Annexe 39 - PRÉSENCE DE MICROPOLLUANTS ORGANIQUES DANS LES COURS D'EAU

(L'exemple américain)

Source : audition de M. Yves LEVI, professeur à la faculté de pharmacie de Paris-Sud

Un micropolluant se présente sous forme de trace en très faible quantité (microgramme, voire nanogramme par litre). On distingue les micropolluants minéraux (les métaux lourds) et les micropolluants organiques utilisés en chimie, à base de carbone. La présence de ces micro polluants a été suivie dans une étude américaine portant sur 139 sites, soit plus d'une centaine de cours d'eau.

Catégories de micropolluants

Fréquence de détection (en %)

Part dans la concentration totale mesurée (en %)

Steroïdes

90

22

Médic. OTC

80

9

Répulsifs insectes

75

< 1

Métabolites détergents

70

36

Désinfectants

68

2

Plastifiants

65

21

Retardateurs feux

63

2

Antibiotiques

50

3

Insecticides

48

< 1

HAP

46

1

Hormones reproductives

44

< 1

Médicaments autres

30

< 1

Antioxydants

28

1

Parfums

26

< 1

Solvants

25

< 1

Source : Etude USGS Kolpin et al. Environment, Science and Technology - 2002

Une telle étude systématique n'a pas encore été menée en France à notre connaissance. Dans la plupart des cas, les seuils de détection dans les analyses réglementaires (DDASS) ou patrimoniales (Réseau National de Bassin), sont beaucoup trop élevées pour apporter une appréciation quantifiée de la contamination et de son évolution (on est toujours en « non détecté » jusqu'au moment où c'est trop fort et il est trop tard pour réagir). Il conviendrait de constituer des réseaux d'alerte précoce, sur des stations clefs, afin de prévenir ces risques.

Annexe 40 - LES DISPOSITIFS DE LUTTE CONTRE LES POLLUTIONS AZOTÉES D'ORIGINE AGRICOLE

Source : Ministère de l'écologie et du développement durable - Direction de l'eau

La présente note présente succinctement les différents dispositifs de lutte contre les pollutions azotées d'origine agricole et leur articulation.

La politique de lutte contre les nitrates d'origine agricole repose sur la combinaison de trois dispositifs :

- un dispositif réglementaire (directive nitrates et installations classées),

- des dispositifs économiques d'aides financières (PMPOA, ICCS, aides au traitement) et de redevance,

- les actions volontaires de conseils aux agriculteurs.

L'action de l'Etat est encadrée par des textes communautaires qui occupent une place prépondérante dans la réglementation nationale et les incitations économiques :

- la directive 91/676 dite directive nitrates,

- la directive 75-440 relative aux eaux brutes superficielles destinées à l'eau potable,

- les lignes directrices européennes en matières d'aides publiques

1. Le dispositif réglementaire

a) La transposition de la directive nitrates a conduit :

- à classer depuis 1994 environ 50% de la Surface agricole utile de la France en zones vulnérables. Ce sont aussi bien des régions d'élevage intensif (le grand Ouest dont la Bretagne) que les zones de grandes cultures intensives du Bassin Parisien ou du Sud Ouest. Toutefois la Cour de Justice des Communautés Européennes a condamné la France le 27 juin 2002 pour insuffisante délimitation notamment dans le Nord Ouest,

- à élaborer un Code des Bonnes Pratiques Agricoles recensant les règles techniques permettant de réduire la pollution de l'eau par les nitrates. Ce Code est d'application volontaire hors des zones vulnérables .

- à mettre en oeuvre des programmes d'action (le premier 1996-2000, le second 2001-2003) applicables à tous les agriculteurs situées dans les zones vulnérables. Les mesures des programmes d'action sont fixées à partir des règles du Code des Bonnes Pratiques Agricoles.

