Rapport n° 249 (2002-2003) de M. Patrice GÉLARD , fait au nom de la commission des lois, déposé le 9 avril 2003

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N° 249

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 avril 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur l'article 4, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, de la loi relative à l' élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l' aide publique aux partis politiques , SOUMIS À NOUVELLE DÉLIBÉRATION, en application de l'article 10, alinéa 2, de la Constitution,

Par M. Patrice GÉLARD,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. René Garrec, président ; M. Patrice Gélard, Mme Michèle André, MM. Pierre Fauchon, José Balarello, Robert Bret, Georges Othily, vice-présidents ; MM. Jean-Pierre Schosteck, Laurent Béteille, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Mme Nicole Borvo, MM. Charles Ceccaldi-Raynaud, Christian Cointat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Marcel Debarge, Michel Dreyfus-Schmidt, Gaston Flosse, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Daniel Hoeffel, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Jacques Larché, Jean-René Lecerf, Gérard Longuet, Mme Josiane Mathon, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Josselin de Rohan, Bernard Saugey, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich, Jean-Paul Virapoullé, François Zocchetto.

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : Première lecture : 337 , 522 et T.A. 74

Nouvelle délibération : 770 , 771 et T.A. 119

Sénat : Première lecture : 182 , 192 et T.A. 87 (2002-2003)

Nouvelle délibération : 247 (2002-2003)

Élections et référendums .

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 9 avril 2003 sous la présidence de M. René Garrec, président, la commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. Patrice Gélard, l'article 4 de la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide aux partis politiques soumis à nouvelle délibération en application de l'article 10 alinéa  de la Constitution et adopté par l'Assemblée nationale le 8 avril 2003.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a rappelé que le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003, avait déclaré contraires à l'article 39 de la Constitution, comme entachées d'un vice de procédure, les dispositions subordonnant la possibilité pour une liste de se maintenir au second tour d'une élection régionale à la nécessité d'avoir obtenu au premier tour de cette élection un nombre de voix égal à 10 % du nombre des électeurs inscrits, celles-ci ayant été introduites par le Gouvernement dans le projet de loi après la délibération du Conseil d'Etat.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué qu'en application de l'article 10, deuxième alinéa, de la Constitution, le Président de la République avait décidé de soumettre l'article 4 de la loi votée à une nouvelle délibération en vue de le mettre en conformité avec la Constitution. Il a ajouté qu'un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale avait substitué le seuil de 10 % des suffrages exprimés, inscrit dans la version initiale du texte, à celui de 10 % des électeurs inscrits.

Après avoir précisé le dispositif applicable aux élections régionales de 2004 et souligné que les autres dispositions de la loi votée avaient été déclarées conformes à la Constitution, M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué que la volonté d'apaisement exprimée par le Premier Ministre et le respect de l'autorité du juge constitutionnel imposaient de tirer les conséquences de la décision du 3 avril 2003.

La commission des Lois a décidé d'adopter sans modification l'article 4 de la loi relative à l'élection des conseillers et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques soumis à nouvelle délibération.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49 troisième alinéa de la Constitution a été adopté définitivement par le Sénat en première lecture, le 12 mars 2003.

Le Conseil constitutionnel, saisi le 14 mars 2003 par plus de soixante députés et le 28 mars 2003 par plus de soixante sénateurs, a rendu la décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003 censurant partiellement l'article 4 du texte 1 ( * ) .

En conséquence, le Sénat est saisi d'une demande de nouvelle délibération sur l'article 4 de la loi votée -en application du décret du 4 avril 2003 du Président de la République, conformément à l'article 10 deuxième alinéa de la Constitution- adopté hier à l'Assemblée nationale.

Votre commission des Lois entend en tirer les conséquences.

Dans cette décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution, comme entachées d'un vice de procédure, les dispositions subordonnant la possibilité pour une liste de se maintenir au second tour d'une élection régionale à la nécessité d'avoir obtenu, au premier tour de cette élection, un nombre de voix au moins égal à 10 % du nombre des électeurs inscrits contre 5 % des suffrages exprimés auparavant.

Le Conseil constitutionnel a en effet indiqué que la procédure d'adoption du projet de loi était irrégulière, contraire à l'article 39 de la Constitution selon lequel « les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat et déposés sur le bureau de l'une des deux assemblées ».

A la différence du texte soumis au Conseil d'Etat par le Gouvernement et de celui établi par la commission permanente du Conseil d'Etat le 27 janvier 2003, qui se référaient au seuil de 10 % des suffrages exprimés, le texte adopté par le conseil des ministres faisait mention du seuil de 10 % des électeurs inscrits.

