * ) . Curieusement, le considérant 7 définit également les jeux et concours promotionnels, semblant ainsi faire double emploi avec l'article 2 sur ce point.

2. Utilisation et communication des promotions des ventes

Le dispositif est articulé en deux volets complémentaires : la prohibition d'un certain nombre d'interdictions générales associée à une obligation d'appliquer le principe de la reconnaissance mutuelle pour les restrictions nationales aux promotions des ventes qui ne sont pas couvertes par le premier volet .

a) Les interdictions (article 3-1)

Le texte de la proposition initiale de la Commission interdit aux Etats membres et aux organismes de régulation non publics 6 ( * ) d'édicter un certain nombre de dispositions prohibant par principe les techniques de promotions des ventes définies à l'article 2 : juridiquement, il en résultera, à compter de l'adoption définitive du règlement, la caducité des législations ou des réglementations nationales comportant tout ou partie de ces dispositions, et l'interdiction de leur éventuelle institution dans un droit national . Sont ainsi prohibées :

- l' interdiction générale de l'utilisation ou de la communication commerciale d'une promotion des ventes , à moins qu'elle ne soit imposée par le droit communautaire ;

- la limitation de la valeur d'une promotion des ventes , à l'exception des rabais sur les livres ;

- l' interdiction des rabais précédant les soldes ;

- la nécessité d'une autorisation préalable ou d'une exigence ayant un effet équivalent en vue de l'utilisation ou de la communication commerciale d'une promotion des ventes.

Cette réglementation consiste ainsi en une totale libéralisation des techniques promotionnelles , dont les conséquences pour les Etats membres aux législations restrictives sont à l'évidence considérables. En ce qui concerne la France, on peut relever que ce texte mettrait notamment à bas :

- tout un pan du droit de la concurrence , et en particulier la loi Galland, puisque la vente à perte ne pourrait plus être interdite et que, de surcroît, le montant des rabais ne saurait être limité ;

- la pratique même des soldes , dès lors que sont à la fois interdites la limitation de la valeur d'une promotion des ventes, l'interdiction des rabais précédant les soldes, et la fixation même des périodes de soldes par arrêté préfectoral (puisqu'il s'agit d'un mécanisme d'autorisation préalable prohibé par le dernier alinéa de l'article 3-1) ;

- les dispositions interdisant les rabais portant sur des biens vendus à prix fixe , à l'exception des livres ;

- la réglementation limitant la valeur des primes offertes à l'occasion d'un achat de bien ou de service ;

- la législation prohibant toute obligation d'achat pour participer à un concours promotionnel .

Pour d'autres pays, l'ensemble de ces prohibitions remettrait notamment en cause, outre les réglementations ci-dessus, les dispositions nationales prescrivant que les primes et cadeaux doivent être étroitement liés au bien ou au service promu, celles limitant leur valeur, voire les interdisant, ainsi que les textes soumettant le recours à telle ou telle technique de promotion à une autorisation préalable ou à l'acquittement d'une taxe.

b) La reconnaissance mutuelle (article 3-2)

En outre, pour tout ce qui concerne les restrictions nationales aux promotions des ventes qui ne sont pas couvertes par les dispositions de l'article 3-1, la proposition de règlement impose l'application du principe de reconnaissance mutuelle . Une telle prescription a pour effet de soumettre à ce principe toutes les règles particulières relevant de dispositifs nationaux spécifiques propres à certains produits ou activités professionnelles. Dans le cas français, on peut donner pour exemples les produits de santé (médicaments à usage humain, dispositifs médicaux, médicaments vétérinaires, éléments et produits du corps humain, etc.) ou l' activité de diverses professions réglementées , dont la promotion, bien qu'interdite en France, pourrait être entreprise dans l'hexagone par des entreprises établies dans des Etats membres dont la législation l'autoriserait . Il en est de même de certaines techniques promotionnelles faisant l'objet d'interdictions ou de limitations sectorielles, comme par exemple l'attribution en prime d'un animal vivant.

3. L'harmonisation des obligations d'information

En contrepartie des prohibitions qu'elle fixe, la proposition de règlement institue en son article 4 des exigences en matière d'information, exigences qui sont détaillées dans une annexe au règlement. Leur caractère obligatoire, leur clarté, leur précision et leur nature devraient être à même, selon la Commission, de permettre au client, consommateur ou professionnel, d'apprécier si la promotion justifie ou non l'achat du produit ou du service promu. Comme l'estime la Commission dans le considérant 11, ces exigences en matière d'information assureraient par elles-mêmes un haut niveau de protection des consommateurs. En outre, et même si cela n'est pas explicitement formulé, elles suffiraient à elles seules à se substituer à l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires nationales encadrant actuellement le recours aux techniques de promotion des ventes : elles seraient ainsi le pendant nécessaire et suffisant à la suppression de ces dispositions, prévue par l'article 3-1 du règlement communautaire.

Le dispositif est articulé comme un tableau à double entrées. Plusieurs de ces informations sont communes à l'ensemble des promotions des ventes tandis que d'autres sont particulières à certaines d'entre elles (rabais, cadeaux et primes, concours et jeux promotionnels). Par ailleurs, les unes doivent être fournies dans la communication commerciale elle-même alors que les autres doivent l'être sur demande, sans condition d'achat du bien ou service promu . Selon la Commission, l'harmonisation détaillée à laquelle procède l'annexe au règlement devrait éviter tout risque d'insécurité juridique résultant du recours à des conditions de transparence générales, susceptibles de donner lieu à des interprétations nationales divergentes.

4. Les recours

Enfin, ainsi que l'indique le considérant 16, l'article 6 du règlement impose aux promoteurs un certain nombre d'obligations visant à assurer qu' en cas de manquement aux exigences relatives à l'utilisation et à la communication des promotions des ventes, les plaignants puissent identifier le promoteur et accéder facilement aux mécanismes de recours interne . C'est ainsi que la charge de la preuve de l'exactitude des informations fournies à l'occasion d'une opération de promotion incombera au promoteur, qui devra fournir une adresse et/ou un service téléphonique chargés de recevoir les plaintes qui lui sont destinées et répondre à celles-ci dans un délai de six semaines à compter de leur réception. En outre, le promoteur sera tenu de mentionner son adhésion à tout mécanisme de recours extrajudiciaire ou code de conduite et de fournir, sur demande, toute information relative à ces mécanismes alternatifs de règlement des litiges.

B. UN ACCUEIL TRÈS LARGEMENT CRITIQUE

La proposition de la Commission a suscité, dans le courant du premier semestre 2002, des réactions qui, pour la plupart, allaient de la critique argumentée à la franche hostilité. Seules les agences de communication et autres professionnels spécialisés dans la promotion des ventes, ainsi que certains distributeurs, ont approuvé la démarche dans son ensemble et souhaité l'adoption du règlement en l'état. En revanche, la plupart des Etats membres, l'ensemble des associations de consommateurs et la grande majorité des producteurs et des distributeurs, ont opposé de nombreuses objections les conduisant à demander, qui des amendements substantiels au texte, qui la suspension de son examen par les instances communautaires, qui son rejet pur et simple par le Parlement européen et le Conseil, voire son retrait par la Commission.