Les prescriptions des programmes d'action portent essentiellement sur les pratiques agricoles à mettre en oeuvre pour atteindre l'équilibre de la fertilisation azotée (la bonne dose d'azote au bon endroit et au bon moment). Il en résulte des capacités et des durées de stockage (lien avec le PMPOA). Les quantités d'azote organiques épandues issues des effluents d'élevage ne doivent pas dépasser 170 kgN/ha/an au 20 décembre 2002 (obligation de la directive nitrates).

Ces prescriptions sont renforcées :

- dans les zones à forte concentration d'élevages (zones en excédent structurel lié l'élevage ou ZES) où il est nécessaire de résorber les excédents d'effluents organiques par le recours au traitement des effluents ou la réduction des effectifs animaux. Ces zones sont surtout localisées en Bretagne. Dans ces zones, l'augmentation des effectifs est interdite, sauf dérogations pour les jeunes et les petites exploitations. Des aides (agence de l'eau et collectivités locales) sont accordées pour mettre en oeuvre des dispositifs de traitement des effluents. A l'heure actuelle celles-ci ne sont pas notifiées à la commission. Il convient d'engager rapidement cette notification.

- dans les bassins versants en dépassement sur le paramètre « nitrate » au titre de la directive 75-440 (zones d'action complémentaires ou ZAC) avec couverture des sols et limitation des apports totaux d'azote (minéral + organique). Ces zones sont localisées dans dix départements du Grand Ouest. Les actions complémentaires ont été définies suite à la condamnation de la France pour manquement à la directive 75-440. Une indemnité forfaitaire par hectare de SAU est attribuée aux agriculteurs situés dans ces zones (ICCS) après accord de la Commission européenne.

Tous les agriculteurs situés en zone vulnérable sont concernés par cette réglementation, indépendamment de la taille de leur exploitation. Les élevages sont de plus concernés par la réglementation installations classées en fonction de leur taille quelle que soit leur localisation géographique.

b) La réglementation relative aux installations classées

Elle fixe des prescriptions aux élevages en fonction de la taille de l'élevage selon le régime de déclaration ou d'autorisation. Ces prescriptions concernent tous les aspects environnementaux, une part importante porte sur la protection de l'eau contre les pollutions directes et les pollutions diffuses (capacité de stockage, modalités d'épandage).

Si cette réglementation existe depuis 1976 pour les élevages porcins, elle a été renforcée et étendue aux élevages bovins en 1992 et avicoles en 1994. Le renforcement des prescriptions techniques relatives aux élevages a conduit à accorder des délais aux élevages existants avant cette date.

Parallèlement, un dispositif d'aide à la mise en conformité (PMPOA) a été mis en oeuvre entre 1994 et 2000 pour permettre aux éleveurs de respecter ces délais. Cette réglementation repose sur une logique par taille et non territoriale. Elle concerne de nombreux élevages (au niveau national : 21.000 élevages soumis à autorisation et 102 000 soumis à déclaration).

Les prescriptions relatives à la directive nitrates, comme la mise en oeuvre des actions renforcées en ZES, doivent être reprises pour les élevages soumis à la réglementation relative aux installations classées qui sont situés en zone vulnérable.

2. Les dispositifs économiques

Ce sont essentiellement des aides financières. Il existe toutefois une redevance élevage en application du principe pollueur payeur de portée très limitée : par exemple, l'Agence de l'eau Seine Normandie a accordé 90 millions d'euros d'aides aux élevage et a émis 2,1 M d'euros de redevance. Un projet de redevance excédent d'azote était inclus dans le projet de loi sur l'eau.

a) Le programme de maîtrise des pollutions liées aux effluents d'élevage ou PMPOA

Ce programme repose sur l'attribution d'aides publiques pour réaliser des investissements et les changements de pratiques en matière d'épandage, en vue de la protection de l'eau. Ces aides permettent notamment aux éleveurs de respecter les réglementations.