En l'espèce, le juge constitutionnel a considéré que le Gouvernement n'avait pu être éclairé par l'avis du Conseil d'Etat 2 ( * ) et a donc censuré les dispositions introduites dans le projet de loi après délibération du Conseil d'Etat.

Cependant, le Conseil constitutionnel a précisé que les dispositions censurées étaient séparables des autres dispositions de la loi, notamment de la réforme des élections européennes et des modalités de versement de l'aide publique aux partis politiques dont la constitutionnalité a été reconnue.

L'article 23 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, issu de l'article 10 de la Constitution, précise que « dans le cas où le Conseil constitutionnel déclare que la loi dont il est saisi contient une disposition contraire sans constater en même temps qu'elle est inséparable de l'ensemble de cette loi, le Président de la République peut soit promulguer la loi à l'exception de cette disposition, soit demander aux chambres une nouvelle lecture ».

Plutôt que de laisser le dispositif en l'état ou de promulguer une loi amputée en vue de la compléter ultérieurement par une loi spéciale 3 ( * ) , le Président de la République, en application de l'article 10 de la Constitution, a demandé une nouvelle délibération du seul article 4 au Parlement.

Cette possibilité, soumise au contreseing du Premier ministre, avait déjà été utilisée en 1985 par le Président de la République alors que le Conseil constitutionnel avait censuré des dispositions détachables du projet de loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie.

Dans sa décision du 23 août 1985 4 ( * ) , le Conseil constitutionnel avait alors précisé et encadré cette procédure : « dans ce cas, il ne s'agit pas du vote d'une loi nouvelle mais de l'intervention dans la procédure législative en cours, d'une phase complémentaire résultant du contrôle de constitutionnalité ». La nouvelle délibération n'a donc pour objet que de mettre la loi votée en conformité avec la Constitution.

Le texte adopté à l'Assemblée nationale hier tend donc à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel en rétablissant le seuil de 10 % des suffrages exprimés pour l'accès au second tour des élections régionales. Les autres dispositions du projet de loi sur ces élections ont été déclarées conformes à la Constitution, sous réserve de l'absence d'application des nouvelles mesures sur la parité pour l'élection de l'Assemblée de Corse. Toutefois, la prochaine loi relative à l'Assemblée de Corse sera chargée de mettre fin à cette inégalité (considérant 28).

Le dispositif applicable aux élections régionales de 2004 sera donc le suivant :

Le mandat des conseillers régionaux sera aligné sur les autres mandats locaux, passant de cinq à six ans.

Le scrutin de liste à deux tours dans le cadre de la circonscription régionale, avec attribution d'une prime majoritaire égale au quart des sièges à la liste ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés au premier tour ou la majorité relative au second tour, fixé par la loi du 19 janvier 1999, sera maintenu.

Afin de faire émerger des majorités stables et cohérentes dans les conseils régionaux :

- le seuil d'admission à la répartition des sièges sera fixé à 5 % des suffrages exprimés , comme pour les élections municipales dans les communes de 3.500 habitants et plus, contre 3 % auparavant ;

- le seuil d'accession au second tour sera fixé à 10 % des suffrages exprimés , comme pour les élections municipales dans les communes de 3.500 habitants et plus, contre 5 % des suffrages exprimés auparavant ;

- le seuil nécessaire pour la fusion des listes sera fixé à 5 % des suffrages exprimés contre 3 % auparavant. Le Conseil a indiqué que « conciliant la représentation proportionnelle et la constitution d'une majorité stable et cohérente, (ce seuil) ne porte atteinte par lui-même ni au pluralisme des courants d'idées et d'opinions, ni à l'égalité devant le suffrage, ni à la liberté des partis politiques » (considérant 13).

En outre, le Conseil constitutionnel, tout en émettant des réserves d'interprétation, a admis la constitutionnalité de la division des listes en sections départementales afin de rapprocher les élus régionaux des territoires et des citoyens.

Les sièges de conseillers régionaux seront donc d'abord répartis entre les listes en fonction des résultats obtenus sur l'ensemble de la circonscription régionale. Puis, les sièges de chaque liste seront répartis entre ses sections départementales en fonction de la part relative de ces dernières dans le total des voix de la liste.

Enfin, la priorité, qui était imposée par groupes de six candidats, dans la loi du 6 juin 2000, sera respectée selon une alternance stricte des candidats de chaque sexe sur les listes, au premier comme au second tour.