Les critiques peuvent être rangées en trois familles distinctes : la contestation du calendrier retenu par la Commission et de son choix du règlement, l'opposition à la limitation des prérogatives des Etats en matière de droit de la concurrence, les réserves émises à l'encontre de plusieurs dispositions techniques du texte qui, en particulier, n'assureraient pas une protection suffisante des consommateurs.

1. Calendrier et instrument juridique

La présentation, ce même 2 octobre 2001, de la proposition de règlement, dont l'un des objectifs serait d'assurer un haut niveau de protection des consommateurs, et du Livre vert sur la protection des intérêts économiques des consommateurs dans l'Union européenne , a pu paraître à certains comme une sorte de provocation de la part de la Commission.

a) Un agenda incohérent

En effet, le Livre vert a ouvert une vaste consultation des partenaires européens et de leurs organisations professionnelles et associations qui doit porter à la fois sur les objectifs d'une politique spécifique des consommateurs de l'Union européenn e, et sur les outils juridiques à mettre en oeuvre pour y parvenir . Afin d'offrir aux consommateurs une protection maximale tout en limitant les coûts des entreprises, le champ de réflexion du Livre vert couvre l'ensemble des pratiques commerciales en général, y compris par conséquent la publicité et la promotion des ventes . Dans ce cadre sont ainsi posées des questions relatives à la nature des barrières commerciales auxquelles consommateurs et commerçants sont confrontés, à la définition de ce que sont les pratiques commerciales loyales (qui devraient répondre à un test général de loyauté ), au contenu et au mode de communication des informations destinées aux consommateurs, etc. Or, pour élaborer sa proposition de règlement relative aux promotions de ventes, la Commission a déjà répondu, dans ce domaine, aux questions qu'elle pose par ailleurs dans le Livre vert .

Bien plus, l'une des principales interrogations du Livre vert tient à la nature des instruments juridiques à utiliser pour élaborer un droit des consommateurs à l'échelle de l'Union. La Commission propose à cet égard deux options, l'approche dite « spécifique » consistant en l'adoption d'un ensemble de mesures législatives particulières à raison des domaines concernés, et l'approche qualifiée de « mixte », qui implique l'élaboration d'une directive-cadre complète assortie, le cas échéant, d'autres directives. Là encore, ce choix central, qui conditionne le degré d'intégration de la politique des consommateurs, est totalement anticipé par la Commission dès lors que l'adoption d'un règlement portant sur une partie significative du champ de la réflexion n'est pas compatible avec l'une des options proposée par le Livre vert, à savoir l'élaboration d'une directive-cadre.

Il est ainsi pour le moins paradoxal qu'au moment même où la Commission ouvrait un large débat sur ces questions essentielles, dont la complexité justifiait que du temps soit donné à la réflexion et à la confrontation des opinions, elle ait proposé dans le même temps un règlement qui, tant par sa nature que par son contenu, répond de manière définitive à plusieurs de ces interrogations et vide le Livre vert d'une partie importante de sa problématique . On ne peut manquer de comprendre que nombre des acteurs de ce débat, et les représentants des consommateurs au premier chef, aient eu le sentiment que leur avis, bien que formellement sollicité dans le cadre de la consultation sur le Livre vert, était en réalité méprisé. Ce sentiment s'est en outre trouvé renforcé par le fait que plusieurs des options retenues par la Commission dans sa proposition de règlement ne semblaient pas, de l'avis des associations de consommateurs, garantir un haut niveau de protection des consommateurs.

En tout état de cause, cette étrange articulation entre le débat sur le Livre vert et celui sur la proposition de règlement a également été relevé par plusieurs ministres lors de la réunion du Conseil « Marché intérieur, consommateurs et tourisme » du 21 mai 2002, en particulier par M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, qui, à titre liminaire, a insisté sur « l'absence de cohérence existant entre les deux démarches de la Commission, dont le projet de règlement préjuge largement des réflexions en cours à la suite de la publication du Livre vert » .

On peut enfin s'étonner de cette apparente précipitation alors que le règlement, s'il était adopté, aurait vocation à s'appliquer dans quelques années seulement, et pas avant le 1 er janvier 2005 à tout le moins. Certes, la démarche de la Commission s'inscrit, on l'a vu, dans un processus entamé en 1996, et il n'est pas anormal qu'en tant que telle, une préconisation ait été disponible en octobre 2001. Reste qu'à cette date, l'environnement général ouvrant une réflexion sur une problématique plus large incluant à l'évidence la question spécifique de la promotion des ventes, la poursuite du procès de manière autonome ne semblait plus logique ni cohérente, ce dont la Commission aurait du convenir pour en tirer les conséquences.

C'est dans cette optique que la Délégation pour l'Union européenne a, dans sa proposition de résolution du 9 juillet dernier, demandé au Gouvernement d'obtenir le report de la décision après l'examen du Livre vert, afin d'assurer la cohérence du dispositif d'ensemble en la matière.

b) Le règlement, un outil inadapté en l'espèce ?

Au-delà de ce problème de calendrier s'est également posé celui de l'outil juridique retenu . En tant que tel, le règlement présente un avantage théorique certain puisqu'il garantit un niveau élevé d'intégration juridique communautaire : le principe même du règlement impose en effet l'application harmonisée des dispositions d'un tel texte dans tous les Etats membres, au même moment et de manière strictement identique. Mais il prive en contrepartie lesdits Etats des moyens d'adapter les orientations communautaires à leur ordre juridique national pour en garantir la cohérence interne, de même qu'il leur interdit d'agir unilatéralement dans l'hypothèse où surviendraient ultérieurement des difficultés imprévues nécessitant une réaction rapide.

C'est pourquoi sa rigueur fait du règlement un outil juridique dont l'utilisation doit être minutieusement appréciée au regard de son champ d'application et des enjeux en cause. Il ne fait aucun doute que des dispositions réglementaires ne sauraient être imposées dans des domaines où les traditions, les pratiques et les environnements juridiques des Etats membres sont foncièrement différents .

Dans le cas d'espèce, la logique interne de la réglementation de la promotion des ventes proposée par la Commission s'inspire très largement du droit anglo-saxon, où le libéralisme des comportements associé à la discrétion, voire à l'absence, des réglementations, est à peu près correctement régulé par un grand respect des principes de loyauté commerciale de la part des acteurs économiques, un recours très développé aux dispositifs de codes de conduite, et une conception du règlement des litiges faisant largement appel à des notions d'équité. Mais cette organisation juridique des rapports entre les professionnels eux-mêmes, et entre ceux-ci et les consommateurs, outre qu'elle ne constitue pas nécessairement l' alpha et l' oméga du droit comme peut en témoigner le drame des farines animales en Grande-Bretagne, n'est pas forcément adaptable dans des Etats aux traditions différentes. En France, par exemple, où l'administration a pour mission d'exercer un contrôle sur le respect des dispositions législatives et réglementaires en matière de loyauté des pratiques commerciales et de protection des consommateurs, et où le juge ne peut apprécier un conflit qu'au regard du droit, à l'exclusion de toute autre considération, l'irruption d'un tel règlement pourrait conduire à des remises en cause excédant largement son objet initial. C'est pourquoi, la plus grande prudence s'imposant, le recours à l'instrument juridique plus flexible que constitue la directive aurait probablement dû être examiné , ainsi que l'envisage au demeurant le Livre vert.

