B. UNE oeUVRE DE LONGUE HALEINE

1. Les travaux préparatoires : sept ans de réflexion

Le code de l'éducation figurant dans le programme général de codification 1996-2000 a été élaboré sous l'égide de la Commission supérieure de codification, au sein de laquelle M. Patrice Gélard, membre de la Commission des Lois, représente le Sénat.

Ce long travail de codification s'est effectué selon les étapes suivantes :

- février 1991 : M. Lionel Jospin, ministre de l'éducation nationale décide de l'élaboration d'un code de l'éducation ;

- avril 1991 : une mission de codification est constituée auprès de la direction des affaires juridiques du ministère de l'éducation nationale et placée sous la responsabilité de M. Henri Peretti, inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale ;

- novembre 1992 : la Commission supérieure de codification est difficilement saisie ;

- mars 1994 : le plan du code de l'éducation est défini par la commission ;

- décembre 1994-novembre 1995 : la commission examine les 9 livres du code de l'éducation ;

- mars 1996 : le projet de code est transmis au Premier ministre par M. Guy Braibant, vice-président de la Commission supérieure de codification ;

- septembre 1996 : après concertation interministérielle, le projet du code de l'éducation est transmis pour avis au Conseil d'Etat.

- décembre 1996 - juin 1997 : la section de l'intérieur du Conseil d'Etat procède à l'examen du projet ;

- 3 juillet 1997 : l'Assemblée générale du Conseil d'Etat rend son avis ;

- 30 juillet 1997 : le projet de loi relatif à la partie législative du code de l'éducation est déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.

2. Un processus interrompu : le blocage du projet devant l'Assemblée nationale

En dépit d'une longue réflexion de la Commission supérieure de codification, d'arbitrages interministériels, et d'un examen minutieux par le Conseil d'Etat, le projet de loi de codification n'a pu être adopté par l'Assemblée nationale.

a) La codification législative « à droit constant » : une négation du rôle du Parlement ?

Depuis la réforme de la procédure de codification en 1989, tous les projets de code doivent être soumis à l'approbation du Parlement afin de leur conférer force de loi, d'abroger les lois anciennes codifiées et de lever les incertitudes subsistant quant à la valeur juridique des dispositions codifiées lorsque celles-ci résultaient des anciennes codifications effectuées par décret.

Conformément à la tradition, la codification s'effectue « à droit constant » c'est-à-dire qu'elle ne doit comporter aucune modification de fond des règles codifiées : elle consiste donc à présenter des textes dans leur rédaction en vigueur au moment de leur codification. Celle-ci ne peut s'accompagner que d'une actualisation de la formulation des textes en vigueur, du constat des abrogations implicites et des dispositions devenues caduques par désuétude ou obsolescence.

Si le législateur est nécessairement conduit dans le cadre d'une codification « à droit constant » à s'autolimiter, en se gardant de proposer des réformes de fond, il a cependant la possibilité de moderniser et d'harmoniser la rédaction des lois codifiées. Surtout il peut discuter du bien fondé de l'architecture générale du code et de la bonne insertion de ses articles.

Il reste que le Parlement ne devrait pas avoir à rectifier les erreurs subsistant après un long examen la Commission supérieure de codification et un passage devant le Conseil d'Etat.

Le projet de code de l'éducation n'a pas échappé à ce travers puisqu'il comportait encore, lors de son examen par la commission de l'Assemblée nationale, de trop nombreuses erreurs de références et de renvois, des omissions, des reproductions imparfaites de textes, une harmonisation approximative du temps des verbes, le maintien de termes tombés en désuétude, voire des fautes d'orthographe.

A cet égard, votre commission estime que la Commission supérieure de codification devrait être dotée des moyens nécessaires à l'accomplissement de sa mission afin qu'elle ne transmette pas au Parlement des textes impubliables en l'état, obligeant celui-ci à effectuer un travail de bénédictin formel et fastidieux, qui, en théorie, ne devrait pas être le sien.

b) L'examen du projet de codification par la commission compétente de l'Assemblée nationale : les raisons d'un blocage
(1) Un examen long et minutieux du projet

Enregistré à l'Assemblée nationale le 30 juillet 1997, le projet de loi a été renvoyé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui a rendu son rapport dix mois après, soit le 27 mai 1998.

Un examen minutieux, mené de concert avec la mission de codification constituée auprès de la direction des affaires juridiques du ministère de l'éducation nationale, lui a permis de relever et de corriger de très nombreuses imperfections et erreurs, et surtout de modifier de manière substantielle l'architecture du nouveau code.

(2) Les modifications formelles introduites par la commission de l'Assemblée nationale

Après s'être livrée à un travail considérable de relecture des 710 articles, au regard des quelque 120 lois à codifier, la commission de l'Assemblée nationale a d'abord repéré près de 170 erreurs matérielles appelant autant de corrections au texte du projet de loi et au code qui lui était annexé.