Tout en exigeant du gouvernement un effort particulier d'information sur la répartition des listes en sections , le Conseil a déclaré le dispositif conforme à l'objectif constitutionnel d'intelligibilité de la loi. Il a précisé l'ensemble des mentions obligatoires sur les bulletins de vote de chaque liste régionale (libellé de la liste ; nom du candidat tête de liste : le noms des candidats de la liste répartis par sections départementales) et a laissé le soin au juge de l'élection d'apprécier, dans les circonstances de l'espèce, si la désignation d'un candidat qui ne serait pas placé en rang utile pour être élu a altéré la sincérité du scrutin (considérants 18, 19 et 21) 5 ( * ) .

Le texte de l'article 4 adopté en nouvelle délibération par l'Assemblée nationale hier tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel et tient compte de la « volonté d'apaisement » du Premier ministre « dans la période actuelle de tension internationale et de difficultés intérieures ».

Votre commission des Lois vous propose d'adopter le texte de l'article 4 sans modification.

ANNEXE
-
DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
N° 2003-468 DC DU 3 AVRIL 2003

Loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques

Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques,

le 14 mars 2003, par MM. Jean-Marc AYRAULT, François BAYROU, Alain BOCQUET, Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, Yves COCHET, François HOLLANDE, Mme Marie-George BUFFET, MM. Hervé MORIN, René DOSIERE, André SANTINI, Jacques BRUNHES, Bruno LE ROUX, Damien ALARY, Mme Sylvie ANDRIEUX-BACQUET, MM. Jean-Marie AUBRON, Jean-Paul BACQUET, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Jean-Claude BATEUX, Jean-Claude BEAUCHAUD, Éric BESSON, Jean-Louis BIANCO, Jean-Pierre BLAZY, Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Jean-Claude BOIS, Maxime BONO, Augustin BONREPAUX, Jean-Michel BOUCHERON, Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC, Christophe CARESCHE, Mme Martine CARILLON-COUVREUR, MM. Laurent CATHALA, Jean-Paul CHANTEGUET, Michel CHARZAT, Alain CLAEYS, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mme Claude DARCIAUX, M. Michel DASSEUX, Mme Martine DAVID, MM. Marcel DEHOUX, Michel DELEBARRE, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, Marc DOLEZ, François DOSÉ, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Pierre DUCOUT, Jean-Pierre DUFAU, Jean-Louis DUMONT, Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Henri EMMANUELLI, Claude ÉVIN, Laurent FABIUS, Jacques FLOCH, Pierre FORGUES, Michel FRANÇAIX, Jean GAUBERT, Mmes Nathalie GAUTIER, Catherine GÉNISSON, MM. Jean GLAVANY, Gaétan GORCE, Alain GOURIOU, Mmes Elisabeth GUIGOU, Paulette GUINCHARD-KUNSTLER, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, MM. Jean-Louis IDIART, Mme Françoise IMBERT, MM. Serge JANQUIN, Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT, François LAMY, Jack LANG, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Yves LE DRIAN, Jean LE GARREC, Jean-Marie LE GUEN, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Guy LENGAGNE, Mme Annick LEPETIT, MM. Jean-Claude LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. François LONCLE, Victorin LUREL, Bernard MADRELLE, Philippe MARTIN, Christophe MASSE, Didier MATHUS, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Mme Hélène MIGNON, MM. Arnaud MONTEBOURG, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mme Marie-Renée OGET, MM. Michel PAJON, Christian PAUL, Germinal PEIRO, Jean-Claude PEREZ, Mmes Marie-Françoise PEROL-DUMONT, Geneviève PERRIN-GAILLARD, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Paul QUILÈS, Alain RODET, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Patrick ROY, Mme Ségolène ROYAL, M. Michel SAINTE-MARIE, Mme Odile SAUGUES, MM. Henri SICRE, Dominique STRAUSS-KAHN, Pascal TERRASSE, Philippe TOURTELIER, Daniel VAILLANT, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VERGNIER, Alain VIDALIES, Jean-Claude VIOLLET, Philippe VUILQUE, Mme Chantal ROBIN-RODRIGO, M. Simon RENUCCI, Mme Christiane TAUBIRA, MM. Noël MAMÈRE, Mme Martine BILLARD, MM. Emile ZUCCARELLI, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Patrick BRAOUEZEC, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Frédéric DUTOIT, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. Jean-Claude LEFORT, François LIBERTI, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, Michel VAXÈS, Jean-Pierre ABELIN, Pierre ALBERTINI, Gilles ARTIGUES, Pierre-Christophe BAGUET, Christian BLANC, Bernard BOSSON, Mme Anne-Marie COMPARINI, MM. Charles de COURSON, Stéphane DEMILLY, Jean DIONIS du SÉJOUR, Philippe FOLLIOT, Francis HILLMEYER, Olivier JARDÉ, Yvan LACHAUD, Jean-Christophe LAGARDE, Jean LASSALLE, Maurice LEROY, Claude LETEURTRE, Nicolas PERRUCHOT, Jean-Luc PRÉEL, François ROCHEBLOINE, Rudy SALLES, François SAUVADET, Rodolphe THOMAS, Francis VERCAMER, Gérard VIGNOBLE et Philippe de VILLIERS, députés,