Certes, la technique du règlement a recueilli l'approbation quasi unanime des professionnels, qui y ont vu le meilleur moyen d'obtenir une réelle, durable et rapide harmonisation du droit communautaire, la transposition de directives en droit interne étant en effet un processus plus long et surtout susceptible de maintenir un certain nombre de différences, même minimes, entre les législations des Etats membres. En revanche, cet outil a suscité une forte opposition des organisations de défense des consommateurs, d'autant qu'elles considèrent de surcroît que le contenu même de la proposition de règlement ne garantit pas une protection suffisante des intérêts des consommateurs : or, toute révision ou adaptation ultérieure d'un règlement nécessite un accord communautaire, ce qui la rend complexe. Enfin, un certain nombre d'Etats membres ont également exprimé leurs réticences. Ainsi la France a-t-elle fait observer que le règlement ne constituait pas l'instrument juridique adapté , une directive étant plus appropriée aux sujets touchant au droit de la consommation pour permettre une adaptation aux structures juridiques nationales , par exemple en ce qui concerne la définition de sanctions civiles ou pénales.

En tout état de cause, ainsi que l'a constaté le S.G.C.I. 7 ( * ) , aucune autre disposition concernant la protection des intérêts économiques des consommateurs ne fait actuellement l'objet d'un règlement, même s'agissant de sujet consensuels tels que la publicité trompeuse ou l'indication de prix. Dans ces conditions, on est en droit de se demander ce qui impose le recours aujourd'hui à cet outil juridique.

C'est la raison pour laquelle la proposition de résolution de la Délégation pour l'Union européenne demande au gouvernement de faire valoir à la Commission qu'il serait plus conforme au principe de subsidiarité d'intervenir par la voie d'une directive-cadre permettant l'adaptation des législations nationales plutôt que sous la forme d'un règlement d'application immédiate en droit interne.

2. Les risques de concurrence déloyale

Aux deux questions de principe ci-dessus évoquées s'en ajoute une troisième, qui concerne la présence dans le corps même du dispositif d'un item ne relevant pas des techniques de promotion commerciale : la vente à perte.

a) La vente à perte

La Commission européenne a estimé que les interdictions de vente à perte érigées par certaines législations nationales vont à l'encontre du but qu'elles recherchent et que les objectifs de protection des consommateurs et de lutte contre la concurrence déloyale peuvent être réalisés de manière plus efficace et proportionnée en n'imposant que des obligations d'informations spécifiques.

Cette analyse a été vivement contestée par plusieurs Etats membres, tels la France, la Belgique, l'Espagne ou l'Italie, ainsi que par un grand nombre d'opérateurs économiques et par les associations de consommateurs : tous considèrent que les ristournes conduisant à vendre à perte ne sont pas une forme de promotion commerciale mais une pratique anticoncurrentielle relevant, en tant que telle et en vertu du principe de subsidiarité, de la compétence des gouvernements . Ainsi, pour le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, l'autorisation de la revente à perte ne présente aucune justification juridique ou économique dans un projet réglementant les promotions commerciales, et cette possibilité doit donc être purement et simplement écartée.

L'attitude très ferme de M. Renaud Dutreil recueille au demeurant l'assentiment d'un nombre significatif de syndicats professionnels, totalement opposés à l'irruption de telles pratiques sur le territoire national. Les représentants des commerçants considèrent en effet que la vente à perte déstabilise la concurrence en favorisant les gros opérateurs qui ont les capacités financières suffisantes pour supporter durablement une telle politique afin d'éliminer leurs concurrents moins solides et ainsi dominer le marché de manière déloyale. Elle a en outre pour effet de dévaloriser l'image des produits promus , ce qui peut être néfaste pour le producteur. On peut enfin ajouter que la jurisprudence communautaire a reconnu que l'interdiction de la vente à perte ne constitue pas une entrave aux échanges intracommunautaires , ce qui ne peut manquer de renforcer les interrogations sur la légitimité de la présence de cette mesure dans l'économie du dispositif proposé par la Commission.

b) Les soldes

Corollaire de la vente à perte, la pratique des rabais sans limitation ni de niveau, ni de période, ni de durée, a été également dénoncée par les distributeurs, les consommateurs et plusieurs gouvernements. La proposition de règlement, en prohibant explicitement l'interdiction des rabais précédant les soldes ainsi que toute autorisation préalable en vue de l'utilisation ou de la communication commerciale d'une promotion des ventes, a pour effet de faire disparaître les soldes saisonniers, liquidations et ventes au déballage existant en France comme dans un certain nombre d'autres Etats membres. En effet, dès lors que la période des soldes ne peut plus être fixée par arrêté préfectoral et qu'il est autorisé de procéder à des rabais à tous moments, même avant les soldes, la notion même de soldes n'a plus de sens .

Or, ce type d'opération commerciale recueille un large consensus des producteurs, des commerçants et des consommateurs, dès lors qu'il est encadré et contrôlé - même si l'homogénéisation des périodes sur l'ensemble du territoire ou leur durée peut, comme actuellement, faire l'objet d'un débat. L'importance économique que représentent aujourd'hui les soldes pour les professionnels, et dont témoignent notamment les récentes observations sur les résultats des soldes de l'été 2002, n'est plus à démontrer. Enfin, cette pratique consumériste est totalement intégrée par les consommateurs français, au point que M. Renaud Dutreil a estimé, à l'appui des réserves qu'il a exprimées en mai 2002, qu'elle relève désormais d'une certaine tradition populaire.

3. Les autres objections

Au-delà de ces deux aspects du contenu de la proposition, qui constituaient à l'évidence une des raisons essentielles de la fermeté des autorités françaises et de l'opposition de la plupart des opérateurs économiques nationaux, le texte de la Commission a suscité diverses autres critiques.

a) Les dangers du principe de reconnaissance mutuelle

La première tient au flou du champ d'application du règlement et à la portée du principe de reconnaissance mutuelle . Tous les commentateurs se sont inquiétés de l'extrême imprécision qui entoure le champ d'application de l'article 3. Il semblerait en effet que, dans bien des circonstances, il soit difficile de déterminer, en l'absence d'indications formelles de la Commission, si des règles nationales constituent une interdiction générale au sens du premier paragraphe de l'article ou des interdictions particulières entrant dans le champ du principe de reconnaissance mutuelle. C'est en particulier le cas, selon le Bureau européen des unions de consommateurs, des clauses nationales générales sur le bon comportement commercial figurant dans les lois scandinaves, autrichiennes, portugaises et allemandes. En outre, divers Etats membres ont relevé que certaines prescriptions nationales à caractère général répondent à des objectifs spécifiques, ce qui les conduit à viser la promotion des ventes de produits particuliers, et qu'elles semblent devoir être traitées dans le cadre d'autres textes de référence que le présent règlement. La France a ainsi cité pour exemples les dispositions visant à préserver la santé publique qui portent sur l'alcool, le tabac, les médicaments à usage humain, les dispositifs médicaux, les médicaments vétérinaires, etc. La réglementation des opérations promotionnelles et des communications commerciales concernant ces produits entre-t-elle dans le cadre des prescriptions générales ou dans celui de la reconnaissance mutuelle ? Cette incertitude a ainsi conduit certains commentateurs à réclamer que la Commission européenne dresse, pays par pays, la liste des règles nationales qui relèveront du principe de la reconnaissance mutuelle .

