2. Une situation économique et sociale difficile

La situation financière de l'Algérie s'est assainie mais elle ne s'est pas accompagnée d'une reprise suffisante de l'activité pour enrayer la montée des tensions sociales.

. L'assainissement de la situation financière

L'Algérie a profité de la fermeté des cours du pétrole pour poursuivre l'assainissement de sa situation financière, en préservant une politique budgétaire prudente. Ainsi, l'excédent global du Trésor a atteint 4,2 % du PIB en 2001 (10 % en 2000). Les recettes pétrolières ont également fortement contribué au redressement de la situation externe de l'Algérie. Le compte courant était en excédent de 12,4 % du PIB en 2001, tandis que le solde du compte de capital, traditionnellement déficitaire, s'est légèrement amélioré. Les autorités algériennes ont affecté cet afflux de devises d'une part à la reconstitution du stock de réserves de change qui est passé de 4,6 mois d'importations en 1999 à 18 mois en 2001, et d'autre part à la création d'un fonds de stabilisation des recettes , dont l'encours était de 3,3 milliards de dollars à fin 2001.

En outre, les autorités algériennes ont mené des politiques monétaires et de change très prudentes . Une baisse progressive des taux directeurs a accompagné le ralentissement de l'inflation (4,3 % en 2001 contre 30 % en 1995) tandis que la gestion du change pratiquée par la Banque Centrale a permis de stabiliser le taux de change réel effectif et de faire converger progressivement la devise vers son cours sur le marché parallèle. Cette politique vertueuse, associée aux bénéfices d'une restructuration de la dette extérieure par le Club de Paris et par le Club de Londres en 1995, a permis de réduire la vulnérabilité de l'économie algérienne et de créer des conditions favorables à une reprise de la croissance.

. Une croissance trop faible et trop dépendante du secteur pétrolier

Depuis plusieurs années, l'activité , tirée par la conjoncture pétrolière et les investissements domestiques et étrangers est plus dynamique (taux de croissance annuel moyen de 3,4 % entre 1998 et 2001). La croissance pour 2002 serait d'environ 3 %, tirée par des revenus plus élevés que prévu du secteur des hydrocarbures. Toutefois, elle reste très insuffisante pour permettre une baisse significative du chômage , surtout chez les jeunes.

Malgré une croissance dynamique du secteur privé , en particulier dans le secteur industriel (+ 4,5 % sur 2001), l'économie algérienne est pénalisée par la prédominance d'un secteur public peu productif . Les banques publiques, qui rassemblent 90 % du total des actifs bancaires en Algérie, connaissent une situation financière délicate malgré les opérations successives de recapitalisation et d'apurement des créances non performantes sur les entreprises publiques. Elles souffrent d'une faible profitabilité et leur solvabilité est grevée par un niveau de prêts non-performants élevé. L'impact des mesures de soutien au secteur bancaire public est considérable dans la situation de la dette publique interne de l'Algérie. Si la dette courante de l'Etat ne représente que 8,3 % de la dette publique interne au 31 décembre 2001 (83,4 Mds DA sur 999,4 Mds), la dette d'assainissement des banques publiques représente en revanche près de 56 % du total.

L'enjeu principal pour le gouvernement algérien est donc de favoriser une croissance forte, intensive en main d'oeuvre, mais il ne dispose, pour cela, que de marges de manoeuvre très limitées.

Le gouvernement a mis en place un plan de relance de l'économie pour répondre au mécontentement social grandissant : il prend la forme d'un plan de relance budgétaire qui prévoit une reprise des dépenses d'investissement de l'Etat pour un montant total d'environ 6,9 milliards de dollars sur la période 2001-2004. Cependant, ce plan de relance repose sur la capacité des autorités algériennes à dégager des recettes suffisantes pour le financer. Son exécution sera donc soumise à la stabilité des recettes pétrolières, qui représentaient 65 % des recettes budgétaires en 2001.

En outre, les réformes structurelles progressent trop lentement . Quelques progrès ont été accomplis, comme en témoignent les lois adoptées sur les télécommunications, le transport, les mines, les ordonnances prises en août 2001 sur la privatisation et l'investissement et la signature de l'accord d'association avec l'Union Européenne. Cependant, la politique de privatisation et d'appel aux investissements étrangers se heurte à de très fortes résistances .