et le 18 mars 2003, par M. Claude ESTIER, Mme Michèle ANDRÉ, MM. Bernard ANGELS, Bertrand AUBAN, Robert BADINTER, Jean-Pierre BEL, Jacques BELLANGER, Mme Maryse BERGÉ-LAVIGNE, M. Jean BESSON, Mme Marie-Christine BLANDIN, M. Didier BOULAUD, Mmes Yolande BOYER, Claire-Lise CAMPION, M. Bernard CAZEAU, Mme Monique CERISIER-ben GUIGA, MM. Gilbert CHABROUX, Michel CHARASSE, Roland COURTEAU, Yves DAUGE, Marcel DEBARGE, Jean-Pierre DEMERLIAT, Claude DOMEIZEL, Michel DREYFUS-SCHMIDT, Mme Josette DURRIEU, MM. Jean-Claude FRÉCON, Bernard FRIMAT, Charles GAUTIER, Jean-Pierre GODEFROY, Jean-Noël GUÉRINI, Claude HAUT, Mme Odette HERVIAUX, MM. André LABARRÈRE, Serge LAGAUCHE, Louis LE PENSEC, André LEJEUNE, Jacques MAHÉAS, Jean-Yves MANO, François MARC, Marc MASSION, Gérard MIQUEL, Michel MOREIGNE, Jean-Marc PASTOR, Daniel PERCHERON, Jean-Claude PEYRONNET, Jean-François PICHERAL, Bernard PIRAS, Jean-Pierre PLANCADE, Mmes Danièle POURTAUD, Gisèle PRINTZ, MM. Daniel RAOUL, Paul RAOULT, Daniel REINER, Roger RINCHET, Gérard ROUJAS, Claude SAUNIER, Michel SERGENT, Jean-Pierre SUEUR, Michel TESTON, Jean-Marc TODESCHINI, Pierre-Yvon TRÉMEL, Marcel VIDAL, Henri WEBER, Mme Nicole BORVO, MM. Guy FISCHER, François AUTAIN, Jean-Yves AUTEXIER, Mmes Marie-Claude BEAUDEAU, Marie-France BEAUFILS, Danielle BIDARD, MM. Robert BRET, Yves COQUELLE, Mmes Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, Evelyne DIDIER, MM. Thierry FOUCAUD, Gérard LE CAM, Paul LORIDANT, Mmes Hélène LUC, Josiane MATHON, MM. Roland MUZEAU, Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme Odette TERRADE, sénateurs ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen ;

Vu la loi n° 99-36 du 19 janvier 1999 relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 27 mars 2003 ;

Vu les observations en réplique présentées par les députés auteurs de la première saisine, enregistrées le 28 mars 2003 ;

Vu les observations en réplique présentées par les sénateurs auteurs de la seconde saisine, enregistrées le 31 mars 2003 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les auteurs des saisines défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques ; qu'ils contestent plus particulièrement la procédure d'élaboration et d'adoption de la loi, les dispositions relatives à l'élection des conseillers régionaux, ainsi que celles relatives aux membres du Parlement européen ;

- Sur la procédure d'élaboration et d'adoption de la loi :

. En ce qui concerne le droit d'amendement :

2. Considérant que les sénateurs requérants, pour critiquer la procédure d'adoption de la loi déférée, soutiennent que le droit d'amendement des sénateurs aurait été méconnu ; qu'ils font valoir à cet égard que le Sénat a voté sans modification le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale à la suite de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement en application du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution ;

3. Considérant que le bon déroulement du débat démocratique et, partant, le bon fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels supposent que soit pleinement respecté le droit d'amendement conféré aux parlementaires par l'article 44 de la Constitution, et que parlementaires comme Gouvernement puissent utiliser sans entrave les procédures mises à leur disposition à ces fins ; que cette double exigence implique toutefois qu'il ne soit pas fait un usage manifestement excessif de ces droits ;