Au-delà de cette absence de définition précise du champ d'application de l'article 3, c'est le principe même de la reconnaissance mutuelle qui a été contesté . En effet, une mise en oeuvre efficace de ce dispositif suppose au préalable un degré élevé d'harmonisation des législations et réglementations nationales, de sorte que les différences qui les distinguent ne soient guère que marginales . Or, comme l'ont démontré les travaux du groupe d'experts réuni par la Commission, les divergences actuelles sont au contraire très nombreuses et parfois particulièrement profondes. Le mécanisme de la reconnaissance mutuelle n'est donc pas approprié en l'espèce et ne peut que conduire à fragiliser l'ordre juridique :

- il est source d'une grande confusion pour les opérateurs qui, pour savoir si la promotion des ventes considérée est légale, seront contraints de connaître tant la nationalité du promoteur que la législation et la réglementation du pays d'origine de celui-ci. Si l'on peut espérer que les acteurs publics (autorités administratives et juridictionnelles) pourront satisfaire à cette obligation, cela paraît déjà plus douteux en ce qui concerne les professionnels, et cela devient parfaitement illusoire s'agissant des consommateurs. Il est dès lors à craindre que cette complexité ne favorise les pratiques commerciales déloyales et abusives ;

- il risque de conduire à une harmonisation des dispositions législatives et réglementaires nationales « par le bas », c'est à dire à une dérégulation pernicieuse et nocive pour les consommateurs de l'Union. En effet, les producteurs et commerçants des Etats membres qui garantissent un niveau élevé de protection en matière de promotion des ventes seront pénalisés par les pratiques de leurs concurrents étrangers ressortissants d'Etats à la protection moindre. Ils feront alors pression sur les pouvoirs publics de leur pays pour qu'ils adoptent des prescriptions similaires ou identiques à celles de ces Etats, ce qui conduira à terme à la diffusion dans tous les pays de l'Union des normes les plus faibles de protection. On sera certes parvenu à l'harmonisation du marché intérieur, ce qui est l'objectif affiché par la Commission, mais il est douteux que ce soit au bénéfice des consommateurs !

b) Une protection insuffisante des consommateurs

A cet égard, plusieurs dispositions du texte ont été critiquées en ce qu'elles ne garantissent pas un niveau élevé de protection des consommateurs, en dépit des affirmations de la Commission européenne.

Au reste, celle-ci ne fait pas de la protection des consommateurs un de ses objectifs explicites , au contraire de son objectif économique plusieurs fois exprimé : mention de l'article 95§1 du Traité en premier visa de la proposition de règlement, sans aucun rappel de l'article 153 relatif à la protection du consommateur, et références au fonctionnement correct du marché unique figurant dans les premiers considérants et à l'article premier de la proposition, la protection des consommateurs n'étant évoquée qu'une seule fois, au considérant 11.

Au demeurant, l'ensemble des associations de consommateurs estime que, malgré cette déclaration d'intention, la protection des consommateurs, non seulement ne se trouverait pas raffermie par ce texte, mais serait même profondément altérée par sa mise en oeuvre .

Les représentants des consommateurs dénoncent ainsi le fait que la proposition de règlement s'applique de manière identique aux relations entre les professionnels et à celles existant entre ceux-ci et les consommateurs . La spécificité de ces derniers n'est pas reconnue par le texte, alors même que leur situation impose des règles particulières de protection. En effet, en matière d' information , d'accès à celle-ci, de compréhension, les individus ne disposent pas des mêmes moyens que les professionnels. Cette opinion a également été celle de quelques Etats membres, telle la France, dont le secrétaire d'Etat s'est étonné que la Commission ne distingue pas les uns et les autres pour édicter des prescriptions en la matière. De plus, le S.G.C.I. a relevé qu'en termes de cohérence juridique, il conviendrait d'éviter, conformément au souhait exprimé par la Commission, toute interférence entre ce texte et le droit de la concurrence, ce qui renforcerait la nécessité d'exclure du dispositif les relations entre les professionnels.

A cela s'ajoutent des interrogations relatives au dispositif même de l'exigence d'information, et à la philosophie de la Commission sur laquelle il s'appuie. Celle-ci consiste à estimer que la clarté et l'exhaustivité de l'information sont suffisantes pour garantir à la fois la loyauté commerciale et la protection des consommateurs . Pour les représentants des consommateurs, cette analyse est purement théorique, voire dogmatique, et méconnaît totalement le principe de réalité . Selon eux, si un tel raisonnement était exact, pourquoi les Etats auraient-ils élaborés chacun des législations, complexes et différentes selon les secteurs ou les produits, visant à parvenir à ces objectifs de loyauté et de protection plutôt que de se limiter spontanément à cette seule démarche de transparence informative ? Sauf à considérer que l'édiction de normes n'a d'autre objet que d'ennuyer les acteurs économiques, on doit admettre que la nature humaine rend aussi nécessaires d'autres formes de protections réglementaires visant à éviter des comportements déloyaux ou à garantir les intérêts des plus faibles. Ces acteurs économiques ne sont pas des entités abstraites disposant toutes des mêmes compétences et capacités, mais des individus tous différents.

En outre, force est de constater que quelles que soient les précautions prises, l'information n'est pas une garantie absolue de protection. Dans notre pays, où le degré d'exigence informative en matière de promotion commerciale peut être considéré comme très élevé, la Cour de cassation vient d'en administrer la preuve en rendant un arrêt qui devrait faire jurisprudence en matière de jeux-concours publicitaires. La Haute juridiction a en effet condamné des promoteurs au motif que la présentation de leur opération commerciale, pourtant strictement conforme au texte de la réglementation nationale et parfaitement compréhensible par le commun des clients, était de nature à induire en erreur certains de ceux-ci en leur faisant croire à tort qu'ils avaient gagné un gros lot. Ainsi la Cour a-t-elle démontré par l'exemple que la conjonction d'une réglementation relativement stricte et d'obligations d'information pourtant précisément définies pouvait encore être insuffisante pour assurer la protection des consommateurs.

A également été relevée l'absence de dispositifs harmonisés de sanctions et de voies de recours autres qu'extrajudiciaires dans le cas d'opérations de promotion transfrontalières. Pour beaucoup, les procédures internes de traitement des plaintes par les opérateurs sont tout à fait insuffisantes et parfaitement illusoires, et l'inexistence de mécanismes impliquant la puissance publique révélatrice de la faiblesse du dispositif.