Cette évolution est d'autant plus regrettable que l'urgence d'une accélération dans le rythme des réformes structurelles se fait de plus en plus sentir . La priorité est, en premier lieu, la poursuite de la restructuration et de la privatisation des entreprises publiques et du secteur bancaire. Le développement d'un environnement plus favorable à l'investissement privé, notamment étranger, est également nécessaire : ainsi, la dérégulation du secteur énergétique, en distinguant les fonctions de régulateur et d'opérateur (toutes deux aujourd'hui remplies par SONATRACH) devrait accroître l'attractivité de l'Algérie pour les investissements étrangers. De même, il serait souhaitable d'abroger la disposition qui interdit, dans certains secteurs stratégiques (secteur bancaire, industrie cimentière), une prise de participation majoritaire par le secteur privé.

. La question de l'accession à l'OMC

L'accession de l'Algérie à l'OMC est sans doute l'une des conditions de la relance de l'économie en raison de l'ouverture et des réformes qu'elle implique. Un groupe de travail sur son accession a été constitué et s'est réuni à cinq reprises à l'OMC depuis avril 1998. Des discussions bilatérales se tiennent par ailleurs entre l'Algérie et les principaux membres de l'OMC en marge ou en préparation des réunions du groupe de travail. La dernière réunion bilatérale entre l'Algérie et la Commission européenne s'est tenue le 18 février.

L'accession de l'Algérie est envisagée à l'horizon 2005 en fonction du rythme de ses réformes économiques. Les autorités algériennes reconnaissent elles même les nombreux obstacles techniques à surmonter. Peu de progrès ont en effet été enregistrés ces derniers mois, notamment en terme d'adaptation du droit interne et des offres tarifaires, et l'offre algérienne est encore jugée peu satisfaisante à l'OMC. L'Algérie est notamment attachée à son système de soutien à l'agriculture, et entretient sur ce volet un dialogue difficile avec les pays du groupe de Cairns, en particulier l'Australie.

Des avancées sont en revanche intervenues en matière de services, sous l'impulsion du ministère algérien du commerce. La France a particulièrement veillé à ce que l'offre initiale de libéralisation des services de l'Algérie ne comporte pas de volet audiovisuel et culturel, pour que l'Algérie conserve la capacité de mettre en oeuvre des politiques publiques de soutien à la diversité culturelle. La France a aussi récemment demandé à l'Algérie de déposer des exemptions à la clause de la nation la plus favorisée qui lui permettront de maintenir et de développer des relations privilégiées en matière audiovisuelle.

. Une situation sociale dégradée

La gravité de la situation sociale s'explique essentiellement par l'appauvrissement de la majorité de la population, le PIB par habitant ayant été divisé par deux entre 1990 et 2002 et passant de 3 524 dollars en 1990 à 1 600 dollars aujourd'hui , en raison d'une croissance démographique (1,6 % par an environ) supérieure à celle du PIB (0,5 % en moyenne sur les dix dernières années). Plus de 190 000 ménages, soit environ 1,6 million de personnes (5,7 % de la population) vivraient en deçà du seuil de pauvreté alimentaire, évalué à 185 € par an.

L'application du programme d'ajustement structurel, de 1994 à 1997, a en outre provoqué l'accélération de la progression du chômage , passant de 1,7 million de chômeurs en 1994 à 2,1 millions en 1999, soit 27,8 % de la population active . Les jeunes sont plus particulièrement touchés par ce phénomène.

De plus, le système algérien de sécurité sociale ne paraît pas en mesure d'endiguer la montée de l'exclusion , même si les autorités algériennes ont décidé l'augmentation à compter du 1er janvier 2001 du salaire national minimum garanti de 33 % (revalorisé à 8 000 dinars/mois, soit environ 123 €) et des salaires de la fonction publique de 15 %. L'Algérie consacre au total plus de 7 % de son PIB aux dépenses d'action sociale et de transferts sociaux . Les dispositifs de sécurité sociale semblent toutefois montrer leurs limites . Moins de 80 % des Algériens sont assurés contre les risques maladie, vieillesse, accident du travail et chômage. Plus du tiers des assurés sont des inactifs, chômeurs ou retraités. De nombreuses personnes en situation de grande précarité ne sont pas couvertes par ces dispositifs. Les inégalités tendent également à se creuser, l'écart de revenus entre les plus riches et les plus pauvres étant désormais de 1 à 10.

De même, si le niveau moyen d'éducation s'est amélioré (le taux de scolarisation des enfants entre 6 et 15 ans atteint aujourd'hui près de 90 %), l'école publique algérienne souffre aujourd'hui d'une crise profonde, ce qu'illustre le développement d'écoles privées interdites par la loi mais tolérées en pratique. Une commission nationale de réforme du système éducatif a d'ailleurs été mise en place en mai 2002 par le Président Bouteflika.

Enfin, la question du déficit de logements sociaux avive les mécontentements (le taux d'occupation des logements atteint 7,3 personnes par logement).

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