4. Considérant, en l'espèce, que de nombreux amendements ont été présentés en commission et en séance publique ; que la seule circonstance qu'aucun d'entre eux n'ait été adopté par le Sénat n'a pas vicié la procédure d'adoption de la loi ;

. En ce qui concerne la consultation du Conseil d'État :

5. Considérant que les députés et les sénateurs requérants soutiennent que la procédure législative serait viciée du fait que le texte du projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale aurait été différent tant de celui soumis au Conseil d'État que de celui adopté par lui ;

6. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 39 de la Constitution : « Les projets de loi sont délibérés en Conseil des Ministres après avis du Conseil d'État et déposés sur le bureau de l'une des deux assemblées » ;

7. Considérant que, si le Conseil des ministres délibère sur les projets de loi et s'il lui est possible d'en modifier le contenu, c'est, comme l'a voulu le constituant, à la condition d'être éclairé par l'avis du Conseil d'Etat ; que, par suite, l'ensemble des questions posées par le texte adopté par le Conseil des ministres doivent avoir été soumises au Conseil d'Etat lors de sa consultation  ;

8. Considérant, en l'espèce, qu'en substituant, pour l'accès au second tour des élections régionales, un seuil égal à 10 % du nombre des électeurs inscrits au seuil de 10 % du total des suffrages exprimés retenu par le projet de loi soumis au Conseil d'État, le Gouvernement a modifié la nature de la question posée au Conseil d'État ; que ce seuil de 10 % des électeurs inscrits n'a été évoqué à aucun moment lors de la consultation de la commission permanente du Conseil d'État ; que les requérants sont dès lors fondés à soutenir que cette disposition du projet de loi a été adoptée selon une procédure irrégulière ;

9. Considérant qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de déclarer contraires à la Constitution, au a ) du 2° de l'article 4, les mots : « " 5 % du total des suffrages exprimés " et », « respectivement » et « " 10 % du nombre des électeurs inscrits" et » ;

10. Considérant que ces dispositions sont séparables des autres dispositions de la loi ;

- Sur les dispositions relatives à l'élection des conseillers régionaux :

. En ce qui concerne l'article 4 :

11. Considérant, en premier lieu, que, du fait de la déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions précitées de l'article 4 de la loi déférée relatives au seuil nécessaire à une liste pour se maintenir de façon autonome au second tour, il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs dirigés contre ces dispositions et notamment celui tiré de l'atteinte au principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions ;

12. Considérant, en second lieu, que, s'il est loisible au législateur, lorsqu'il fixe les règles électorales relatives aux conseils régionaux, d'introduire des mesures tendant à inciter au regroupement des listes en présence, en vue notamment de favoriser la constitution d'une majorité stable et cohérente, il ne peut le faire qu'en respectant le pluralisme des courants d'idées et d'opinions, lequel est un des fondements de la démocratie ;

13. Considérant, à cet égard, que le seuil de 5 % des suffrages exprimés au premier tour pour avoir la possibilité de fusionner avec une autre liste au second tour, seuil déjà retenu par d'autres dispositions du code électoral lorsqu'il s'agit d'assurer la conciliation entre représentation proportionnelle et constitution d'une majorité stable et cohérente, ne porte atteinte par lui-même ni au pluralisme des courants d'idées et d'opinions, ni à l'égalité devant le suffrage, ni à la liberté des partis politiques ;

14. Considérant qu'il s'ensuit que les dispositions subsistantes du a) du 2° de l'article 4 ne sont pas contraires à la Constitution ;

. En ce qui concerne l'article 3 :

15. Considérant que les sénateurs requérants soutiennent que les dispositions de l'article L. 338-1 inséré dans le code électoral par l'article 3 et relatif au nouveau mode d'élection des conseillers régionaux ne répondent pas à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la loi ; que, selon eux, ce mode de scrutin rendra difficile pour l'électeur la mesure de la portée de son vote ; que le candidat placé en tête de liste pour la région pourrait ne pas être placé en tête de liste d'une section départementale, voire ne pas figurer en rang utile pour être élu, ce qui pourrait permettre des manoeuvres de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 338 du code électoral modifié par l'article 2 de la loi déférée : « Les conseillers régionaux sont élus dans chaque région au scrutin de liste à deux tours, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation. Chaque liste est constituée d'autant de sections qu'il y a de départements dans la région... » ; que le même article attribue à la liste arrivée en tête au tour décisif une prime majoritaire égale au quart des sièges à pourvoir ; que le nouvel article L. 338-1 dispose : « Les sièges attribués à chaque liste en application de l'article L. 338 sont répartis entre les sections départementales qui la composent au prorata des voix obtenues par la liste dans chaque département. Cette attribution opérée, les sièges restant à attribuer sont répartis entre les sections départementales selon la règle de la plus forte moyenne... » ;