S'agissant plus particulièrement des enfants, l'âge de quatorze ans retenu par la proposition de règlement a été jugé trop faible, tandis que le fait que seule la protection de leur santé physique ait été envisagée a fait l'objet de critiques ironiques, nul ne doutant que les législations des Etats membres interdisent la distribution de cadeaux promotionnels susceptibles de nuire à celle-ci.

Enfin, diverses autres dispositions, à caractère plus technique, ont également été contestées, telle la possibilité de lier la participation à un jeu ou concours promotionnel à une obligation d'achat ou une quelconque participation financière. Plusieurs Etats disposant d'une réglementation protectrice en la matière permettant d'éviter des dérives préjudiciables aux intérêts de consommateurs, s'y sont opposés. La France, en outre, a vu dans cette proposition une atteinte à son ordre public interne, les loteries payantes constituant un monopole d'Etat ne pouvant être remis en cause de cette manière subreptice.

II. LA NOUVELLE DONNE APRÈS L'EXAMEN DU TEXTE PAR LE PARLEMENT EUROPÉEN

A la lecture des rapports des différentes commissions du Parlement européens saisies de ce texte, on pouvait s'interroger sur la position qu'adopteraient les députés à son égard. En effet, si la commission juridique et du marché intérieur, saisie au fond, était favorable aux principes et au dispositif de la proposition de règlement, sous réserve de modifications, les trois commissions saisies pour avis - « Environnement et santé publique » , « Industrie, commerce extérieur et recherche » , « Economique et monétaire »- étaient en revanche beaucoup plus réservées, voire hostiles. C'est ainsi notamment que le rapporteur de la commission environnement et santé publique, Mme Béatrice Patrie (PSE, France) , a présenté une motion demandant le report du débat à la lumière du Livre vert de la Commission sur la protection des consommateurs. Cette motion a toutefois été repoussée ( ( * )*).

Le Parlement européen a donc adopté la proposition de règlement, en l'assortissant cependant d'un nombre significatif d'amendements qui, pour certains, semblent modifier substantiellement l'économie du dispositif, pour autant que leur portée exacte soit clairement définie.

A. DES MODIFICATIONS SUBSTANTIELLES

Comme c'est souvent le cas, le Parlement européen a approuvé l'option retenue par la Commission de procéder par voie de règlement. Il a d'ailleurs inséré, par amendement, un considérant 16 quater nouveau ainsi rédigé : « Cet instrument montre comment l'on peut parvenir à une harmonisation ciblée et complète en se fondant sur un règlement qui offre une sécurité juridique totale. Conformément à l'objectif d'améliorer la réglementation, il convient de cibler l'harmonisation dans ce domaine en se fondant sur des règlements plutôt que sur des directives, afin que les citoyens européens tirent le plus grand bénéfice du marché intérieur » .

Mais en la circonstance, cette déclaration de principe, outre qu'elle est à tout le moins discutable dans son libellé -l'affirmation du caractère « total » de la sécurité juridique apportée par le règlement relevant en l'espèce davantage de la pétition que de la démonstration-, semble déplacée dès lors qu'elle apporte une réponse anticipée aux problématiques soulevées par le Livre vert .

Quant à elle, votre commission maintient l'analyse divergente retenue par la Délégation pour l'Union européenne, selon laquelle, du strict point de vue du principe de subsidiarité, il n'est pas opportun de procéder en la matière par voie de règlement. Le texte de la Commission, même revu par le Parlement européen, pose encore trop de questions quant à son intégration dans l'ordre juridique interne, notamment pour tout ce qui concerne les voies de recours et la définition des sanctions, pour qu'il puisse être d'application directe et intégrale dans notre droit national dès son entrée en vigueur.

Mais si les principes mêmes du texte ont été confirmés par le Parlement européen, son contenu a été en revanche singulièrement modifié. Apparemment, son champ d'application a été réduit pour en expurger des items posant trop de difficultés, tandis que le dispositif informatif était allégé.

1. Un champ d'application apparemment réduit

Le Parlement européen a exclu de manière expresse divers secteurs ou techniques promotionnelles, de manière au demeurant diverse qui conduit à s'interroger sur les effets normatifs de ses amendements . En effet, les précisions sont apportées tantôt dans le cadre des considérants précédant le règlement lui-même, tantôt dans son dispositif exclusivement, tantôt ici et là simultanément.

Si l'on s'en tient aux considérants , et en prenant en compte les principaux amendements adoptés par les députés européens, on peut ainsi relever que le règlement :

- concerne les promotions des ventes qui sont temporaires par opposition, par exemple, aux réductions de prix à long terme, et qu'il s'applique aux cartes de fidélité et aux programmes de fidélisation des compagnies aériennes ;

- ne couvre pas ou n'affecte pas les réglementations nationales qui fixent les conditions des soldes saisonniers et des ventes de liquidation , sauf si ces réglementations limitent l'offre de rabais ;

- couvre les concours ou jeux promotionnels autres que les jeux d'argent ( i.e. les jeux de hasards, les loteries et les paris impliquant des mises ayant une valeur monétaires en sont donc exclus) dont l'objectif est de promouvoir la vente de biens ou services et qui permettent de participer sans paiement requis et sans obligation d'achat ;

- s'applique sans préjudice du droit de la concurrence communautaire et national qui comporte des dispositions spécifiques sur la presse ;

- ne concerne pas les interdictions ou limitations édictées par le droit national en matière de publicité , telle l'interdiction de pratiques publicitaires agressives ou l'exercice de pressions psychologiques à l'achat ;

- ne s'applique pas aux restrictions édictées par les Etats membres en ce qui concerne l'utilisation et la communication commerciale des promotions des ventes par des membres de professions réglementées , ni à celles visant à la commercialisation de médicaments , soumis ou non à ordonnance ;

- ne soumet pas à la reconnaissance mutuelle les exigences nationales générales en matière de publicité , comme celles relative à la santé , à la moralité , à la publicité de certains biens et services , ni les exigences relatives à d'autres pratiques commerciales .

S'agissant du corps du texte lui-même, et en particulier de son article 3, les députés européens ont :

- préservé la possibilité pour les Etats membres d'adopter des mesures particulières qui , à des fins de défense des consommateurs, des entreprises prestataires et de la concurrence, limitent en partie l'utilisation et la communication commerciale concernant des promotions de ventes telles que les ventes à perte ;

- interdit la limitation de la valeur d'une promotion des ventes, à l'exception des rabais sur les ventes à perte ;

- autorisé les Etats membres à maintenir, le cas échéant, leur réglementations restrictives relatives aux rabais sur les produits à prix fixe autres que les livres qui, seuls, étaient visés par la proposition initiale de la Commission. En élargissant l'exception à tous les produits à prix fixe, ils se sont en particulier prononcés, semble-t-il, en faveur d'une exemption des médicaments aux prix réglementés, ainsi qu'aux produits et marques de tabacs ;

- supprimé la prohibition de l'interdiction des rabais précédant les soldes ;

- exclu du principe de la reconnaissance mutuelle les dispositions nationales concernant la vente ou la revente à perte .