Outre ces corrections matérielles, elle a adopté plus de 90 amendements rédactionnels au projet de loi ainsi que près de 500 amendements rédactionnels aux articles codifiés. Cette situation a conduit la commission des affaires culturelles, familiales et sociales à proposer, par voie d'amendement unique, une nouvelle rédaction au code annexé, afin d'éviter une présentation trop fastidieuse de ces modifications en séance publique.

Les principales corrections de nature purement rédactionnelle apportées par voie d'amendement au projet de code peuvent être ainsi résumées :

- des rectifications de renvois internes et externes et de références ;

- une harmonisation des intitulés des titres et des subdivisions ;

- la généralisation du présent de l'indicatif pour les verbes utilisés ;

- une harmonisation des organismes et autorités administratives cités (ministères, collectivité « territoriale » au lieu de collectivité « locale », « représentant de l'Etat » au lieu de « préfet »), actualisation des noms des divers conseils de l'éducation et des structures universitaires (UFR au lieu de « unités d'enseignement et de recherche) ;

- une modernisation terminologique (chaires, parlers locaux...) ;

- une clarification de la rédaction ;

- un rapprochement des textes ayant un objet similaire.

(3) Une modification substantielle de l'architecture du code : le déplacement des dispositions relatives à l'enseignement privé

Au-delà des seules corrections formelles tendant à remédier aux erreurs matérielles, à moderniser et à harmoniser les dispositions codifiées, et qui auraient dû être effectuées bien en amont de l'examen par le Parlement, celui-ci a également vocation à se prononcer sur la pertinence du plan du code retenu.

A cet égard, la principale « modification structurelle » apportée par la commission compétente de l'Assemblée nationale a consisté à déplacer du livre 1 er du code, qui pose les principes généraux de l'éducation et les « missions de service public », aux livres IV et VII relatifs aux établissements, les conditions d'ouverture des établissements d'enseignement privés et leurs relations avec l'Etat et les collectivités territoriales.

Afin d'éviter tout amalgame, dans un livre premier qui pose notamment le droit à l'éducation pour tous, l'obligation et la gratuité scolaire, le principe de la neutralité et de la laïcité de l'enseignement, la commission compétente a estimé qu'il suffisait d'affirmer dans ce livre le principe constitutionnel de la liberté de l'enseignement.

Il convient de souligner que la commission de l'Assemblée s'est fait l'écho des inquiétudes manifestées par certains syndicats d'enseignants qui ont estimé que ce travail de codification risquait d'être utilisé « comme bombe à retardement », dans la mesure où dans le livre premier, le concept de laïcité était mis en parallèle avec le principe de liberté de l'enseignement et que le plan du code contournait selon eux les principes fondamentaux du service public.

D'après ces syndicats, la mise en parallèle du service public et des établissements privés introduisait une rupture avec la logique même de la loi Debré de 1959 qui reconnaît les seuls établissements privés et non l'enseignement privé en tant qu'institution.

Le plan adopté dans le projet de code constituait donc pour ces organisations une rupture avec la logique de la loi de 1959, en passant de l'établissement privé à celle du réseau, et par un retour au concept de parité.

Les amendements déposés pour corriger en ce sens la structure du code ont été inspirés notamment par la Fédération de l'éducation nationale et le Comité National d'Action Laïque, qui ont rencontré des parlementaires à l'Assemblée nationale et au Sénat en mai et juin 1998, ainsi que les cabinets du Premier ministre et du ministre de l'Education nationale.

Par ailleurs, les responsables de l'enseignement catholique semblent s'être manifestés également pour que le code de l'éducation soit retiré de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Plus que les « contraintes du calendrier parlementaire », qui n'auraient « pas permis son inscription à l'ordre du jour », comme l'indique le rapport au Président de la République, c'est sans doute le souci de ne pas relancer un débat sur la querelle scolaire qui a convaincu le Gouvernement de recourir à la procédure des ordonnances pour promulguer le nouveau code et le faire entrer en vigueur sans délai.

Il reste que le texte du code de l'éducation adopté par l'ordonnance du 15 juin 2000 « se situe très largement dans le prolongement des travaux de la commission parlementaire (...) et a été enrichi des recommandations de la commission intérieure de codification et du Conseil d'Etat » comme le précise l'exposé des motifs de la circulaire précitée, publiée au Bulletin officiel de l'éducation nationale du 13 juillet 2000.

De même, le rapport au Président de la République indique que « le projet d'ordonnance relatif au code de l'éducation a été établi conformément aux travaux de la Commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale (...) qui lui a apporté des améliorations de forme et des amendements de cohérence, sans remettre en cause les choix fondamentaux du projet déposé quant au champ du code, à son articulation générale, et aux solutions adoptées sur les diverses questions juridiques ».

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