17. Considérant, en premier lieu, que la complexité que revêt ce mode de scrutin, s'agissant en particulier de la répartition des sièges entre sections départementales, trouve son origine dans la conciliation que le législateur a voulu opérer entre la représentation proportionnelle dans le cadre d'un vote régional, la constitution d'une majorité politique au sein du conseil régional et la restauration d'un lien entre conseillers régionaux et départements ; que cette complexité répond à des objectifs que le législateur a pu regarder comme d'intérêt général ;

18. Considérant, toutefois, qu'il incombera aux autorités compétentes de prévoir toutes dispositions utiles pour informer les électeurs et les candidats sur les modalités du scrutin et sur le fait que c'est au niveau régional que doit être appréciée la représentativité de chaque liste ; qu'il leur appartiendra en particulier d'expliquer que le caractère régional du scrutin et l'existence d'une prime majoritaire peuvent conduire à ce que, dans une section départementale donnée, une formation se voie attribuer plus de sièges qu'une autre alors qu'elle a obtenu moins de voix dans le département correspondant ; qu'il leur reviendra également d'indiquer que le mécanisme de répartition retenu peut aboutir, d'une élection régionale à la suivante, à la variation du nombre total de sièges attribués à une même section départementale ;

19. Considérant, enfin, que, pour assurer la bonne information de l'électeur et éviter par là une nouvelle augmentation de l'abstention, le bulletin de vote de chaque liste dans chaque région devra comprendre le libellé de la liste, le nom du candidat tête de liste et, répartis par sections départementales, les noms de tous les candidats de la liste ;

20. Considérant que, sous les réserves énoncées aux considérants 18 et 19, la loi déférée n'est pas contraire à l'objectif constitutionnel d'intelligibilité de la loi ;

21. Considérant, en second lieu, que la loi ne favorise pas par elle-même les manoeuvres électorales ; qu'il appartiendrait au juge de l'élection, saisi d'un tel grief, d'apprécier si la désignation comme tête de liste régionale d'un candidat qui ne serait pas placé en rang utile pour être élu a ou non altéré, dans les circonstances de l'espèce, la sincérité du scrutin ;

. En ce qui concerne l'article 9 :

22. Considérant que le premier alinéa de l'article L. 346 du code électoral, dans la rédaction que lui donne l'article 4 de la loi déférée, impose, pour les élections régionales, que les listes des candidats des sections départementales soient composées alternativement d'un candidat de chaque sexe ; que l'article 9 de la loi déférée, tout en modifiant sur certains points les règles relatives à l'Assemblée de Corse, n'étend pas ces modalités à l'élection de ladite assemblée ; que sont ainsi maintenues pour celle-ci les dispositions de l'article L. 370 du code électoral en vertu desquelles : « Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. Au sein de chaque groupe entier de six candidats dans l'ordre de présentation de la liste doit figurer un nombre égal de candidats de chaque sexe » ;

23. Considérant que les députés et sénateurs requérants dénoncent une atteinte au principe d'égalité dans cette différence de traitement ;

24. Considérant que l'article 3 de la Constitution dispose, en son cinquième alinéa, que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » ;

25. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

26. Considérant que, compte tenu de leurs compétences, de leur place dans l'organisation décentralisée de la République et de leurs règles de composition et de fonctionnement, l'Assemblée de Corse et les conseils régionaux ne se trouvent pas dans une situation différente au regard de l'objectif inscrit au cinquième alinéa de l'article 3 de la Constitution ; qu'aucune particularité locale, ni aucune raison d'intérêt général, ne justifie la différence de traitement en cause ; qu'ainsi, celle-ci est contraire au principe d'égalité ;

27. Considérant, toutefois, que le Conseil constitutionnel ne pourrait mettre fin à cette rupture d'égalité qu'en censurant les nouvelles dispositions de l'article L. 346 du code électoral ; qu'une telle censure méconnaîtrait la volonté du constituant de voir la loi favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ;

28. Considérant, que, dans ces conditions, l'article 9 de la loi déférée ne peut être déclaré contraire à la Constitution ; qu'il appartiendra à la prochaine loi relative à l'Assemblée de Corse de mettre fin à cette inégalité ;

. En ce qui concerne l'article 10 :