Il semble ainsi assez clair que le Parlement européen a entendu permettre aux Etats membre de conserver une plus grande marge de manoeuvre , et la possibilité de maintenir des réglementations restrictives, en particulier pour tout ce qui concerne les ventes à perte , les soldes , ainsi qu' un certain nombre de biens ou services considérés comme sensibles .

Ces points étaient considérés comme essentiels par un certain nombre d'Etats membres, et de nature à entraîner leur opposition totale au dispositif proposé par la Commission. Reste qu'en l'état, il n'est pas certain que la liste établie par le Parlement européen soit complète et suffisante pour garantir que tous les obstacles sont levés.

2. Un souci des consommateurs plutôt contrasté

Soucieux de parer les débordements potentiels de certaines pratiques de promotion commerciale destinées aux enfants, le Parlement européen a souhaité renforcer la protection des mineurs, conformément aux demandes pressantes des associations de consommateurs. Il a ainsi contraint les promoteurs à respecter les limites d'âge supérieures à quatorze ans spécifiques à la vente de produits particuliers, fait référence à tous les types de dangers et nuisances - qui excèdent naturellement les seules atteintes physiques évoquées par le texte initial de la Commission - auxquels il est interdit d'exposer les enfants, et prohibé l'offre à un mineur de tout cadeau répondant à la définition de produits interdits à la vente aux mineurs. En revanche, il a rendu possible de demander à un enfant les coordonnées de son responsable légal afin d'obtenir le consentement de celui-ci pour collecter des données à caractère personnel.

S'agissant des consommateurs en général, les députés européens ont pris des initiatives contrastées. S'ils ont en effet multiplié les amendements consistant à affirmer, dans les considérants du texte, la nécessité de garantir un haut degré de protection des consommateurs, ils ont toutefois ajouté un dernier considérant affirmant que « ni les consommateurs ni les entreprises n'ont intérêt à ce que les promotions des ventes soient soumises à des exigences excessives en matière d'information » . En conséquence de quoi, ils ont procédé à un allègement significatif du dispositif informatif fixé par l'annexe au règlement qui définit les exigences en matière d'informations.

A titre d'exemple, ils ont ainsi purement et simplement supprimé, des informations à fournir dans la communication commerciale relative aux rabais et aux cadeaux et primes, le montant ou la valeur de ceux-ci . Or, en l'espèce, la formulation de la pétition de principe finale des députés européens est spécieuse et les conséquences qu'ils en tirent contestables : si personne ne va naturellement préconiser l'imposition d'exigences « excessives » , il paraît en revanche pour le coup « excessif » de considérer comme « excessif » pour un client de connaître, dans le cadre même d'une promotion, la valeur de l'avantage dont il peut bénéficier. Au-delà de cet exemple, l'affaiblissement opéré par le Parlement européen en matière d'obligations d'information est général, en ce qu'il reporte une part significative des informations que le promoteur est tenu de fournir dans celles disponibles uniquement sur demande expresse du client.

Ceci pose à nouveau, avec même davantage d'acuité, le problème déjà examiné précédemment de l' absence de distinction entre professionnels et consommateurs . Il est tout à fait certain que les seconds ne sont pas placés dans les mêmes conditions objectives que les premiers face à l'information, surtout si elle n'est pas accessible immédiatement.

Par ailleurs, le Parlement européen a également limité les possibilités de plainte ouvertes aux consommateurs : ainsi, les obligations de l'article 6 relatif aux recours ont été réservées aux seules entreprises comptant dix employés et plus, permettant dès lors à l'immense majorité des entreprises européennes d'éviter les dispositions, pourtant déjà fort légères, contraignant les promoteurs à mettre en place un système de recueil et de traitement des plaintes.

Enfin, il convient de relever que le Parlement européen a fixé l'entrée en vigueur du règlement au 1 er janvier 2005.

B. DES INTERROGATIONS QUI DEMEURENT

A la suite du vote du Parlement européen, la Commission devrait présenter au Conseil une proposition modifiée qui tiendra plus ou moins largement compte de la position exprimée par les députés européens. Sous réserve des amendements qu'elle maintiendra, et surtout des précisions qu'elle apportera au texte amendé, celui-ci, en l'état actuel, suscite encore beaucoup de réserves. Il est en effet difficile d'y voir clair dans ce que le Parlement européen a adopté.

1. Un besoin de clarification

En termes de méthodologie et de conséquences normatives des modifications parlementaires, il est en premier lieu impossible de savoir ce qu'impliquent les adjonctions apportées aux considérants de la proposition dès lors qu'on ne les retrouve pas dans le corps même du règlement . A titre d'exemple, les références à la presse ou aux professions réglementées qui figurent dans les considérants, mais dont le règlement lui-même ne fait pas mention, ont-elles une valeur normative ? Mais dans ce cas, pourquoi d'autres items, tels les médicaments et le tabac, sont-ils présents à la fois dans les considérants et dans les articles du règlement ?

En tout état de cause, les dispositions sont parfois contradictoires . Par exemple, le considérant 7 dispose désormais que « le présent règlement couvre les concours ou jeux promotionnels (...) qui permettent de participer sans paiement requis et sans obligation d'achat » ; sa rédaction n'est donc pas cohérente avec la définition du concours promotionnel ainsi fixée par le paragraphe h) de l'article 2 : « toute offre temporaire de participation à un concours, le cas échéant, avec obligation d'achat , par lequel le gagnant est désigné essentiellement sur la base de ses aptitudes » .

En complétant les considérants de la proposition initiale et en cherchant à préciser la définition des termes utilisés par le règlement, le Parlement européen a ainsi rompu une certaine cohérence rédactionnelle et rendu la lecture de ce texte difficile et, plus grave, incertaine juridiquement .

Quoiqu'il advienne de cette proposition, il paraît dès lors indispensable pour votre Rapporteur qu'un toilettage précis soit entrepris pour rétablir un cadre conceptuel ne donnant prise à aucune divergence d'interprétation quant à sa portée .

En second lieu se pose la question de la reconnaissance mutuelle . Les amendements du Parlement européen, qu'ils se trouvent dans les considérants ou dans le corps du texte, ont-ils pour effet d'extraire totalement du champ d'application du règlement la vente à perte, la réglementation française sur les soldes, ou encore les prescriptions nationales propres à certains produits comme les médicaments, par exemple, ou bien ne s'agit-il que de permettre le maintien des législations nationales dans ces domaines tout en leur appliquant le principe de la reconnaissance mutuelle ?

Dans le premier cas, on peut être assuré que les dispositifs nationaux que nous connaissons en la matière, qui assurent à la fois un fonctionnement correct et loyal de la concurrence, et un haut niveau de protection des consommateurs, seront conservés et effectifs. Dans le second cas, au contraire, ce maintien des législations et réglementations nationales ne serait que formel , puisque le principe de reconnaissance mutuelle obligerait les Etats membres à admettre sur leur territoire des pratiques qu'elles interdisent pourtant aux promoteurs nationaux .

Or, votre commission est très inquiète à cet égard, car il lui semble que seule la vente à perte a été totalement extraite du champ d'application du règlement , c'est-à-dire tant des prohibitions que de la reconnaissance mutuelle.