Ce programme qui a démarré en 1994 été réformé en 2001 en vue d'une meilleure efficacité environnementale et d'une plus grande équité. Cette réforme, approuvée par la Commission européenne fin 2000 impose les conditions suivantes :

- fin du programme en 2006 dans les zones vulnérables,

- respect d'exigences minimales au titre de la directive nitrates pour être éligible (tenir un cahier d'enregistrement des épandages, faire un plan de fumure prévisionnel et respecter le plafond de 170kg/ha/an),

- répartition de 80% des crédits nationaux en zone vulnérable.

En contrepartie les éleveurs sont entrés dans le dispositif des redevances des agences de l'eau.

Un contentieux européen est en cours pour absence de notification du programme 1994-2000.

b) L'Indemnité Compensatoire de Couverture des Sols (ICCS) dans les ZAC

Ce dispositif est lié à l'obligation de couverture des sols dans les ZAC. Il consiste en une aide par hectare implanté en culture piège à nitrates : cette aide est limitée à 30% de la SAU et elle est dégressive jusqu'à la campagne 2005-2006. Elle est co-financée par le MEDD et le MAPAAR.

c) Les aides au traitement des effluents d'élevage dans les ZES

Ce dispositif est lié à la mesure obligation de traitement dans les ZES. Le financement est accordé par l'Agence de l'eau et dans certains cas par les collectivités territoriales.

Ces aides n'ont pas encore été notifiées à la Commission : le risque de contentieux est fort si la notification n'intervient pas rapidement car les associations de protection de l'environnement ont alerté la commission sur ces aides.

De plus, la plupart des procédés de traitement actuellement mis en oeuvre, efficaces pour diminuer les quantités d'azote, génèrent des coproduits dont la teneur en phosphore et en éléments traces métalliques posent des problèmes lors de l'épandage.

d) La redevance élevage

L'intégration de l'élevage dans le champ d'intervention des agences de l'eau concerne depuis 1994 les élevages d'une certaine taille (tous les élevages soumis à autorisation au titre de la législation Installations Classées et une grande partie des élevages bovins soumis à déclaration).

Afin de faciliter cette intégration, un report de paiement de la redevance pollution a été accordé. Ce report a pris fin pour les éleveurs intégrables au PMPOA de 1994 à 1998 qui ont reçu en 2001 une déclaration d'activité polluante à remplir et qui peuvent avoir une redevance à payer si leurs stockages d'effluents d'élevage et leurs pratiques d'épandages ne sont pas satisfaisants.

3. Les actions volontaires  de conseils aux agriculteurs

La plus structurée, Ferti-Mieux, concerne 30000 agriculteurs et 1,9M d'ha réparti en 54 actions petits bassins versants sur tout le territoire (toutes situées en zones vulnérables). L'application du conseil ne doit pas avoir de coût pour l'agriculteur (sinon indemnisation MAE réduction d'intrants, contrats territoriaux d'exploitation (CTE) subvention aux CIPAN, aide au compostage, ....). Il en résulte une sensibilisation des agriculteurs, mais l'impact environnemental de ces actions reste limité.

Conclusion

Malgré l'existence de nombreux dispositifs complémentaires, on constate néanmoins :

- une nette insuffisance de résultats sur la qualité de l'eau (teneur en nitrates dépassant la norme pour l'eau potable ; flux d'azote entraînant des proliférations d'algues vertes). Il en résulte :

- des condamnations (condamnation par la Cour de Justice des Communautés européennes pour non respect des 50 mg/l en Bretagne, condamnation dans l'affaire de Guingamp)

- une acceptation difficile de la part des populations (manifestations de Lamballe)

- une menace pour la pérennité d'autres secteurs économiques (tourisme, conchyliculteurs, ......).

- une difficulté de mise en oeuvre de ces dispositifs à cause de :

- l'absence de levier économique fort incitant aux changements de pratiques agricoles,

- la complexité des dispositifs

- l'absence de contrôles des dispositifs réglementaires.

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