29. Considérant qu'en application de l'article L. 280 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi du 19 janvier 1999 susvisée, les sénateurs sont élus par un collège électoral composé notamment de conseillers régionaux ou de conseillers de l'Assemblée de Corse dont la répartition par département est décidée dans le mois qui suit leur élection, selon les modalités fixées aux articles L. 293-1 à L. 293-3 du même code ; que l'article 10 de la loi déférée se borne à modifier l'article L. 280 pour prévoir que le collège électoral procédant à l'élection des sénateurs comprend, dans chaque département, les conseillers régionaux de la section départementale correspondante ;

30. Considérant que les sénateurs requérants exposent qu'en raison du mécanisme retenu par le titre I er de la loi déférée pour l'élection des conseillers régionaux dans le cadre de sections départementales, la composition et l'effectif de chaque collège départemental d'électeurs sénatoriaux varieraient « sans véritable lien avec les rapports de force politiques établis au niveau de chaque section départementale » ; qu'ils soutiennent qu'une telle variation méconnaîtrait l'objectif d'intelligibilité de la loi, les principes d'égalité du suffrage et de pluralisme des courants d'idées et d'opinions, ainsi que les dispositions de l'article L.O. 274 du code électoral fixant le nombre de sénateurs élus dans le département ;

31. Considérant que les règles de calcul prévues par le nouvel article L. 338-1 du code électoral peuvent avoir pour effet de faire varier de quelques unités l'effectif du collège électoral sénatorial de chaque département, d'une élection régionale à l'autre ; qu'en outre, elles peuvent exercer un effet limité sur sa composition politique en raison principalement de la prime majoritaire instituée par l'article L. 338 ;

32. Considérant que, s'ils se produisent, ces effets ne porteront que sur une faible fraction des conseillers régionaux appartenant à chaque section départementale ; que, de plus, les conseillers régionaux constituent eux-mêmes une part réduite des collèges électoraux pour l'élection des sénateurs ; que, dès lors, il était loisible au législateur de substituer les règles critiquées aux dispositions antérieures sans méconnaître, s'agissant des élections sénatoriales, ni l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la loi, ni le principe d'égalité devant le suffrage, ni le pluralisme des courants d'idées et d'opinions ;

33. Considérant que manque en fait le moyen tiré de la violation de l'article L.O. 274 du code électoral qui a pour seul objet de fixer le nombre des sénateurs élus dans les départements ;

34. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens dirigés contre l'article 10 doivent être écartés ;

- Sur les dispositions relatives à l'élection des membres du Parlement européen :

. En ce qui concerne le grief tiré d'une atteinte à l'indivisibilité de la République et à l'unicité du peuple français :

35. Considérant que les sénateurs requérants critiquent la création, par les articles 14 et 15 de la loi déférée, de huit circonscriptions ; qu'ils font valoir que seul un ressort unique s'étendant à l'ensemble du territoire national respecterait le principe d'indivisibilité de la République et permettrait aux membres du Parlement européen élus en France de représenter le peuple français dans sa totalité ;

36. Considérant qu'aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences » ; qu'en vertu des dispositions de l'article 17-1 du traité instituant la Communauté européenne résultant du traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992 et ratifié avec l'autorisation du peuple français : « Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. » ; que ces dispositions ont été ainsi précisées par le traité signé le 2 octobre 1997 à Amsterdam : « La citoyenneté de l'Union complète la citoyenneté nationale et ne la remplace pas » ; que, selon l'article 19-2 du traité instituant la Communauté européenne, « tout citoyen de l'Union résidant dans un État membre dont il n'est pas ressortissant a le droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen dans l'État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État » ;

37. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les membres du Parlement européen élus en France le sont en tant que représentants des citoyens de l'Union européenne résidant en France ;

38. Considérant, par suite, que doivent être rejetés comme inopérants les moyens tirés de l'atteinte au principe d'indivisibilité de la République énoncé par l'article 1 er de la Constitution, et de l'atteinte au principe de l'unicité du peuple français proclamé par le Préambule de la Constitution de 1958 ;

. En ce qui concerne le grief tiré de la violation du principe d'universalité du suffrage :

39. Considérant que, par son article 28, la loi déférée abroge l'article 23 de la loi susvisée du 7 juillet 1977, en vertu duquel les Français établis hors d'un État membre de l'Union européenne et inscrits sur les listes des centres de vote pour l'élection du Président de la République étaient admis à voter dans ces centres pour l'élection au Parlement européen ; que les députés requérants estiment que cette abrogation prive purement et simplement les intéressés de leur droit de vote à cette élection, en violation du principe d'universalité du suffrage ;