En effet, le Parlement européen a pris soin de préciser expressément à l'article 3 du règlement que les dispositions nationales concernant la vente ou la revente à perte sont exclues de la reconnaissance mutuelle. Ainsi, et en raisonnant a contrario , toutes les prescriptions particulières relevant de dispositifs nationaux spécifiques propres à certains produits ou activités professionnelles demeurent soumises à ce principe. Par conséquent, ces prescriptions, quelle que soit leur rigueur, deviendraient inopérantes dès lors que la promotion commerciale incriminée émanerait d'un opérateur ressortissant d'un Etat l'autorisant. Pour votre commission, il est dès lors indispensable qu'une clarification soit apportée soit par la Commission européenne, soit par le Conseil, sur le champ d'application de la reconnaissance mutuelle.

La volonté politique du Parlement européen a été clairement exprimée, dès lors qu'il a entendu :

- laisser aux Etats membres la faculté d'interdire la vente à perte , ce qui permet d'apaiser l'une des inquiétudes essentielles manifestées ces derniers mois par les professionnels de notre pays, en particulier les petits commerçants, ainsi que les jeux et concours publicitaires à obligation d'achat , lesquels ne préservent pas la sécurité des consommateurs et portent atteinte, en France, au monopole d'Etat ;

- rendre possible le maintien des soldes à la française en autorisant les Etats membres à restreindre ou à interdire les rabais avant les soldes saisonniers, considérant que cela sert les intérêts des consommateurs, prévient les pratiques commerciales déloyales et renforce la concurrence ;

- établir, même de manière confuse, une liste de biens et services dont la nature et les particularités justifient , pour des raisons tant économiques que propres à la protection des consommateurs ou de la santé, le maintien de réglementations encadrant leur promotion .

Il serait inacceptable que cette volonté politique exprimée par le Parlement européen, à laquelle votre commission souscrit totalement, soit contrecarrée par l'application du principe de reconnaissance mutuelle qui, très rapidement, priverait le maintient des législations nationales de tout effet réel. Il existe donc une nécessité absolue de garantir que les différents aspects visés ci-dessus sont bien exclus de la totalité du champ d'application du règlement.

2. Une portée peut-être limitée

Dans l'hypothèse où cette clarification interviendrait, resterait alors à se poser la question de la portée pratique de l'application en France du règlement communautaire . Il semblerait en effet que si des garanties sont apportées conformément aux souhaits de votre commission, la seule remise en cause que le texte européen apporterait à notre réglementation nationale concernerait la limitation de la valeur des primes : dans la limite de la vente à perte, il ne serait ainsi plus possible d'imposer un taux ou une valeur maximale autorisée. Ce changement serait relativement mineur, d'autant que chacun s'accorde à reconnaître que le dispositif juridique actuel est obsolète et qu'il est largement contourné par le recours, dans les opérations de promotion des ventes, aux cadeaux, dont la valeur n'est pas, elle, limitée par nos textes !

Quant aux dangers que feraient peser sur les consommateurs français l'application de ces dispositions, ainsi que les mesures édictées par les articles du règlement concernant les obligations de transparence de l'information et les mécanismes de recours, ils n'ont pas été clairement démontrés par les associations de consommateurs. La question essentielle tient davantage au devenir des dispositifs nationaux organisant le régime des sanctions à l'inobservation des législations . Seront-ils ou non adaptés pour s'opposer aux pratiques déloyales susceptibles d'être mises en oeuvre par des opérateurs étrangers, et permettront-ils à des consommateurs français de faire valoir leur droit sur le sol national ou sur celui d'un autre Etat membre de l'Union ? C'est un des points que devra naturellement éclaircir le Gouvernement avant de faire état de sa position lors du prochain Conseil « Marché intérieur » .

C. LES CONCLUSIONS DE VOTRE COMMISSION

Au terme de cette analyse, menée en particulier à la lumière des auditions très instructives auxquelles il a procédé, votre Rapporteur s'est trouvé confronté à une alternative assez simple.

Soit maintenir sans modification la résolution adoptée en juillet dernier par la Délégation pour l'Union européenne , tant il est vrai que les arguments de principe qui avaient motivé sa décision n'ont pas changé : l' articulation avec le Livre vert de la Commission européenne sur la protection des intérêts économiques des consommateurs dans l'Union européenne n'est pas cohérente , et le recours à un règlement plutôt qu'à une directive ne paraît pas constituer une nécessité absolue .

Soit tenir compte des travaux du Parlement européen qui, en pratique, peuvent avoir eu pour effet de rendre la mise en oeuvre de ce règlement pratiquement indolore , tant pour les professionnels que pour les consommateurs. Sous réserve que des précisions et engagements soient formellement pris sur le maintient d'un certain nombre de dispositions nationales protectrices , et sur la non application du principe de reconnaissance mutuelle en ces domaines , il semblerait que l'ensemble des acteurs économiques soient dorénavant favorables à l'économie du dispositif. Quant aux associations de consommateurs, elles y demeurent opposées, mais on ne peut manquer de relever une certaine évolution dans leur véhémence. Au demeurant, les craintes qu'elles ont exprimées n'ont pas été assorties d'exemples pratiques permettant d'en apprécier la pertinence.

Aussi n'a-t-il pas paru possible à votre Rapporteur de reprendre en l'état le texte de la proposition de résolution adoptée par la Délégation pour l'Union européenne. Il lui a semblé plus légitime de soumettre à votre commission des affaires économiques une proposition de résolution qui, certes, rappelle les objections de principes qui avaient été les siennes quant au calendrier de l'examen de la proposition de règlement au regard de la réflexion ouverte par le Livre vert et au choix même de l'outil juridique que constitue le règlement, mais qui encourage surtout le Gouvernement à obtenir des éclaircissements et des garanties sur trois points essentiels :

- le champ d'application exact du règlement et la limitation du principe de reconnaissance mutuelle , de manière à ce que les domaines exclus par le Parlement européen le soient bien clairement et totalement ;

- le maintien d'un haut niveau de protection des consommateurs , par la remise en cause des amendements du Parlement européen qui réduisent les obligations d'information des consommateurs et leurs facultés de recours ;

- la préservation des voies de recours juridictionnelles nationales .

Mais il va de soi, pour votre commission, que si le Gouvernement ne parvenait pas à faire valoir ses positions sur ces trois problématiques, il devrait alors s'opposer à l'adoption du texte dans son ensemble , ainsi que le recommandait la Délégation du Sénat pour l'Union européenne en juillet dernier.

Au reste, les réserves de la France pourraient rejoindre celles susceptibles d'être manifestées lors de la réunion du Conseil « Marché intérieur » du 14 novembre prochain par sept autres Etats membres au moins : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Finlande, l'Italie, le Luxembourg et la Suède. En effet, les toutes dernières informations recueillies par votre Rapporteur laissent craindre que la Commission européenne, loin de prendre en compte les principales options politiques exprimées par le Parlement européen en s'efforçant de les rendre juridiquement cohérentes, ait au contraire l'intention de présenter aux délégations un texte très similaire à sa proposition d'origine.

C'est dire, dans ce contexte, l'importance que peut présenter dans la négociation, à l'appui de la position de la représentation française, la présente proposition de résolution, que votre commission des affaires économiques, lors de sa réunion du jeudi 17 octobre 2002, a adoptée à l'unanimité.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le texte E 1842 portant communication et proposition de règlement relatifs aux promotions des ventes dans le marché intérieur,

Vu le Livre vert sur la protection des intérêts économiques des consommateurs dans l'Union européenne, en date du 2 octobre 2001,

Vu le vote du Parlement européen en date du 4 septembre 2002,

Demande au Gouvernement :

- de faire valoir à la Commission qu'il serait pertinent d'assurer la cohérence du texte avec les mesures qui seront prises dans le prolongement du Livre vert pour protéger les intérêts économiques des consommateurs et, qu'à ce titre, le recours à une directive semblerait plus opportun,

- de s'assurer, pour éviter de porter atteinte aux intérêts des opérateurs économiques nationaux et de fragiliser le haut niveau de protection dont bénéficient actuellement les consommateurs français, que le texte définitif exclut de son dispositif, conformément aux souhaits apparents du Parlement européen, les ventes à perte, les soldes, les jeux et concours promotionnels à obligation d'achat, ainsi que certains produits et services particuliers, et que le principe de reconnaissance mutuelle ne leur est pas applicable,

- de veiller à ce que l'objectif communautaire d'assurer un niveau élevé de protection des consommateurs ne se trouve pas contredit par des dispositions limitant leur droit à l'information et leurs possibilités de recours,

- de vérifier qu'au-delà des prescriptions évoquées par le texte en matière de recours, les dispositifs juridictionnels nationaux destinés à sanctionner les pratiques promotionnelles délictueuses seront toujours opérationnels et facilement accessibles à tout plaignant.

ANNEXE -

AUDITIONS DU RAPPORTEUR

Représentants des consommateurs

• Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) : Mme Reine-Claude Mader , Secrétaire générale, et M. Laurent Gomis , chargé de mission.

• Union française des consommateurs - Que choisir ? (UFC) : M. Alain Bazot , Président, et M. Julien Dourgnon , chargé de mission.

Représentants des professionnels de la promotion des ventes

• Association des agences conseils en communication (AACC) : M. Jacques Bille , Vice-Président Délégué général, Mme Laurence Dupont , juriste, M. Loïc Mouquet , Directeur général de l'agence GRRREY !, et M. Eric Andrieu , avocat.

• Union des annonceurs (UDA) : M. Gérard Noël , Vice-Président - Directeur général, et Mme Christine Reichenbach , Directeur juridique.

Représentants des entreprises du commerce et de la distribution

• Conseil du commerce de France (CCF) : Mme Claire Van Campo et M. Pascal Laurence , chargés de mission.

• Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) : M. Jérôme Bédier , Président, et M. Richard Boutet , Conseiller pour les affaires européennes.

• Union du grand commerce de centre ville (UCV) : M. Jacques Périllat , Président exécutif, et M. Jean-Luc Barthares , Secrétaire général.

Représentant du Secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation

• M. Alain Gras , Conseiller technique au Cabinet du ministre.

TABLEAU COMPARATIF

Proposition de résolution n° 352 (2001-2002) de M. Jean-Paul Émin

Proposition de résolution de la Commission

Le Sénat,

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le texte E 1842 portant communication et proposition de règlement relatifs aux promotions des ventes dans le marché intérieur,

Vu le texte E 1842 portant communication et proposition de règlement relatifs aux promotions des ventes dans le marché intérieur,

Vu le Livre vert sur la protection des intérêts économiques des consommateurs dans l'Union européenne, en date du 2 octobre 2001,

Vu le Livre vert sur la protection des intérêts économiques des consommateurs dans l'Union européenne, en date du 2 octobre 2001,

Vu le vote du Parlement européen en date du 4 septembre 2002,

Demande au Gouvernement :

Demande au Gouvernement :

- de s'opposer à l'adoption de ce texte qui, en l'état, marque un recul par rapport au régime national de protection des consommateurs,

- de faire valoir à la Commission qu'il serait pertinent d'assurer la cohérence du texte avec les mesures qui seront prises dans le prolongement du Livre vert pour protéger les intérêts économiques des consommateurs et, qu'à ce titre, le recours à une directive semblerait plus opportun,

- d'obtenir le report de la décision après l'examen du Livre vert sur la protection des intérêts économiques des consommateurs dans l'Union européenne, afin d'assurer la cohérence du dispositif d'ensemble en la matière,

- de s'assurer, pour éviter de porter atteinte aux intérêts des opérateurs économiques nationaux et de fragiliser le haut niveau de protection dont bénéficient actuellement les consommateurs français, que le texte définitif exclut de son dispositif, conformément aux souhaits apparents du Parlement européen, les ventes à perte, les soldes, les jeux et concours promotionnels à obligation d'achat, ainsi que certains produits et services particuliers, et que le principe de reconnaissance mutuelle ne leur est pas applicable,

- de faire valoir à la Commission qu'il serait pertinent d'assurer la cohérence du texte avec les mesures qui seront prises dans la prolongation du Livre vert pour protéger les intérêts économiques des consommateurs et, qu'à ce titre, le recours à une directive semblerait plus opportun,

- de veiller à ce que l'objectif communautaire d'assurer un niveau élevé de protection des consommateurs ne se trouve pas contredit par des dispositions limitant leur droit à l'information et leurs possibilités de recours,

- de vérifier qu'au-delà des prescriptions évoquées par le texte en matière de recours, les dispositifs juridictionnels nationaux destinés à sanctionner les pratiques promotionnelles délictueuses seront toujours opérationnels et facilement accessibles à tout plaignant.

* 1 Adoption du rapport de M. Eduard Beysen (ELDR, Belgique), au nom de la commission juridique et du marché intérieur, par 342 voix pour, 158 contre et 55 abstentions

* 2 Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC).

* 3 La reconnaissance mutuelle signifie qu'un Etat membre qui proscrit une pratique promotionnelle doit accepter qu'un opérateur ressortissant d'un autre Etat  membre la mette en oeuvre sur son territoire dès lors qu'elle est légale dans l'Etat d'origine de l'opérateur étranger.

* 4 Vérification du caractère approprié d'une mesure restrictive au regard de l'objectif poursuivi puis vérification que ledit objectif ne pourrait pas être atteint par une réglementation moins contraignante.

* 5 La vente à perte est définie par la proposition initiale de règlement comme « tout rabais consistant à vendre un bien ou un service à un prix inférieur au prix facturé net, comprenant les frais de transport, d'assurance et de livraison, ainsi que les taxes » .

* 6 Un organisme de régulation non public est une « organisation ou association ne relevant pas du droit public et qui exerce son autonomie juridique en vue de réglementer de façon collective les activités économiques » .

* 7 Le Secrétariat général du Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne , placé auprès du Premier ministre.

* (*) Cet amendement a obtenu 238 voix pour, 308 voix contre et 6 abstentions.

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