40. Considérant toutefois que l'article L. 12 du code électoral ouvre aux Français établis hors de France le droit d'être inscrits, à leur demande, sur la liste électorale de la commune de leur naissance, de leur dernier domicile, de leur dernière résidence ou de celle où est né, est inscrit ou a été inscrit un de leurs ascendants, ou encore sur la liste électorale où est inscrit un de leurs descendants au premier degré ; qu'en outre, l'article L. 14 du même code leur permet, le cas échéant, de demander à être inscrits sur la même liste électorale que leur conjoint ; que ces dispositions sont de nature à permettre aux Français établis hors de l'Union européenne de participer à l'élection au Parlement européen ; que le grief doit être dès lors écarté ;

. En ce qui concerne les griefs tirés d'atteintes à la liberté et au pluralisme :

41. Considérant que, selon les deux saisines, le remplacement d'un ressort national unique par huit circonscriptions réduirait les chances des candidats qui n'appartiennent pas aux grandes formations politiques, portant ainsi à la liberté des électeurs et au pluralisme des courants d'idées et d'opinions une atteinte qui ne serait justifiée par aucun motif d'intérêt général ;

42. Considérant que la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne lui revient donc pas de rechercher si l'objectif que s'est assigné le législateur aurait pu être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif poursuivi ; qu'en l'espèce, le législateur a entendu concilier, d'une part, la recherche d'une plus grande proximité entre les électeurs et leurs élus et, d'autre part, la représentation des divers courants d'idées et d'opinions ; que la conciliation ainsi opérée n'est pas entachée d'erreur manifeste ; que le grief doit être par suite écarté ;

. En ce qui concerne le grief tiré d'une atteinte au principe d'égalité :

43. Considérant, d'une part, que, contrairement aux affirmations des sénateurs requérants, les critères sur lesquels repose la délimitation des circonscriptions établies par la loi déférée ne sont entachés d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

44. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article 4 de la loi du 7 juillet 1977 susvisée, dans la rédaction que leur donne l'article 15 de la loi déférée, que la répartition des sièges entre circonscriptions reposera sur des bases essentiellement démographiques, révisées après chaque recensement général de la population ; que les députés requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que l'égalité devant le suffrage serait rompue ;

. En ce qui concerne le grief tiré d'une atteinte au principe de parité :

45. Considérant que les députés requérants font valoir que la création de circonscriptions aura également pour effet de réduire le nombre de sièges obtenus par chaque liste en présence ; que nombreuses seront les listes qui n'obtiendront qu'un siège et qu'il en « résultera nécessairement... un déséquilibre important entre hommes et femmes en termes d'élus » ; que, de ce fait, l'écart actuellement constaté au profit des élus masculins pourrait s'en trouver accru ; que la loi méconnaîtrait, à cet égard, le cinquième alinéa de l'article 3 de la Constitution ;

46. Considérant que les dispositions critiquées n'ont ni pour objet ni, par elles-mêmes, pour effet de réduire la proportion de femmes élues en France au Parlement européen ; que le législateur a maintenu la règle de l'alternance entre candidats féminins et masculins sur les listes de candidats qui prévalait sous l'empire des dispositions précédentes ; que, par suite, le grief manque en fait ;

47. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution,

D É C I D E :

Article premier .- Sont déclarés contraires à la Constitution, au a ) du 2° de l'article 4 de la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, les mots : « " 5 % du total des suffrages exprimés " et », « respectivement » et « " 10 % du nombre des électeurs inscrits" et ».

Article 2 .- Sous les réserves énoncées aux considérants 18 et 19, les autres dispositions de la même loi critiquées par l'une ou l'autre saisine ne sont pas déclarées contraires à la Constitution.

Article 3 .- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 avril 2003, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Pierre JOXE, Pierre MAZEAUD, Mmes Monique PELLETIER, Dominique SCHNAPPER et Simone VEIL.

* 1 Cf. la décision du Conseil constitutionnel en annexe.

* 2 L'importance, au regard de l'article 39 de la Constitution, de la consultation du Conseil d'Etat sur les projets de loi a été précisée par le Conseil constitutionnel dans les considérants 3 à 6 de sa décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990.

* 3 Décision n° 85-198 DC du 13 décembre 1985.

* 4 Décision n° 85-197 DC du 23 août 1985 - Loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie.

* 5 Les détails de ce dispositif sont analysés dans le rapport Sénat n° 192 (2002-2003).

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